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Date : 20140407


Dossier :

T-1790-10

Référence : 2014 CF 338

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 7 avril 2014

En présence de monsieur le juge Mosley

ENTRE :

DEVERYN DONALD ALEXANDER ROSS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA JUSTICE

ET

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Dans une décision rendue le 29 septembre 2010, le ministre de la Justice a refusé de faire droit au recours présenté par le demandeur en vertu de l’article 696.1 du Code criminel, LRC 1985, c C‑42 [le Code] relativement à deux déclarations de culpabilité pour fraude prononcées en 1995 et qui ont été confirmées en appel en 1996. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision du ministre aux termes du paragraphe 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. Voici les motifs pour lesquels j’ai décidé de faire droit à la demande et de renvoyer l’affaire au ministre pour réexamen.

I.                   CONTEXTE

[2]               Les événements factuels ayant abouti aux déclarations de culpabilité pour fraude du demandeur sont complexes et toujours contestés. Il n’est pas nécessaire de les examiner en détail aux fins de la présente décision. Le bref résumé qui suit servira uniquement de mise en contexte à l’analyse des questions que soulève la présente demande. Les présents motifs ne doivent aucunement être considérés comme un jugement sur la culpabilité ou l’innocence de M. Ross, question qui a été tranchée par la Cour du Banc de la Reine du Manitoba à la suite d’un procès et a fait l’objet d’un appel devant la Cour d’appel du Manitoba.

[3]               En 1990, le demandeur, qui exerçait la profession d’avocat à Brandon, en Manitoba, s’est associé à deux de ses clients, MM. William Knight et Sheldon Gray, représentants en fonds communs de placement, pour lancer la franchise Perkins Family Restaurant. Ils ont convenu de vendre des « unités » à un prix de 25 000 $ chacune, sous forme d’un partenariat baptisé « Perkins Limited Partnership » (PLP). La plupart des investisseurs ayant adhéré à ce projet étaient des personnes âgées et peu instruites, à qui l’on a assuré que leurs investissements étaient garantis et leur procureraient un rendement de neuf pour cent. MM. Knight et Gray ont remis à M. Ross des formulaires signés par chacun des investisseurs, documents censés attester que ces derniers avaient l’expérience requise pour évaluer leurs placements et qu’ils avaient été invités à obtenir un avis juridique indépendant. Or, selon la preuve présentée, ces déclarations étaient fausses.

[4]               Trente-quatre unités ont été vendues durant le printemps et l’été de 1990, pour une valeur totale de 850 000 $. MM. Ross, Knight et Gray se sont attribué douze unités du projet, quatre chacun, sans frais, car elles ont été payées avec le capital des investisseurs. Chacun d’entre eux a revendu deux unités à des investisseurs en 1990. M. Ross a revendu deux autres unités au printemps 1991, à raison de 25 000 $ par unité. L’une d’entre elles était au nom de son épouse et l’autre au nom de celle de M. Gray. Au procès, la Cour a découvert que M. Ross avait dit à M. Gray qu’il avait vendu cette seconde unité au prix réduit de 15 000 $ et qu’il avait empoché la différence de 10 000 $ par rapport au prix de vente réel. L’investisseur acquéreur, un certain M. Simpson, a témoigné qu’il croyait acheter les unités à un autre investisseur et non aux responsables du projet.

[5]               À la fin juillet 1990, il est devenu manifeste qu’il manquait au moins 300 000 $ au budget nécessaire à la construction et à l’équipement du restaurant. M. Ross a créé une seconde société en commandite, la société à numéro 2613981 (261), laquelle a obtenu un nouveau prêt bancaire de la CIBC d’une valeur de 400 000 $, garanti par la totalité des actifs de PLP. M. Ross a transféré les actifs de PLP à 261, sans en aviser les investisseurs. Son avocat a soutenu au procès qu’il comptait sur MM. Knight et Gray pour tenir les investisseurs informés en tout temps, mais la Cour a rejeté cet argument.

[6]               Le projet a commencé à péricliter en novembre 1991. Le restaurant n’était pas aussi populaire que prévu et ses revenus ont décliné. Lorsque le loyer de l’immeuble n’a pas été payé, la CIBC a rappelé le prêt. La banque a demandé la mise en faillite de la société 261 en juin 1992. Les actifs restants ont été vendus par le séquestre contre un montant de 185 000 $ dont la banque et les investisseurs se sont disputé le partage.

[7]               La Commission des valeurs mobilières du Manitoba (CVMM) a lancé une enquête. Une action civile a été intentée contre MM. Knight et Gray. En septembre 1994, ces derniers ont plaidé coupables à des accusations portées en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières du Manitoba. À la suite d’une enquête criminelle, neuf chefs d’accusation de fraude ont été portés contre M. Ross. Son procès, qui a duré six semaines, a eu lieu en avril-mai 1995 devant un juge et sans jury. La poursuite a appelé 39 témoins et la défense, aucun. La Couronne alléguait ce qui suit : M. Ross avait dévalisé les actifs de la société en autorisant la vente des unités qui avaient été attribuées sans être financées (six chefs de fraude); il avait vendu deux unités à M. Simpson par des moyens frauduleux; il n’avait pas informé M. Simpson de l’existence de la seconde société, du prêt bancaire et du transfert des actifs de PLP (le septième chef) à 261; il n’avait pas divulgué l’insuffisance du budget, le nouveau prêt bancaire et le transfert des actifs de PLP aux investisseurs de cette société (le huitième chef); enfin, il avait fraudé la succursale CIBC de Brandon (le neuvième chef).

[8]               M. Ross a été acquitté des six premières accusations. Le juge du procès a estimé qu’il s’était peut-être montré négligent, égoïste et cynique en s’arrangeant pour empocher une si grande part des bénéfices de l’entreprise, mais que cela ne constituait pas de la fraude. Il a été déclaré coupable des septième et huitième chefs d’accusation pour avoir dissimulé des renseignements aux investisseurs. Il a été acquitté de la dernière accusation, puisque dans une lettre adressée à la CIBC, dont un directeur a reconnu qu’il pouvait l’avoir reçue, M. Ross révélait la relation entre PLP et 261.

[9]               L’appel de M. Ross a été instruit en décembre 1995 et rejeté le 9 janvier 1996. La Cour d’appel du Manitoba a conclu que M. Ross était sans aucun doute le principal organisateur de ce stratagème. Il a été condamné à dix-huit mois de prison et radié de la Société du Barreau du Manitoba le 15 avril 1996. Il n’a pas demandé l’autorisation d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada.

[10]           Après sa remise en liberté, avec l’aide d’un enquêteur privé qui a réinterrogé certains des témoins du procès, M. Ross a entrepris de recueillir des éléments de preuve afin de contester ses déclarations de culpabilité. Un journaliste s’est également intéressé à l’affaire et a fait quelques recherches.

[11]           Le 26 mai 2004, M. Ross a déposé une demande en vertu de l’article 696.1 du Code pour que ces deux déclarations de culpabilité fassent l’objet d’une révision ministérielle. Il invoquait à l’appui la non-divulgation d’importants éléments de preuve au procès, dont certains étaient connus de la Couronne en 1995, et l’existence de nouveaux éléments censés discréditer la déposition de certains témoins. Les aveux de culpabilité détaillés de MM. Knight et Gray à la Commission des valeurs mobilières du Manitoba (l’entente de règlement) de même qu’un accord conclu avant le procès entre M. Knight, M. Gray et les investisseurs relativement à une action contre M. Ross pour faute professionnelle (l’accord de cession) constituaient deux éléments de preuve capitaux non dévoilés. MM. Knight et Gray ont convenu de remettre aux investisseurs toutes les sommes accordées par le Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de la Société du Barreau du Manitoba pour les dédommager de leurs pertes. M. Knight avait aussi remboursé un investisseur avant le procès. De plus, au cours d’entretiens téléphoniques avec le journaliste, M. Dan Lett, et l’enquêteur privé, M. Brian Savage, dans les années qui ont suivi le procès, M. Simpson avait fait des déclarations qui contrediraient son témoignage d’alors concernant la propriété des unités additionnelles qu’il avait achetées du demandeur.

