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Date : 20140319


Dossier :

IMM-13106-12

 

Référence : 2014 CF 267

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 19 mars 2014

En présence de madame la juge Mactavish

 

ENTRE :

MIRYAM PUENTES PERDOMO

ELIANA PENA PUENTES

LIDA PENA PUENTES

SEBASTIAN PENA PUENTES

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Miryam Puentes Perdomo ainsi que ses deux filles et son petit-fils Sebastian demandent le contrôle judiciaire de la décision d’un agent principal d’immigration qui a rejeté leur demande de résidence permanente pour considérations d’ordre humanitaire (CH) présentée à partir du Canada.

 

[2]               Les demandeurs affirment que l’agent d’immigration a commis une erreur dans la façon dont il a évalué l’intérêt supérieur de Sebastian. Les demandeurs soutiennent que l’agent a également commis une erreur dans l’appréciation des difficultés auxquelles les demandeurs adultes seraient exposés s’ils étaient tenus de retourner en Colombie. 

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, les demandeurs ne m’ont pas convaincue que la décision de l’agent était déraisonnable. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

L’appréciation de l’intérêt supérieur de Sebastian

[4]               Lorsque Sebastian était âgé d’environ deux ans, il a été témoin de l’assassinat de ses parents par des membres des Forces armées révolutionnaires de la Colombie (les FARC). Les demandeurs soutiennent que, bien que l’agent ait reconnu que cela a pu être traumatisant pour Sebastian, il n’a pas vraiment tenu compte de son intérêt supérieur, et plus particulièrement de la façon dont ce même intérêt pourrait être servi par son retour en Colombie. Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur en appréciant plutôt l’intérêt supérieur de Sebastian en fonction du critère des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[5]               Les observations relatives aux CH formulées par les demandeurs à l’égard de l’intérêt supérieur de Sebastian sont minces. La seule mention de l’intérêt supérieur de Sebastian contenue dans la lettre d’observations des demandeurs est la simple affirmation selon laquelle [traduction] « les enfants » (y compris Sebastian) craignent le conjoint violent de Mme Puentes Perdomo, qui vit en Colombie. On retrouve dans l’ensemble de documents déposés au soutien de la demande CH deux lettres provenant d’un thérapeute par le jeu qui a travaillé avec Sebastian pour l’aider à surmonter l’événement traumatisant que constitue le meurtre de ses parents. Les demandeurs n’ont fait aucune observation quant à l’importance de ces éléments de preuve.

 

[6]               Sans égard au caractère limité des observations qui ont été faites quant à l’intérêt supérieur de Sebastian, l’agent a examiné les éléments de preuve dont il disposait à l’égard de l’enfant, en tenant compte plus particulièrement des conséquences qu’un renvoi du Canada aurait sur lui au regard de ces mêmes éléments de preuve.  

 

[7]               L’agent a convenu qu’il se pouvait que le renvoi en Colombie soit pénible pour Sebastian, étant donné que c’est l’endroit où ses parents ont été tués et l’endroit où son grand-père violent vit. L’agent a toutefois conclu que le désarroi que cela causerait chez l’enfant serait atténué par le soutien affectif constant de sa grand-mère et de ses tantes, de même que par le milieu de vie stable qu’elles pourraient lui offrir, loin de l’endroit où la violence est survenue. L’agent a également noté que le dossier ne renfermait que peu d’éléments de preuve donnant à penser que Sebastian ne pourrait continuer à recevoir des traitements en matière de santé mentale en Colombie.

 

[8]               Dans l’analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant à laquelle l’agent a procédé, on ne retrouve nulle part l’expression « difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives ». Cette expression apparaît au paragraphe de la décision qui énonce la conclusion générale portant sur la demande CH des demandeurs. Toutefois, si j’examine la décision dans son ensemble, je suis convaincue que l’agent a dûment tenu compte de l’intérêt supérieur de Sebastian : il explique de manière intelligible pourquoi l’intérêt supérieur ne l’emporte pas sur les autres facteurs de l’affaire. Aucune erreur n’a été démontrée à cet égard.

