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Date : 20140331

Dossier : T-718-13

Référence : 2014 CF 309

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 31 mars 2014

En présence de madame la juge McVeigh

 

ENTRE

 

STEVE ALJAWHIRI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

BUREAU DES EXAMINATEURS EN PHARMACIE DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

 MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision du 29 août 2012 par laquelle le Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada (le BEPC) a refusé d’autoriser le demandeur à passer pour une cinquième fois la Partie 1 (QCM) de l’examen d’aptitude (pharmaciens) du BEPC (examen d’aptitude du BEPC).

 

[2]               Chaque province compte un bureau responsable de délivrer les permis d’exercice dans son territoire. Toutes les provinces excepté le Québec exigent que les candidats passent les examens du BEPC. Ils sont autorisés à les passer trois fois seulement, après quoi on exige d’eux des mesures de rattrapage, préalables à une quatrième (et dernière) tentative, sur autorisation. Ce nombre de reprises s’accorde avec celui des autres professions médicales.

 

[3]               À titre d’observation préliminaire, je signale que les parties ne s’entendent pas sur la compétence de la Cour à instruire la présente demande. Je leur ai demandé de débattre de la question juridictionnelle pour commencer, de la demande de prorogation du délai prévu pour le dépôt de la demande ensuite et, enfin, du bien-fondé de la demande. J’ai rappelé aux parties en début d’audience que l’arrêt ITO-International Terminal Operators c Miida Electronics [1986] 1 RCS 752 (ITO), faisait autorité pour déterminer la compétence. Bien que les parties ne l’aient pas mentionné dans leurs observations écrites, elles le connaissaient.

 

Contexte législatif

[4]               Le BEPC est l’organisme national de reconnaissance professionnelle des pharmaciens qui réglemente l’accès à la profession partout au Canada, excepté au Québec.

 

[5]               Il s’agit d’un organisme sans but lucratif constitué en corporation en 1963 en vertu d’une loi spéciale du Parlement fédéral, la Loi constituant en corporation le Bureau des examinateurs en pharmacie du Canada, SC 1963, c 77 (la Loi constituant le BEPC). Les objets du BEPC sont énoncés à l’article 5 : (1) établir les qualités requises des pharmaciens, acceptables par les organismes provinciaux délivrant des permis et participant au Bureau, (2) faciliter l’adoption des lois provinciales nécessaires pour la mise en œuvre de la loi, (3) prévoir la tenue d’un processus d’examen juste et équitable ainsi que la délivrance de certificats de compétence aux pharmaciens et (4) inscrire les pharmaciens autorisés.

 

[6]               Le BEPC collabore étroitement avec les organismes provinciaux de délivrance des permis d’exercice, lesquels déterminent les exigences en matière de formation et d’examen nécessaires à la délivrance d’un certificat de compétence nécessaire à l’exercice de la pharmacie dans une province donnée.

 

[7]               En Ontario, les articles 3 et 4 de la Loi de 1991 sur les pharmaciens, LO 1991, c 36, définit la portée de l’exercice de la profession de pharmacien et des actes autorisés qu’ils sont en droit d’exécuter.

 

[8]               Le règlement pris en vertu de cette loi établit les exigences concernant la délivrance des certificats d’inscription en tant que pharmacien, notamment (1) la réussite de l’examen d’aptitude du BEPC, (2) le nombre de tentatives et les délais accordés à un candidat pour passer cet examen et (3) les exigences supplémentaires imposées aux candidats formés à l’étranger (Loi de 1991 sur les pharmaciens, Règl. de l’Ont. 202/94, aux paragraphes 6(1)(4), 6(7) et 6(8) et à l’article 7 (le Règlement)).

 

[9]               S’agissant de l’examen d’aptitude du BEPC, le Règlement oblige les candidats souhaitant obtenir un certificat d’inscription à réussir l’examen d’aptitude du BEPC en trois tentatives. Il est possible pour un candidat de se prévaloir d’une quatrième tentative s’il termine avec succès une formation supplémentaire, comme l’exige le BEPC ou un jury du Comité provincial d’inscription de l’Ontario (Règlement, au paragraphe 6(7)).

 

[10]           En vertu de ce Règlement, les candidats qui échouent à l’examen du BEPC après quatre tentatives sont tenus d’obtenir un nouveau baccalauréat en pharmacie s’ils souhaitent entamer de nouveau le processus d’examen du BEPC (Règlement, au paragraphe 6(8)).

 

Les faits

[11]           Le demandeur a obtenu un baccalauréat ès sciences (avec distinction) en pharmacie et un doctorat en microbiologie pharmaceutique à l’Université de Brighton, au Royaume-Uni.