[12]           M. Ross et son avocat à l’époque du procès, M. Timothy Killeen, ont déclaré à l’appui de la demande qu’ils auraient adopté une tout autre stratégie de défense si ces informations leur avaient été communiquées. M. Ross aurait témoigné pour sa propre défense et l’avocat aurait attaqué plus agressivement la crédibilité des témoins. Au lieu de cela, affirme M. Killeen, il a évité exprès de mettre en doute le témoignage des investisseurs âgés, de peur de paraître trop dur à l’endroit des victimes. De plus, s’il avait détenu ces renseignements, il aurait probablement choisi de contester la version des faits avancée par MM. Knight, Gray et Simpson en faisant témoigner M. Ross.

[13]           Au moment où la demande de contrôle a été soumise, M. Paul Jensen, qui était procureur du Manitoba lors du procès de 1995, était devenu avocat principal au Service fédéral des poursuites (SFP), qui a été remplacé par le Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), créé le 12 décembre 2006. En 2004, le SFP faisait partie du ministère de la Justice, tout comme le Groupe de la révision des condamnations criminelles (GRCC), dont le rôle est d’assister le ministre dans l’exercice de sa compétence en matière de révision. Même si le SFP rend des comptes par des voies ministérielles au procureur général du Canada, ce dernier occupe aussi la fonction de ministre de la Justice. En raison des conflits d’intérêts qu’une telle situation pouvait créer, un procureur principal de la défense membre du barreau d’Alberta, M. Alex Pringle, c.r., a été chargé de mener l’enquête et de donner son avis au ministre.

[14]           M. Pringle a examiné les dossiers de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba, du ministère de la Justice de cette province, du Service de police de Brandon et de la GRC, il a fait déposer sous serment des témoins et a constitué un dossier documentaire volumineux sur ce qui s’était avéré une enquête et une poursuite assez complexes en matière de fraude.

[15]           Le 15 mai 2008, M. Pringle a remis à l’avocat du demandeur et au ministère de la Justice du Manitoba un document intitulé [traduction] « Rapport d’enquête » (le premier rapport d’enquête). Ceux-ci lui ont soumis en réponse des observations écrites détaillées. M. Jensen a rédigé la réponse au premier rapport d’enquête au nom du ministère de la Justice, même s’il n’en était plus alors l’employé.

[16]           Le 22 juin 2009, M. Pringle adressait ses conclusions et recommandations finales au ministre dans un document intitulé [traduction] « Rapport d’enquête final » : il estimait qu’il avait [traduction] « des motifs raisonnables de conclure qu’il existait une “possibilité raisonnable” que [M.] Ross aurait rendu un témoignage si les ententes de règlement avaient été communiquées à M. Killeen. » M. Pringle ajoutait [traduction] « [qu’]il existait une possibilité raisonnable que M. Killeen aurait changé d’approche pour le contre-interrogatoire des investisseurs » si l’accord de cession avait été divulgué à la défense. Ce faisant, M. Pringle a exposé son interprétation de la jurisprudence pertinente touchant le droit à un procès équitable.

[17]           Le rapport d’enquête final n’a pas été divulgué au demandeur avant la présente instance, malgré les requêtes de son avocat en ce sens. Le 29 septembre 2010, le ministre a refusé la demande visant l’annulation des déclarations de culpabilité.

[18]           M. Ross a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision ministérielle le 28 octobre 2010, en invoquant trois motifs. Premièrement, le ministre avait commis une erreur de droit en concluant que, malgré l’importance des questions de non-divulgation et de crédibilité des témoins, le facteur décisif était l’éventuelle issue du procès si la communication s’était effectuée en bonne et due forme. Deuxièmement, la participation au processus de révision de M. Jensen, qui était procureur de la Couronne au procès de M. Ross, créait une impression inacceptable de partialité. Troisièmement, le fait que le ministre n’ait pas divulgué la version finale du rapport d’enquête avant de rendre sa décision constituait un manquement à l’équité procédurale.

II.                DÉCISION SOUS CONTRÔLE

[19]           Dans sa décision, le ministre a indiqué qu’il n’était pas convaincu qu’il existait des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite. Il a passé en revue la demande, les rapports d’enquête, tous les renseignements soumis au nom du demandeur, les motifs de la décision du juge du procès et le jugement rendu en appel. Il s’est ensuite penché sur le fondement des déclarations de culpabilité : il a estimé que le doute jeté sur certains des témoignages n’invalidait pas nécessairement les conclusions factuelles tirées durant le procès et n’était pas si déterminant quant aux déclarations de culpabilité au point qu’il entraînait probablement une erreur judiciaire. D’après le ministre, les autres éléments de preuve suffisaient pour maintenir les déclarations de culpabilité.

[20]           Quant aux documents non divulgués, le ministre a appliqué le critère jurisprudentiel en deux volets de Dixon/Taillefer (R c Dixon, [1998] 1 RCS 244 [Dixon]; R c Taillefer, 2003 CSC 70 [Taillefer]) suivant lequel le décideur doit déterminer : 1) si les renseignements ont eu un impact sur le verdict, et 2) s’il y a eu des conséquences sur la conduite de la défense et si l’accusé a été en mesure de présenter une défense pleine et entière. Le ministre n’a pas souscrit à la conclusion finale de M. Pringle selon laquelle il existait une possibilité raisonnable que M. Ross aurait mené sa défense différemment, estimant plutôt que les éléments non divulgués n’ont eu aucun impact à ce chapitre. C’est la thèse qu’a défendue M. Jensen. Le ministre s’est également rangé au point de vue de la Cour d’appel du Manitoba selon lequel M. Ross était le cerveau du stratagème d’investissement, si bien qu’une autre défense n’aurait pas entraîné une autre issue au procès.

III.             QUESTIONS EN LITIGE

[21]           Les dispositions pertinentes du Code et du Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires), DORS/2002-416, sont reproduites dans une annexe jointe aux présents motifs.

[22]           Dès le début des procédures, le demandeur a réclamé la production du rapport d’enquête final en application de l’article 317 des Règles des Cours fédérales. Le défendeur s’y est opposé au motif que le rapport contenait des renseignements visés par le secret professionnel de l’avocat. Lorsque la demande a été entendue devant la Cour, le demandeur a présenté une requête en vertu de l’article 318 des Règles afin d’obtenir des directives pour disposer de l’objection du ministre. J’ai ordonné au défendeur de déposer le rapport d’enquête final scellé, accompagné d’observations écrites appuyant le privilège invoqué. À la suite de l’audience, le ministre a décidé de publier le rapport d’enquête final, mais en caviardant les paragraphes 556, 567 et 606 à 613. Ayant examiné les observations additionnelles des parties sur la question du secret professionnel, j’ai maintenu la décision du ministre de caviarder ces paragraphes : Ross c Canada (Justice), 2013 CF 757.

[23]           Les paragraphes caviardés contiennent les recommandations que M. Pringle a adressées au ministre. Je les ai lues, mais elles n’ont pas été invoquées par le défendeur et ne sont pas entrées en ligne de compte dans ma décision.

[24]           Les parties ont été invitées à présenter des observations additionnelles après la communication de la version caviardée du rapport d’enquête final. Le demandeur a reconnu que les conclusions factuelles de ce rapport n’étaient pas très différentes de celles du premier rapport d’enquête et que, par conséquent, aucune exigence en matière de justice naturelle n’obligeait le défendeur à l’informer de nouvelles allégations de fait. Compte tenu de ce qui précède, j’estime que la question de l’équité procédurale découlant de la non-production du rapport d’enquête final est à présent devenue théorique, et je ne m’y attarderai pas davantage.

