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Date : 20140311


Dossier :

IMM‑11287‑12

 

Référence : 2014 CF 239

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 mars 2014

En présence de monsieur le juge Russell

 

ENTRE :

VARINDER SINGH BHAMRA

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi] en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 16 octobre 2012 par laquelle un agent d’immigration désigné [l’agent] a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur au titre de la catégorie de l’immigration économique en tant que candidat désigné par la province au sens du paragraphe 11(1) de la Loi et de l’article 87 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement]. L’agent a conclu que le demandeur était interdit de territoire pour fausses déclarations au sens de l’alinéa 40(1)a).

 

CONTEXTE

[2]               Âgé de 24 ans, le demandeur est un citoyen de l’Inde qui a présenté une demande en vertu du Programme Candidat immigrant pour la Saskatchewan [PCIS] en février 2009 en tant que menuisier. Sa demande a été acceptée par la province de la Saskatchewan le 11 janvier 2011. Il a ensuite soumis sa demande de résidence permanente par l’intermédiaire du Haut‑Commissariat du Canada à New Delhi [l’ambassade] le 21 février 2011. Bien que la province de la Saskatchewan sélectionne des candidats dans le cadre du PCIS, c’est Citoyenneté et Immigration Canada [CIC], qui, par l’intermédiaire d’agents nommément désignés, prend la décision finale quant à leur admission au Canada en décidant notamment s’ils sont interdits ou non de territoire au Canada par application de la Loi.

 

[3]               À l’appui de sa demande présentée dans le cadre du PCIS, le demandeur a produit une déclaration faite sous serment le 15 janvier 2009 par un employeur, Jit Singh. Cette déclaration indiquait que le demandeur travaillait pour l’entreprise de M. Singh, Panesar Timber Store, comme menuisier spécialisé dans la fabrication d’armoires depuis le 20 mai 2008 et [traduction] « jusqu’à ce jour ». Le demandeur a également soumis des certificats d’expérience signés par M. Singh avec sa demande de résidence permanente dans laquelle il était déclaré qu’il avait travaillé au Panesar Timber Store.

 

[4]               Le 1er août 2011, un employé de l’ambassade a contacté Jit Singh en vue de vérifier l’emploi et l’expérience du demandeur. Deux des numéros de téléphone fixes indiqués sur le papier à en‑tête de Panesar Timber Store n’étaient pas en service, mais l’employé de l’ambassade, qui parlait le pendjabi, a réussi à joindre une personne qui affirmait être Jit Singh en composant un numéro de téléphone portable inscrit sur le même papier à en‑tête. M. Singh a déclaré que Panesar Timber Store exploitait une entreprise qui faisait le commerce du bois utilisé pour la fabrication de portes et de dormants de porte et qu’il n’avait jamais exploité une entreprise de fabrication d’armoire ou d’autres meubles. Il a affirmé qu’il ne fabriquait [traduction] « que des portes et des dormants de porte ». M. Singh a également déclaré qu’aucun de ses employés ne portait le nom du demandeur. Après avoir été informé que c’était l’ambassade qui l’appelait, M. Singh a de nouveau affirmé que personne du nom du demandeur n’avait travaillé pour lui. L’employé de l’ambassade a terminé la conversation et inscrit le code TVE‑2 (Emploi confirmé frauduleux), dans le dossier du demandeur.

 

[5]               Le 25 juillet 2012, le demandeur a adressé à l’ambassade une lettre dans laquelle il déclarait qu’il avait changé d’emploi et à laquelle il a joint une lettre de son nouvel employeur, Devgan Wood Works, qui affirmait également qu’il travaillait comme menuisier.

 

[6]               Le 14 août 2012, un agent des visas de l’ambassade a fait parvenir au demandeur une « lettre d’équité procédurale » informant ce dernier de la teneur de la conversation téléphonique avec M. Singh et déclarant qu’il était par conséquent raisonnable de croire que le demandeur avait soumis de fausses lettres au sujet de son expérience de travail. L’agent des visas a mentionné les dispositions de la Loi relatives à l’interdiction de territoire pour fausses déclarations et a accordé au demandeur 30 jours pour dissiper par écrit les doutes soulevés, après quoi une décision serait prise. La lettre expliquait par ailleurs que le changement récent d’employeurs du demandeur [traduction] « n’est pas pertinent » étant donné qu’il avait été désigné par la province de la Saskatchewan en fonction de l’expérience qu’il avait acquise au Panesar Timber Store, à l’égard de laquelle de fausses déclarations auraient été faites.

 

[7]               Le demandeur a répondu le 1er septembre 2012 par une lettre dans laquelle il déclarait que les renseignements contenus dans la lettre d’équité procédurale étaient inexacts. Il a joint une autre déclaration notariée faite sous serment par Jit Singh le 30 août 2012. Dans cette lettre, ce dernier niait catégoriquement les faits allégués dans la lettre d’équité procédurale, réaffirmait que le demandeur avait travaillé pour Panesar Timber Store du 15 juin 2007 au 15 décembre 2007 puis, de nouveau, du 20 mai 2008 au 3 février 2012 et affirmait que dans le cadre de ce travail il avait [traduction] « fabriqué des dormants de porte et de fenêtre, des armoires de cuisine et des placards de chambre, pour être précis, et effectué divers travaux de menuiserie dans des appartements résidentiels ». M. Singh écrivait qu’il ne se souvenait pas d’avoir reçu un appel téléphonique de l’ambassade et présumait que l’appel [traduction] « avait peut‑être été reçu par une personne qui ne connaissait pas Varinder Singh Bhamra ou qui n’était pas en bons termes avec lui et qui se trouvait par hasard dans le bureau de [M. Singh] ».