 

[12]           En 1999, le demandeur a entamé le processus de qualification requis par le BEPC, avec l’intention d’être inscrit en qualité de pharmacien autorisé en Ontario.

 

[13]           Le demandeur a passé l’examen d’aptitude une première fois à l’automne 1999. Il a été informé le 15 novembre 1999 qu’il avait échoué à cette première tentative.

 

[14]           Le 20 décembre 1999, le demandeur a demandé à connaître son classement à l’examen par quartile, ainsi que tout autre renseignement susceptible de l’aider à comprendre sa note. Le BEPC l’a informé que sa politique ne permettait pas de divulguer les résultats réels aux examens, mais lui a indiqué qu’il figurait entre le 26e et le 50e centile des candidats qui avaient échoué à l’examen, soit dans le troisième quart à partir du premier.

 

[15]           Après ce premier échec, le demandeur a poursuivi ses études les années suivantes en vue d’obtenir un doctorat en pharmacie au Royaume-Uni.

 

[16]           Il a ensuite tenté l’examen d’aptitude du BEPC une deuxième fois au printemps 2007. Le 27 juin 2007, le BEPC l’a informé par courrier qu’il avait échoué aux parties 1 et 2 de l’examen d’aptitude. Les parties ont convenu qu’il n’a pas demandé à connaître son classement après cet échec.

 

[17]           Après ce deuxième échec, le demandeur s’est présenté à l’examen d’aptitude du BEPC une troisième fois à la date d’examen suivante, soit à l’automne 2007.

 

[18]           Le 13 décembre 2007, le BEPC a informé le demandeur par lettre qu’il avait échoué aux parties 1 et 2 de l’examen d’aptitude du BEPC pour la troisième fois. Le BEPC lui a également expliqué que pour être autorisé à passer l’examen une quatrième et dernière fois, il devait satisfaire à l’une des trois conditions suivantes : (1) avoir terminé un cours universitaire complet en pharmacie, (2) avoir obtenu 78 unités d’éducation permanente par correspondance, ou (3) avoir fait 500 heures d’expérience pratique sous la supervision d’un pharmacien autorisé.

 

[19]           Le 20 février 2008, le demandeur a répondu par écrit à la lettre du BEPC en présentant une demande pour passer une quatrième fois l’examen d’aptitude du BEPC de mai 2008. Le demandeur a précisé qu’il remplirait la condition lui permettant de se présenter à l’examen une quatrième fois en effectuant 500 heures de travail dans une pharmacie autorisée sous la supervision de son frère, lui-même pharmacien autorisé.

 

[20]           Le 26 juin 2008, le BEPC a informé le demandeur qu’il avait échoué à la quatrième tentative de passage de l’examen d’aptitude du BEPC. Le BEPC lui a également expliqué que le processus visant l’obtention d’un certificat de compétence du BEPC prenait fin pour lui étant donné qu’il avait été avisé que cette quatrième tentative était la dernière.

 

[21]           Le 10 juillet 2008, en réponse à une lettre du demandeur datée du 4 juillet 2008 dans laquelle il sollicitait la révision de son examen, le BEPC l’a avisé que ses feuilles de réponses à l’examen avaient été révisées et que le résultat était demeuré le même.

[21]

[22]           Le 5 février 2009, le demandeur a sollicité une entrevue avec M. John Pugsley, secrétaire-trésorier du BEPC, en vue de discuter des points suivants :

         sa situation concernant ses tentatives pour passer l’examen d’aptitude du BEPC;

         les options qui s’offraient à lui;

         la marche à suivre, à l’avenir, pour réussir le processus d’examen du BEPC.

 

[23]           Le 9 février 2009, M. Pugsley a répondu au demandeur qu’il refusait sa demande d’entrevue et lui a expliqué la position du BEPC quant à la quatrième et dernière tentative en vue de l’obtention du certificat de compétence. Plus précisément, M. Pugsley a refusé de permettre au demandeur de passer l’examen pour les raisons suivantes : (1) par souci d’équité envers les autres candidats, le BEPC a fixé une limite de quatre tentatives pour chaque candidat souhaitant passer une autre fois l’examen d’aptitude et (2) le BEPC n’a reçu, dans les sept (7) jours suivant l’examen passé en mai 2008, aucune lettre de la part du demandeur exposant les raisons qui auraient pour lesquelles son résultat aurait pu être en péril.