[25]           Dans ses observations écrites comme à l’audience, l’avocat du demandeur s’est reporté à la preuve documentaire versée au dossier et a fait valoir que M. Ross est de facto innocent des deux chefs de fraude dont il a été déclaré coupable. Il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur cette question et je n’ai pas l’intention d’examiner ces observations ou cette preuve. Je noterai toutefois que celle-ci sera peut-être recevable et pertinente si l’affaire est renvoyée à la Cour d’appel du Manitoba en vue d’un réexamen, ou si un nouveau procès est ordonné, deux options s’offrant au ministre de la Justice dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

[26]           Les questions qu’il reste à trancher en l’espèce sont les suivantes :

1.                  Quelles sont les normes de contrôle applicables?

2.                  Le ministre a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a appliqué le critère relatif à la révision ministérielle?

3.                  La participation de M. Jensen au processus de révision soulève-t-elle une crainte raisonnable de partialité?

IV.             ANALYSE

A.                Norme de contrôle

[27]           La Cour suprême du Canada a établi dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir], au paragraphe 57, que « la jurisprudence peut permettre de cerner certaines des questions qui appellent généralement l’application de la norme de la décision correcte. »

[28]           Il a été décidé que la décision du ministre concernant une demande de révision d’une condamnation est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Daoulov c Canada (Procureur général), 2008 CF 544, conf. par 2009 CAF 12; Jolivet c Canada (Procureur général), 2011 CF 806; Bilodeau c Canada (Procureur général), 2011 CF 886; Timm c Canada (Procureur général), 2012 CF 505).

[29]           Le demandeur a soutenu dès le début de l’instance que la norme de contrôle relative à l’application du critère juridique régissant les révisions ministérielles devrait être celle de la décision correcte, étant donné que la question de savoir ce qui constitue une « erreur judiciaire » est un problème de droit qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui transcende cette affaire précise. Cet argument a été rejeté par le juge Manson dans Walchuk c Canada (Ministre de la Justice), 2013 CF 958, [2013] ACF no 1030, aux paragraphes 20 et 21, s’appuyant sur Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] ACS no 36, aux paragraphes 48 à 50. Je souscris au raisonnement du juge Manson et conclus que je ne puis m’écarter de la jurisprudence ayant établi que la norme applicable était celle de la raisonnabilité.

[30]           Lorsqu’elle emploie cette norme, la Cour doit s’intéresser à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, et se demander aussi si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : arrêt Dunsmuir, précité, aux paragraphes 47, 51 et 53. Il n’appartient pas à la Cour de substituer son évaluation de la preuve ou des documents produits à celle du ministre. La question que doit trancher le tribunal de révision est de savoir si la décision, prise dans son ensemble et dans le contexte du dossier, est raisonnable : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 3.

[31]           Selon la jurisprudence, les questions d’équité procédurale, et particulièrement celle de savoir s’il existe une crainte raisonnable de partialité, doivent être contrôlées selon la norme de la décision correcte : Wheeldon c Canada (Procureur général), 2013 CF 144, au paragraphe 20; Tremblay c Canada (Procureur général), 2012 CF 1546, au paragraphe 16; Singh c Canada (MCI), 2013 CF 201, au paragraphe 36; Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes c Société canadienne des postes, 2012 CF 975, aux paragraphes 20 et 21. La déférence à l’égard du décideur n’est pas contesté : Ontario (Commissioner Provincial Police) c MacDonald, 2009 ONCA 805, 3 Admin LR (5th) 278, au paragraphe 37. Le rôle de la Cour est de déterminer si le processus suivi par le décideur satisfaisait au niveau d’équité requis dans toutes les circonstances : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43. En l’espèce, la Cour doit se demander si la participation de M. Jensen rendait le processus inéquitable.

B.                 Le ministre a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il appliqué le critère relatif à la révision ministérielle?

[32]           La demande sous-jacente adressée au ministre ne constituait pas un appel de plein droit sur le fond, mais visait à obtenir un recours extraordinaire. Les pouvoirs qui lui sont conférés au titre de la partie XXI.I du Code procèdent de la prérogative royale de clémence et sont hautement discrétionnaires : Bilodeau c Canada (Ministre de la Justice), 2009 QCCA 746, au paragraphe 25; McArthur c Ontario (Procureur général), 2012 ONCS 5773, au paragraphe 54. Lorsqu’il exerce ce pouvoir discrétionnaire, le ministre doit agir de bonne foi et effectuer un examen sérieux : Thatcher c Canada (Procureur général), [1996] ACF no 1261 (QL), [1997] 1 CF 289, au paragraphe 13.

[33]           Aux termes de l’article 696.4 du Code, le ministre prend sa décision en tenant compte de « tous les éléments qu’il estime se rapporter à la demande ». Cette formulation permet de préserver de façon générale le pouvoir discrétionnaire du ministre. Cependant, cet article énonce aussi certains facteurs qui doivent être tenus pour pertinents et qui circonscrivent de ce fait la portée de ce pouvoir. Les voici :

a) la question de savoir si la demande repose sur de nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux ou prises en considération par le ministre dans une demande précédente concernant la même condamnation ou la déclaration en vertu de la partie XXIV;

 

(a) whether the application is supported by new matters of significance that were not considered by the courts or previously considered by the Minister in an application in relation to the same conviction or finding under Part XXIV;

b) la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés relativement à la demande;

(b) the relevance and reliability of information that is presented in connection with the application; and

 

c) le fait que la demande présentée sous le régime de la présente partie ne doit pas tenir lieu d’appel ultérieur et les mesures de redressement prévues sont des recours extraordinaires.

(c) the fact that an application under this Part is not intended to serve as a further appeal and any remedy available on such an application is an extraordinary remedy.

[34]           Ces facteurs ne sont pas exhaustifs et le ministre est libre d’en examiner d’autres pour autant qu’ils soient pertinents au regard de l’objet de la Loi : Yu c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 819 [Yu], au paragraphe15. L’article 696.1 et les dispositions qui s’y rapportent visent à déterminer si une erreur judiciaire s’est probablement produite aux termes de l’alinéa 696.3(3)a).

[35]           La mention à l’alinéa 696.4a) de « nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux » reflète le libellé des directives adoptées en 1994 pour encadrer l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire en vertu de ce qui était alors l’article 690 du Code. Entre autres choses n’intéressant pas la présente demande, ces directives prévoyaient :

[traduction
4. Les demandes présentées en vertu de l’article 690 devraient généralement reposer sur de nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux ou qui ont surgi après qu’ ont été épuisées les vois d’appel conventionnelles.

5. Lorsque le demandeur est en mesure de présenter de « nouveaux éléments », le ministre les évalue en vue de déterminer leur fiabilité. À titre d’exemple, si de nouveaux éléments de preuve sont présentés, ils sont examinés pour qu’il soit déterminé s’ils sont raisonnablement dignes de foi eu égard à toutes les circonstances. Ces « nouveaux éléments » sont également étudiés pour qu’il soit déterminé s’ils sont pertinents quant à la question de la culpabilité. Le ministre doit en outre évaluer l’effet global des « nouveaux éléments » lorsqu’ils sont considérés de concert avec la preuve présentée au procès. À cet égard, l’une des questions importantes à se poser est la suivante : « Existe-t-il de nouveaux éléments de preuve pertinents quant au regard de la question de la culpabilité et raisonnablement dignes de foi qui, prises de concert avec la preuve présentée au procès, auraient raisonnablement pu avoir une incidence sur le verdict? »

6. Enfin, le demandeur qui se prévaut de l’article 690 n’est pas tenu, pour avoir gain de cause, de convaincre le ministre de son innocence ou de prouver de façon concluante qu’il y a effectivement eu erreur judiciaire. Le demandeur devra plutôt établir, compte tenu de l’analyse exposée précédemment, qu’il existe des motifs raisonnables permettant de conclure qu’il y a probablement eu erreur judiciaire.

