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Date : 20140321


Dossier :

T-2030-13

Référence : 2014 CF 280

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 mars 2014

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

NEIL ALLARD

TANYA BEEMISH

DAVID HEBERT

SHAWN DAVEY

 

demandeurs/requérants

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

DU CHEF DU CANADA

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’une requête visant à obtenir une injonction interlocutoire ou une exemption constitutionnelle interlocutoire ainsi qu’une ordonnance de la nature d’un mandamus en vertu du paragraphe 24(1) de la Charte canadiennes des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R‑U) [la Charte], et du paragraphe 373(1) des Règles des Cours fédérales [les Règles]. Les requérants sont les demandeurs dans la présente action.

 

[2]               L’action qui sous‑tend la requête vise à obtenir différents jugements déclaratoires en vertu des paragraphes 24(1) et 52(1) de la Charte. Ces jugements déclaratoires se fondent sur l’article 7 de la Charte et ont pour but d’invalider des modifications récentes apportées à un régime réglementaire adopté par le gouvernement fédéral, qui décrit les circonstances dans lesquelles les patients autorisés par un médecin à utiliser de la marihuana à des fins médicales peuvent en obtenir et en posséder. Ces modifications, qui figurent dans le Règlement sur la marihuana à des fins médicales, DORS/2013‑119 [le RMFM], abrogent le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001‑227 [le RAMFM], dans son intégralité, à compter du 31 mars 2014.

 

[3]               La réparation sollicitée par les demandeurs maintiendrait en vigueur les dispositions du RAMFM et limiterait l’applicabilité de certaines dispositions du RMFM jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur le fond de leurs prétentions. La présente requête a été déposée à la Cour le 31 janvier 2014.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, j’accorde en partie la réparation sollicitée par les demandeurs en maintenant certains droits prévus par le RAMFM à partir du 30 septembre 2013. La requête est à tous autres égards rejetée.

 

A. Le régime législatif

I. Introduction

[5]               L’obligation du gouvernement d’assurer un accès raisonnable à de la marihuana à des fins médicales a été reconnue dans R c Parker, [2000] OJ n  2787 (CA) [Parker], et confirmée dans R c Mernagh, 2013 ONCA 67, entre autres. En résumé, la Cour d’appel de l’Ontario a statué dans Parker que l’absence d’une exemption valable à des fins médicales de l’application des dispositions de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, LC 1996, c 19 [la LRCDAS], portait atteinte au droit à la liberté et à la sécurité de la personne garanti à l’article 7 de la Charte d’une manière qui n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale, en forçant certaines personnes à choisir entre leur liberté et leur santé. Cet arrêt a entraîné d’abord l’ajout d’exemptions de l’application de la LRCDAS à l’article 56 de cette loi, puis la prise du RAMFM.

 

[6]               À l’heure actuelle, la consommation et la distribution de marihuana à des fins médicales au Canada sont régies par trois règlements : le Règlement sur les stupéfiants, CRC, c 1041 [le RS], le RAMFM et le RMFM. Le RS permet à un praticien en médecine de prescrire de la marihuana en dépit des dispositions de la LRCDAS. Le RAMFM était, jusqu’au 6 juin 2013, le principal mécanisme réglementaire décrivant les circonstances dans lesquelles cette exception pouvait exister. Le RMFM, qui est entré en vigueur le 6 juin 2013, a apporté des modifications au RS et au RAMFM. Il s’appliquera concurremment avec le RAMFM jusqu’au 31 mars 2014, date à laquelle ce dernier texte devrait être entièrement abrogé.

 

II. Le Règlement sur les stupéfiants

[7]               Depuis les modifications apportées par le RMFM le 6 juin 2013, le paragraphe 53(5) du RS prévoit qu’un médecin peut administrer, prescrire ou transférer de la marihuana séchée à une personne qui est soumise à ses soins professionnels si la marihuana séchée est nécessaire pour l’état pathologique de cette personne.

 

[8]               Avant le 6 juin 2013, l’article 53 du RS ne visait pas seulement la marihuana « séchée ».

 

            III. Le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales

[9]               Malgré l’entrée en vigueur de certaines dispositions du RMFM, c’est le RAMFM qui régit actuellement la possession et la production de marihuana à des fins médicales. Ce règlement sera abrogé en entier le 31 mars 2014.

 

[10]           Le RAMFM établit un régime de licences dans le cadre duquel les personnes admissibles à qui la marihuana a été prescrite par un médecin obtiennent une autorisation de possession [AP] de marihuana en vertu de l’article 11. Le titulaire d’une AP valide peut avoir en sa possession jusqu’à 30 fois la quantité quotidienne de marihuana qui lui a été prescrite.

 

[11]           De plus, le RAMFM prévoit trois façons dont une personne peut obtenir de la marihuana, dont deux sont pertinentes en l’espèce. La personne peut produire de la marihuana elle‑même en vertu d’une licence de production à des fins personnelles [LPFP], conformément à l’article 24, ou une personne désignée peut produire de la marihuana pour son compte en vertu d’une licence de production à titre de personne désignée [LPPD], conformément à l’article 34. Ces licences fixent le nombre maximal de plants qui peuvent être cultivés à la fois et la quantité maximale de marihuana séchée qui peut être gardée à la fois dans un lieu de production.

 

[12]           La production de marihuana en conformité avec une LPFP ou une LPPD doit être effectuée uniquement dans le lieu qui y est indiqué. Ce lieu peut être situé à l’intérieur ou à l’extérieur, mais pas simultanément. La seule restriction concernant le lieu de production est que, si ce lieu est situé à l’extérieur, il ne doit pas être adjacent à une école, un terrain de jeu public, une garderie ou tout autre lieu public principalement fréquenté par des personnes de moins de 18 ans. La production dans un local d’habitation est permise.

 

[13]           Le 7 juin 2013, le RAMFM a été modifié afin d’interdire la délivrance de LPFP et de LPPD après le 30 septembre 2013, sauf si la demande était reçue avant cette dernière date. Cette modification a été apportée en prévision des modifications réglementaires contenues dans le RMFM.

 

IV. Le Règlement sur la marihuana à des fins médicales

[14]           Le RMFM apporte des changements importants au régime de production de la marihuana à des fins médicales au Canada. En particulier, toutes les LPFP et LPPD ne sont plus valides à compter de l’abrogation du RAMFM et la quantité qu’une personne est autorisée à posséder peut être plus petite dans certains cas. 

 

[15]           Le RMFM exige que la marihuana séchée soit produite par un producteur autorisé [PA], conformément à l’article 12. Les personnes qui détenaient ou pouvaient détenir auparavant une AP doivent inscrire la prescription d’un médecin auprès d’un PA pour obtenir de la marihuana séchée. L’article 3 leur permet alors d’obtenir et de posséder de la marihuana produite par ce PA. La quantité qui peut être possédée en vertu de l’article 5 est plus petite que sous le régime du RAMFM : 150 grammes ou 30 fois la quantité quotidienne prescrite par le médecin, selon la moindre de ces quantités.

 

[16]           Un PA est tenu de respecter diverses mesures de qualité et de sécurité, qui sont prévues aux articles 12 à 101. Par exemple, selon les articles 13 et 14, la marihuana ne peut pas être produite à l’extérieur ou dans un local d’habitation.

 

B. Les demandeurs

[17]           Tous les demandeurs sont ou étaient titulaires d’une AP, d’une LPFP ou d’une LPPD. Leurs affidavits font état de leur crainte que l’abrogation du RAMFM et les modifications réglementaires contenues dans le RMFM augmentent leurs frais et diminuent la sécurité et la qualité de la marihuana qu’ils consomment.

 

I. Neil Allard

[18]           M. Allard a 59 ans et habite à Nanaimo, en Colombie‑Britannique. Il a travaillé comme conseiller pour les Anciens Combattants jusqu’en 1995, lorsqu’il a dû quitter son emploi à cause de l’encéphalo‑myélite myalgique (aussi connue sous le nom de syndrome de fatigue chronique [SFC]). Il a obtenu une retraite permanente pour des raisons médicales en 1999 et il subvient à ses besoins depuis ce temps grâce à différentes pensions. Ces pensions lui apportent un revenu net de 2 700 $ par mois, mais ce montant baissera à 2 000 $ par mois lorsqu’il aura 65 ans.

 

[19]           M. Allard affirme qu’il a commencé à consommer de la marihuana pour traiter les symptômes du SFC après s’être rendu compte qu’il était sensible aux médicaments pharmaceutiques. En 1998, son médecin lui a remis une note de soutien et l’a dirigé vers la British Columbia Compassion Club Society (la société). En 2001, il lui en coûtait environ 500 $ par mois pour obtenir de la marihuana par l’entremise de cette société. En conséquence, il a entrepris des démarches afin d’obtenir une AP et une LPFP. Il est actuellement titulaire d’une LPFP qui l’autorise à produire un nombre maximal de 98 plants et à stocker 4 410 grammes à l’intérieur. Il est également titulaire d’une AP en vertu de laquelle il peut avoir en sa possession jusqu’à 600 grammes en tout temps. La LPFP et l’AP expirent le 31 mars 2014.

 

[20]           En 2004, il a obtenu sa première LPFP et a commencé à cultiver de la marihuana chez lui. Il a déménagé à deux reprises depuis ce temps et il prétend avoir dépensé des milliers de dollars pour rénover son sous‑sol actuel afin de pouvoir y cultiver de la marihuana. Il a notamment fait faire des travaux de câblage, d’isolation, de ventilation, de peinture et de plomberie et il acheté l’équipement nécessaire à la culture de la marihuana. Il a aussi acheté des détecteurs de mouvement, du dioxyde de carbone et des détecteurs de fumée et sa propriété est entourée d’une haute clôture.

 

[21]           M. Allard consomme sa marihuana de différentes façons. Selon ses moyens de production actuels, sa consommation coûte de 200 à 300 $ environ chaque mois. De plus, il estime le coût de l’installation de production dans ses trois résidences à environ 35 000 $.

 

[22]           Selon M. Allard, il lui en coûterait environ 6 000 $ par mois pour maintenir sa dose actuelle en faisant appel à un PA et en payant le gramme de 8 à 10 $, et 3 000 $ en payant le gramme 5 $. Dans les deux cas, le montant dépasse son revenu mensuel actuel ou celui qu’il aura à sa retraite; de plus, ces frais ne donnent pas droit à une aide financière en vertu d’un régime de soins de santé. En raison de l’augmentation du coût de la marihuana, M. Allard craint de devoir courir le risque d’être emprisonné en continuant de produire de la marihuana ou en s’en procurant de façon clandestine.

 

[23]           M. Allard mentionne en outre qu’il a identifié des souches de marihuana qui répondent bien à ses besoins médicaux et qu’il continue à expérimenter d’autres souches qui atténuent efficacement ses symptômes, alors que d’autres souches les accentuent. Il soutient qu’il ne pourrait peut‑être pas se procurer les souches dont il a besoin auprès d’un PA et que, s’il devait s’approvisionner sur le marché noir, il n’aurait aucune garantie quant à la qualité ou à la sécurité du produit.

 

II. Tanya Beemish et David Hebert

[24]           Mme Beemish et M. Hebert sont des conjoints de fait qui résident à Surrey, en Colombie‑Britannique. Mme Beemish est âgée de 27 ans et M. Hebert, de 32 ans. Mme Beemish a travaillé comme barista jusqu’à ce qu’elle prenne un congé de maladie en juin 2012. Depuis décembre 2012, elle reçoit chaque mois une pension d’invalidité de 596,73 $ du Régime de pensions du Canada. Elle est atteinte du diabète de type 1 et de gastroparésie.