 

[24]           Le 30 septembre 2011, le demandeur a envoyé une autre lettre au BEPC, dans laquelle il a demandé des copies des résultats de tous les examens qu’il avait passés précédemment et indiqué qu’il souhaitait examiner les possibilités dont il disposait pour obtenir son permis d’exercice.

 

[25]           En réponse, le BEPC a envoyé au demandeur des copies des trois premières lettres qui lui avaient été envoyées pour l’informer de son échec à chacune de ses trois dernières tentatives.

 

[26]           Le 23 avril 2012, le demandeur a de nouveau écrit au BEPC, sollicitant une cinquième tentative pour passer l’examen d’aptitude du BEPC puisqu’il avait terminé le programme international d’études supérieures en pharmacie.

 

[27]           Sans réponse du BEPC, le demandeur a consulté Me David Matas, un avocat de Winnipeg, au Manitoba.

 

[28]           Le 2 août 2012, l’avocat du demandeur a écrit au BEPC, sollicitant une fois de plus une exception visant à permettre au demandeur de passer l’examen d’aptitude du BEPC pour une cinquième fois. L’avocat du demandeur a déclaré savoir que, selon le règlement de l’Ontario, le demandeur pouvait se présenter quatre fois à l’examen d’aptitude du BEPC, et qu’il devait ensuite obtenir un nouveau diplôme d’enseignement supérieur en pharmacie pour qu’une tentative supplémentaire lui soit accordée. L’avocat du demandeur a proposé que son client suive les exigences du règlement du Manitoba, lequel ne semblait imposer aucune limite quant au nombre de tentatives accordées aux candidats pour passer les examens d’aptitude du BEPC.

 

[29]           Le 29 août 2012, le BEPC a répondu à l’avocat du demandeur qu’il refusait sa demande visant à permettre au demandeur de passer l’examen une cinquième fois. Le BEPC a justifié sa décision comme suit :

         la limite de quatre tentatives pour passer l’examen d’aptitude du BEPC constitue une politique nationale appliquée de façon uniforme par le BEPC dans tous les territoires où il est compétent, sans égard au fait que les règlements provinciaux indiquent ou non une limite de quatre tentatives;

         le BEPC se doit de respecter ses propres politiques afin de faire preuve d’équité envers tous les candidats qui cherchent à obtenir un certificat de compétence et pour protéger l’intérêt du public;

         le demandeur n’a pas suivi la procédure du BEPC indiquée sur son site Web, c’est-à-dire solliciter une nouvelle occasion de passer l’examen pour des raisons médicales ou par compassion, le cas échéant.

 

Prorogation du délai

[30]           Le 26 mars 2013, le demandeur a déposé une requête devant la Cour en vue d’obtenir l’autorisation de produire son avis de demande après le délai de 30 jours. Cette requête devait être instruite au cours de l’audience. Les parties n’étaient pas d’accord sur la date à laquelle la demande aurait dû être déposée et elles ont débattu sur ce point : elles ont toutefois convenu qu’elle avait été déposée en retard, quelle que soit la date prise en compte.

 

[31]           Le demandeur justifie le non-respect de la date limite comme suit :

         le 10 décembre 2012, il a retenu, en Ontario, les services d’un avocat spécialisé en droit administratif et en matière de règlementation visant les professions de la santé dans cette province;

         le caractère singulier du dossier justifiait le temps que l’avocat y a consacré pour en prendre connaissance, examiner les faits, évaluer le bien-fondé de la demande et conseiller le demandeur;

         le demandeur a agi avec diligence et aussi rapidement que l’on pouvait raisonnablement s’y attendre pour déposer une demande de contrôle judiciaire;

         le retard ne porte pas préjudice au BEPC, compte tenu de la complexité des questions juridiques et factuelles;

         le demandeur est en mesure de démontrer le bien-fondé de sa demande aux fins du contrôle judiciaire;

         par souci d’équité et de justice, le préjudice causé au demandeur et l’absence de préjudice occasionné au BEPC justifient que la demande soit examinée au fond.

 

Analyse

[32]           La question à laquelle il convient de répondre en premier lieu est la suivante : la Cour fédérale peut-elle connaître de la présente demande?

 

[33]           Le demandeur fait valoir que le BEPC est, selon les termes de l’article 2 de la Loi de sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, un office fédéral qui exerce ou est censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale. Le demandeur fait valoir que la Cour fédérale a compétence exclusive, sinon son avocat aurait déposé la demande devant la Cour divisionnaire de l’Ontario, où aucun délai n’est prévu. Il aurait donc été plus simple pour eux d’y produire une demande puisqu’ils n’auraient pas eu à demander une prorogation du délai comme ils ont dû le faire dans la présente instance.