Patricia Braiden et Joan Brockman, « Remedying Wrongful Convictions Through Applications to the Minister of Justice under Section 690 of the Criminal Code » (1999) 17 Windsor YB Access Just 3, à la p. 9.

[36]           Ces directives correspondent aux principes élaborés par les cours d’appel saisies d’allégations d’erreurs judiciaires et intégrés dans le processus de révision des déclarations de culpabilité. Ces directives n’étaient pas contraignantes, mais elles encadraient l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre et ont manifestement influencé la législation ultérieure adoptée par le Parlement : Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois, LC 2002, c 13, article 71, modifiant les dispositions sur la révision du Code.

[37]           En l’espèce, la question dont le ministre était saisi était de savoir, compte tenu des « nouveaux éléments » produits lors de l’enquête, s’il était raisonnable de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite. Au moment de l’examiner, le ministre a reconnu qu’il se laissait guider par les principes susmentionnés issus des cours d’appel, notamment ceux qui ont été élaborés après la rédaction des directives de 1994.

[38]           Dans l’affaire qui nous occupe, les nouveaux éléments consistaient à la fois en une nouvelle preuve qui n’était pas disponible au moment du procès du demandeur, et en une autre qui l’était, mais que la Couronne n’a divulguée ni au demandeur ni à son avocat.

1)                  La « nouvelle preuve »

[39]           Le critère requis pour tenir compte d’une nouvelle preuve en appel a été énoncé dans Palmer c La Reine, [1979] ACS no 126 (QL), [1980] 1 RCS 759 [Palmer]. La question est de savoir si la preuve, pourvu qu’elle soit jugée crédible, est si convaincante ou a une telle force probante qu’elle pouvait, compte tenu des autres éléments de preuve produits, affecter l’issue du procès. Il s’agit, en substance, du principe énoncé au point 5 des directives susmentionnées.

[40]           En l’espèce, la nouvelle preuve était composée des déclarations faites par le témoin M. Simpson lors de conversations téléphoniques avec MM. Savage et Lett après la condamnation. Si elle avait été disponible au moment du procès, cette preuve aurait peut-être permis de conclure que M. Simpson s’était trompé sur ce que M. Ross lui avait dit au sujet de la provenance des deux unités qu’il avait achetées pour une somme de 50 000 $. M. Pringle, après avoir interviewé MM. Ross et Simpson et examiné la preuve produite au procès, a quant à lui estimé que cette nouvelle preuve n’aurait pas entraîné une issue différente si elle avait été disponible au procès.

[41]           Dans sa décision, le ministre a répondu à plusieurs questions de M. Pringle concernant le possible impact de cette nouvelle preuve. Il a estimé que celle-ci n’invalidait pas les conclusions tirées par le tribunal de première instance et confirmées par la Cour d’appel, qu’elle ne fournissait pas des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite, et que le reste de la preuve était suffisant pour maintenir la condamnation, quand bien même M. Simpson aurait été induit en erreur par les déclarations de M. Ross quant à la provenance des unités achetées.

[42]           Les conclusions du ministre ne sont pas sérieusement contestées par le demandeur dans la présente instance. Je suis convaincu qu’elles sont raisonnables, car elles sont justifiées, transparentes, intelligibles et défendables au regard des faits et du droit.

2)                  La « preuve non divulguée »

[43]           D’autres renseignements soumis à l’appui de la demande relèvent de la catégorie des éléments de preuve détenus par la Couronne durant le procès mais non divulgués à la défense. En appel, il a été établi que cette catégorie exigeait l’application d’un critère très différent de celui de Palmer, où il s’agit non pas de savoir ce que le tribunal de première instance aurait fait des éléments en question, mais plutôt si leur divulgation aurait modifié l’approche de la défense dans l’affaire.

[44]           Dans l’arrêt Dixon, précité, au paragraphe 36, la Cour suprême a formulé une analyse en deux étapes afin de déterminer si la non-divulgation de renseignements pertinents avait nui au droit de l’accusé de présenter une défense pleine et entière. La première étape consistait à se demander si les éléments non divulgués avaient un impact sur la fiabilité de la condamnation. Le cas échéant, un nouveau procès devait être ordonné. Mais même si l’issue du procès ne s’en trouvait pas affectée, il était nécessaire d’envisager les effets de cette non-divulgation sur l’équité globale du procès, notamment au regard du type de questions posées aux témoins et de la possibilité de recueillir des éléments de preuve additionnels dont la défense aurait bénéficié si les renseignements pertinents avaient été divulgués.

[45]           Dans l’arrêt Taillefer, précité, la Cour suprême a réexaminé cette question aux paragraphes 77 à 79 et 99. La Cour a fait remarquer que l’analyse recommandée dans Dixon était très différente de celle que préconise Palmer, qui insiste plutôt sur l’impact de la nouvelle preuve sur l’issue du procès. Par ailleurs, suivant Palmer, le fardeau incombant à la partie qui veut faire admettre de nouveaux éléments de preuve est plus strict – un effet probable sur l’issue –, alors que, en ce qui intéresse la non-divulgation, le critère de Dixon est celui de la possibilité raisonnable que l’issue ou l’équité du procès soit affectée. Pour mesurer l’impact sur l’équité globale du procès, la Cour d’appel doit se demander quelles possibilités réalistes d’examiner les utilisations possibles de la preuve non divulguée ont été perdues.

[46]           Cette question a été évoquée dans Taillefer, au paragraphe 99 :

99         Tel que souligné plus haut, la méthode d’analyse prescrite par l’arrêt Dixon comporte deux étapes distinctes. La première consiste à évaluer l’impact de la nouvelle preuve sur le résultat du procès. La deuxième exige que la Cour d’appel évalue l’impact de la nouvelle preuve sur l’équité globale du procès. Ainsi, la violation du droit de l’accusé à une défense pleine et entière peut découler d’une possibilité raisonnable que la non-divulgation ait eu un impact sur l’équité globale du procès, et ce, même si l’on ne peut conclure que le verdict aurait pu être différent. Afin de mesurer l’impact de la non-divulgation sur l’équité globale du procès, il faut s’interroger quant « aux possibilités réalistes d’examiner les utilisations possibles des renseignements non divulgués aux fins de l’enquête et de la cueillette d’éléments de preuve » (Dixon, par. 36 (souligné dans l’original)). Or, il n’apparaît pas des motifs du juge Beauregard que l’impact de la nouvelle preuve sur l’équité globale du procès ait même été examinée. En étudiant les éléments de la nouvelle preuve un à un et en les confrontant à la preuve présentée lors du procès, le juge Beauregard a évalué l’impact potentiel de chaque élément sur le verdict du jury sans s’interroger sur les usages possibles et réalistes des éléments de preuve par la défense. À mon avis, dans l’éventualité où il l’aurait fait, ses conclusions auraient été fort différentes. De nombreux éléments de la nouvelle preuve auraient pu être utilisés par la défense lors du procès, soit pour mettre en doute la crédibilité de certains témoins ainsi que celle de la thèse du ministère public, soit afin de recueillir de nouveaux éléments de preuve.

[47]           Dans sa décision, le ministre a noté que même si ces affaires ne concernaient pas des demandes de révision ministérielle en vertu de l’article 696.1, les principes énoncés dans Dixon et Taillefer pouvaient guider l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en l’espèce. À mon avis, le ministre devait non seulement s’appuyer sur la jurisprudence de la Cour suprême pour encadrer cet exercice, mais il devait aussi appliquer les principes susmentionnés dans les limites des pouvoirs que le législateur lui a conférés au titre de l’article 696.1. Ayant reconnu que les principes applicables pour trancher la demande sont ceux qu’ont énoncés les tribunaux relativement aux effets de la non-divulgation au procès, le ministre ne pouvait pas se permettre de les appliquer erronément.