 

[25]           Le 4 janvier 2013, Mme Beemish a obtenu une AP afin de soulager ses symptômes de nausée extrême, de vomissement, de douleur, de manque d’appétit et d’insomnie. Elle utilise une dose quotidienne de deux à dix grammes, qu’elle fume ou inhale. Son AP, en vertu de laquelle elle pouvait avoir 150 grammes de marihuana en sa possession, a expiré le 4 janvier 2014.

 

[26]           M. Hebert est le producteur désigné de Mme Beemish qui a été approuvé par Santé Canada. Il travaille comme agent de protection de l’environnement. Sa LPPD lui permettait de cultiver 25 plants à l’intérieur et de stocker 1 125 grammes de marihuana au lieu de production. Il a produit de la marihuana pour Mme Beemish dans une pièce protégée attenante au garage de leur maison en rangée, qui était munie d’un système de ventilation, de dispositifs de contrôle des moisissures et d’avertisseurs d’incendie. Sa LPPD a expiré le 4 janvier 2014, mais il n’a pas pu produire légalement de la marihuana depuis le 30 octobre 2013, lorsqu’il a déménagé et n’a pas été en mesure de renouveler sa LPPD.

 

[27]           M. Hebert estime que le coût de production de la marihuana équivaut à 0,50 $ le gramme environ, sans tenir compte des coûts d’immobilisation qui ont été nécessaires pour créer son installation de production. M. Hebert et Mme Beemish affirment qu’ils n’ont pas les moyens de payer la marihuana produite par un PA, dont le prix varie de 8 à 12 $. Ils soulignent que même un coût de 5 $ le gramme représente dix fois ce qu’il en coûte à M. Hebert pour produire de la marihuana pour Mme Beemish. Ils craignent de devoir se tourner vers le marché noir pour trouver de la marihuana à prix abordable, sans avoir aucune garantie quant à la qualité et à la sécurité du produit.

 

III. Shawn Davey

[28]           M. Davey est âgé de 37 ans et réside à Abbotsford, en Colombie‑Britannique. Il fabriquait des véhicules sur mesure jusqu’à ce qu’il ait un accident de la route qui lui a causé une grave lésion cérébrale le 16 juin 2000. Par suite d’un règlement conclu avec sa compagnie d’assurance et en raison de la pension d’invalidité qu’il reçoit du Régime de pensions du Canada, son revenu mensuel atteint environ 5 000 $.

 

[29]           À la suite de son accident, différents médicaments ont été prescrits à M. Davey pendant les six années suivantes afin de soulager la douleur chronique causée par l’accident. Ces médicaments lui coûtaient 3 000 $ par mois. Il a commencé à consommer de la marihuana et a constaté que cette substance atténuait ses symptômes et lui permettait d’arrêter de prendre les autres médicaments. En 2007, il a commencé à recevoir de la marihuana d’un producteur désigné. Ce dernier n’était toutefois pas en mesure d’assurer en tout temps un approvisionnement de grande qualité. Après avoir fait affaire avec d’autres producteurs désignés et avoir rencontré des problèmes similaires, il a décidé de produire sa propre marihuana. Il détient actuellement une AP, en vertu de laquelle il peut avoir 750 grammes en sa possession en tout temps. Il détient également une LPFP, qui l’autorise à produire 122 plants à l’intérieur et à stocker 5 490 grammes au lieu de production. Ces licences expirent le 31 mars 2014.

 

[30]           Son installation de production se trouve dans une construction accolée à sa propriété. Il peut produire sa marihuana à un coût se situant entre 1 et 2 $ le gramme, et il consomme environ 25 grammes par jour, ce qui représente un coût entre 750 et 1 500 $ par mois, soit un coût inférieur à la somme de 3 000 $ qu’il dépensait pour des médicaments pharmaceutiques avant de commencer à utiliser de la marihuana à des fins médicales.

 

[31]           M. Davey est préoccupé par l’efficacité et la qualité de la marihuana produite par un PA, parce qu’il a eu de mauvaises expériences avec des producteurs désignés et que la marihuana qu’il consomme doit contenir de 12 à 18 % de tétrahydrocannabinol [THC] pour soulager ses symptômes. Il s’inquiète également de l’augmentation du coût, étant donné que, selon sa consommation actuelle, il lui en coûterait environ 6 000 $ par mois si le prix d’un gramme de marihuana est de 8 $. Il craint de devoir recourir au marché noir par suite de ces modifications réglementaires.

 

C. La preuve par affidavit à l’appui

I. Les affidavits à l’appui déposés par les demandeurs

(1) Zachary Walsh

[32]           M. Walsh est professeur adjoint au Département de psychologie de l’Université de la Colombie‑Britannique.

 

[33]           M. Walsh décrit de manière détaillée ses recherches sur l’accès à la marihuana et les motifs justifiant son utilisation à des fins thérapeutiques au Canada. Il inclut deux articles qu’il a rédigés pour l’International Journal of Drug Policy, l’un qui a été publié et l’autre qui est en attente de publication.

 

[34]           M. Walsh mentionne qu’environ un million de Canadiens ont dit consommer de la marihuana pour traiter des problèmes médicaux qu’ils ont eux‑mêmes définis. Or, il n’y avait que 28 115 Canadiens titulaires d’une AP valide en décembre 2012.

 

[35]           M. Walsh fait état de recherches démontrant que plus de la moitié des participants à des études ont affirmé que des considérations de nature financière avaient une incidence sur la question de savoir s’ils étaient en mesure d’acheter une quantité suffisante de marihuana pour répondre à leurs besoins thérapeutiques. À titre d’exemple, 54 % des participants ont indiqué qu’ils avaient parfois ou qu’ils n’avaient jamais les moyens d’acheter des quantités suffisantes de marihuana pour soulager leurs symptômes. Un tiers environ des participants ont dit qu’ils doivent souvent ou toujours choisir entre la marihuana et d’autres nécessités, la nourriture ou d’autres médicaments par exemple, parce qu’ils manquent d’argent. Selon M. Walsh, cela démontre que le caractère inabordable de la marihuana utilisée à des fins thérapeutiques constitue toujours un obstacle important pour de nombreux Canadiens et, en particulier, pour ceux qui sont le plus gravement malades.

 

[36]           M. Walsh conclut en affirmant que, même selon l’analyse coûts‑avantages effectuée par le gouvernement, le RMFM entraînera une augmentation importante du coût qui aura une incidence sur la capacité des patients d’obtenir de la marihuana à des fins thérapeutiques.

 

(2) Susan Boyd

[37]           Mme Susan Boyd est professeure à la Faculté de développement humain et social de l’Université de Victoria. Elle s’intéresse notamment aux lois et aux politiques relatives aux drogues et elle est la coauteure du livre Killer Weed: Marihuana Grow Ops, Media and Justice.

 

[38]           Mme Boyd indique que le taux général de criminalité en 2010 a baissé sur le plan du nombre d’infractions et de la gravité de celles‑ci depuis les années 1970. Elle critique une étude effectuée par Darryl Plecas, de l’Université Fraser Valley [le rapport Plecas]. Elle fait remarquer que, alors que ce rapport était censé établir un lien entre la culture de la marihuana et la violence, il n’y avait ni arme, ni arme à feu, ni danger dans 89 % des installations de culture qui y étaient mentionnées. Des armes à feu ne se trouvaient sur les lieux que dans 6 % des cas, une proportion seulement un petit peu plus élevée que celle de 5,5 % constatée chez les Canadiens qui détiennent des permis relatifs aux armes à feu.

 

[39]           Mme Boyd critique aussi le risque d’incendie associé à la culture de la marihuana à l’intérieur qui est décrit dans le rapport Plecas. Selon elle, la proportion d’incendies liés à la culture de la marihuana indiquée dans ce rapport est exagérée. Selon ce rapport, cette proportion était de 3,5 % en 2001, de 3,7 % en 2002 et de 4,7 % en 2003, alors qu’elle était de seulement 1,21 %, 1,02 % et 1.3 % respectivement selon l’Annual Statistical Fire Report. Dans le même ordre d’idées, les dangers associés aux installations piégées décrits dans le rapport Plecas étaient également exagérés : ces dangers étaient présents dans seulement 2,1 % des installations.

 

[40]           Mme Boyd affirme que la sécurité des installations de production de marihuana faisant l’objet d’une LPFP ou d’une LPPD peut être améliorée par des lignes directrices plus efficaces, une meilleure éducation et une surveillance accrue des installations. Or, Santé Canada n’a pris aucune mesure à cet égard.

 

[41]           Mme Boyd conclut que les journaux ont constamment établi un lien entre les moisissures, les incendies et les autres dommages matériels d’une manière qui n’est pas étayée par des données statistiques.

 

II. Les affidavits à l’appui déposés par la défenderesse

(1) Le caporal Shane Holmquist

[42]           Le caporal Holmquist (par intérim) est membre de la GRC depuis avril 2005. Il est affecté provisoirement au Groupe fédéral des crimes graves et du crime organisé au sein de l’Équipe de coordination de la lutte contre la marihuana, qui a notamment pour tâche d’enquêter sur les installations de culture de marihuana. Il donne de la formation sur la production et le trafic de marihuana aux inspecteurs de Santé Canada, aux enquêteurs en matière de drogues au Canada et au personnel d’application de la loi aux États‑Unis. En outre, il participe au processus d’approbation des PA à titre de coordonnateur provincial de la GRC chargé de l’application du RMFM en Colombie‑Britannique.

 

[43]           Le caporal Holmquist a indiqué qu’il y avait 25 809 LPFP et 4 231 LPPD en cours de validité au Canada en octobre 2013.

 

[44]           Le caporal Holmquist s’est rendu dans de nombreuses installations de culture de marihuana visées par le RAMFM, où des [traduction] « plants monstres » sont cultivés et où la quantité de marihuana produite dépasse la quantité permise par les licences. Il ajoute que la quantité excédentaire de marihuana est censée être détruite, mais que cela arrive rarement.

 

[45]           Il a également constaté que les licences délivrées sous le régime du RAMFM sont utilisées pour camoufler des activités de culture de marihuana à l’échelle commerciale. En 2013 par exemple, il a découvert dans une grange à l’égard de laquelle une licence avait été délivrée en vertu du RAMFM 25 personnes qui emballaient de la marihuana en vue du trafic. À l’appui de cet exemple, il fait référence à une note d’information du Service de renseignements criminels de la GRC intitulée « Revue des dossiers de police liés au Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales », qui faisait état de 70 cas de violation de licence, dont 40 concernaient le trafic de la quantité excédentaire de marihuana en vue de faire un profit. Il est d’avis que la vente de l’excédent de marihuana est rendue nécessaire par le coût élevé de l’électricité associé à la production de marihuana à l’intérieur. Le caporal Holmquist affirme que la vente de l’excédent de marihuana exige souvent la collaboration du crime organisé.

 

[46]           Par ailleurs, le caporal Holmquist exprime des préoccupations au sujet des conditions des AP. Il mentionne en particulier que le trafic peut être facilité par le fait qu’une AP peut autoriser un approvisionnement de 30 jours à son titulaire. Un trafiquant détenant une AP valide peut échapper ainsi à l’attention de la police.