 

[8]               Le 16 décembre 2012, une lettre a été adressée au demandeur pour l’informer qu’il avait été déclaré interdit de territoire au Canada pour fausses déclarations et que sa demande de résidence permanente était refusée.

 

DÉCISION À L’EXAMEN

[9]               La décision est constituée de la lettre du 16 décembre 2012 et des notes versées au dossier du demandeur dans le Système mondial de gestion des cas [les notes versées au SMGC].

[10]           La lettre expliquait que, en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi, faire, directement ou indirectement, une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, entraînant ou risquant d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi, emporte interdiction de territoire pour fausses déclarations, et que le paragraphe 40(2) dispose que l’interdiction de territoire vaut pour deux ans. Il était indiqué dans la lettre qu’après avoir examiné l’ensemble des renseignements soumis et recueillis, y compris la réponse donnée par le demandeur à la lettre du 14 août 2012 de l’ambassade, l’agent avait conclu que le demandeur avait fait une présentation erronée sur un fait important concernant son expérience de travail. Les documents complémentaires qui avaient été soumis n’avaient pas réussi à dissiper les doutes soulevés à la suite de la vérification téléphonique, étant donné que l’agent n’était [traduction] « pas convaincu que la personne avec laquelle le représentant de notre bureau a parlé au cours de la vérification téléphonique n’était pas M. Jit Singh, propriétaire de Panesar Timber Store ». L’agent a conclu que le demandeur avait fait une présentation erronée sur un fait important qui risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi, étant donné qu’un agent aurait pu être amené à croire que l’expérience de travail déclarée par le demandeur était authentique et que le demandeur satisfaisait aux exigences prévues pour être désigné candidat par la province. La lettre expliquait qu’en raison de ce constat de fausses déclarations, le demandeur était interdit de territoire du Canada pour une période de deux ans à compter de la date de la lettre.

 

[11]           Les notes versées au SMGC renferment d’autres renseignements au sujet du traitement du dossier du demandeur. Voici un extrait des notes du 21 septembre 2012 d’un utilisateur qui s’est identifié par son numéro de matricule, « ACO1326 », au sujet de l’examen de la réponse donnée par le demandeur à la lettre d’équité procédurale :

[traduction] […] M. Bhamra a produit une déclaration du propriétaire de Panesar Timber Store, M. Jit Singh, déclarant qu’il travaillait pour son entreprise. M. Singh nie dans cette déclaration avoir jamais reçu d’appels téléphoniques de nos bureaux. L’appel de vérification a été fait au même numéro de téléphone que celui qui figure tant sur le papier à en‑tête du certificat d’expérience que sur la nouvelle déclaration de l’employeur [...] La personne qui a procédé à l’appel de vérification a confirmé que la personne qui lui a répondu au début de l’appel était bien Jit Singh, propriétaire de Panesar Timber Store. La personne qui a répondu à l’appel téléphonique n’avait aucune raison de s’identifier comme Jit Singh si effectivement il ne s’agissait pas de lui. La personne qui a répondu à l’appel téléphonique a nié à plusieurs reprises au cours de cet appel connaître ou avoir déjà employé Varinder Singh Bhamra. Elle a également confirmé à deux reprises que son entreprise ne fabriquait que des portes et des dormants de porte. De plus, la personne qui a répondu à l’appel téléphonique a bel et bien identifié les trois employés de M. Jit Singh, et le demandeur n’en faisait pas partie. Le nom de deux des employés dont la personne qui a répondu à l’appel téléphonique a fait mention figure également à ce titre dans la déclaration écrite plus récente. À la fin de l’appel, on a informé la personne qui a répondu à l’appel téléphonique que l’appel provenait du Haut‑Commissariat du Canada et on lui a demandé une dernière fois de confirmer que Varinder Singh Bhamra travaillait ou avait déjà travaillé pour M. Jit Singh, ce à quoi l’interlocuteur a de nouveau répondu que cette personne n’avait jamais travaillé pour M. Singh. Lors de l’appel de vérification, la personne qui a répondu à l’appel téléphonique n’a donné aucun indice permettant de penser qu’elle n’était pas en mesure de fournir des renseignements fiables sur les faits en question. Cette personne n’avait aucune raison de se faire passer pour M. Jit Singh, le propriétaire de Panesar Timber Store, ou de donner à nos bureaux des renseignements incorrects au sujet de M. Bhamra. L’auteur de l’appel de vérification s’est identifié comme employé du Haut‑Commissariat du Canada à la fin de l’appel téléphonique et la personne qui a répondu à l’appel téléphonique n’a pas changé ses réponses à ce moment‑là. Cette dernière personne a également été en mesure d’identifier les autres employés de l’usine tout en confirmant que M. Bhamra n’en faisait pas partie. Je suis convaincu que la personne à qui l’on a parlé au cours de l’appel de vérification était bel et bien M. Jit Singh, propriétaire de Panesar Timber Store, et que M. Bhamra n’est pas et n’a jamais été un employé de Panesar Timber Store. Je ne trouve pas crédible l’affirmation de M. Jit Singh du 30 août 2012 suivant laquelle il n’a jamais reçu notre appel téléphonique, compte tenu des renseignements obtenus au cours de la vérification téléphonique. Les documents complémentaires soumis par le demandeur n’ont pas permis de répondre aux préoccupations soulevées lors de la vérification téléphonique. À mon avis, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur a fait de fausses déclarations au sujet de l’expérience de travail qu’il avait acquise comme menuisier en soumettant un certificat d’expérience qui n’était pas authentique à l’appui de ses dires [...] Je recommande par conséquent que le demandeur soit interdit de territoire au Canada par application de l’article 40 de la Loi [...]