 

Les difficultés auxquelles les demandeurs adultes seraient exposés

[9]               Les demandeurs soutiennent également que l’agent a commis une erreur en concluant que les difficultés auxquelles ils feraient face s’ils devaient retourner en Colombie n’équivalaient pas à des difficultés inhabituelles, injustes ou excessives.

 

[10]           Les demandeurs font aussi valoir que l’agent a conclu de façon déraisonnable que toutes les difficultés de caractère affectif auxquelles ils pourraient faire face à leur retour en Colombie pourraient être surmontées par leur installation à Bogotá, qui se situe à huit ou neuf heures de leur ville d’origine. Ils soutiennent en outre que l’agent a également conclu de façon déraisonnable que les difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés en se réinstallant à Bogotá ne seraient pas plus importantes que celles auxquelles des personnes se trouvant dans une situation analogue feraient face si elles tentaient de se réétablir dans un pays.  

 

[11]           Au soutien de leurs prétentions, les demandeurs se fondent sur une lettre provenant du conseiller en santé mentale de Mme Puentes Perdomo qui a été rédigée avant que la demande d’asile de cette dernière soit rejetée par la Commission de l’immigration et du statut du réfugié (la CISR). Selon son conseiller, la seule façon de traiter le traumatisme que Mme Puentes Perdomo a subi serait de lui accorder l’asile. Les demandeurs soutiennent que cet élément de preuve est le fondement même de leur demande et que, par conséquent, l’agent était tenu d’en traiter expressément et de préciser pourquoi il ne l’avait pas accepté.

 

[12]           Les risques que les FARC feraient courir aux demandeurs en Colombie ont déjà été examinés par la CISR, laquelle a conclu que la famille disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Bogotá. Un examen des risques avant renvoi a par la suite permis d’établir que les demandeurs pouvaient également se prévaloir d’une protection adéquate de l’État en ce qui concerne le risque de violence familiale. L’agent chargé d’étudier la demande CH a quant à lui très bien analysé la question de la crainte des demandeurs de retourner en Colombie en fonction du critère des difficultés auxquelles ils seraient exposés. 

 

[13]           L’agent a convenu que, sur le plan émotif, il serait difficile pour les demandeurs de retourner à l’endroit où ils ont perdu des êtres chers dans une attaque violente et où un membre de la famille violent vit toujours. Toutefois, l’agent a également conclu qu’il y avait peu d’éléments de preuve documentaire démontrant que les demandeurs ne pourraient se réinstaller à Bogotá, où ils pourraient avoir accès à des services, notamment des services de santé mentale pour les femmes et les enfants qui ont été victimes de violence ou qui ont vécu un événement traumatisant.

 

[14]           Le commentaire de l’agent selon lequel les difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés en se réinstallant à Bogotá ne seraient pas plus importantes que celles auxquelles des personnes se trouvant dans une situation analogue feraient face si elles tentaient de se réétablir dans un pays, a clairement été fait dans le contexte de leur capacité de se trouver un logement et un emploi, et aucune erreur n’a été relevée à cet égard.  

 

[15]           L’agent a accordé une attention particulière à la lettre rédigée par le conseiller de Mme Puentes Perdomo portant sur son état émotionnel. Lorsqu’il a apprécié la lettre par rapport aux autres éléments de preuve au dossier, y compris la disponibilité apparente en Colombie de services de santé mentale pour les victimes d’événements traumatisants, l’agent a conclu que les difficultés auxquelles les demandeurs seraient exposés s’ils devaient retourner en Colombie ne constituaient pas des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Bien que les demandeurs puissent ne pas souscrire à cette conclusion, ils ne m’ont pas convaincue qu’elle était déraisonnable.

 

Conclusion

[16]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

 

Anne Mactavish

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

M.-C. Gervais, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-13106-12

 

INTITULÉ :

MIRYAM PUENTES PERDOMO, ELIANA PENA PUENTES, LIDA PENA PUENTES, SEBASTIAN PENA PUENTES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            le 17 MARS 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LA JUGE MACTAVISH

DATE DES MOTIFS :

                                                            lE 19 MARS 2014

COMPARUTIONS :

D. Clifford Luyt

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Daniel Engel

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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