 

[47]           En ce qui concerne la santé et la sécurité, le caporal Holmquist a constaté la présence de moisissures et d’autres formes de contamination chimique dans des lieux de production de marihuana. Il souligne que le risque d’incendie d’une résidence où de la marihuana est cultivée est 24 fois plus élevé que dans le cas d’une résidence qui n’est pas un lieu de production de marihuana, en raison des systèmes d’éclairage puissants qui sont nécessaires à la culture de la marihuana à l’intérieur, de l’utilisation de générateurs de dioxyde de carbone et du processus d’extraction utilisé pour la production de l’huile de marihuana. À cause de la nature clandestine et contrôlée de bon nombre d’installations de culture de marihuana, il est difficile pour les personnes de prendre la fuite en cas d’incendie ou pour les employés des services d’urgence de répondre efficacement et en toute sécurité à une urgence. Le caporal Holmquist souligne en outre que les personnes qui se livrent à la culture de la marihuana peuvent se blesser en touchant les systèmes d’éclairage et en glissant sur le plancher mouillé.

 

[48]           Le caporal Holmquist fait état d’une note d’information du Service de renseignements criminels de la GRC intitulée « Les installations de culture de marihuana au Canada et la violence connexe », datée d’avril 2012, selon laquelle les vols de marihuana devant servir à des fins médicales sont de plus en plus fréquents. Ces vols sont souvent commis avec violence et à l’aide d’armes. Les producteurs de marihuana peuvent s’armer pour les prévenir, ce qui augmente le risque que des tiers soient blessés.

 

[49]           Le caporal Holmquist estime également que les différents produits faits à base de marihuana, comme les suçons infusés à la marihuana, peuvent être ingérés par des enfants habitant dans un endroit où de la marihuana est cultivée.

 

[50]           Le caporal Holmquist met en contraste ce qui précède avec son expérience relative aux demandes fondées sur le RMFM, dont les normes strictes en matière de culture, de sécurité et d’emballage visent à répondre à ses préoccupations concernant le RAMFM.

 

(2) Paul Grootendorst

[51]           M. Grootendorst est professeur agrégé à la Faculté de pharmacie de l’Université de Toronto. Il s’intéresse principalement à l’économie de la santé. Il a produit un rapport d’expert portant sur les tendances projetées du marché sous le régime du RMFM et sur les répercussions des PA dans l’éventualité où les utilisateurs de marihuana à des fins médicales ne seraient pas tenus de se procurer la drogue auprès d’un PA ou de Santé Canada.

 

[52]           En ce qui concerne le premier aspect, M. Grootendorst est d’avis que le prix de la marihuana utilisée à des fins médicales qui provient d’une source d’approvisionnement légale de nature commerciale baissera avec le temps, dès que le marché des utilisateurs se sera suffisamment développé. Selon M. Grootendorst, il le fera.

 

[53]           En ce qui concerne le deuxième aspect, M. Grootendorst est d’avis que, si les utilisateurs de marihuana à des fins médicales ne sont pas tenus d’acheter leur marihuana à des PA ou à Santé Canada, la taille du marché de la marihuana à des fins médicales diminuera. Selon lui, trois scénarios pourraient alors se produire : les prix de la marihuana baisseront, mais plus lentement que si les utilisateurs étaient tenus de s’approvisionner auprès de PA; les prix de la marihuana à des fins médicales augmenteront avec le temps; au bout du compte, aucun PA ne produira de la marihuana à des fins médicales. M. Grootendorst ne se prononce pas sur la probabilité de ces trois scénarios.

 

(3) Jeannine Ritchot

[54]           Mme Ritchot a été la directrice de la réforme réglementaire relative à l’utilisation de la marihuana à des fins médicales de Santé Canada de 2011 à 2013. Elle avait auparavant été la directrice du Bureau du cannabis médical, Bureau des substances contrôlées, Direction des substances contrôlées et de la lutte au tabagisme, à Santé Canada, de 2010 à 2011. En ces qualités, elle a surveillé l’application du RAMFM et a dirigé l’élaboration de la politique sous‑tendant le RMFM.

 

[55]           Mme Ritchot souligne que le régime du RAMFM avait pour but d’établir un équilibre entre la fourniture d’un accès légal à la marihuana à des fins médicales et le contrôle de l’accès à une substance contrôlée, de respecter les lois fédérales en vigueur comme la LRCDAS et de protéger la santé et la sécurité personnelles et publiques de tous les Canadiens. Elle estime que l’augmentation rapide du nombre de personnes autorisées à avoir de la marihuana en leur possession en vertu du RAMFM – ce nombre est passé de 477 en 2002 à 37 884 en janvier 2014 – a compromis les objectifs initiaux du programme. Elle mentionne que, en date du 3 décembre 2013, le nombre moyen de plants pouvant être cultivés à l’intérieur était de 101, le nombre moyen de plants pouvant être cultivés à l’extérieur, de 11 et la dose quotidienne moyenne, de 17,7 grammes. Or, la quantité moyenne de marihuana utilisée par les personnes approvisionnées par Santé Canada variait entre un et trois grammes.

 

[56]           Cette expansion rapide du programme a fait en sorte qu’une grande quantité de marihuana est produite dans des résidences privées et que Santé Canada n’a pas les ressources nécessaires pour mener des activités de vérification du respect de la réglementation et d’exécution. De plus, le programme d’approvisionnement de marihuana mis en place par Santé Canada a coûté 16,8 millions de dollars pour la période de trois ans s’étant terminée le 31 mars 2013. Enfin, Santé Canada a reçu des commentaires, sollicités ou non, de la part de municipalités, de premiers répondants, de propriétaires de maison et de participants au programme au sujet de problèmes concernant le régime du RAMFM qui n’avaient pas été prévus, par exemple des actes de violence, la présence d’armes à feu, le détournement vers le marché clandestin, la production excédant les limites autorisées, la présence de moisissures, les risques d’origine électrique, les risques d’incendie, les produits chimiques toxiques, l’émission d’odeurs néfastes et différents risques touchant les enfants qui habitent dans une résidence où de la marihuana est cultivée ou à proximité.

 

[57]           Par ailleurs, Mme Ritchot décrit les consultations sur le RMFM qui ont eu lieu et souligne en particulier que tous les représentants de l’application de la loi qui ont fait part de leurs réactions ont convenu qu’il fallait mettre fin à l’utilisation des LPFP et des LPPD.

 

[58]           Selon Mme Ritchot, le nouveau RMFM a notamment pour objet d’accroître la sécurité et la santé personnelles et publiques; de traiter le plus possible la marihuana comme les autres médicaments; de faciliter l’accès à plusieurs souches; de faire en sorte que Santé Canada reprenne son rôle traditionnel d’organisme de réglementation; de créer un environnement commercial réglementé plus sévèrement pour la production de marihuana.

 

(4) Todd Cain

[59]           M. Cain est le directeur général du développement des marchés au sein de la Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs de Santé Canada. À ce titre, il lui incombe notamment de soutenir la transition du RAMFM au RMFM et de régler les problèmes qui se posent dans le cadre de la création d’une base d’approvisionnement stable en marihuana à des fins médicales par les PA.

 

[60]           M. Cain affirme que, dans le cadre de la stratégie de transition au RMFM, Santé Canada a mis au point des moyens pour assurer un approvisionnement stable et continu en marihuana. L’un de ces moyens importants a été une campagne de publicité visant à encourager les PA potentiels à présenter une demande. La stratégie comprenait des partenariats avec le secteur privé, par exemple les organismes Ontario Greenhouse Vegetable Growers et Flowers Canada Growers, ainsi qu’avec différentes provinces et d’autres ministères fédéraux. De plus, des documents d’orientation concernant le processus de demande ont été rédigés et un centre d’appels chargé de répondre aux questions des demandeurs éventuels a été mis sur pied.

 

[61]           M. Cain souligne qu’en date du 4 février 2014 Santé Canada avait reçu 454 demandes de PA, dont huit avaient été acceptées, dix avaient été retirées, 24 avaient été rejetées et le reste faisait toujours l’objet d’un examen. M. Cain estime qu’environ 25 nouvelles demandes sont reçues chaque semaine.

 

[62]           Six des huit PA sont prêts à inscrire des clients depuis le 30 janvier 2014. M. Cain indique que les prix varient de 5 à 12 $ le gramme et qu’un certain nombre de PA accordent des rabais et vendent le gramme 3 $ aux utilisateurs à faible revenu. Il ajoute que les PA ont déclaré qu’environ 850 kg de marihuana pourront être utilisés à des fins médicales le 31 mars 2014. De plus, Santé Canada a constitué des stocks de 400 à 500 kg de marihuana produits dans son ancienne installation de production et a approuvé l’importation de plus de 100 kg de marihuana provenant des Pays‑Bas en cas de problèmes d’approvisionnement. M. Cain indique également que Santé Canada a pris, pour prévoir la demande de marihuana, des mesures qui tiennent compte des risques liés aux imprévus.

 

[63]           Compte tenu de ces prévisions et des mesures prises pour gérer l’approvisionnement et la demande, M. Cain affirme que Santé Canada a pris des mesures importantes pour assurer un accès raisonnable à de la marihuana séchée de qualité au cours de la période de transition et dans l’avenir.

 

D. La réparation demandée au procès

[64]           La réparation sollicitée par les demandeurs peut être résumée de la façon suivante :

1.  un jugement déclaratoire, fondé sur le paragraphe 52(1) de la Charte, selon lequel une exemption constitutionnelle permettant l’utilisation de cannabis, sous quelque forme que ce soit, à des fins médicales par des personnes autorisées par un médecin comprend le droit du patient (ou d’une personne désignée à titre de responsable du patient), non seulement d’avoir en sa possession et d’utiliser du cannabis sous quelque forme que ce soit, mais aussi d’en cultiver ou d’en produire sous une forme qui est efficace pour le traitement de l’état pathologique du patient et d’en avoir en sa possession;

2.  un jugement déclaratoire, fondé sur le paragraphe 52(1) de la Charte, selon lequel le RMFM est inconstitutionnel uniquement dans la mesure où il limite de manière excessive les droits garantis par l’article 7 de la Charte à un patient autorisé par un médecin d’avoir un accès raisonnable à son médicament au moyen d’un approvisionnement sûr et continu et en ne prévoyant pas la production continue de marihuana, par le patient ou une personne désignée, et il ne pas peut être sauvegardé par l’article premier;

3.  des jugements déclaratoires constitutionnels, fondés sur le paragraphe 52(1), qui traiteraient des restrictions relatives :

A. à la marihuana « séchée » dans le RS, le RAMFM et le RMFM,

B. à l’interdiction faite aux PA de produire de la marihuana à l’extérieur ou dans un local d’habitation,

C. à la quantité maximale de 150 grammes qu’un patient peut avoir en sa possession et qu’un PA peut expédier;  

4.  une ordonnance, fondée sur le paragraphe 24(1) de la Charte, accordant une injonction permanente ou une exemption constitutionnelle permanente ayant la même forme que l’injonction ou l’exemption constitutionnelle provisoire demandée dans la présente requête, laquelle est décrite ci‑dessous.