 

[12]           Le 16 octobre 2012, date de la décision, un autre fonctionnaire identifié sous le matricule « CMO2803 », et qui est vraisemblablement l’agent, a noté ce qui suit dans le SMGC :

[traduction] Évaluation des fausses déclarations : J’ai examiné les documents et les renseignements relatifs à l’emploi de M. Varinder Singh Bhamra que ce dernier a soumis à l’appui de sa demande de résidence permanente au Canada dans le cadre du programme des candidats provinciaux. En raison des préoccupations soulevées au sujet de l’authenticité de l’expérience de travail déclarée par le demandeur, une enquête téléphonique a été menée par nos bureaux le 1er août 2011. Au cours de cette vérification, d’importantes divergences concernant les antécédents professionnels de M. Bhamra ont été signalées et ont été consignées dans son dossier. Une lettre d’équité procédurale a été adressée le 14 août 2012 à M. Bhamra et une réponse, à laquelle étaient joints des documents, a été reçue au Haut‑Commissariat du Canada le 6 septembre 2012. Tous les renseignements relatifs à l’emploi de M. Bhamra ont été examinés avant de rendre la présente décision. À mon avis, suivant la prépondérance des probabilités, le demandeur a fait de fausses déclarations au sujet de ses antécédents professionnels en soumettant des documents et des renseignements non authentiques en ce qui concerne l’emploi qu’il dit avoir occupé comme menuisier au Panesar Timber Store à Jagraon. Après avoir examiné les renseignements en question, j’estime raisonnable de conclure que M. Bhamra ne possède pas l’expérience qu’il prétend posséder dans sa demande. Les renseignements fournis à l’appui de la présente demande sont importants et auraient pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi [...] Je suis par conséquent d’avis que le demandeur doit être déclaré interdit de territoire au Canada en application de l’article 40 de la Loi. La demande est rejetée.

 

[13]           Le demandeur affirme que les notes suivantes prises le 5 mars 2011 par un fonctionnaire portant le matricule LB00260 sont également importantes dans le cas qui nous occupe :

[traduction] Veuillez confirmer l’expérience du demandeur comme menuisier chez Panesar Timber Store. Il semble étrange qu’on ait collé sur le papier à en‑tête de la lettre relative à son expérience de travail une photo couleur du demandeur?? [...]

 

QUESTIONS EN LITIGE

[14]           Le demandeur soulève les questions suivantes :

 

                     L’interdiction de territoire constatée par l’agent en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi était‑elle déraisonnable?

 

                     L’agent a‑t‑il manqué à son obligation d’équité procédurale en concluant à l’interdiction de territoire?

 

NORME DE CONTRÔLE

[15]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. Lorsque la norme de contrôle applicable à la question que la Cour doit examiner est déjà bien établie par la jurisprudence, le tribunal saisi du contrôle judiciaire peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse ou que la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente du droit en matière de contrôle judiciaire que le tribunal procédera à l’examen des quatre facteurs de l’analyse relative à la norme de contrôle (Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48).

 

[16]           Les parties conviennent – et la Cour est du même avis – que la norme de contrôle applicable dans le cas de la première question est celle de la décision raisonnable (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47), et que la norme de contrôle applicable dans le cas de la seconde question, qui soulève une question d’équité procédurale, est celle de la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, au paragraphe 100; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 53).

 

[17]           Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[18]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Fausses déclarations

 

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

[…]

 

Application

 

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

 

a) l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

 

 

 

 

 

 

 

[…]

Misrepresentation

 

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

 

 

 

[…]

 

Application

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

 

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of two years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

 

[…]

 

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le demandeur

Caractère raisonnable de la décision

[19]           Le demandeur affirme que l’agent a agi de façon déraisonnable et a fait preuve d’étroitesse d’esprit en concluant que le demandeur avait fait de fausses déclarations à son sujet en se fondant exclusivement sur la conversation téléphonique avec son présumé employeur et sans tenir compte des autres éléments de preuve dont il disposait. Le demandeur souligne que l’agent a tiré cette conclusion malgré le fait qu’un fonctionnaire du Programme des candidats des provinces s’était dit convaincu de l’authenticité des antécédents professionnels du demandeur et malgré le fait que l’agent avait en mains une lettre d’emploi faite sous serment provenant d’un employeur du demandeur ainsi qu’une autre déclaration faite sous serment par l’employeur en réponse à la lettre d’équité procédurale. Le demandeur affirme que l’agent n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve et qu’il n’a pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles il mettait en doute leur authenticité (Bellido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452).