[48]           M. Pringle avait déterminé qu’un certain nombre de documents et autres renseignements n’avaient pas été divulgués au demandeur avant son procès, notamment les ententes de règlement de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba et l’accord de cession. Il estimait qu’il y avait là un motif raisonnable de conclure que la Couronne ne s’était pas acquittée de ses obligations en matière de divulgation, énoncées dans R c Stinchcombe [1991] 3 RCS 326, en ce qui a trait aux documents obtenus dans le cadre de l’enquête parallèle de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba. L’avocat de la Commission avait eu vent de l’accord de cession avant que ne commence le procès criminel de Ross, et les ententes de règlement ont été conclues le premier jour du procès. Il ne semble pas que M. Jensen ait été au courant de ces renseignements lors du procès, et la non-divulgation était sans doute le résultat d’une inadvertance, mais vu l’étroite collaboration entre les enquêteurs de la GRC et du Service de police de Brandon et ceux de la Commission, M. Pringle estimait qu’il y avait des motifs raisonnables de conclure que les renseignements auraient dû être divulgués au demandeur avant son procès.

[49]           M. Pringle estime que cette preuve, et d’autres renseignements de moindre importance dont il traite en détail, n’aurait pas changé l’issue s’ils avaient été révélés au procès. Plus précisément, il a conclu que l’accord de cession ne réfutait ni ne mettait suffisamment en cause les fondements factuels pour qu’on puisse infirmer les déclarations de culpabilité liées aux septième et huitième chefs. Même s’il a fini par recouvrer au moins une partie de ses pertes grâce au marché passé, M. Simpson a déclaré honnêtement au procès qu’il n’avait pas récupéré la moindre somme à cette date, et on ne lui a pas demandé s’il espérait pouvoir le faire. De plus, les autres investisseurs et lui étaient crédibles lorsqu’ils ont déclaré qu’ils ignoraient que 700 000 $ d’actifs avaient été transférés de PLP à 261 et qu’un prêt de la banque de 400 000 $ était garanti par les actifs.

[50]           M. Ross et l’avocat responsable de sa défense ont été mis au courant des ententes de règlement avant que l’appel relatif à sa condamnation ne soit instruit devant la Cour d’appel du Manitoba. M. Ross n’a pas cherché à faire produire ces ententes comme une nouvelle preuve en appel, car comme il l’a reconnu dans ses observations adressées à M. Pringle, elles ne satisfaisaient pas en soi le quatrième volet du critère de Palmer.

[51]           M. Pringle a conclu de même, en appliquant le fardeau de preuve moins strict entériné par la Cour suprême dans Dixon, qu’il n’y avait pas de possibilité raisonnable que la production des ententes de règlement, ou d’autres éléments de preuve non divulgués au demandeur et à son avocat, aurait eu une incidence sur le verdict. L’avocat du demandeur a reconnu dans sa réponse au premier rapport d’enquête que les non-divulgations ne permettaient pas de conclure que les déclarations de culpabilité n’étaient pas fiables selon le premier volet du critère de Dixon-Taillefer. Dans la présente demande, le demandeur fait valoir que l’affaire se résume à l’effet des non-divulgations sur l’équité du procès.

3)                  Effet des non-divulgations sur l’équité du procès

[52]           Dans son rapport final, M. Pringle a examiné l’impact de la preuve non divulguée sur l’équité globale du procès de M. Ross, c’est-à-dire qu’il s’est demandé si cette non-divulgation avait porté atteinte à son droit de présenter une défense pleine et entière. Il ressort de l’analyse de M. Pringle que ce dernier n’était pas convaincu que la communication de la preuve aurait changé l’issue du procès. Cependant, suivant son interprétation du critère Dixon-Taillefer, il devait chercher à savoir non pas ce qui se serait passé, mais ce qui aurait pu se passer si la divulgation requise avait eu lieu. Ceci est conforme à l’explication du critère par la Cour suprême dans R c Illes, 2008 CSC 57, aux paragraphes 25 et 27 :

25        Relativement au premier volet du critère établi dans l’arrêt Dixon, il est important de souligner qu’il ne s’agit pas de se demander si les éléments de preuve non communiqués auraient influé sur l’issue du procès, mais plutôt s’ils auraient pu influer sur l’issue du procès. De façon plus précise, le tribunal d’appel doit déterminer s’il existe une possibilité raisonnable que les éléments de preuve additionnels auraient soulevé un doute raisonnable dans l’esprit des jurés. Voir R. c. Taillefer, [2003] 3 R.C.S. 307, 2003 CSC 70, par. 82.

[…]

27        Relativement au deuxième volet du critère établi dans Dixon, l’appelant doit uniquement établir qu’il existe une possibilité raisonnable d’atteinte à l’équité globale du procès. Il peut s’acquitter de ce fardeau en prouvant, par exemple, que les éléments de preuve non communiqués auraient pu être utilisés afin d’affaiblir la crédibilité d’un témoin de la poursuite (voir Taillefer, par. 84), ou auraient pu aider la défense dans ses enquêtes et préparatifs préalables au procès, ou dans ses décisions tactiques au moment de celui‑ci (voir R. c. Skinner, [1998] 1 R.C.S. 298, par. 12 (le juge Cory, au nom de la Cour)).

[53]           De même, dans l’arrêt R c Skinner, [1998] 1 RCS 298, aux paragraphes 8 à 12, la Cour suprême a conclu que l’appelant aurait droit à un nouveau procès s’il parvenait à démontrer que la non-divulgation de la déclaration d’un témoin a eu un impact sur l’équité globale du procès. Dans cette affaire, il existait une possibilité raisonnable que la déclaration non divulguée aurait pu, si elle avait été produite par la Couronne, influer sur la décision de la défense de ne pas présenter de preuve. La Cour a noté qu’il est impossible en appel de refaire le procès et de savoir exactement comment la défense aurait pu employer la preuve non divulguée.

[54]           La question, selon M. Pringle, était de savoir si la non-divulgation avait privé l’accusé de certains éléments de preuve, renseignements ou ressources d’enquête qui auraient pu faire une différence dans le procès de M. Ross. En l’occurrence, M. Pringle a tenu compte notamment de la déposition de l’avocat de la défense, M. Killeen, selon laquelle il aurait grandement modifié son approche durant le procès si les ententes de règlement lui avaient été communiquées. Comme M. Killeen, M. Pringle a estimé qu’il existait des différences importantes entre les témoignages de MM. Knight et Gray lors de l’enquête préliminaire et leurs aveux dans les ententes de règlement sur lesquelles ils auraient pu être interrogés en contre-interrogatoire.

[55]           Ayant analysé la preuve recueillie au regard du deuxième volet du critère Dixon‑Taillefer, M. Pringle a conclu qu’il existait une « possibilité raisonnable » que M. Ross aurait témoigné pour sa propre défense et que son avocat aurait modifié son approche et contre‑interrogé les investisseurs si les ententes de règlement et l’accord de cession avaient été divulgués au procès. Le ministre n’a pas souscrit à ces conclusions.

[56]           M. Pringle a été mandaté par le ministre pour mener l’enquête au titre du paragraphe 696.2(3) du Code. Il était loisible au ministre de ne pas accepter l’avis et les opinions de M. Pringle au moment de rendre la décision finale. Cependant, comme il ne s’est pas rangé à son avis, il était soumis à une obligation plus stricte d’expliquer les raisons de son désaccord afin de satisfaire à la norme de la raisonnabilité : décision Yu, précitée, au paragraphe 25, citant Singh c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 115, aux paragraphes 12 et 13; Grant c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2010 CF 958, [2010] ACF no 386; et Vatani c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 114, aux paragraphes 8 et 9.

[57]           Le ministre n’a ni interrogé les témoins ni pris connaissance des volumes de documents assemblés en cours d’enquête. Un large éventail d’issues acceptables s’offraient au ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, mais il ne pouvait pas se tromper dans l’évaluation des faits importants.

