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Date : 20140312

 


Dossier :

T-2084-13

 

Référence : 2014 CF 242

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Toronto (Ontario), le 12 mars 2014

 

En présence de madame la juge Strickland

 

 

ENTRE :

KEITH ROBERT BALLANTYNE

 

demandeur

et


SA MAJESTÉ LA REINE

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente décision concerne l’appel interjeté par le demandeur Keith Robert Ballantyne, le requérant en l’espèce, en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), à l’encontre de l’ordonnance du 31 janvier 2014 prononcée par la protonotaire Milczynski.

[2]               Le requérant a intenté l’action le 19 décembre 2013. Le ministre a présenté une requête en radiation fondée sur l’article 369 et le paragraphe 221(2), au motif que la déclaration ne révélait pas de cause d’action valable, qu’elle était scandaleuse, frivole ou vexatoire et qu’elle constituait autrement un abus de procédure. Le requérant n’a pas répondu à cette requête.

[3]               Dans son ordonnance, la protonotaire a radié la déclaration en entier, sans autorisation de la modifier, et a rejeté l’action sans frais.

[4]               Elle a reconnu, après avoir examiné la déclaration, qu’il était évident que le requérant se sentait lésé par la manière dont il avait été traité par le ministre du Revenu national (le ministre) et l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). Toutefois, elle a conclu que la cause ou les causes d’action, qui, selon les affirmations du requérant, lui donnaient le droit d’intenter un recours, étaient obscures et qu’un nombre insuffisant de faits substantiels avaient été présentés de façon assez précise pour qu’elle puisse les comprendre. Face à ces conclusions, l’intimée n’a pas pu préparer une défense adaptée et intelligible.

[5]               Le requérant fait valoir, comme moyens d’appel, qu’il n’avait pas compris les Règles et les exigences qui s’y rattachent et qu’il croyait qu’une déclaration était censée être un sommaire ou un résumé général de ses allégations, lesquelles devaient être suivies de documents concernant la cause et la preuve. Il affirme que le terme « action simplifiée » porte à confusion et cite un article du Vancouver Sun qui, semble-t-il, concerne les difficultés auxquelles les plaideurs non représentés par avocat font face dans le cadre des procédures judiciaires. Il soutient avoir fait l’objet d’un stéréotype et de discrimination en étant désigné comme un « contestataire de l’impôt » et ajoute que le ministre et l’ARC ne l’ont pas soumis à une application régulière de la loi, ce qui lui a causé de grandes difficultés financières et un préjudice important.

[6]               Aucune preuve par affidavit n’a été présentée à l’appui de la requête en appel. Le requérant a joint à son avis de requête une autre déclaration qui, selon lui, est être celle qu’il aurait dû produire au départ, de même que d’autres pages d’observations qui semblent concerner ses démêlés avec le ministre et l’ARC.

[7]               Selon l’intimée, parce que l’ordonnance discrétionnaire de la protonotaire avait une influence déterminante sur l’issue du principal, la Cour doit se pencher de nouveau sur la question de savoir si la déclaration devrait être radiée (Merck & Co c Apotex Inc., 2003 CAF 488, aux paragraphes 18 et 19). Je souscris à cet argument (voir aussi AYC Pharmacy Ltd c Canada, 2009 CF 554, au paragraphe 9; Chrysler Canada Inc. c Canada, 2008 CF 1049, au paragraphe 4).

[8]               L’intimée fait valoir que le critère applicable à la radiation d’actes de procédure prévu au paragraphe 221(1) des Règles consiste à déterminer si, en supposant que les faits sont vrais, nous pouvons dire qu’il est évident et manifeste que la déclaration ne révèle aucune cause d’action raisonnable (Hunt c Carey Canada inc., [1990] 2 RCS 959, à la page 980; Knight c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 RCS 45, aux paragraphes 17 et 22) et que la déclaration du requérant ne répond pas à ce critère.