 

[20]           Le demandeur affirme que les renseignements obtenus lors de la conversation téléphonique contredisaient tous les autres éléments de preuve et que l’agent n’a pas expliqué pourquoi les éléments de preuve complémentaires n’étaient pas suffisants pour dissiper ses doutes au sujet de la crédibilité. Il affirme que, étant donné que l’agent n’a pas personnellement participé à cette conversation téléphonique, le fait qu’il ait préféré les éléments de preuve recueillis lors de celle‑ci est particulièrement problématique. Le demandeur ajoute qu’on ne peut savoir s’il existe une transcription intégrale de cette conversation téléphonique.

 

[21]           Le demandeur affirme que les notes versées au SMGC révèlent que c’est la photographie du demandeur qui a été fixée au papier à en‑tête de la lettre de l’employeur du 15 janvier 2009 qui a soulevé, à tort, des doutes au sujet de ses affirmations quant à son emploi. Le demandeur ajoute qu’aucune raison n’a été donnée pour expliquer pourquoi cette photo avait pu soulever des doutes, qui ne lui ont d’ailleurs jamais été signalés.

 

Équité procédurale

[22]           Le demandeur affirme qu’avant d’écarter la décision des fonctionnaires du PCP, l’agent avait l’obligation de vérifier la raison pour laquelle les fonctionnaires en question s’étaient dits convaincus de la crédibilité du demandeur et de son admissibilité au programme. Les guides pertinents du CIC précisent dans les termes les plus nets qu’un dialogue doit avoir lieu entre l’agent d’immigration et les fonctionnaires du PCP lorsque des doutes sont soulevés, et que le demandeur peut légitimement s’attendre à ce que de tels échanges aient lieu. Il invoque l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 26 [Baker] à l’appui de la proposition que « [s]i le demandeur s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure […] ». Bien que les guides de l’immigration n’aient aucun caractère contraignant, ils fournissent aux agents des directives sur la façon dont ils doivent s’acquitter de leurs fonctions et donnent lieu à une attente légitime en ce qui concerne la procédure à suivre (Park c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 8221, 172 FTR 152 (CF), aux paragraphes 8 et 9). Le demandeur cite la section 10.4 du Guide de traitement des demandes à l’étranger 18/Guide de l’exécution de la Loi (ENF 2/OP 18, Évaluation de l’interdiction d’un territoire) dont voici les extraits qui nous intéressent : [passages soulignés par le demandeur] :

Dans le cas des candidats des provinces, la fausse déclaration est une question qui doit être examinée tant par CIC que par la province. Lors de l’examen de la demande, s’il y a une preuve convaincante de fausse déclaration directe ou indirecte, ou une réticence, sur un fait important quant à un objet pertinent, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR, il faut tenir compte de ce qui suit.

 

Il incombe à CIC de déterminer si les demandeurs sont interdits de territoire pour fausses déclarations. Avant de prendre une décision d’interdiction de territoire en vertu de L40, l’agent doit examiner les questions de pertinence et d’importance. Comme ces questions pourraient être liées à la décision de sélection prise par la province, l’agent des visas doit consulter le représentant de la province afin de recueillir tous les renseignements nécessaires concernant la pertinence et l’importance. Ce processus de consultation ainsi que les preuves fournies par la province doivent être clairement expliqués et consignés au dossier au cas où cela pourrait servir de preuve aux audiences de la Cour fédérale ou de la CISR, le cas échéant.

 

La procédure décrite ci‑dessous doit être suivie dans les cas comportant des fausses déclarations :

 

1.         Conformément aux normes habituelles de l’équité procédurale, l’agent des visas doit aviser le demandeur de ses doutes et lui donner au moins 30 jours pour y répondre. La province doit recevoir copie de la lettre au demandeur et ce dernier doit en être avisé.

 

2.         Si le demandeur fournit une réponse qui dissipe les doutes de l’agent des visas, le traitement de la demande peut se poursuivre normalement, sans que la province ait à s’en occuper.

 

3.         S’il n’y a pas de réponse ou si la réponse ne fournit pas une explication qui réussit à dissiper les doutes au sujet de la fausse déclaration, conformément aux normes habituelles de l’équité procédurale, l’agent des visas doit procéder de la façon suivante :

 

  Consulter l’autorité provinciale responsable afin que la province confirme les doutes au sujet de fausses déclarations et retire son certificat de désignation des provinces;

 

  Le bureau des visas doit

 

a)   fournir à la province la documentation liée aux doutes qui se trouve au dossier;

 

b)   aviser la province que le demandeur a eu l’occasion de répondre et l’informer de la nature de la réponse; et

 

c)   l’informer de la conclusion de l’agent des visas selon laquelle il y a eu fausse déclaration sur un fait important quant à un objet pertinent [...]