[58]           Comme le soutient le demandeur, M. Killeen, l’avocat qui le représentait au procès, n’a pas été contredit lorsqu’il a déclaré que les ententes de règlement non divulguées auraient fondamentalement modifié la dynamique du procès. Ces ententes, de même que les témoignages contradictoires de MM. Knight et Gray lors de l’enquête préliminaire, auraient suffi non seulement à discréditer les deux hommes, mais également à démontrer qu’ils avaient trompé tant M. Ross que les investisseurs. L’accord de cession non divulgué aurait permis de mettre en cause la crédibilité des investisseurs en général et celle de M. Simpson en particulier. Ces témoins, MM. Knight et Gray ainsi que les investisseurs, étaient cruciaux pour les arguments que la Couronne a fait valoir relativement aux chefs 7 et 8 dont M. Ross a été déclaré coupable. Les documents non communiqués intéressent aussi directement la question essentielle de savoir si M. Ross aurait témoigné s’il en avait eu connaissance.

[59]           Le ministre cite un passage de l’affidavit de M. Killeen pour montrer que M. Ross n’aurait pas témoigné à cause des risques liés au contre-interrogatoire :

[traduction] Comme l’a affirmé M. Killeen dans son affidavit déposé à l’appui de la demande de M. Ross, faire témoigner ce dernier comportait de nombreux risques. M. Killeen souligne à juste titre que M. Ross aurait eu à témoigner sur un grand nombre de questions relatives à un acte d’accusation incluant six chefs, et que sa déposition aurait contredit celle de nombreux témoins de la Couronne, y compris M. Simpson, sur une multitude de points. Il aurait subi un contre-interrogatoire approfondi et sans aucun doute difficile et a donc décidé, sur la recommandation de l’avocat qui le représentait au procès, de ne pas témoigner, ce qui était son droit.

[60]           Cependant, ce passage renvoie à la situation telle que M. Killeen la percevait au moment du procès en 1995, avant d’apprendre l’existence de la preuve non divulguée, et non pas à son opinion ultérieure lorsqu’il en avait mesuré l’importance. L’ensemble de la déposition de M. Killeen, contenue dans son affidavit et dans son témoignage de vive voix et sous serment, indique qu’il était « tout à fait possible » qu’il aurait conseillé à M. Ross de témoigner si les ententes de règlement avaient été divulguées.

[61]           M. Killeen a déclaré que la divulgation des accords aurait [traduction] « fondamentalement modifié la dynamique du procès ». Il est clair, comme l’a compris M. Pringle dans ses entrevues, que M. Ross était disposé à témoigner et qu’il avait en fait expliqué de façon détaillée à son avocat en quoi aurait consisté sa déposition avant même l’enquête préliminaire.

[62]           En rejetant ces conclusions, le ministre a décidé de substituer sa propre analyse de la preuve à celle de M. Pringle, qui avait eu la possibilité d’observer directement et d’évaluer celle que M. Ross et M. Killeen ont fournie durant ses entretiens avec eux. Ce faisant, le ministre n’a pas du tout saisi la portée de la preuve de M. Killeen. De plus, il n’a pas tenu compte de l’évaluation de M. Pringle concernant le témoignage même de M. Ross sur ce point :

[traduction] À mon avis, M. Ross aurait certainement été disposé à témoigner pour sa propre défense si M. Killeen avait estimé qu’il devait le faire. Même si plusieurs années s’étaient écoulées lorsque je l’ai interrogé à deux reprises à Winnipeg, je n’ai pas eu le sentiment que M. Ross avait peur ou qu’il était réticent à raconter sous serment ce qui s’était produit dans cette affaire – j’ai plutôt eu l’impression contraire.

[63]           Je conviens avec le demandeur que le ministre s’est trompé dans son examen du second volet du critère Dixon-Taillefer. La question à trancher était de savoir si le demandeur avait bénéficié d’un procès équitable en raison de la non-divulgation, et non si l’issue du procès aurait été différente.

[64]           Le ministre a accepté l’avis de M. Pringle portant que la divulgation des renseignements aurait pu susciter une autre approche de défense. Mais il a eu tort ensuite de fusionner les critères Palmer et Dixon/Taillefer et de conclure que le résultat aurait été le même et qu’une erreur judiciaire était improbable. Ce faisant, le ministre s’est lancé dans une analyse largement hypothétique sur l’effet que les différentes approches s’offrant à la défense relativement à l’interrogatoire de témoins clés auraient eu sur l’issue de l’affaire si le demandeur avait été en mesure d’examiner comment il aurait pu employer la preuve non divulguée.

[65]           Le ministre a tranché la demande d’une manière conforme aux directives de 1994, en ce sens qu’il s’est principalement préoccupé de savoir si la preuve non divulguée [traduction] « aurai[t] raisonnablement pu avoir une incidence sur le verdict ». Cependant, cela ne correspond pas à l’évolution de la jurisprudence des cours d’appel depuis lors. Quoiqu’un recours fondé sur l’article 696 ne soit pas une procédure d’appel, le ministre a accepté de se laisser guider par la jurisprudence relative à une telle procédure, mais il l’a mal appliquée. L’interprétation du cadre législatif en vertu duquel le ministre exerce son pouvoir discrétionnaire ne doit pas rester statique, mais évoluer avec la jurisprudence.

4)                  La participation de M. Jensen au processus de révision soulève-t-elle une crainte raisonnable de partialité?

[66]           Une crainte raisonnable de partialité peut être soulevée lorsqu’une personne bien renseignée, qui étudie la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que, selon toute vraisemblance, le décideur, consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste : Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 394.

[67]           Comme je l’ai déjà mentionné, M. Jensen a été muté en 2003 du ministère de la Justice du Manitoba au poste de procureur fédéral principal de cette province, qui relevait à l’époque du SFP, lequel faisait alors partie du ministère de la Justice. Depuis 2006, c’est le SPPC qui se charge au nom du procureur général du Canada du contentieux pénal. En vertu de la Loi sur le directeur des poursuites pénales, LC 2006, c 9, le directeur du SPPC exerce le pouvoir du procureur général dans les poursuites fédérales. Le Bureau du directeur est une branche distincte qui ne fait plus partie du ministère de la Justice. Il demeure loisible au procureur général d’adresser des directives au directeur et de mener des poursuites, mais ces directives doivent être publiées dans la Gazette du Canada.

[68]           Les préoccupations touchant le rôle de M. Jensen dans la présente affaire, comme employé du SFP, ont été portées à l’attention du ministère de la Justice dès que la demande fondée sur l’article 696 a été déposée. Le GRCC a alors convenu que l’affaire devait être confiée à un avocat externe, et M. Pringle a été nommé en vertu du paragraphe 696.2(3) du Code comme délégué du ministre pour mener l’enquête.

[69]           M. Jensen a été interviewé sous serment comme témoin par M. Pringle à deux reprises en avril et mai 2006. Ces entrevues portaient sur des questions factuelles et sur l’opinion de M. Jensen concernant des enjeux majeurs dans la présente affaire, y compris la divulgation. M. Pringle s’est appuyé sur ses réponses et les a intégrées dans le premier rapport d’enquête.

