Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 


Date : 20140326

Dossier : IMM-10212-12

Référence : 2014 CF 292

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Toronto (Ontario), le 26 mars 2014

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

DARIUSZ GLOWACKI

DANUTA ALDONA WALTER

 

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

« Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel […] » : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47. 

 

[1]               La décision faisant l’objet du contrôle n’est pas intelligible et doit être annulée au motif qu’elle n’est pas raisonnable.

 

[2]               Dariusz Glowacki et sa femme, Danuta Aldona Malter, sont des citoyens de la Pologne d’origine rom. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté leurs demandes d’asile au motif qu’ils n’ont pas réfuté la présomption de protection de l’État en Pologne. 

 

[3]               Selon la Commission, les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils ont pris toutes les mesures raisonnables, dans les circonstances, pour obtenir une protection parce qu’ils n’ont fait appel à la police qu’une fois, après le viol de Mme Walter, et qu’ils n’ont pas tenté de communiquer avec les autorités lors des autres épisodes de mauvais traitements.

 

[4]               M. Glowacki a toutefois affirmé s’être adressé à la police à une autre occasion, lorsqu’une pierre a été lancée dans une fenêtre de sa maison. Des policiers se sont présentés à son domicile, mais ils ont refusé de prendre sa plainte. D’après M. Glowacki, c’est cet incident qui l’a amené à croire que la police ne lui offrirait aucune aide. C’est l’explication qu’il a donnée à la Commission lorsque celle-ci lui a demandé pourquoi il n’avait pas appelé la police quand sa maison a été incendiée un mois plus tard.

 

[5]               Au sujet de ces incidents, la Commission affirme ce qui suit :

[…] j’ai questionné le demandeur d’asile pour savoir s’il a appelé la police et le service des incendies pour signaler l’incident. Il a répondu par la négative. J’ai demandé pourquoi, et il a déclaré ne pas faire confiance à la police. J’ai demandé pourquoi il ne faisait pas confiance à la police. Il a dit avoir déjà appelé la police lorsque quelqu’un a lancé une pierre dans son appartement. Les policiers ont demandé qui avait lancé la pierre et, comme il ne pouvait pas leur répondre, ils ont abandonné sa plainte. Il se peut que ce soit bel et bien le cas, mais il n’a pas […] mentionné cet incident dans son FRP. Je ne suis donc pas convaincu par son explication ni par la raison fournies pour ne pas avoir signalé à la police l’incident potentiel relativement à la bombe incendiaire. (Non souligné dans l’original.)

 

[6]               Les demandeurs font valoir que la Commission, en rejetant apparemment le témoignage de M. Glowacki au sujet de l’incident de la pierre, a rendu une conclusion déguisée sur la crédibilité en termes vagues et généraux plutôt qu’en termes clairs et explicites comme l’exige l’arrêt Hilo c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] ACF no 228 (CAF) [Hilo]. Le défendeur soutient que la Commission a tiré une conclusion claire quant à la crédibilité : elle ne croit pas que l’incident de la pierre a réellement eu lieu et que les demandeurs se sont adressés à la police.

 

[7]               À vrai dire, il est impossible de savoir quelle est la conclusion de la Commission. D’une part, elle affirme que les demandeurs n’ont sollicité l’aide de la police qu’à une occasion, après le viol, ce qui donne fortement à penser que la Commission ne croit pas que les demandeurs ont fait appel à la police après l’incident de la pierre. D’autre part, en ce qui concerne le témoignage de M. Glowacki, la Commission mentionne qu’« il se peut » que la police ait abandonné l’enquête après avoir constaté que les demandeurs ne pouvaient fournir aucun renseignement d’identification, ce qui porte à croire que la Commission admet que l’incident est survenu. Si tel est le cas, alors la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas sollicité la protection de l’État en s’appuyant sur le fait qu’ils ont tenté de communiquer avec la police une seule fois, alors qu’ils y ont fait appel au moins deux fois. Subsidiairement, si la Commission n’a pas retenu cet élément de preuve, que faire alors de son observation selon laquelle « il se peut que ce soit bel et bien le cas »?

 

[8]               De plus, il semble que la Commission a admis le témoignage des demandeurs au sujet de l’incident de la bombe incendiaire; or, elle parle ensuite de « l’incident potentiel relativement à la bombe incendiaire ». Il est donc impossible de savoir si la Commission a admis ou non cet élément de preuve. Comme il est dit dans l’arrêt Hilo, si la Commission a tiré une conclusion sur la crédibilité, elle se trouvait dans l’obligation de « justifier, en termes clairs et explicites, pourquoi elle doutait de la crédibilité [des demandeurs] ». Si la Commission s’est appuyée sur une conclusion au sujet de la crédibilité pour conclure que les demandeurs se sont adressés une seule fois à la police, il s’agit d’une erreur, car la conclusion sur la crédibilité n’est pas suffisamment explicite. Si la Commission ne s’est pas appuyée sur une conclusion au sujet de la crédibilité, la conclusion selon laquelle les demandeurs se sont adressés une seule fois à la police constitue une erreur de fait.

 

[9]               Il est clair que le commissaire a conclu que les demandeurs ont tenté de solliciter l’aide de la police à une seule occasion. Ce qui n’est pas clair, c’est pourquoi il est parvenu à cette conclusion. Compte tenu de ces lacunes, la Cour ne peut pas savoir quel est le fondement de la décision de la Commission. Par conséquent, la décision doit être annulée.

 

[10]           Aucune question à certifier n’a été proposée.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, que les demandes d’asile des demandeurs doivent être tranchées par un tribunal différemment constitué de la Commission et qu’aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Stéphanie Champagne


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

IMM-10212-12

 

INTITULÉ :

DARIUSZ GLOWACKI ET AUTRE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 25 MARS 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                     LE JUGE ZINN

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 26 MARS 2014

COMPARUTIONS :

Geraldine MacDonald

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

Meva Motwani

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GERALDINE MACDONALD

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.