 

[23]           Le demandeur soutient que ces extraits du guide ENF 2/OP 18 démontrent qu’il pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les fonctionnaires du PCP de la Saskatchewan soient consultés avant que CIC refuse sa demande de résidence permanente, ajoutant que rien ne permet de penser que de telles consultations ont effectivement eu lieu. Sans ces consultations, CIC n’avait, à son avis, aucune façon de savoir si les fonctionnaires chargés de l’application du PCP avaient communiqué avec son employeur, Jit Singh. Les fonctionnaires du PCP étaient de toute évidence convaincus de l’authenticité des antécédents professionnels du demandeur et l’agent aurait dû se renseigner sur les raisons de cette conviction avant de tirer la conclusion contraire. Le défaut de l’agent de respecter la procédure prévue dans le guide allait à l’encontre des attentes légitimes du demandeur et constituait un manquement aux principes de justice naturelle (Menon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1273, aux paragraphes 21 et 22).

 

[24]           De plus, le demandeur soutient que le fait que l’agent ait préféré les éléments de preuve recueillis lors de l’appel téléphonique de vérification aux déclarations faites sous serment par l’employeur démontre que l’agent doutait de la crédibilité tant du demandeur que de son employeur, et l’équité procédurale exigeait que l’agent cherche à obtenir des renseignements complémentaires ou reçoive le demandeur en entrevue avant de rendre sa décision sur ce fondement. Le demandeur affirme qu’il a été placé dans une situation intenable : on lui a demandé de répondre aux allégations de l’agent, mais toute dénégation concernant la conversation téléphonique était réputée manquer de crédibilité. Le fait de fournir une déclaration écrite de son employeur constituait un moyen approprié pour dissiper les doutes soulevés par l’agent au sujet de sa crédibilité (Lu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 625, au paragraphe 30 [Lu]). Le demandeur se demande ce qu’il aurait pu faire de plus pour convaincre l’agent après avoir fourni cette déclaration et sans bénéficier d’une entrevue personnelle.

 

[25]           Le demandeur affirme que le raisonnement suivi par la Cour dans la décision Guo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 626 [Guo], s’applique au cas qui nous occupe. Dans cette affaire, un agent des visas avait appelé un employeur pour vérifier les antécédents professionnels de Mme Guo, avait recueilli des renseignements qui contredisaient la demande présentée par Mme Guo, et avait envoyé une lettre d’équité procédurale à cette dernière. En réponse, Mme Guo avait fourni une lettre dans laquelle son employeur expliquait que les renseignements fournis au téléphone étaient inexacts, mais le bureau des visas avait qualifié cette lettre de « rétractation » de la conversation téléphonique et ne l’avait pas jugée crédible. Le juge Harrington a conclu que le bureau des visas aurait dû faire d’autres vérifications et qu’il n’était pas justifié de retenir uniquement les éléments de preuve recueillis lors de la conversation téléphonique (Guo, précitée, aux paragraphes 14 et 15) :

[14]      […] En l’espèce, l’erreur a été commise par [le représentant de l’employeur]. Mme Guo a réagi avec bon sens et a immédiatement communiqué avec lui. Les doutes qu’entretenaient les fonctionnaires du ministère auraient dû les inciter à faire un suivi (Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1615, [2005] A.C.F. no 1990).

 

[15]           Bien entendu, il est possible que Mme Guo ne dise pas la vérité et que les renseignements qu’avait fournis M. Wang par téléphone soient véridiques. Il n’existe toutefois aucun élément de preuve qui permettait aux agents d’immigration de ne pas la croire. Par conséquent, il sera fait droit à la demande de contrôle judiciaire. Il n’y a pas de question grave de portée générale à certifier.

 

[26]           Dans le cas qui nous occupe, le demandeur affirme qu’il a fait tout en son possible pour convaincre l’agent que l’appel téléphonique n’était pas fiable. Il ajoute que l’agent n’a pas expliqué pourquoi les déclarations faites sous serment n’étaient pas fiables. Confronté à une déclaration sous serment qui contredisait directement les notes prises lors de l’appel de vérification, l’agent se devait, par souci d’équité, de faire plus que d’expliquer pourquoi les notes en question devaient être retenues. La déclaration sous serment aurait dû soulever des doutes dans l’esprit de l’agent et ces doutes « auraient dû [l]’inciter à faire un suivi » (Guo, précitée, aux paragraphes 5, 7, 8 et 14). L’agent aurait pu satisfaire à son obligation d’agir avec équité en faisant un second appel téléphonique à l’employeur ou en convoquant le demandeur à une entrevue (Baker, précité, aux paragraphes 22, 24 et 28), mais il n’en a rien fait.