 

[34]           Le demandeur s’appuie sur l’ouvrage intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada de MM. Brown et Evans (feuilles mobiles, aux pages 2-50 à 2-52) pour affirmer que la compétence la Cour fédérale dépend de la source dont relève le pouvoir de l’organisme et qu’elle est compétente dès lors qu’il existe un lien entre l’autorisation légale de la mesure administrative contestée et la loi fédérale.

 

[35]           Le demandeur fait valoir que le BEPC tire sa compétence fédérale de la Loi constituant le BEPC. Le BEPC a apparemment été constitué en corporation au moyen de lettres patentes en vertu de la Loi sur les corporations canadiennes, par renvoi inclus dans la demande aux objets et aux pouvoirs prévus dans la Loi constituant le BEPC.

 

[36]           Le demandeur prétend que la décision en litige relève des pouvoirs conférés par la Loi constituant le BEPC, ce qui établit un lien direct entre la mesure et la loi fédérale. Particulièrement, le demandeur attire l’attention de la Cour sur (1) l’alinéa 5b) qui prévoit que le BEPC a notamment pour objet de garantir des examens justes et équitables ainsi que la délivrance de certificats de compétence aux pharmaciens, et sur (2) l’alinéa 11c) qui confère au BEPC le pouvoir de déterminer les modalités qui régissent l’obtention du certificat de compétence.

 

[37]           Selon le demandeur, la Cour d’appel fédérale a commis une erreur dans l’arrêt Rosenbush c Bureau national d’examen dentaire du Canada [1992] 2 CF 692 (CAF) (Rosenbush). Dans l’arrêt Rosenbush, la Cour d’appel fédérale a conclu que la Cour fédérale n’avait pas compétence à l’égard des décisions du Bureau national d’examen dentaire du Canada. Selon le demandeur, bien que la Cour d’appel ait commis une erreur, une distinction peut tout de même être établie entre cette affaire et la présente instance étant donné que la Loi constituant en corporation le Bureau national d’Examen dentaire du Canada (la Loi constituant le Bureau d’examen dentaire) ne contient aucune disposition semblable à celles des alinéas 5b) et 11c) de la Loi constituant le BEPC. Le demandeur soutient que l’arrêt Rosenbush ne concerne que le Bureau national d’examen dentaire.

 

[38]           Bien que la Cour suprême ait jugé que la définition « d’un office fédéral » figurant à l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales soit très large (Canada (Procureur général) c TeleZone Inc., 2010 CSC 62, au paragraphe 3), cette définition se limite néanmoins aux décideurs dont les activités relèvent de la compétence de la Cour fédérale.

 

[39]           Pour que la Cour fédérale ait compétence, une loi du Parlement doit le prévoir explicitement. Cette règle est conforme à l’interprétation de l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 donnée par la Cour suprême dans l’arrêt ITO, précité.

 

[40]           J’estime qu’avant de me prononcer sur la question, soulevée par les parties, de savoir si le BEPC est un office fédéral au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, je dois d’abord examiner si ses activités sont telles qu’elles entrent dans les limites constitutionnelles de la compétence de la Cour fédérale.

 

[41]           Le critère qui permet de déterminer la compétence de la Cour fédérale a été énoncé dans l’arrêt ITO. Les trois conditions suivantes doivent être réunies pour répondre à ce critère :

         l’attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral;

         un ensemble de règles de droit fédérales essentiel à la solution du litige et qui constitue le fondement de l’attribution légale de compétence;

         la loi invoquée dans l’affaire doit être « une loi du Canada » au sens où cette expression est employée à l’article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 (ITO, à la page 760).

 

[42]           Certes, la Cour d’appel n’a pas explicitement renvoyé à l’arrêt ITO de la Cour suprême dans son arrêt Rosenbush, mais il ressort clairement de ses motifs et des expressions utilisées qu’elle a appliqué ce critère. Dans l’arrêt Rosenbush, le juge Hugessen a estimé qu’il n’existait aucun régime juridique fédéral qui permette d’exercer la compétence attribuée par la Loi sur les Cours fédérales pour réviser les décisions administratives (Rosenbush, au premier paragraphe de la page 3). La Cour d’appel a statué que les décisions du Bureau national d’examen dentaire du Canada ne pouvaient être révisées par la Cour fédérale puisque les activités du Bureau ne constituent pas des activités dans lesquelles sont exercés une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale (Rosenbush, au dernier paragraphe de la page 2).

