Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140310


Dossiers :

T-1725-13

T-1744-13

T-1834-13

 

Référence : 2014 CF 233

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 mars 2014

En présence de madame la juge Kane

 

Dossier :

T-1725-13

 

ENTRE :

HAROLD COOMBS & JOAN COOMBS

 

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

Dossier :

T-1744-13

 

ET ENTRE :

HAROLD COOMBS & JOAN COOMBS

 

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

Dossier :

T-1834-13

 

ET ENTRE :

OLEG VOLOCHKOV & ANNE VOLOCHKOV & JOHN F. COOMBS & HAROLD COOMBS

 

demandeurs

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente ordonnance porte sur trois demandes connexes présentées par les demandeurs en vue d’obtenir un contrôle judiciaire, ainsi que sur la requête présentée par le défendeur en vue de faire radier les demandes en question pour défaut de compétence et au motif qu’elles sont futiles et constituent un abus de procédure. Les demandes découlent toutes de la même série de faits.

 

[2]               Dans une ordonnance connexe rendue le 10 mars 2014, notre Cour a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs de la décision en date du 2 juillet 2013 par laquelle le protonotaire Aalto avait radié la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs dans le dossier T‑441‑13 au motif qu’elle n’avait aucune chance d’être accueillie. Cette demande était fondée sur les mêmes faits que ceux qui sont invoqués dans les présentes demandes.

 

[3]               D’entrée de jeu, il est utile de situer dans leur contexte chacune des demandes connexes, qui ont toutes été instruites le 24 février 2014.

 

T- 441-13

[4]               Le 3 mars 2013, les demandeurs Harold Coombs, Joan Coombs et Percy Mossop ont introduit une demande de contrôle judiciaire en vue de faire déclarer illégales la perquisition et la saisie dont ils avaient fait l’objet le 20 septembre 2006, au motif qu’un dénommé John Gargos, qui n’était pas nommé dans le mandat de perquisition, avait saisi des documents ce jour‑là. Les demandeurs allèguent que cette perquisition violait les droits qui leur sont garantis par les articles 8 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et ils réclamaient une réparation en vertu de l’article 24 de la Charte. Les demandeurs cherchent également à obtenir de notre Cour un jugement déclarant que les appels entendus sur preuve commune par la Cour canadienne de l’impôt [la CCI] violaient les droits que les articles 8 et 15 de la Charte leur garantissent.

 

[5]               Comme je l’ai déjà signalé, le 2 juillet 2013, le protonotaire Aalto a fait droit à la requête du défendeur et a radié la demande sans autorisation de la modifier au motif que la demande n’avait aucune chance d’être accueillie et qu’elle constituait un abus de procédure, étant donné qu’elle était futile et vexatoire. Aux termes de l’ordonnance que j’ai prononcée le 10 mars 2014, l’appel de l’ordonnance du protonotaire a été rejeté.

 

T-1744- 13

[6]               Le 21 octobre 2013, Harold Coombs et Joan Coombs ont présenté une demande de contrôle judiciaire (dans le dossier T‑1744‑13) en vue d’obtenir notamment une réparation par suite de la violation alléguée des articles 8 et 15 de la Charte et de l’article 231 de la Loi de l’impôt sur le revenu, et en vue d’obtenir la restitution de documents qui avaient été saisis par l’Agence du revenu du Canada [l’ARC].

 

[7]               Aux termes de l’ordonnance prononcée le 27 novembre 2013 par le juge Hughes, la demande présentée dans le dossier T‑1744‑13 a été jointe à celle du dossier T‑441‑13.

 

T-1725- 13

[8]               Le 18 octobre 2013, Harold Coombs et Joan Coombs ont introduit une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler la décision par laquelle la Direction générale des appels de l’ARC avait confirmé les nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2001 à 2007 relativement à Select Travel Inc, une société dont Harold Coombs et Joan Coombs étaient les actionnaires majoritaires.

 

T-1834-13

[9]               Le 7 novembre 2013, les demandeurs Oleg Volochkov, Anne Volochkov, John F Coombs et Harold Coombs ont présenté une demande de contrôle judiciaire en vue d’obtenir une réparation en vertu de l’article 24 de la Charte par suite de la violation de leurs droits garantis par la Charte et en vue de faire annuler la décision par laquelle la Direction générale des appels de l’ARC avait confirmé une nouvelle cotisation établie pour certaines des années d’imposition comprises entre 1997 et 2008 concernant les personnes physiques en question et Sun Air Travel Inc, une société dont Harold Coombs était le président, le seul administrateur et l’un des actionnaires.