L’ORDONNANCE DEMANDÉE

[65]           Les demandeurs sollicitent une ordonnance, fondée sur le paragraphe 24(1) de la Charte :

1.    de la nature d’une exemption constitutionnelle provisoire soustrayant à l’application des articles 4, 5 et 7 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances toutes les personnes autorisées par un médecin à utiliser de la marihuana à des fins médicales en vertu du Règlement sur les stupéfiants, C.R.C., ch. 1041 (le RS), du RAMFM ou du RMFM, notamment les patients pour laquelle une [traduction] « personne responsable » – un fournisseur de soins – est désignée pour produire du cannabis, y compris une exemption visant ce producteur, jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond de l’action, ou toute autre ordonnance de la Cour qui peut être nécessaire;

ou, subsidiairement :

2.    de la nature d’une exemption ou injonction interlocutoire maintenant en vigueur les dispositions du RAMFM relatives à la production personnelle, à la possession, au lieu de production et à l’entreposage par un patient ou une [traduction] « personne responsable du patient » qui est désignée – un fournisseur de soins – ainsi que des dispositions accessoires connexes et, au besoin, limitant l’applicabilité, aux patients ou aux fournisseurs de soins désignés, de certaines dispositions du RMFM qui sont incompatibles avec le droit qui leur est garanti à l’article 7 de la Charte, jusqu’à ce que la Cour rende sa décision sur le fond de la présente action;

ou, subsidiairement, et en combinaison avec :

3.    une ordonnance provisoire ou interlocutoire de la nature d’un mandamus enjoignant à la défenderesse de traiter toutes les demandes, renouvellements et modifications de licence en vertu du RAMFM en conformité avec toutes ses dispositions (autres que celles qui sont contestées en l’espèce au motif qu’elles seraient inconstitutionnelles), malgré les articles 230, 233, 234, 237, 238 et 240 à 243 du RMFM concernant les demandes présentées en vertu du RAMFM après le 30 septembre 2013 comme le prévoient les nouveaux articles 41 à 48 du RAMFM;

ainsi que toute autre réparation que la Cour estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[66]           Les questions en litige sont les suivantes :

A.    Les demandeurs ont-ils satisfait aux exigences d’une injonction interlocutoire?

B.     Étant donné que les demandeurs satisfont aux exigences d’une injonction interlocutoire, quelle est la réparation qu’il convient d’accorder?

i.        Les demandeurs devraient‑ils obtenir une exemption constitutionnelle provisoire les soustrayant à l’application de la LRCDAS ou, subsidiairement, une exemption ou une injonction interlocutoire maintenant le RAMFM en vigueur, ainsi qu’une ordonnance de la nature d’un mandamus exigeant le maintien en vigueur du programme jusqu’au procès?

ii.      Les demandeurs devraient-ils être exemptés de l’engagement exigé au paragraphe 373(2) des Règles?

 

ANALYSE

A.  Les demandeurs ont-ils satisfait aux exigences d’une injonction interlocutoire?

[67]           Les parties conviennent que le critère qui s’applique pour déterminer s’il y a lieu d’accorder une injonction est le critère en trois étapes qui a été établi dans Manitoba (Procureur général) c Metropolitan Stores Ltd, [1987] 1 RCS 110, aux paragraphes 33 à 36 [Metropolitan Stores], puis confirmé dans RJR‑MacDonald Inc c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311, au paragraphe 43 [RJR‑MacDonald].

                                               

[68]           Les demandeurs prétendent qu’il est bien établi que ce critère peut s’appliquer dans le contexte d’un litige constitutionnel. Ils soulignent en particulier qu’une loi n’est jamais présumée constitutionnelle et que, si les tribunaux exigeaient que toutes les lois soient observées jusqu’à ce qu’elles soient déclarées inopérantes, ils pourraient contrevenir à l’esprit de la Charte et encourager un gouvernement à prolonger indûment le règlement final du différend en cause (RJR‑MacDonald, au paragraphe 39). Ils précisent en outre que des injonctions peuvent être accordées pour corriger une loi invalide, comme c’est le cas en l’espèce, pas seulement dans les cas d’agissements interdits (Khadr c Canada, 2005 CF 1076).

 

[69]           La défenderesse fait valoir que les tribunaux ont statué que les injonctions interlocutoires demandées à l’encontre de l’État devraient être accordées avec parcimonie (Snuneymuxw First Nation c British Columbia, 2004 BCSC 205, au paragraphe 69), car, dans les faits, ils exercent alors les fonctions législatives et exécutives du gouvernement.

 

I. Y a-t-il une question sérieuse à juger?

[70]           Me fondant sur la preuve dont je dispose, j’estime que les demandeurs ont établi qu’il y avait une question sérieuse à juger.

 

[71]           L’arrêt RJR-MacDonald décrit la première étape du critère aux paragraphes 49 et 50 :

49     Quels sont les indicateurs d’une « question sérieuse à juger »? Il n’existe pas d’exigences particulières à remplir pour satisfaire à ce critère. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fond de l’affaire. […]

 

50     Une fois convaincu qu’une réclamation n’est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devrait examiner les deuxième et troisième critères, même s’il est d’avis que le demandeur sera probablement débouté au procès. Il n’est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire.

 

 

 

[72]           La Cour suprême a fait état, au paragraphe 48 de RJR-MacDonald, de la difficulté d’effectuer une analyse approfondie à l’étape interlocutoire d’un litige relatif à la Charte :

[…] Par ailleurs, compte tenu du caractère complexe de la plupart des droits garantis par la Constitution, le tribunal saisi d’une requête aura rarement le temps de faire l’analyse approfondie requise du fond de la demande du requérant. Ceci est vrai pour toute demande de redressement interlocutoire, que le procès ait eu lieu ou non. […]

 

 

 

[73]           La défenderesse reconnaît que les demandeurs ont satisfait à cet élément du critère. Elle se réserve cependant le droit de contester le bien‑fondé de leurs prétentions au procès – elle soutient en particulier qu’il n’existe pas un droit à une drogue particulière lorsque des solutions de rechange peuvent être utilisées, ni un droit économique à des médicaments subventionnés ou à bas prix (Gosselin c Québec (Procureur général), [2002] 4 RCS 429, aux paragraphes 82 et 83).

 

Analyse

[74]           Les affidavits des demandeurs établissent que le droit à la liberté garanti à ces derniers par l’article 7 pourrait être violé, compte tenu des infractions relatives à la possession prévues par la LRCDAS, s’ils continuaient à produire de la marihuana, selon le paragraphe 92 de Parker. Leur droit à la liberté pourrait aussi être violé en raison de leur droit de faire des choix de vie fondamentaux concernant leur santé (Parker, au paragraphe 92), car plusieurs déposants ont indiqué, au cours de leur témoignage, qu’ils étaient préoccupés par l’efficacité et la sécurité de la marihuana offerte par les PA. Le tribunal a aussi statué, au paragraphe 107 de Parker, que l’action de l’État qui a probablement pour effet de compromettre la santé d’une personne en la forçant à choisir entre les soins de santé et l’emprisonnement fait entrer en jeu le droit à la sécurité de la personne garanti à l’article 7. Plusieurs déposants ont témoigné en ce sens en l’espèce. Ces prétentions pourraient être rejetées au procès, mais elles ne sont ni frivoles ni vexatoires. Dans le même ordre d’idées, les demandeurs ont raison de prétendre qu’il y a une question sérieuse à juger en ce sens que le risque à leur sécurité ou à leur liberté n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale.

 

II. Les demandeurs sont-ils susceptibles de subir un préjudice irréparable?

[75]           Les demandeurs s’appuient sur RJR-MacDonald, aux paragraphes 58 et 59, pour définir la deuxième étape du critère (le paragraphe 58 a été confirmé dans Institut canadien des droits humains c Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] 1 CF 475, au paragraphe 13) :

58        À la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l’intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l’objet d’une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l’issue de la demande interlocutoire.

 

59        Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre […]

 

 

[76]           Dans El-Timani c Canada Life Insurance Co, [2001] OJ no 2648, au paragraphe 9, le tribunal a reconnu que [traduction] « l’appauvrissement, les stigmates sociaux et la perte de dignité associés à une grande pauvreté peuvent constituer un préjudice irréparable […] la perte de jouissance de la vie résultant d’une existence au niveau de la subsistance en attendant un procès n’est pas calculable en argent ». Dans Première Nation d’Elsipogtog c Canada (Procureur général), 2012 CF 387, au paragraphe 79 [Elsipogtog (CF)] (confirmée en appel dans Elsipogtog c Canada (Procureur général), 2012 CAF 312, aux paragraphes 37 et 38) [Elsipogtog (CAF)]), la Cour a statué également qu’une pauvreté soudaine pouvait causer à certaines personnes un stress émotif et psychologique équivalant à un préjudice irréparable et qu’un préjudice de cette nature ne devrait pas être pris à la légère. De même, dans Ausman c Equitable Life Insurance Co of Canada, [2002] OJ no 3066, au paragraphe 52 [Ausman], le tribunal a conclu que [traduction] « [l]’effet à long terme de la perte de sécurité et d’un mode de vie appauvri constitue plus qu’une perte d’argent. Cela constitue un préjudice irréparable ».

 

[77]           En l’espèce, les demandeurs soutiennent qu’ils subiront un préjudice irréparable prenant la forme d’une perte de jouissance de la vie et de souffrances inutiles parce que le RMFM ne tient pas compte de la situation particulière des patients qui ont peu de moyens financiers et qui :

A.    ne peuvent pas payer le prix exigé par les fournisseurs autorisés;

B.     ne seront plus en mesure de produire leur propre médicament à un coût abordable;

C.     ne seront pas en mesure d’assurer un approvisionnement suffisant en un produit sûr et de grande qualité qui répond le mieux aux besoins de chaque patient;

D.    ne seront plus en mesure d’acheter de la marihuana sous des formes, autres que la « marihuana séchée », qui se sont révélées les plus efficaces pour traiter leurs maladies respectives.

 

[78]           Il est admis que la simple augmentation du coût de la marihuana n’est pas une raison suffisante pour conclure à l’existence d’un préjudice irréparable. En fait, le coût de la marihuana doit être élevé au point où les demandeurs sont incapables d’avoir un accès raisonnable à la marihuana exigée par leurs besoins médicaux, où ils sont gravement appauvris ou où leur liberté est compromise parce qu’ils doivent se tourner vers le marché clandestin ou continuer de produire eux‑mêmes de la marihuana.

 

[79]           Les demandeurs prétendent en outre que le préjudice est plus « irréparable » dans les affaires relatives à la Charte parce qu’il est particulièrement difficile de recevoir des dommages‑intérêts dans ces affaires (Mackin c Nouveau‑Brunswick (Ministre des Finances); Rice c Nouveau‑Brunswick, [2002] 1 RCS 405, aux paragraphes 78 à 80 [Mackin]; 143471 Canada Inc c Québec (Procureur général); Tabah c Québec (Procureur général), [1994] 2 RCS 339).

 

[80]           La défenderesse soutient que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils subiront un préjudice irréparable parce qu’ils n’ont produit que des éléments de preuve conjecturaux concernant l’effet du RMFM (PD c British Columbia, 2010 BCSC 290, au paragraphe 130). Il ne suffit pas qu’un préjudice irréparable puisse se produire (Canada (Procureur général) c United States Steel Corp, 2010 CAF 200, au paragraphe 7; International Longshore and Warehouse Union, Canada c Canada (Procureur général), 2008 CAF 3, au paragraphe 25 [International Longshore]), ni que des affirmations générales établissent l’existence d’un préjudice irréparable (Gateway City Church c Canada (Ministre du Revenu national), 2013 CAF 126, aux paragraphes 15 et 18). La défenderesse prétend que cette exigence s’applique également dans le contexte d’un litige constitutionnel (International Longshore; Groupe Archambault Inc c CMRRA/SODRAC Inc, 2005 CAF 330, aux paragraphes 15 et 16).