[70]           M. Jensen a rédigé et signé la réponse de 114 pages au premier rapport d’enquête de M. Pringle, [traduction] « au nom du ministère de la Justice du Manitoba ». Le ministère provincial a apparemment décidé de mettre M. Jensen à contribution pour rédiger la réponse du Manitoba pour des raisons d’économie. Le 7 novembre 2008, l’avocat de M. Ross a fait part à ce ministère de ses préoccupations sur ce point. Le sous-procureur général adjoint du Manitoba a répondu le 3 décembre suivant que [traduction] « le ministère de la Justice du Manitoba ne regrette pas cette décision […] Nous n’imposerons pas aux contribuables du Manitoba les dépenses liées à l’embauche d’un avocat externe qui devra de toute façon s’adresser à M. Jensen pour se familiariser avec le dossier. »

[71]           L’avocat du demandeur a également écrit à M. Pringle pour lui faire part de ses préoccupations et pour s’opposer à ce que M. Jensen intervienne dans le processus de révision. Dans son rapport final, M. Pringle a pris acte de cette objection. Il a reconnu qu’il aurait été préférable de la part du ministère de la Justice du Manitoba d’avoir recours à un avocat externe pour rédiger les observations écrites, mais a estimé que cela n’avait pas entravé son indépendance dans le processus de révision de la demande. Les observations écrites fournies au nom du Manitoba contenaient simplement des arguments, et la question de savoir qui les avait formulés était sans importance selon M. Pringle, qui s’intéressait à leur teneur et non à leur auteur. Il n’avait pas accordé un plus grand poids à ces observations parce qu’elles avaient été préparées par M. Jensen.

[72]           Le demandeur soutient qu’il avait droit à une évaluation équitable et impartiale des questions soulevées dans sa demande au sujet de la réponse préparée par le ministère de la Justice du Manitoba. M. Jensen a agi comme témoin lors du processus de révision. Son double rôle, de témoin et de procureur, était contraire aux règles de déontologie professionnelle. Selon le demandeur, le problème ne tenait pas à ce que sa conduite ait rendu M. Pringle partial, mais plutôt à ce que le ministre devait se prononcer sur des questions de non-divulgation par son employé d’après les observations qu’il avait fournies et son témoignage livré sous serment. Les intérêts personnels et professionnels de M. Jensen entraient en jeu dans la demande adressée au ministre. Rien dans la décision de ce dernier n’indique qu’il a tenu compte de cette préoccupation.

[73]           Il ne revient pas à la Cour de déterminer si l’intervention de M. Jensen à la fois comme témoin et procureur viole les règles de déontologie professionnelle du Manitoba. Je note toutefois que, pendant qu’il travaillait au ministère de la Justice de cette province, M. Jensen s’était plaint à son supérieur, car M. Ross l’aurait personnellement harcelé entre 1995 et 2001. Par ailleurs, le conflit d’intérêts potentiel du fait de son emploi au SFP était assez manifeste dès le début du processus de révision ministérielle pour que le GRCC juge nécessaire de désigner M. Pringle comme délégué plutôt que de mener une enquête interne. Il est concevable, comme le soutient le demandeur, qu’un autre avocat, examinant la question objectivement pour le compte du ministère de la Justice du Manitoba, sans l’historique de M. Jensen vis-à-vis du dossier, serait parvenu à des conclusions différentes à l’égard des questions soulevées dans la demande.

[74]           Dans les circonstances, je crois qu’il est clair que M. Jensen n’aurait pas dû prendre part à la rédaction de la réponse du Manitoba au premier rapport d’enquête malgré sa connaissance approfondie du dossier.

[75]           Pour établir une crainte raisonnable de partialité de la part du décideur en raison du manque d’impartialité d’au moins un des participants au processus, il est généralement tenu pour nécessaire de démontrer que cela a eu une influence sur le décideur. Voir par exemple Lim c Association of Professional Engineers (Ontario), (2011) 274 OAC 292 (C Div), au paragraphe 108, et Van Rassel c Canada (G.R.C.), [1987] 1 CF 47. Dans l’affaire qui nous occupe, le décideur concerné est le ministre et non M. Pringle.

[76]           Il est possible de soutenir, comme le fait le demandeur, que la conclusion du ministre portant que M. Ross n’aurait jamais témoigné même si les documents en question lui avaient été divulgués avant le procès, reposait sur l’argumentation solide de M. Jensen plutôt que sur l’analyse plus posée et réfléchie de M. Pringle. Cependant, la décision du ministre ne contient aucune référence explicite à la réponse du Manitoba ou autre indication claire qu’il s’est appuyé sur l’intervention de M. Jensen.

[77]           Le seuil requis pour établir la partialité ou une crainte raisonnable de partialité est élevé. Les motifs autorisant une telle conclusion doivent être sérieux et importants : Bande indienne Wewaykum c Canada, [2003] 2 RCS 259, au paragraphe 76. Le décideur sera réputé avoir agi de manière impartiale : Zundel c Citron, [2000] 4 CF 225 (CAF), autorisation d’appel devant la CSC refusée, [2000] CSCR no 332.

[78]           En l’absence d’une démonstration claire établissant que le ministre s’est fondé sur les arguments de M. Jensen en excluant la preuve et les observations contenues dans l’ensemble du dossier, je ne puis conclure que la décision était entachée de partialité ou d’une crainte raisonnable de partialité.

V.                CONCLUSION

[79]           L’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre en vertu du cadre établi par le Parlement dans le Code aux fins de la révision des condamnations criminelles doit évoluer avec les principes énoncés par la jurisprudence de la Cour suprême du Canada relativement aux condamnations criminelles dans les instances d’appel. J’estime que la décision du ministre en l’espèce n’était pas conforme à ces principes, élaborés en 2010, pour ce qui est de l’effet de la preuve non divulguée sur l’équité du procès du demandeur.

[80]           Ayant appliqué la norme de la raisonnabilité, je conclus que la décision manque de justification, de transparence et d’intelligibilité et qu’elle ne fait pas partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Par conséquent, la demande sera accueillie, les dépens adjugés, au demandeur et l’affaire, renvoyée au ministre pour qu’il la réexamine.

[81]           Je ne crois pas qu’il soit approprié que la Cour ordonne au ministre de faire droit à une mesure de réparation particulière au titre de l’article 696.3 du Code, comme le voudrait le demandeur. Je ne crois pas non plus approprié de préciser un délai à l’intérieur duquel le ministre doit rendre une décision. Cette responsabilité échoit à ce dernier et non à la Cour.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande est accueillie et l’affaire est renvoyée au ministre pour qu’il la réexamine conformément aux motifs fournis;

2.                  Les dépens sont adjugés au demandeur suivant le barème normal.

 

.

« Richard G. Mosley »

Juge

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


ANNEXE

 

LÉGISLATION APPLICABLE

 

Code criminel

L.R.C. (1985), ch. C-46

Criminal Code

R.S.C., 1985, c. C-46

 (1) Une demande de révision auprès du ministre au motif qu’une erreur judiciaire aurait été commise peut être présentée au ministre de la Justice par ou pour une personne qui a été condamnée pour une infraction à une loi fédérale ou à ses règlements ou qui a été déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en application de la partie XXIV, si toutes les voies de recours relativement à la condamnation ou à la déclaration ont été épuisées.

 (1) An application for ministerial review on the grounds of miscarriage of justice may be made to the Minister of Justice by or on behalf of a person who has been convicted of an offence under an Act of Parliament or a regulation made under an Act of Parliament or has been found to be a dangerous offender or a long-term offender under Part XXIV and whose rights of judicial review or appeal with respect to the conviction or finding have been exhausted.

 

(2) La demande est présentée en la forme réglementaire, comporte les renseignements réglementaires et est accompagnée des documents prévus par règlement.

 

(2) The application must be in the form, contain the information and be accompanied by any documents prescribed by the regulations.

 (1) Sur réception d’une demande présentée sous le régime de la présente partie, le ministre de la Justice l’examine conformément aux règlements.

 

 (1) On receipt of an application under this Part, the Minister of Justice shall review it in accordance with the regulations.

(2) Dans le cadre d’une enquête relative à une demande présentée sous le régime de la présente partie, le ministre de la Justice possède tous les pouvoirs accordés à un commissaire en vertu de la partie I de la Loi sur les enquêtes et ceux qui peuvent lui être accordés en vertu de l’article 11 de cette loi.

 

(2) For the purpose of any investigation in relation to an application under this Part, the Minister of Justice has and may exercise the powers of a commissioner under Part I of the Inquiries Act and the powers that may be conferred on a commissioner under section 11 of that Act.