[9]               Par ailleurs, la déclaration n’était pas conforme aux articles 174, 181 et 182 des Règles, qui exigent un exposé concis des faits, des précisions pertinentes à l’égard des allégations et des détails concernant la réparation demandée. Le paragraphe 2 comprenait une allégation de négligence et de faute, mais aucun fait n’a été présenté pour appuyer l’un ou l’autre des délits; le paragraphe 3 renvoyait à la Constitution, mais était entièrement obscur en ce qui a trait à l’injustice alléguée par le requérant; les paragraphes 4 à 6 semblaient soulever une faute, mais, encore une fois, aucun fait n’a été présenté pour appuyer les éléments liés à ce délit.

[10]           L’intimée soutient également qu’aucun argument rationnel fondé sur le droit et la preuve n’a été formulé et que la déclaration présentait de telles lacunes au chapitre des faits qu’elle écartait toute possibilité de défense (Ceminchuk c Canada, [1995] ACF 914 (QL) (1re inst.), au paragraphe 10). Il est clair que la déclaration était futile, qu’elle prêtait à confusion et qu’elle était difficile à comprendre. Pour ces motifs, elle était scandaleuse, frivole et vexatoire (Pfizer Inc. c Apotex Inc., [1999] ACF 959 (QL) (1re inst.), aux paragraphes 30 à 32; Borsato c Basra, 2000 CSCB 28, au paragraphe 24; Kisikawpimootewin c Canada, 2004 CF 1426, au paragraphe 12), et la protonotaire l’a radiée à juste titre. Une nouvelle audience produirait le même résultat.

[11]           Tout comme la protonotaire, je suis consciente du fait que le requérant n’est pas représenté par avocat et qu’il n’a pas l’avantage d’avoir de l’expérience ou de recevoir des conseils relativement au processus judiciaire. Cependant, bien que la Cour affiche généralement une certaine souplesse et une certaine ouverture à l’égard des parties non représentées par avocat, ce fait, à lui seul, n’exempte pas une partie de son obligation de s’acquitter de son fardeau prévu à l’article 51 des Règles (Barkley c Canada, 2014 CF 39, au paragraphe 18).

[12]           Même si je donne une interprétation large à la déclaration, je ne peux qu’être d’accord avec l’intimée et la protonotaire pour dire qu’elle ne présente pas suffisamment de faits pour permettre la vérification de la cause d’action, qu’elle prête à confusion et qu’elle est difficile à comprendre. Elle ne permet pas à l’intimée de préparer une défense appropriée. À cet égard, je me fonde sur les motifs contenus dans les observations écrites présentées par l’intimée dans le cadre de l’appel et les fais miens. L’appel du requérant doit être rejeté.

[13]           J’ai également examiné la déclaration révisée que le requérant a produite et qui, à son avis, est celle qu’il aurait dû produire au départ. Elle n’aide pas la cause de ce dernier. Elle comprend principalement des définitions, un énoncé de ce que constituent les garanties d’égalité prévues à l’article 15 de la Charte et une liste de lois. Elle n’expose pas plus en détail le fondement factuel de sa déclaration ni ne clarifie ses causes d’action. Les observations écrites qu’il a présentées à l’appui de son appel ne fournissent pas non plus d’explications cohérentes ou intelligibles de sa déclaration.

[14]           En ce qui concerne les dépens, le ministre souhaite obtenir un montant forfaitaire de 500 $. Compte tenu du fait que le requérant est âgé, qu’il n’est pas représenté par avocat et qu’il n’a pas eu gain de cause, ainsi que du fait que l’appel, même s’il a été interjeté par écrit, devait tout de même faire l’objet d’une réponse de la part de l’intimée, j’adjuge des dépens s’élevant à 200 $.

 


ORDONNANCE

LA COUR :

1.         ACCORDE au requérant l’autorisation d’interjeter l’appel en retard;

2.         REJETTE l’appel;

3.         ADJUGE à l’intimée des dépens de l’ordre de 200 $

 

 

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-2084-13

 

INTITULÉ :

KEITH ROBERT BALLANTYNE c SA MAJESTÉ LA REINE

 

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) EN VERTU DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

                                                            LA JUGE STRICKLAND

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 12 MARS 2014

OBSERVATIONS ÉCRITES PAR :

Keith Robert Ballantyne

 

POUR LE REQUÉRANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Jason Levine

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Keith Robert Ballantyne

Salt Spring Island (Colombie-Britannique)

 

POUR LE REQUÉRANT

(POUR SON PROPRE COMPTE)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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