 

[81]           La défenderesse affirme que le préjudice allégué par les demandeurs est basé sur des conjectures pour les trois raisons décrites ci‑après.

      i. Supposition concernant l’incapacité de payer la marihuana à des fins médicales

[82]           La défenderesse fait valoir que les affirmations des demandeurs selon lesquelles ils n’ont pas les moyens de payer la marihuana ne sont pas étayées, car ils ne produisent aucune preuve particulière établissant leur situation financière actuelle et ils n’expliquent pas pourquoi ils ont apparemment les moyens de produire de la marihuana, mais non d’en acheter. Elle souligne les qualificatifs employés dans les affidavits des demandeurs, comme [traduction] « estimé » et [traduction] « environ », afin de démontrer la nature conjecturale des prétentions des demandeurs concernant l’existence d’un préjudice irréparable.

 

[83]           La défenderesse fait référence au témoignage de M. Grootendorst, selon lequel le coût d’achat de la marihuana à un PA baissera avec le temps en raison du fonctionnement normal du marché et de l’augmentation présumée du nombre d’utilisateurs de marihuana à des fins médicales. En outre, elle soutient que la preuve produite montre que les prix exigés sur le marché noir sont plus élevés que ceux des PA et que M. Grootendorst a laissé entendre que le gouvernement fédéral subventionnera probablement la marihuana à des fins médicales dans l’avenir.

 

      ii. Supposition concernant un problème d’approvisionnement

[84]           La défenderesse conteste la prétention des demandeurs selon laquelle ils n’auront pas accès aux souches de marihuana dont ils ont besoin ou les souches disponibles ne seront pas de bonne qualité. Elle soutient qu’il s’agit d’une supposition, car, dans son affidavit, M. Grootendorst laisse entendre que le RMFM facilitera le développement d’une grande variété de souches.

 

[85]           En outre, la défenderesse souligne que les prétentions des demandeurs selon lesquelles ils ont besoin d’une souche particulière ou contenant du THC pour répondre à leurs besoins médicaux ou ils ont essayé la marihuana d’un PA et l’ont jugée inacceptable ne sont fondées sur aucune donnée scientifique.

 

      iii. Supposition concernant l’effet des limites relatives à la production personnelle

[86]           La défenderesse soutient en outre que les préoccupations des demandeurs concernant les limites imposées à la possession personnelle par le RMFM sont sans fondement. La nouvelle limite de 150 grammes reposait sur une utilisation quotidienne moyenne d’un à trois grammes de marihuana à des fins médicales par les personnes s’approvisionnant auprès de Santé Canada et est conforme au dosage indiqué dans la littérature scientifique.

 

Analyse

[87]           Comme il a été mentionné précédemment, le préjudice allégué ne doit pas être hypothétique ou conjectural. Il ne peut être constitué d’affirmations générales, non étayées par la preuve, et il doit être réel et substantiel. Toutefois, le fait que le préjudice surviendra dans le futur ne le rend pas nécessairement conjectural. En fait, « [l]e critère est la vraisemblance du préjudice et non son caractère futur » (Horii c Canada, [1991] ACF no 984, au paragraphe 13).

 

[88]           La Cour suprême du Canada, au paragraphe 59 de RJR‑MacDonald, fait allusion à un aspect important des injonctions interlocutoires qui existe dans le contexte de la présente requête. La possibilité d’obtenir des dommages‑intérêts – une mesure traditionnelle de ce qui constitue un préjudice réparable – est complexe dans les affaires constitutionnelles, car il est présumé que, en l’absence de mauvaise foi ou d’abus de pouvoir, le gouvernement ne peut pas être condamné à verser des dommages‑intérêts pour avoir adopté une loi inconstitutionnelle (Mackin, aux paragraphes 78 à 80). J’estime que le passage suivant tiré du paragraphe 61 de RJR‑Macdonald qui est cité par les demandeurs est pertinent :

[…] on peut supposer que le préjudice financier, même quantifiable, qu’un refus de redressement causera au requérant constitue un préjudice irréparable.

 

 

[89]           En ce qui concerne la preuve, je conviens avec la défenderesse qu’elle ne démontre pas que l’approvisionnement en marihuana sera insuffisant sous le régime du RMFM. M. Cain décrit en détail dans son affidavit les mesures prises par Santé Canada pour prévoir la demande et les différents plans d’urgence qui s’appliqueront en cas d’insuffisance, notamment la constitution de stocks de marihuana et la prise de dispositions en vue de l’importation de celle‑ci, au besoin. Les prétentions des demandeurs concernant l’approvisionnement ne constituent rien de plus que des affirmations conjecturales.

 

[90]           De plus, je ne suis pas convaincu que les demandeurs se sont acquittés de leur fardeau de preuve concernant la question de savoir si les PA offriront les souches particulières exigées par leurs besoins médicaux. Bien que je sois favorable à l’utilisation de l’approche essais‑erreurs relativement aux différentes souches qui ont apparemment aidé les utilisateurs de marihuana à des fins médicales, les affidavits de ces derniers ne renferment pas une preuve suffisante démontrant que les souches offertes par les producteurs qui ont été autorisés jusqu’à maintenant ne répondront pas à leurs besoins médicaux. Je conviens avec la défenderesse que les prétentions des demandeurs, qui sont peut‑être fondées, sont tout de même conjecturales.

 

[91]           Les demandeurs n’ont pas non plus établi que la limite de possession personnelle de 150 grammes imposée par le RMFM constituerait un préjudice irréparable.

 

[92]           J’estime cependant que les demandeurs ont produit une preuve suffisante pour démontrer qu’ils n’auront pas les moyens de payer la marihuana produite par les PA à compter du 31 mars 2014 et qu’il est probable que cela aura une incidence sur leur santé, compromettra leur liberté ou les appauvrira grandement.

 

[93]           À l’exception de M. Hebert, tous les demandeurs ont produit une preuve de leur revenu mensuel et du montant nécessaire pour produire la marihuana requise par leurs besoins médicaux. J’accepte la preuve des demandeurs selon laquelle ces derniers produisent de la marihuana à un coût variant entre 0,50 et 2 $ le gramme, ainsi que la preuve de leur revenu mensuel. J’estime que leur coût de production leur permet de vivre selon leurs moyens, sous le régime du RAMFM, compte tenu de leur consommation quotidienne et de leur revenu mensuel.

 

[94]           Les demandeurs soutiennent qu’ils devront payer généralement entre 8 et 12 $ le gramme sous le régime du RMFM. M. Davey et M. Allard ont expliqué, exemples à l’appui, que le prix qu’il leur en coûtera pour se procurer une quantité suffisante de marihuana excédera leur revenu actuel, compte tenu de leur consommation quotidienne. Bien que M. Cain affirme que les prix offerts par les PA variaient entre 5 et 12 $ le gramme en date du 30 janvier 2014 et que le gramme était parfois vendu 3 $, j’estime qu’il est démontré, selon la prépondérance de la preuve, qu’un prix entre 8 et 12 $ le gramme est une norme plus réaliste. Compte tenu de cette preuve et de la preuve de leur revenu mensuel, le prix que devront payer les demandeurs à un PA excédera leur revenu ou représentera une partie si importante de celui‑ci que ce sera inacceptable. En conséquence, ils ne seront  pas en mesure d’obtenir légalement de la marihuana à des fins médicales conformément à l’autorisation de leur médecin ou ils ne disposeront pas des moyens financiers nécessaires pour s’en procurer autrement.

 

[95]           La défenderesse prétend que la thèse des demandeurs concernant les prix des PA reposent sur des suppositions. Il s’agit de la seule preuve disponible concernant le prix de la marihuana qui sera exigé par les PA à compter du 31 mars 2014 et, compte tenu de sa source, j’estime qu’elle est fiable. La défenderesse rappelle que, selon M. Grootendorst, le prix de la marihuana baissera avec le temps en raison d’une concurrence plus grande et de l’augmentation du nombre de clients inscrits. Cela est bien possible. Cependant, il s’agit d’une prévision à long terme qui est loin d’être certaine. De même, la possibilité que le gouvernement crée un programme de subventions pour aider les utilisateurs à faible revenu est tout simplement hypothétique. En fait, il est révélateur que le propre Résumé de l’étude d’impact de la réglementation du gouvernement, qui accompagne le RMFM, fasse état de répercussions importantes sur les prix que devront payer les consommateurs de marihuana à des fins médicales :

Le principal coût lié au RMFM proviendra de la perte pour les consommateurs qui pourraient devoir payer un prix plus élevé pour la marihuana séchée. L’analyse suppose une augmentation du prix actuel de 1,80 $ à 5,00 $ le gramme, dans le cas du statu quo, à environ 7,60 $ le gramme en 2014, pour atteindre environ 8,80 $ le gramme, avec une perte moyenne correspondante calculée sur une année pour les consommateurs (en termes de surplus du consommateur), attribuable à l’augmentation du prix, d’approximativement –166,1 millions de dollars par année pendant 10 ans.

 

 

[96]           Vu la difficulté d’obtenir des dommages-intérêts dans les affaires constitutionnelles qui a été décrite dans Mackin et dans RJR‑MacDonald et les conclusions relatives à l’existence d’un préjudice irréparable qui ont été tirées dans Ausman, El‑Timani et Elsipogtog (CF et CAF) et qui étaient fondées sur les effets des graves difficultés financières causées immédiatement aux demandeurs, j’estime que les demandeurs dans la présente requête subiraient un préjudice irréparable qui ne pourrait pas être compensé si la présente injonction n’était pas accordée.

III. La prépondérance des inconvénients est-elle favorable aux demandeurs?

[97]           Tout d’abord, le critère relatif à la prépondérance des inconvénients a souvent été cité pour déterminer si le maintien du statu quo au regard des questions sous‑tendant le conflit entre les parties était souhaitable. Ce concept est cependant moins utile dans le cas des litiges relatifs à la Charte, car ces litiges ont souvent pour objet de mettre fin au statu quo (RJR‑MacDonald, au paragraphe 75). De plus, la définition du statu quo à un quelconque moment est souvent imprécise en raison de sa fluidité, comme le montre clairement en l’espèce le fait que les demandeurs et la défenderesse font valoir que leur version respective de ce qui constitue le statu quo mérite d’être retenue. En conséquence, la notion de statu quo n’est pas déterminante au regard de la prépondérance des inconvénients; elle peut toutefois être prise en compte pour déterminer la réparation qui convient.

 

[98]           En fait, selon le paragraphe 56 de Metropolitan Stores, le tribunal devrait, dans les affaires constitutionnelles, centrer son analyse relative à la prépondérance des inconvénients sur ce qu’est l’intérêt public. L’arrêt RJR‑MacDonald donne des indications à ce sujet aux paragraphes 65 et 66 :

65   Dans Metropolitan Stores, le juge Beetz a formulé des directives générales quant aux méthodes à utiliser dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients. On peut y apporter quelques précisions. C’est le caractère « polycentrique » de la Charte qui exige un examen de l’intérêt public dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients : voir Jamie Cassels, « An Inconvenient Balance: The Injunction as a Charter Remedy » dans J. Berryman, dir., Remedies: Issues and Perspectives, 1991, 271, aux pp. 301 à 305. Toutefois, le gouvernement n’a pas le monopole de l’intérêt public. Comme le fait ressortir Cassels, à la p. 303 :

 

[traduction] Bien qu’il soit fort important de tenir compte de l’intérêt public dans l’appréciation de la prépondérance des inconvénients, l’intérêt public dans les cas relevant de la Charte n’est pas sans équivoque ou asymétrique comme le laisse entendre l’arrêt Metropolitan Stores. Le procureur général n’est pas le représentant exclusif d’un public « monolithe » dans les litiges sur la Charte, et le requérant ne présente pas toujours une revendication individualisée. La plupart du temps, le requérant peut également affirmer qu’il représente une vision de « l’intérêt public ». De même, il se peut que l’intérêt public ne milite pas toujours en faveur de l’application d’une loi existante.