 

[27]           La présente affaire commandait des mesures de protection procédurale accrues tant en raison des graves conséquences auxquelles est exposé le demandeur, qui doit attendre deux ans avant de pouvoir demander l’admission au Canada, qu’en raison du fait que les demandes présentées dans la catégorie « immigration économique » sont jugées en grande partie en fonction de critères objectifs (Haghighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 407, 2000 CanLII 17143 (CAF), au paragraphe 31). Bien qu’une audience ne soit pas toujours nécessaire, l’agent devait offrir au demandeur une réelle possibilité de dissiper ses doutes et procéder à un examen exhaustif et équitable de ses réponses (Ghasemzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 716, au paragraphe 27.

 

Le défendeur

[28]           Le défendeur affirme que la demande de résidence permanente du demandeur a été rejetée parce qu’il a fait de fausses déclarations au sujet de ses antécédents professionnels. La décision était raisonnable et la démarche suivie pour y parvenir était équitable.

 

[29]           Le défendeur soutient que, contrairement à ce que le demandeur prétend, le dossier démontre que l’agent a tenu compte tant du fait que le demandeur avait été déclaré admissible dans le cadre du PCP que du fait que son présumé patron, Jit Singh, avait fourni des déclarations faites sous serment pour confirmer ses antécédents professionnels. Le demandeur est tout simplement en désaccord avec le fait que l’agent a accordé plus de poids aux vérifications faites par téléphone.

 

[30]           Le défendeur estime qu’on ne saurait retenir l’argument selon lequel il est problématique que les vérifications téléphoniques n’aient pas été faites par l’agent qui a rendu la décision étant donné que le demandeur n’a fait référence à aucun précédent et n’a donné aucune raison pour expliquer en quoi cette façon de procéder posait problème ou était injuste.

 

[31]           Le défendeur conteste également l’argument suivant lequel on ne sait pas avec certitude la raison pour laquelle les éléments de preuve recueillis lors de l’appel téléphonique de vérification ont été préférés aux déclarations faites sous serment par le présumé employeur. Les notes versées au SMGC indiquent plusieurs raisons pour lesquelles ces éléments de preuve ont été retenus :

 

a)                  Le numéro de téléphone figurant sur le papier en‑tête de l’entreprise a été utilisé pour faire l’appel téléphonique de vérification;

 

b)                  La personne qui a procédé à l’appel de vérification a confirmé avec la personne qui lui a répondu, dès le début de l’appel, qu’il s’agissait bien de M. Singh;

 

c)                  Rien n’était de nature à inciter la personne qui a répondu à cet appel à se faire passer pour M. Singh, si effectivement il s’agissait d’une autre personne;

 

d)                 La personne qui a répondu à l’appel a nié à plusieurs reprises au cours de l’appel qu’il connaissait le demandeur ou que le demandeur avait déjà travaillé pour lui;

 

e)                  La personne qui a répondu à l’appel a confirmé à deux reprises que son entreprise ne fabriquait que des portes et des dormants de porte;

 

f)                   La personne qui a répondu à l’appel a nommé ses trois employés et le demandeur n’en faisait pas partie. Deux des employés en question étaient également mentionnés comme employés dans la déclaration écrite fournie en réponse à la lettre d’équité de CIC;

 

g)                  La personne qui a répondu à l’appel n’a été informée qu’à la fin de la conversation qu’elle parlait à un représentant du Haut‑Commissariat du Canada.

 

[32]           Le défendeur soutient que l’agent n’avait aucune obligation de recevoir le demandeur en entrevue pour apprécier sa crédibilité. L’équité exigeait que l’agent fasse part au demandeur de ses préoccupations au moyen d’une lettre d’équité procédurale envoyée à la suite de l’appel de vérification, mais l’agent n’était pas tenu d’accepter aveuglément les explications que le demandeur lui avait données en réponse à la lettre d’équité. L’agent avait plutôt l’obligation de vérifier si la réponse dissipait ses doutes et cette évaluation est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Chen Guo Hui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 10 décembre 2010, IMM‑2357‑10 (CF) [Chen]; Ni c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 162, au paragraphe 18 [Ni]).

 

[33]           Le défendeur affirme que la décision Lu, précitée, n’aide pas le demandeur, étant donné que les observations du juge Zinn dans cette affaire au sujet de l’affidavit qui aurait pu dissiper les doutes de l’agent quant à la crédibilité n’étaient que des remarques incidentes formulées après le rejet de la demande. Ces observations ne valaient que pour cette affaire et ne concernaient que les parties à la procédure.

 

[34]           Le défendeur affirme que l’affaire Guo, précitée, se distingue également de la présente espèce. Dans cette affaire, le bureau des visas ne disposait d’aucun élément de preuve lui permettant de ne pas ajouter foi à la réponse donnée par le demandeur à la lettre d’équité, alors que, dans le cas qui nous occupe, l’agent a expliqué clairement les raisons pour lesquelles il préférait les éléments recueillis lors de l’appel téléphonique de vérification et a précisé sur quels éléments il se fondait pour rejeter la demande (Guo, précitée, au paragraphe 15; Ni, précitée, au paragraphe 18).