(3) Malgré le paragraphe 11(3) de la Loi sur les enquêtes, le ministre de la Justice peut déléguer par écrit à tout membre en règle du barreau d’une province, juge à la retraite, ou tout autre individu qui, de l’avis du ministre, possède une formation ou une expérience similaires ses pouvoirs en ce qui touche le recueil de témoignages, la délivrance des assignations, la contrainte à comparution et à déposition et, de façon générale, la conduite de l’enquête visée au paragraphe (2).

(3) Despite subsection 11(3) of the Inquiries Act, the Minister of Justice may delegate in writing to any member in good standing of the bar of a province, retired judge or any other individual who, in the opinion of the Minister, has similar background or experience the powers of the Minister to take evidence, issue subpoenas, enforce the attendance of witnesses, compel them to give evidence and otherwise conduct an investigation under subsection (2).

 (1) Dans le présent article, « cour d’appel » s’entend de la cour d’appel, au sens de l’article 2, de la province où a été instruite l’affaire pour laquelle une demande est présentée sous le régime de la présente partie.

 (1) In this section, “the court of appeal” means the court of appeal, as defined by the definition “court of appeal” in section 2, for the province in which the person to whom an application under this Part relates was tried.

 

(2) Le ministre de la Justice peut, à tout moment, renvoyer devant la cour d’appel, pour connaître son opinion, toute question à l’égard d’une demande présentée sous le régime de la présente partie sur laquelle il désire son assistance, et la cour d’appel donne son opinion en conséquence.

 

(2) The Minister of Justice may, at any time, refer to the court of appeal, for its opinion, any question in relation to an application under this Part on which the Minister desires the assistance of that court, and the court shall furnish its opinion accordingly.

(3) Le ministre de la Justice peut, à l’égard d’une demande présentée sous le régime de la présente partie :

 

(3) On an application under this Part, the Minister of Justice may

*                  

a) s’il est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite :

 

(a) if the Minister is satisfied that there is a reasonable basis to conclude that a miscarriage of justice likely occurred,

 

(i) prescrire, au moyen d’une ordonnance écrite, un nouveau procès devant tout tribunal qu’il juge approprié ou, dans le cas d’une personne déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en vertu de la partie XXIV, une nouvelle audition en vertu de cette partie,

 

(ii) direct, by order in writing, a new trial before any court that the Minister thinks proper or, in the case of a person found to be a dangerous offender or a long-term offender under Part XXIV, a new hearing under that Part, or

 

(ii) à tout moment, renvoyer la cause devant la cour d’appel pour audition et décision comme s’il s’agissait d’un appel interjeté par la personne déclarée coupable ou par la personne déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en vertu de la partie XXIV, selon le cas;

 

(ii) refer the matter at any time to the court of appeal for hearing and determination by that court as if it were an appeal by the convicted person or the person found to be a dangerous offender or a long-term offender under Part XXIV, as the case may be; or

 

b) rejeter la demande.

(b) dismiss the application.

(4) La décision du ministre de la Justice prise en vertu du paragraphe (3) est sans appel.

(4) A decision of the Minister of Justice made under subsection (3) is final and is not subject to appeal.

 

 Lorsqu’il rend sa décision en vertu du paragraphe 696.3(3), le ministre de la Justice prend en compte tous les éléments qu’il estime se rapporter à la demande, notamment :

*                    

 In making a decision under subsection 696.3(3), the Minister of Justice shall take into account all matters that the Minister considers relevant, including

*                    

a) la question de savoir si la demande repose sur de nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux ou prises en considération par le ministre dans une demande précédente concernant la même condamnation ou la déclaration en vertu de la partie XXIV;

(a) whether the application is supported by new matters of significance that were not considered by the courts or previously considered by the Minister in an application in relation to the same conviction or finding under Part XXIV;

b) la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés relativement à la demande;

(b) the relevance and reliability of information that is presented in connection with the application; and

c) le fait que la demande présentée sous le régime de la présente partie ne doit pas tenir lieu d’appel ultérieur et les mesures de redressement prévues sont des recours extraordinaires.

(c) the fact that an application under this Part is not intended to serve as a further appeal and any remedy available on such an application is an extraordinary remedy.

 

Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires)

DORS/2002-416

Regulations Respecting Applications for Ministerial Review — Miscarriages of Justice

SOR/2002-416

 (1) Une fois l’enquête visée à l’alinéa 4(1)a) terminée, le ministre rédige un rapport d’enquête, dont il transmet copie au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui présente la demande en son nom. Le ministre doit informer par écrit le demandeur que des renseignements additionnels peuvent lui être fournis à l’appui de la demande dans un délai d’un an à compter de la date d’envoi du rapport d’enquête.

 

 (1) After completing an investigation under paragraph 4(1)(a), the Minister shall prepare an investigation report and provide a copy of it to the applicant and to the person acting on the applicant’s behalf, if any. The Minister shall indicate in writing that the applicant may provide further information in support of the application within one year after the date on which the investigation report is sent.

(2) Si le demandeur ne transmet pas les renseignements additionnels dans le délai prévu au paragraphe (1), ou s’il informe le ministre par écrit qu’aucun autre renseignement ne sera fourni, le ministre peut rendre une décision en vertu du paragraphe 696.3(3) du Code.

(2) If the applicant fails, within the period prescribed in subsection (1), to provide any further information, or if the applicant indicates in writing that no further information will be provided in support of the application, the Minister may proceed to make a decision under subsection 696.3(3) of the Code.

 

 Le ministre transmet au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui présente la demande en son nom, une copie de la décision rendue en vertu du paragraphe 696.3(3) du Code.

 The Minister shall provide a copy of the Minister’s decision made under subsection 696.3(3) of the Code to the applicant and to the person acting on the applicant’s behalf, if any.

Loi sur les Cours fédérales

L.R.C. (1985), ch. F-7

Federal Courts Act

R.S.C., 1985, c. F-7

 

 (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

 

 (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

 

[. . .]

 

[. . .]

 

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

 

Règles des Cours fédérales

DORS/98-106

Federal Courts Rules

SOR/98-106

 (1) Toute partie peut demander la transmission des documents ou des éléments matériels pertinents quant à la demande, qu’elle n’a pas mais qui sont en la possession de l’office fédéral dont l’ordonnance fait l’objet de la demande, en signifiant à l’office une requête à cet effet puis en la déposant. La requête précise les documents ou les éléments matériels demandés.

 

 (1) A party may request material relevant to an application that is in the possession of a tribunal whose order is the subject of the application and not in the possession of the party by serving on the tribunal and filing a written request, identifying the material requested.

(2) Un demandeur peut inclure sa demande de transmission de documents dans son avis de demande.

 

(2) An applicant may include a request under subsection (1) in its notice of application.

(3) Si le demandeur n’inclut pas sa demande de transmission de documents dans son avis de demande, il est tenu de signifier cette demande aux autres parties.

 

(3) If an applicant does not include a request under subsection (1) in its notice of application, the applicant shall serve the request on the other parties.

 (1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l’office fédéral transmet :

*                  

 (1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

*                  

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

(2) Si l’office fédéral ou une partie s’opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l’administrateur des motifs de leur opposition.

 

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

(3) La Cour peut donner aux parties et à l’office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d’une opposition à la demande de transmission.

 

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l’opposition, ordonner qu’une copie certifiée conforme ou l’original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested be forwarded to the Registry.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-1790-10

 

INTITULÉ :

DEVERYN DONALD ALEXANDER ROSS c LE MINISTRE DE LA JUSTICE ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 4 NOVEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 AVRIL 2014

 

COMPARUTIONS :

James Lockyer

Phillip Campbell

 

POUR LE demandeur

 

Sean Gaudet

 

POUR LES défendeurS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lockyer, Campbell, Posner

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES défendeurS

 

 

 

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