 

66     À notre avis, il convient d’autoriser les deux parties à une procédure interlocutoire relevant de la Charte à invoquer des considérations d’intérêt public. Chaque partie a droit de faire connaître au tribunal le préjudice qu’elle pourrait subir avant la décision sur le fond. En outre, le requérant ou l’intimé peut faire pencher la balance des inconvénients en sa faveur en démontrant au tribunal que l’intérêt public commande l’octroi ou le refus du redressement demandé. « L’intérêt public » comprend à la fois les intérêts de l’ensemble de la société et les intérêts particuliers de groupes identifiables.

 

 

[99]           L’arrêt Canada (Procureur général) c Harper, 2000 CSC 57, au paragraphe 9 [Harper], clarifie et étoffe RJR-MacDonald :

Un autre principe énoncé dans la jurisprudence veut que, en décidant de l’opportunité d’accorder une injonction interlocutoire suspendant l’application d’une mesure législative adoptée validement mais contestée, il n’y ait pas lieu d’exiger la preuve que cette mesure législative sera à l’avantage du public. À ce stade des procédures, elle est présumée l’être. Comme les juges Sopinka et Cory l’ont affirmé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), […] [1994] 1 R.C.S. 311, aux pp. 348 et 349 :

 

Si la nature et l’objet affirmé de la loi sont de promouvoir l’intérêt public, le tribunal des requêtes ne devrait pas se demander si la loi a réellement cet effet. Il faut supposer que tel est le cas. Pour arriver à contrer le supposé avantage de l’application continue de la loi que commande l’intérêt public, le requérant qui invoque l’intérêt public doit établir que la suspension de l’application de la loi serait elle-même à l’avantage du public.

 

La présomption que l’intérêt public demande l’application de la loi joue un grand rôle. Les tribunaux n’ordonneront pas à la légère que les lois que le Parlement ou une législature a dûment adoptées pour le bien du public soient inopérantes avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet qui se révèle toujours complexe et difficile. Il s’ensuit que les injonctions interlocutoires interdisant l’application d’une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité ne seront délivrées que dans les cas manifestes.

 

 

 

[100]       Il découle des indications de Metropolitan Stores, RJR‑MacDonald et Harper qui précèdent qu’il existe une forte présomption que les lois édictées par le Parlement sont dans l’intérêt public, mais que cette présomption est réfutable si les demandeurs peuvent démontrer que l’injonction qu’ils sollicitent serviraient davantage l’intérêt public que le maintien en vigueur de la loi contestée. En outre, il n’appartient pas au tribunal saisi d’une requête interlocutoire qui effectue cette analyse d’évaluer les véritables avantages des exigences particulières de la loi (RJR‑MacDonald, au paragraphe 92; Harper, au paragraphe 10).

 

[101]       Les demandeurs font valoir que la défenderesse n’a produit aucune preuve concrète de quelque chose de plus qu’un risque possible à la santé et à la sécurité du public découlant du report de la mise en vigueur de toutes les dispositions du RMFM. En fait, ils soutiennent que leur thèse reflète le statu quo réglementaire et que cela justifie que la prépondérance des inconvénients leur soit favorable (Elsipogtog (CAF), au paragraphe 80).

 

[102]       Les demandeurs font également valoir que la distinction entre la « suspension » d’un règlement et l’« exemption » de son application n’est pas importante. Comme au paragraphe 33 de RJR‑MacDonald, on prétend que la distinction n’est pas pertinente.

 

[103]       La défenderesse répond que l’intérêt qu’a le public à ce que l’applicabilité et le caractère exécutoire d’une mesure législative fédérale adoptée validement soient assurés pèse lourd lorsqu’on évalue la prépondérance des inconvénients. Ce n’est que dans les cas exceptionnels que les injonctions interlocutoires interdisant l’application d’une mesure législative dont on conteste la constitutionnalité seront délivrées (Harper, au paragraphe 9). Les tribunaux ne devraient pas ordonner qu’une loi adoptée par un Parlement démocratiquement élu soit inopérante avant d’avoir fait l’objet d’un examen constitutionnel complet (Harper, au paragraphe 9; RJR‑MacDonald, au paragraphe 48).

 

[104]       En outre, le fardeau d’établir le préjudice irréparable à l’intérêt public qui incombe au gouvernement est moins exigeant que pour un particulier (RJR‑MacDonald, aux paragraphes 68, 71 et 80). Lorsqu’il apprécie l’intérêt public, le tribunal n’a pas à évaluer les véritables avantages qui découleraient des exigences particulières de la loi en cause à l’étape des requêtes; la partie qui conteste la loi doit plutôt faire la preuve d’un intérêt plus important (RJR‑MacDonald, au paragraphe 92; Harper, au paragraphe 9).

 

[105]       En outre, la défenderesse soutient que le ministère de la Santé est chargé de promouvoir et de protéger l’intérêt public, y compris la santé et la sécurité publiques, et que le RMFM a été pris en vertu de cette responsabilité. Selon elle, la demande d’injonction des demandeurs porterait atteinte à l’intérêt public des trois façons décrites ci‑après.

 

                  i. Une injonction causerait un grave préjudice à l’intérêt public

[106]       La défenderesse conteste le témoignage de Mme Boyd qui, à son avis, vise à critiquer certains éléments de preuve qui appuient sa thèse. Selon la défenderesse, ce témoignage n’affaiblit en rien la valeur des vastes consultations menées par Santé Canada dans le cadre de l’élaboration de la politique en cause, qui ont permis de constater que les LPFP et les LPPD ont eu des répercussions importantes sur la vie de Canadiens. Il n’affaiblit pas non plus la valeur des rapports de la GRC et des notes d’information du Service de renseignements criminels sur le RAMFM dont la Cour dispose en l’espèce. De plus, le caporal Holmquist a témoigné en se fondant sur sa propre expérience liée à la culture de la marihuana dans le cadre de ses fonctions au sein de la GRC.

 

[107]       La défenderesse fait état de six conséquences néfastes du régime du RAMFM :

(1) Détournement

[108]       Les enquêtes policières ont révélé de nombreuses utilisations abusives criminelles du régime du RAMFM, y compris la production excédant les limites autorisées, la production et le trafic de marihuana à des fins personnelles par des personnes détenant une AP, une LPFP ou une LPPD et l’exploitation de ce régime par le crime organisé. Plusieurs organismes d’application de la loi ont souligné ces problèmes.

(2) Braquage de domicile et vol

[109]       Les personnes autorisées à produire de la marihuana en vertu du RAMFM exposent les résidents et leurs voisins au risque d’être victimes de vols avec violence de la part de criminels qui apprennent l’existence de l’installation de culture dans les environs. Les vols de marihuana sont de plus en plus fréquents : leur nombre est passé de deux en 2007 à 18 en 2010. Certaines lettres reçues du public font état des craintes et du stress qu’éprouvent les voisins de personnes autorisées à produire de la marihuana en vertu du RAMFM. Dans Hitzig c Canada, [2003] OJ no 12, au paragraphe 167, M. Hitzig, qui était autorisé à produire de la marihuana, craignait lui‑même de se faire voler sa récolte.

 (3) Risques d’incendie et risques d’origine électrique

[110]       Il ressort également de la preuve que les installations de culture de marihuana visées par le RAMFM sont exposées à un risque d’incendie plus élevé que les résidences où la marihuana n’est pas cultivée, étant donné que la culture de la marihuana nécessite un système d’éclairage puissant. Selon une recherche menée par la GRC depuis 2010, le risque d’incendie d’une résidence où de la marihuana est cultivée est 24 fois plus élevé que celui d’une résidence ordinaire. De plus, le caporal Holmquist a souligné au cours de son témoignage qu’il avait observé dans le passé des câblages électriques de piètre qualité et d’autres éléments ou conditions constituant des risques d’incendie dans les installations de culture de marihuana autorisées en vertu de RAMFM.

(4) Moisissures et produits chimiques toxiques

[111]       La présence d’installations de culture de marihuana dans des locaux d’habitation augmente également le risque de moisissures découlant d’une mauvaise ventilation et le risque d’autres formes de contamination chimique dans la maison et dans les propriétés adjacentes. C’est ce qui ressort des rapports de la GRC ainsi que du témoignage que le caporal Holmquist a livré au sujet de son expérience en matière de culture de la marihuana.

(5) Odeurs néfastes

[112]       Santé Canada a reçu des lettres selon lesquelles une odeur qui rappelle celle de la moufette se dégage de certaines résidences où de la marihuana est cultivée.

(6) Risques pour les enfants

[113]       La GRC signale qu’il est possible que des enfants habitent dans des résidences où de la marihuana est cultivée en vertu du régime du RAMFM et que cette situation ne fait que faciliter l’accès à la drogue pour eux, en plus de les exposer davantage à des activités illégales ainsi qu’aux problèmes de santé et de sécurité associés à cet environnement. Cette affirmation est également étayée par l’affidavit du caporal Holmquist.

ii.   Une injonction aurait pour effet de détourner les ressources limitées du RMFM et d’autres programmes de Santé Canada.

[114]       La défenderesse affirme qu’en raison de sa fluidité le concept de « statu quo » est sans effet sur la prépondérance des inconvénients (Telus Communications Co c Rogers Communication Inc., 2009 BCCA 581, aux paragraphes 69 à 71). Néanmoins, elle fait valoir que la réparation sollicitée par les demandeurs aurait pour effet d’obliger Santé Canada à recruter de nouveaux employés et à engager d’autres dépenses, puisque ses activités liées à l’application du RAMFM sont terminées. Santé Canada devrait ainsi affecter ses ressources à ces mesures plutôt qu’à d’autres programmes qui relèvent de son mandat.

 

                  iii. Une injonction aurait des effets néfastes sur le marché récemment créé

[115]       La défenderesse souligne également que le maintien en vigueur du RAMFM réduirait la taille du marché pour les PA, parce que le bassin de clients possibles serait plus petit, ce qui risquerait d’affaiblir la viabilité commerciale des PA et de saper la mise en œuvre du RMFM.

 

[116]       La défenderesse ajoute que les demandeurs n’ont pas établi que l’injonction qu’ils demandent serait dans l’intérêt public (RJR-MacDonald, au paragraphe 80). Plus précisément, ils n’ont présenté aucun élément de preuve démontrant comment la réparation qu’ils demandent à la Cour servirait l’intérêt public et non leur propre intérêt.