 

[35]           Le défendeur affirme que l’argument suivant lequel CIC avait l’obligation de vérifier auprès des autorités saskatchewanaises les raisons pour lesquelles le demandeur avait été désigné dans le cadre du PCP avant de rejeter sa demande a par le passé été écarté par notre Cour. Dans le jugement Hui c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1098 [Hui], un autre candidat provincial avait vu sa demande de résidence permanente rejetée pour fausses déclarations sur ses antécédents professionnels. Il soutenait que CIC avait commis une erreur en rejetant sa demande avant de consulter les fonctionnaires de la Saskatchewan. Le juge Barnes a répondu comme suit à cet argument :

[12]      M. Hui prétend également que l’agent des visas a manqué à l’obligation d’équité en omettant de consulter les fonctionnaires de la Saskatchewan avant de rejeter sa demande. Cet argument est sans fondement. En vertu de l’article 4.10 de l’Accord Canada‑Saskatchewan sur l’immigration, le Canada est tenu d’aviser la Saskatchewan des raisons du refus possible d’un candidat provincial. Cela a été fait en l’espèce lorsque le Canada a envoyé à la Saskatchewan une copie de la lettre d’équité de l’agent des visas et la Saskatchewan a préféré de pas intervenir. Le Canada a respecté ses obligations contractuelles et n’avait aucune autre obligation envers M. Hui.

 

[36]           Le défendeur affirme que, dans le cas qui nous occupe, les autorités de la Saskatchewan ont reçu par courriel une copie de la lettre d’équité procédurale deux jours après son envoi au demandeur.

 

ANALYSE

[37]           Je ne décèle dans la décision aucune erreur justifiant l’intervention de la Cour.

 

[38]           En tout premier lieu, la décision n’est pas déraisonnable. Il ressort du dossier que l’agent a tenu compte du fait que le demandeur avait été accepté comme candidat provincial dans le cadre du PCP de la Saskatchewan et que les lettres écrites par M. Singh étaient censées confirmer les antécédents professionnels du demandeur. L’agent a simplement évalué ces faits en fonction de l’appel téléphonique et il est arrivé à la conclusion, pour les raisons qu’il a exposées, que le demandeur avait fait de fausses déclarations.

 

[39]           Ainsi que le défendeur le souligne, il ressort à l’évidence des notes versées au SMGC que l’appel téléphonique de vérification l’emportait largement sur tous les autres faits, et ce, pour des raisons valables :

a)                  Le numéro de téléphone figurant sur le papier en‑tête de l’entreprise a été utilisé pour faire l’appel téléphonique de vérification;

 

b)                  La personne qui a procédé à l’appel de vérification a confirmé avec la personne qui lui a répondu, dès le début de l’appel, qu’il s’agissait bien de M. Singh;

 

c)                  Rien n’était de nature à inciter la personne qui a répondu à cet appel à se faire passer pour M. Singh si effectivement il s’agissait d’une autre personne;

 

d)                 La personne qui a répondu à l’appel a nié à plusieurs reprises au cours de l’appel qu’il connaissait le demandeur ou que le demandeur avait déjà travaillé pour lui;

 

e)                  La personne qui a répondu à l’appel a confirmé à deux reprises que son entreprise ne fabriquait que des portes et des dormants de porte;

 

f)                   La personne qui a répondu à l’appel a nommé ses trois employés et le demandeur n’en faisait pas partie. Deux des employés en question étaient également mentionnés comme employés dans la déclaration écrite fournie en réponse à la lettre d’équité de CIC;

 

g)                  La personne qui a répondu à l’appel n’a été informée qu’à la fin de la conversation qu’elle parlait à un représentant du Haut‑Commissariat du Canada.

 

[40]           Le fait que M. Singh a par la suite laissé entendre que l’appel téléphonique de vérification [traduction] « avait peut‑être été reçu par une personne qui ne connaissait pas Varinder Singh Bhamra ou qui n’était pas en bons termes avec lui et qui se trouvait par hasard dans le bureau de [M. Singh] » est de la pure fantaisie et n’a aucune valeur de preuve. Cela n’explique rien. Si une telle personne existe, aucune explication n’a été fournie pour préciser son identité et les raisons pour lesquelles elle aurait accès au bureau de M. Singh et à son téléphone précisément au moment où l’appel de vérification a eu lieu. Si l’on fait abstraction de cette explication fantaisiste, on ne dispose tout simplement d’aucune explication quant aux raisons pour lesquelles M. Singh fournirait des renseignements aussi contradictoires. La conclusion tirée par l’agent sur cette question n’est en rien déraisonnable.

 

[41]           Le demandeur aurait pu déployer plus d’efforts pour répondre à la lettre d’équité et il n’a pas saisi l’occasion qui lui était offerte. Par exemple, il aurait pu soumettre des documents confirmant le poste qu’il occupait au sein de l’entreprise, ainsi que des lettres émanant d’autres employés. Il a plutôt laissé à l’agent le soin de choisir entre les notes prises au sujet de l’appel téléphonique de vérification et l’affirmation de M. Sigh selon laquelle il n’avait jamais reçu cet appel.