 

[43]           Dans les sections « Part 1 : Jurisdiction of the Federal Courts : An Overview » et « General Principles » de leur ouvrage intitulé Federal Courts Practice, les auteurs MM. Saunders, Rennie et Garton, indiquent que les questions relatives à la compétence de la Cour fédérale exigent l’application du critère énoncé dans l’arrêt ITO (voir à la page 3 de l’édition de 2014).

 

[44]           Dans leur ouvrage, MM. Brown et Evans, indiquent dans la section intitulée « Constitutional Limits : Existing body of Federal Law » (aux pages 2 à 49) qu’avant de décider si un organisme constitue un office fédéral au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, il est nécessaire d’établir les limites constitutionnelles en matière de compétence en s’appuyant sur le critère énoncé dans l’arrêt ITO.

 

[45]           Comme dans l’arrêt Rosenbush, la question qui se pose en l’espèce est celle de savoir si les décisions d’un organisme chargé de vérifier les titres techniques et académiques des candidats à la profession de pharmacien peuvent être examinées par la Cour fédérale.

 

[46]           Dans l’arrêt Rosenbush, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’aucune compétence n’avait été conférée à la Cour fédérale pour réviser les décisions du Bureau national d’examen dentaire. D’après les faits, il n’existe aucun régime juridique fédéral, établi dans un texte de loi ou autrement, qui permet d’exercer la compétence attribuée par la Loi sur les Cours fédérales et autorise la révision des décisions d’un organisme chargé de vérifier les compétences des candidats à la profession de dentiste, une question purement provinciale.

 

[47]           Les distinctions entre la Loi constituant le BEPC et la Loi constituant le Bureau d’examen dentaire ne sont pas importantes et ne constituent pas un fondement suffisant pour distinguer ces deux lois.

 

[48]           Les alinéas 6d) de la Loi constituant le Bureau d’examen dentaire et 5c) de la Loi constituant le BEPC présentent des similitudes, tous deux indiquant que les deux Bureaux visent à faciliter l’adoption des lois provinciales nécessaires pour la mise en œuvre des dispositions de la Loi. Les deux lois renvoient également à des organismes provinciaux de délivrance des permis.

 

[49]           Par analogie, il est clair que la vérification des titres académiques et des compétences des candidats à la profession de pharmacien relève des provinces étant donné que les parties ont invoqué un règlement provincial énonçant les exigences académiques des pharmaciens en Ontario (Loi de 1991 sur les pharmacies, Règl. de l’Ont. 202/94, voir art. 6(1)).

 

[50]           En ce qui concerne le droit fédéral, le demandeur a seulement renvoyé au paragraphe 12(1) de la Loi constituant le BEPC pour étayer sa prétention selon laquelle cette loi constitue une loi fédérale qui autorise la Cour fédérale à réviser les décisions du BEPC.

 

[51]           À mon avis, l’attribution de compétence se limite uniquement à autoriser le contrôle judiciaire de certaines décisions de rayer du registre tenu par le BEPC le nom de pharmaciens lorsque des allégations de nature quasi criminelles justifient ces décisions. En conséquence, la disposition invoquée ne constitue pas à elle seule un « régime juridique fédéral, établi dans un texte de loi ou autrement, qui permette d’exercer la compétence attribuée », comme l’exige l’arrêt ITO, qui permettrait de conclure que la Cour fédérale a compétence pour examiner plus largement les activités du BEPC. Seraient visées par cette portée plus large les décisions prises à la suite des vérifications des exigences de formation des candidats et des résultats d’examen nécessaires à leur inscription au registre à titre de pharmaciens.

 

[52]           Si l’on tient compte des arrêts ITO et Rosenbush, les activités du BEPC qui sont en cause en l’espèce ne relèvent pas de la compétence de la Cour fédérale.

 

[53]           Le demandeur ne m’a pas convaincue que la Cour fédérale pouvait connaître de la présente affaire.

 

[54]           La Cour fédérale ne pouvant connaître de la présente affaire, je ne me prononcerai pas sur la question de la prorogation du délai ni sur le bien-fondé de la demande étant donné que je n’ai pas la compétence requise.


JUGEMENT

 

LA COUR :

1.                  REJETTE la demande de contrôle judiciaire;

2.                  CONDAMNE le demandeur à payer immédiatement des dépens de l’ordre de 250 $.

 

 

« Glennys L. McVeigh »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-718-13

 

INTITULÉ :                                      Aljawhiri c Bureau fédéral des pharmaciens

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 11 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge McVeigh

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 31 mars 2014

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrea Gonsalves

 

POUR LE DEMANDEUR

Jed Blackburn

Timothy Pinos

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Stockwoods LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

CASSELS, BROCK & BLACKWELL LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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