 

Analyse

[117]       Les demandeurs représentent un groupe identifiable, soit les patients autorisés par un médecin à utiliser de la marihuana à des fins médicales en vertu du RAMFM. Je conviens que ce groupe représente un intérêt public semblable à celui décrit dans Parker au paragraphe 97, soit le droit pour les patients d’avoir accès aux médicaments raisonnablement nécessaires pour le traitement d’un état pathologique. Tel qu’il est mentionné plus haut, ce groupe sera irrémédiablement lésé par les effets du RMFM. Aux yeux de la défenderesse, l’intérêt public est protégé par la forte présomption selon laquelle le régime du RMFM permettra d’améliorer la santé et la sécurité des personnes ainsi que la santé et la sécurité publiques en réduisant les problèmes et les abus associés au RAMFM. Cet intérêt couvre toute conséquence néfaste qu’une injonction entraînerait pour les PA en réduisant la taille de leur marché, ainsi que toute dépense que Santé Canada devra engager par suite de cette injonction.

 

[118]       Une question plus fondamentale, qui est à la base du principe établi dans Harper, sous-tend ces intérêts publics opposés : il s’agit du rôle que les tribunaux doivent jouer pour préserver la primauté du droit tout en respectant la compétence du législateur en ce qui concerne l’intérêt public.

 

[119]       À mon avis, la nature du préjudice irréparable que les demandeurs subiront par suite de l’application du RMFM constitue un « cas manifeste », qui l’emporte sur l’intérêt public lié au maintien en vigueur de l’ensemble du règlement qui a été pris notamment dans le but d’accroître la santé et la sécurité publiques. Dans le même ordre d’idées, bien que les PA soient susceptibles d’être touchés par une diminution de la base de la clientèle avant qu’une décision soit rendue en l’espèce, il s’agit là d’une hypothèse et aucune certitude n’existe, que ce soit sur le plan de la durée ou de l’effet du préjudice, pour les entreprises qui se lancent sur un nouveau marché.

 

[120]       En conséquence, je conclus que la prépondérance des inconvénients joue en faveur des demandeurs, qui devraient avoir accès à de la marihuana à des fins médicales dans le cadre de l’ancien régime du RAMFM en ce qui concerne la production et la possession selon les conditions qui suivent.

 

[121]       Pour en arriver à cette conclusion au sujet de la prépondérance des inconvénients, j’ai tenu compte de la nature de la réparation et de sa proportionnalité par rapport au préjudice irréparable subi par les demandeurs. Ainsi qu’en ont convenu les parties, la période précédant le procès varie de neuf à 12 mois; il s’agit d’une période d’une durée définie et limitée et les parties ont indiqué qu’elles consentaient à fixer la tenue du procès au fond le plus tôt possible. Cette façon de procéder assurera un règlement rapide des questions en litige pour les deux parties, sans toucher indûment la viabilité du régime du RMFM. De plus, pour déterminer les conditions de la présente ordonnance, j’ai tenté de trouver le moyen le moins attentatoire de protéger les droits des demandeurs tout en respectant la volonté du législateur. 

 

B.  Étant donné que les demandeurs satisfont aux exigences d’une injonction interlocutoire, quelle est la réparation qu’il convient d’accorder?

I.    Les demandeurs devraient-ils obtenir une exemption constitutionnelle provisoire les soustrayant à l’application de la LRCDAS ou, subsidiairement, une exemption ou une injonction interlocutoire maintenant le RAMFM en vigueur, ainsi qu’une ordonnance de la nature d’un mandamus exigeant le maintien du programme jusqu’au procès?

 

[122]       Les demandeurs sollicitent une exemption constitutionnelle de l’application des articles 4, 5 et 7 de la LRCDS pour tous les patients autorisés par un médecin à utiliser de la marihuana à des fins médicales et pour leurs producteurs ou une injonction provisoire maintenant en vigueur les dispositions du RAMFM relatives à la production personnelle, à la possession, au lieu de production et à l’entreposage et suspendant l’application des dispositions incompatibles du RMFM. En plus de l’une ou l’autre de ces réparations, les demandeurs sollicitent une ordonnance de la nature d’un mandamus enjoignant à la défenderesse de continuer à traiter les demandes de licence sous le régime du RAMFM. Bien qu’il s’agisse d’une question à trancher au procès, les demandeurs n’ont pas sollicité de réparation au moyen de la présente requête en ce qui concerne le fait que la forme de marihuana visée par le RMFM et le RS se limite à la « marihuana séchée ».

 

[123]       La défenderesse soutient que la réparation sollicitée par les demandeurs est inappropriée, parce qu’elle entraverait le processus de transition du RAMFM au RMFM pris par le gouvernement, nécessiterait une nouvelle formulation législative complexe et usurperait le rôle du législateur en matière de rédaction législative (Ontario c Criminal Lawyers’ Association of Ontario, 2013 CSC 42, au paragraphe 28).

 

Analyse

[124]       La première forme de réparation que les demandeurs sollicitent est inappropriée. Elle aurait pour effet de soustraire sans réserve les patients autorisés par un médecin à utiliser de la marihuana à des fins médicales et leurs représentants à l’application des dispositions de la LRCDAS concernant la possession, le trafic et la possession à des fins de production. Tel n’est pas l’objet du RAMFM, qui définissait les circonstances dans lesquelles les patients autorisés par un médecin à utiliser de la marihuana à des fins médicales pouvaient posséder et cultiver de la marihuana et précisait les quantités permises à cette fin. La réparation sollicitée soustrairait sans réserve les demandeurs à l’application des dispositions de la LRCDAS.

 

[125]        Dans la même veine, je ne crois pas qu’il convienne de rendre une ordonnance de la nature d’un mandamus. Bien qu’une ordonnance impérative soit peut-être plus appropriée qu’un jugement déclaratoire dans un contexte interlocutoire, cette ordonnance peut aussi être imprécise. De plus, il est tenu pour acquis que le gouvernement exercera ses fonctions d’une manière compatible avec la loi, quelles que soient les répercussions qu’une ordonnance judiciaire peut avoir sur celle-ci.

 

[126]       En réalité, les demandeurs demandent l’application du régime qui était en vigueur en vertu du RAMFM et ne s’opposent pas aux dispositions du RMFM qui concernent les producteurs privés. Pour atteindre cet objectif d’une façon qui entrave le moins possible la compétence législative, il faut soustraire à l’abrogation du RAMFM et à l’application des dispositions du RMFM qui sont incompatibles avec les dispositions pertinentes du RAMFM les personnes qui sont actuellement titulaires d’une AP valide, qui détenaient une LPDD ou une LPFP valide le 30 septembre 2013 ou qui détiennent une LPDP ou une LPFP, modifiée ou nouvelle, qui a été délivrée après le 30 septembre 2013 jusqu’à ce que la présente affaire soit instruite et tranchée rapidement au fond.

 

[127]       En d’autres termes, les personnes qui sont autorisées, aux dates pertinentes, à posséder ou à produire de la marihuana peuvent continuer à le faire après le 31 mars 2014, jusqu’à ce que leurs droits constitutionnels relatifs au RMFM soient tranchés au procès.

 

[128]       Les conditions auxquelles ces personnes sont ainsi autorisées à produire ou à posséder de la marihuana séchée sont les conditions indiquées dans leur licence, malgré la date d’expiration de celle-ci, mais la limite de possession personnelle de 150 grammes imposée par l’alinéa 5c) du RMFM s’appliquera aux licences concernées, car je ne suis pas convaincu que les demandeurs subiraient un préjudice irréparable en raison de l’imposition de cette limite jusqu’au procès.

 

[129]       Je sais pertinemment que cette réparation pourrait, pendant un certain temps, restreindre la taille du marché disponible pour les PA. Cependant, il s’agit d’une réparation de courte durée et je suis convaincu qu’elle ne touchera pas indûment les règlements pris par le législateur et qu’elle protégera quand même les droits des demandeurs.

 

II.  Les demandeurs devraient-ils être exemptés de l’engagement exigé au paragraphe 373(2) des Règles?

[130]       Les demandeurs demandent également à la Cour de rendre une ordonnance déclarant qu’ils ne sont pas liés par l’engagement exigé au paragraphe 373(2) des Règles, parce qu’ils ont des moyens financiers modestes et qu’ils présentent leur requête au nom de l’intérêt public.

 

[131]       À mon avis, les demandeurs ne devraient pas être contraints de signer un engagement au sujet des dommages-intérêts si la présente requête est accueillie, mais qu’ils n’ont pas gain de cause au procès. Même s’il a été décidé, dans Lac La Biche (Town) c Alberta, [1993] AJ no 263, qu’un engagement dans les affaires concernant la Charte constitue un élément important à prendre en compte lors de l’application du critère relatif à la prépondérance des inconvénients, je ne crois pas qu’il conviendrait d’exiger un engagement en l’espèce.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  Les demandeurs qui, à la date de la présente ordonnance, détiennent une autorisation de possession valide en vertu de l’article 11 du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales sont soustraits à l’abrogation de ce règlement et à toute autre application du Règlement sur la marihuana à des fins médicales qui est incompatible avec l’application du premier règlement, dans la mesure où l’autorisation de possession demeure valide jusqu’à ce qu’une décision soit rendue en l’espèce et sous réserve des conditions du paragraphe 2 de la présente ordonnance.

 

2.         Les conditions de l’exemption dans le cas d’un demandeur détenant une autorisation de possession valide en vertu de l’article 11 du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales sont conformes aux conditions de l’autorisation de possession valide que détient le demandeur à la date de la présente ordonnance, malgré la date d’expiration figurant sur cette autorisation, mais la quantité maximale de marihuana séchée dont la possession est permise correspond à celle qui est précisée dans ladite licence ou à 150 grammes, si cette quantité est inférieure.

 

3.         Les demandeurs qui détenaient, le 30 septembre 2013, ou qui ont obtenu par la suite une licence de production à des fins personnelles valide en vertu de l’article 24 du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales ou une licence de production à titre de personne désignée en vertu de l’article 34 de ce règlement sont soustraits à l’abrogation de ce règlement et à toute autre application du Règlement sur la marihuana à des fins médicales qui est incompatible avec celle du premier règlement, dans la mesure où la licence de production à titre de personne désignée ou la licence de production à des fins personnelles du demandeur demeure valide jusqu’à ce qu’une décision soit rendue en l’espèce au procès et sous réserve des conditions du paragraphe 4 de la présente ordonnance.

 

4.         Les conditions de l’exemption dans le cas d’un demandeur qui détenait, le 30 septembre 2013, ou qui a obtenu par la suite une licence de production à des fins personnelles valide en vertu de l’article 24 du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales ou une licence de production à titre de personne désignée en vertu de l’article 34 de ce règlement sont conformes aux conditions de la licence de ce demandeur, malgré la date d’expiration figurant sur cette licence.

 

5.         Après avoir consulté les avocats des parties, la Cour donnera des directives sur l’échéancier à respecter en vue de fixer la date du procès le plus tôt possible.

 

6.         Les demandeurs sont exemptés de l’engagement exigé au paragraphe 373(2) des Règles des Cours fédérales.

 

7.         Les parties assument leurs propres dépens.

 

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


 

ANNEXE A : DISPOSITIONS PERTINENTES

Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c 11 (R‑U)

 

 Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

 

Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales, DORS/2001-227

 

 (1) Sous réserve de l’article 12, le ministre délivre au demandeur l’autorisation de possession aux fins médicales précisées dans la demande si les exigences des articles 4 à 10 sont remplies; il en avise le médecin qui a fourni la déclaration médicale visée à l’alinéa 4(2)b).