 

[42]           Aucun manquement à l’équité procédurale n’a par ailleurs été commis. Le demandeur a reçu une lettre d’équité et a eu amplement l’occasion de résoudre la question des fausses déclarations en sa faveur. Il a plutôt offert des lettres contradictoires ainsi qu’une explication invraisemblable et entièrement non corroborée au sujet de cette contradiction. Ainsi que le juge Mandamin l’a souligné dans la décision Chen, précitée, en s’appuyant sur les remarques du juge Zinn dans la décision Ni, précitée, au paragraphe 18 :

Je souscris à l’avis du demandeur selon lequel une norme d’équité élevée est requise pour conclure à l’existence de fausses déclarations. C’est la raison pour laquelle l’agent a envoyé au demandeur une lettre d’équité procédurale dans laquelle il a formellement soulevé ses préoccupations et permis au demandeur de présenter une réponse. C’est la norme d’équité requise en les circonstances et l’agent s’est acquitté de son fardeau. Selon la norme d’équité, l’agent n’est pas obligé d’accepter aveuglément la réponse à la lettre d’équité sans se questionner. Il doit évaluer la réponse pour voir si elle répond à ses préoccupations et dissipe ses doutes. Comme nous l’avons vu, cette décision peut être contrôlée selon la norme de la décision raisonnable.

 

C’est la lettre d’équité qui, dans ce contexte, offre au demandeur une occasion véritable de répondre aux préoccupations et de faire pleinement valoir ses arguments, conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Baker. Le demandeur ne m’a pas démontré qu’il n’a pas pu présenter la réponse qu’il souhaitait à la lettre d’équité.

 

[43]           Le demandeur s’est vu offrir la possibilité d’expliquer la contradiction relevée et de démontrer qu’aucune fausse déclaration n’avait été faite. C’est lui qui était au courant des faits. Il ne revient pas au CIC d’entreprendre des démarches pour résoudre les contradictions non expliquées. Dès lors que la lettre d’équité précise bien la nature du problème, c’est au demandeur qu’il incombe de démontrer qu’aucune fausse déclaration n’a été faite (Ni, précitée, au paragraphe 18; Banik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 777, aux paragraphes 69 à 75; Ikede c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1354, au paragraphe 23). Dans le cas qui nous occupe, le demandeur ne s’est pas acquitté de ce fardeau et il a fourni à l’agent une explication invraisemblable.

 

[44]           Notre Cour s’est déjà penchée sur l’argument du demandeur suivant lequel CIC avait l’obligation de vérifier auprès des autorités de la Saskatchewan la raison pour laquelle il avait été retenu comme candidat pour le PCP de la province avant de rejeter sa demande. Dans la décision Hui, précitée, au paragraphe 12, le juge Barnes fait observer ce qui suit :

M. Hui prétend également que l’agent des visas a manqué à l’obligation d’équité en omettant de consulter les fonctionnaires de la Saskatchewan avant de rejeter sa demande. Cet argument est sans fondement. En vertu de l’article 4.10 de l’Accord Canada‑Saskatchewan sur l’immigration, le Canada est tenu d’aviser la Saskatchewan des raisons du refus possible d’un candidat provincial. Cela a été fait en l’espèce lorsque le Canada a envoyé à la Saskatchewan une copie de la lettre d’équité de l’agent des visas et la Saskatchewan a préféré [ne] pas intervenir. Le Canada a respecté ses obligations contractuelles et n’avait aucune autre obligation envers M. Hui.

 

[45]           Dans le cas qui nous occupe, il ressort du dossier qu’une copie de la lettre d’équité procédurale a été envoyée aux fonctionnaires de la Saskatchewan deux jours après avoir été adressée au demandeur et avant qu’une décision définitive soit prise. De plus, le demandeur n’a pas démontré en quoi les échanges que CIC et la Saskatchewan ont pu avoir ou ne pas avoir l’ont empêché de répondre pleinement à la lettre d’équité.

 

[46]           Le demandeur invoque à tort la décision Guo, précitée. Dans cette décision, le juge Harrington a conclu qu’« il n’existait toutefois aucun élément de preuve qui permettait aux agents d’immigration de ne pas la croire […] » (au paragraphe 15), ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Mme Guo avait donné une explication plausible et fourni des détails importants pour expliquer dans cette affaire des incohérences qui justifiaient une enquête plus approfondie. Le demandeur n’a, en l’espèce, fourni aucun élément qui justifierait une enquête plus approfondie et ne m’a aucunement indiqué ce qu’une enquête plus approfondie aurait pu révéler et en quoi elle lui aurait été utile.

 

[47]           L’agent a bien expliqué dans la lettre d’équité ses préoccupations quant aux fausses déclarations. Or, le demandeur s’est contenté de produire une lettre de suivi contradictoire de M. Singh sans donner d’explication plausible au sujet de cette contradiction. De même devant la Cour, il n’a pas fourni d’explication plausible. Je n’ai devant moi aucun élément de preuve me permettant de penser qu’un manquement à l’équité procédurale a été commis en l’espèce.

 

[48]           Les parties sont d’accord pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.


JUGEMENT

 

LA COUR :

1.                  REJETTE la demande;

2.                  DÉCLARE qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM‑11287‑12

 

INTITULÉ :

VARINDER SINGH BHAMRA c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 5 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 11 MARS 2014

COMPARUTIONS :

Angela Princewill

 

POUR Le demandeur

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Niren & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR Le défendeur

 

 

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