(2) L’autorisation comporte les renseignements suivants :

  a) les nom, date de naissance et sexe du titulaire de l’autorisation;

  b) l’adresse complète de son lieu de résidence habituelle;

  c) le numéro d’autorisation;

  d) le nom du médecin qui a fourni la déclaration médicale visée à l’alinéa 4(2)b);

  e) la quantité maximale de marihuana séchée, en grammes, que peut posséder le titulaire de l’autorisation;

  f) la date de délivrance;

  g) la date d’expiration;

  h) la date de référence visée à l’article 13.1.

(3) La quantité maximale de marihuana séchée visée à l’alinéa (2)e) ou résultant d’une modification aux termes du paragraphe 20(1) se calcule selon la formule suivante :

A × 30

où A

représente la quantité quotidienne de marihuana séchée, en grammes, déterminée aux termes de l’alinéa 6(1)c) ou du sous-alinéa 19(2)d)(i), selon le cas.

 

24. Le titulaire d’une licence de production à des fins personnelles est autorisé à produire et garder, conformément à la licence, de la marihuana à ses propres fins médicales.

 

25. (1) Sous réserve du paragraphe (2), est admissible à la licence de production à des fins personnelles la personne physique qui réside habituellement au Canada et qui a atteint l’âge de dix-huit ans.

(2) Toute personne dont la licence de production à des fins personnelles est révoquée aux termes de l’alinéa 63(2)b) est inadmissible, pour une période de dix ans suivant la révocation, à une nouvelle licence de production à des fins personnelles. DORS/2007‑207, art. 4(E).

 

 (1) Sous réserve de l’article 41, le ministre délivre à la personne désignée une licence de production à titre de personne désignée si les exigences visées aux articles 37 à 39 sont remplies.

        (2) La licence comporte les renseignements suivants :

                        a) les nom, date de naissance et sexe du titulaire de la licence;

                        b) les nom, date de naissance et sexe de la personne pour le compte de laquelle le titulaire de la licence est autorisé à produire de la marihuana, ainsi que l’adresse complète du lieu de résidence habituelle de cette personne;

                        c) l’adresse complète du lieu de résidence habituelle du titulaire de la licence;

                        d) le numéro de la licence;

                        e) l’adresse complète du lieu où la production de marihuana est autorisée;

                        f) l’aire de production autorisée;

                        g) le nombre maximum de plants de marihuana qui peuvent être produits à la fois dans le lieu de production;

                        h) l’adresse complète du lieu où peut être gardée la marihuana séchée;

                        i) la quantité maximale de marihuana séchée, en grammes, qui peut être gardée à la fois dans le lieu autorisé aux termes de l’alinéa h);

                        j) la date de délivrance;

                        k) la date d’expiration.

 (1)  Le titulaire d’une licence de production à titre de personne désignée est autorisé à mener, conformément à la licence, les opérations suivantes :

a) produire de la marihuana aux fins médicales du demandeur de la licence;

b) avoir en sa possession et garder, aux fins visées à l’alinéa a), une quantité de marihuana séchée ne dépassant pas la quantité maximale mentionnée dans la licence ;

c) si le lieu de production mentionné dans la licence diffère du lieu où la marihuana séchée peut être gardée, transporter directement du premier lieu jusqu’au second une quantité de marihuana séchée ne dépassant pas la quantité maximale qui peut être gardée en vertu de la licence;

d) sous réserve du paragraphe (1.1), si le lieu mentionné dans la licence où la marihuana séchée peut être gardée diffère du lieu de résidence habituelle du demandeur de la licence, expédier ou transporter du premier lieu directement jusqu’au second une quantité de marihuana séchée ne dépassant pas la quantité maximale mentionnée dans l’autorisation de possession sur le fondement de laquelle la licence a été délivrée;

e) fournir ou livrer au demandeur de la licence une quantité de marihuana séchée ne dépassant pas la quantité maximale mentionnée dans l’autorisation de possession sur le fondement de laquelle la licence a été délivrée.

(1.1) Le titulaire d’une licence de production à titre de personne désignée qui expédie, en vertu de l’alinéa (1)d), de la marihuana séchée doit prendre les mesures ci-après :

                        a) préparer son colis de façon à assurer la sécurité du contenu et conformément aux exigences suivantes :

(i) le colis ne peut s’ouvrir ou laisser son contenu s’échapper pendant la manutention ou le transport,

(ii) il est scellé de sorte qu’il soit impossible de l’ouvrir sans en briser le sceau,

(iii) son étanchéité est telle qu’aucune odeur de marihuana ne peut s’en échapper,

(iv) il est impossible d’en connaître le contenu à moins de l’ouvrir;

b) employer le moyen d’expédition qui assurera les fins suivantes :

(i) le repérage du colis pendant le transport,

(ii) l’obtention d’un accusé de réception signé,

(iii) la garde diligente du colis durant le transport.

 Dans le cas où le titulaire d’une licence de production est autorisé à produire des plants de marihuana dans une aire qui est soit entièrement à l’extérieur, soit en partie à l’intérieur et en partie à l’extérieur, il ne peut les produire à l’extérieur dans un lieu de production qui est adjacent à une école, un terrain de jeu public, une garderie ou tout autre lieu public principalement fréquenté par des personnes de moins de dix-huit ans.

 

 

Règlement sur les stupéfiants, CRC, c 1041

 

 (1) Il est interdit au praticien d’administrer un stupéfiant à une personne ou à un animal ou de le prescrire, le vendre ou le fournir, pour toute personne ou tout animal, sauf dans les cas prévus au présent article, dans le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales ou dans le Règlement sur la marihuana à des fins médicales.

(2) Sous réserve des paragraphes (3) et (4), le praticien peut administrer un stupéfiant, autre que de la marihuana séchée, à une personne ou à un animal ou le prescrire, le vendre ou le fournir, pour toute personne ou tout animal si, à la fois :

a) la personne ou l’animal est soumis à ses soins professionnels;

b) le stupéfiant est nécessaire pour l’état pathologique de la personne ou de l’animal qui reçoit ses soins.

(3) Il est interdit au praticien d’administrer de la méthadone à une personne ou à un animal ou de la prescrire, de la vendre ou de la fournir, pour toute personne ou tout animal, à moins qu’il bénéficie d’une exemption aux termes de l’article 56 de la Loi relativement à la méthadone.

(4) Il est interdit au praticien de la médecine, au dentiste et au vétérinaire d’administrer de la diacétylmorphine (héroïne) à un animal ou à une personne autre qu’un malade qui reçoit, comme patient hospitalisé ou patient externe, des traitements dans un hôpital assurant des soins ou des traitements à des personnes ou de prescrire, de vendre ou de fournir ce stupéfiant pour tout animal ou une telle personne.

(5) Le praticien de la santé peut administrer de la marihuana séchée à une personne ou en prescrire ou en transférer pour toute personne si, à la fois :

a) la personne est soumise à ses soins professionnels;

b) la marihuana séchée est nécessaire pour l’état pathologique de cette personne.

 

 

Règlement sur la marihuana à des fins médicales, DORS/2013-119

 

(2) Toute personne peut avoir en sa possession de la marihuana séchée dans les cas suivants :

a) elle l’obtient à ses propres fins médicales ou à celles d’une autre personne dont elle est responsable :

(i) soit auprès d’un producteur autorisé, sur le fondement d’un document médical,

(ii) soit auprès d’un praticien de la santé, dans le cadre du traitement d’un état pathologique,

(iii) soit auprès d’un hôpital, en vertu du paragraphe 65(2.1) du Règlement sur les stupéfiants;

                                   b) elle en a besoin pour la pratique de sa profession en tant que praticien de la santé dans la province où elle en a la possession;

 c) elle est un employé d’un hôpital et a la marihuana séchée en sa possession dans le cadre de ses fonctions.

 

 La personne physique qui obtient de la marihuana séchée à ses propres fins médicales ou à celles d’une autre personne physique dont elle est responsable ne peut avoir en sa possession une quantité qui excède la moindre des quantités suivantes :

                                   a) dans le cas de celle obtenue d’un producteur autorisé, trente fois la quantité quotidienne visée à l’alinéa 129(1)d);

                                   b) dans le cas de celle obtenue d’un hôpital, par un patient externe ou pour celui-ci, trente fois la quantité quotidienne visée au sous-alinéa 65.2c)(iii) du Règlement sur les stupéfiants;

                c) 150 g.

 

 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7) et des autres dispositions du présent règlement, le producteur autorisé peut effectuer les opérations suivantes :

                                   a) avoir en sa possession, produire, vendre, fournir, expédier, livrer, transporter et détruire de la marihuana;

                                   b) avoir en sa possession et produire du chanvre indien, autre que de la marihuana, à seule fin d’effectuer les essais in vitro nécessaires à la détermination des pourcentages des cannabinoïdes dans la marihuana séchée;

c) vendre, fournir, expédier, livrer, transporter et détruire du chanvre indien, autre que de la marihuana, obtenu ou produit à seule fin d’effectuer les essais in vitro visés à l’alinéa b).

 Le producteur autorisé ne peut effectuer une opération visée à l’article 12 dans un local d’habitation.

 

 Le producteur autorisé ne peut produire, emballer ou étiqueter de la marihuana qu’à l’intérieur et qu’à son installation.


ANNEXE B : DISPOSITIONS EN CAUSE

Disposition du RMFM

Disposition du RAMFM modifiée

Effet

230

5(1)e)

L’article 230 modifie l’alinéa 5(1)e) du RAMFM afin de tenir compte du fait qu’aucune nouvelle LPFP/LPPD ne sera délivrée après le 30 septembre 2013.

 

233

21(2)

L’article 233 modifie le paragraphe 21(2) du RAMFM afin de tenir compte du fait qu’aucune nouvelle LPFP/LPPD ne sera délivrée après le 30 septembre 2013.

 

234

26(1)

L’article 234 modifie le paragraphe 26(1) du RAMFM afin de tenir compte du fait qu’aucune demande de LPFP ne sera acceptée après le 30 septembre 2013.

 

237

36(1)

L’article 237 modifie le paragraphe 36(1) du RAMFM afin de tenir compte du fait qu’aucune demande de LPPD ne sera acceptée après le 30 septembre 2013.

 

238

41

L’article 238 modifie l’article 41 afin de tenir compte du fait qu’aucune LPPD ne sera refusée par le ministre si elle est demandée après le 30 septembre 2013.

 

240

45

L’article 240 modifie l’article 45 du RAMFM afin d’ajouter de nouvelles dispositions concernant les circonstances dans lesquelles une LPFP ou une LPPD sont renouvelées et mentionnant la date limite du 30 septembre 2013.

 

241

45

L’article 241 ajoute des dispositions à l’article 45 du RAMFM qui précisent qu’un lieu de production ne peut être changé après le 15 décembre 2013 et qu’un tel changement ne peut avoir lieu que dans certaines circonstances.

 

242

46

L’article 242 modifie l’article 46 du RAMFM afin de tenir compte du fait que le changement d’un lieu de production ne sera accordé que si la demande est présentée au plus tard le 30 septembre 2013.

 

243

47 et 48

L’article 243 modifie les articles 47 et 48 du RAMFM afin de tenir compte du fait que le gouvernement ne changera pas un lieu de production, peu importe la date à laquelle le changement a été demandé.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-2030-13

 

INTITULÉ :

NEIL ALLARD ET AUTRES c

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 18 MARS 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 21 MARS 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

John W. Conroy, c.r.

Tonia Grace

POUR LES DEMANDEURS/REQUÉRANTS

Jan Brongers

BJ Wray

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Conroy & Company

Avocats

Abbotsford (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS/REQUÉRANTS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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