 

[10]           Aux termes de la directive prononcée par le protonotaire Aalto dans le dossier T‑441‑13, l’appel interjeté de l’ordonnance du protonotaire a été instruit le 24 février 2014 en même temps que la demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier T‑1744‑13 et avec la requête présentée par le défendeur en vue de faire radier les demandes T‑1744‑13, T‑1725‑13 et T‑1834‑13.

 

[11]           Le rappel des faits suivant permettra de mieux connaître la genèse des demandes des demandeurs et des requêtes en radiation du défendeur.

 

Rappel des faits

[12]           L’ARC a dépêché une équipe chargée de mener une perquisition au 660, avenue Eglinton Est, à Toronto, le 20 septembre 2006, conformément à un mandat de perquisition décerné en vertu du Code criminel par la Cour de justice de l’Ontario le 14 septembre 2006 (le mandat de perquisition). Les demandeurs allèguent − ce que le défendeur a reconnu et que la CCI a déjà conclu − que le nom d’un des membres de l’équipe qui a exécuté le mandat de perquisition, John Legros, ne figurait pas sur le mandat de perquisition. John Legros a aidé à l’exécution de la perquisition et de la saisie en transportant des boîtes. Les demandeurs allèguent que M. Legros a saisi des documents qui ne figuraient pas dans l’inventaire des documents fournis par l’ARC. L’ARC a remis aux demandeurs un inventaire détaillé. Les demandeurs allèguent que les documents qui, selon ce qu’ils prétendent, ne se trouvent plus dans leurs bureaux ne sont pas mentionnés dans l’inventaire de l’ARC, que ces documents doivent avoir été pris par M. John Legros et qu’il s’agit par conséquent d’une saisie illégale. L’auteure de l’affidavit de l’ARC, Mme Lynn Watson, l’enquêtrice principale chargée de la perquisition des locaux des demandeurs, a attesté que tous les documents saisis avaient été transportés dans les bureaux de l’ARC et qu’ils figuraient tous dans l’inventaire.

[13]           Le 16 avril 2007, Harold Coombs a saisi notre Cour d’une demande (dossier T‑742‑07) visant à faire annuler le mandat de perquisition et à reprendre possession de la totalité des documents et des biens saisis au 660, avenue Eglinton Est. Le 18 juin 2007, le protonotaire Aalto a radié la demande T‑742‑07 au motif que la Cour n’avait pas compétence pour annuler le mandat de perquisition ou pour ordonner la restitution des pièces et documents saisis en vertu de ce dernier.

 

[14]           Le 30 mars 2009, ou vers cette date, le juge Gans de la Cour supérieure de justice a prononcé une ordonnance enjoignant à l’ARC de retenir les documents saisis jusqu’à l’expiration de [traduction] « tout délai d’appel relatif à toute instance introduite devant une juridiction fiscale civile ». Le 10 octobre 2013, l’ARC a adressé à Harold Coombs une lettre l’informant qu’elle s’apprêtait à demander à la Cour supérieure de justice d’ordonner la restitution des documents saisis. Cette lettre comprend un inventaire des documents saisis ainsi que le nom de la personne ayant saisi chaque article.

 

[15]           À l’audience du 24 février 2014, qui portait sur les dossiers T‑ 441‑13, T‑1744‑13, T‑1725‑13 et T‑1834‑13, M. Coombs a reconnu que l’ARC avait effectivement fait des efforts pour que les documents lui soient restitués en introduisant les instances judiciaires appropriées. Il a toutefois ajouté qu’il ne récupérerait que les documents mentionnés dans l’inventaire de l’ARC et non ceux qui, selon ce qu’il affirme, sont manquants et que, par conséquent, il n’était pas intéressé à ce que les documents figurant dans l’inventaire lui soient restitués.

 

[16]           Les questions soulevées par les demandeurs qui découlent de la saisie et de la perquisition de certains documents qui ont eu lieu au 660, avenue Eglinton Est par l’ARC et dont nous avons déjà relaté les circonstances ont déjà fait l’objet de cinq demandes, qui ont toutes été rejetées. Le défendeur a fourni des éléments de preuve tendant à démontrer qu’Harold Coombs a, avec d’autres personnes, jusqu’à maintenant introduit au total 14 demandes et deux actions contre diverses entités et organismes du gouvernement fédéral.

 

Questions en litige

[17]           Les questions suivantes ont été abordées dans les instances réunies :

1.         La demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs dans le dossier T‑1744‑14 devrait‑elle être accueillie compte tenu de sa similitude avec la demande présentée dans le dossier T‑441‑13, qui a été radiée au motif qu’elle n’avait aucune chance d’être accueillie et qu’elle constituait un abus de procédure?

2.         À titre subsidiaire, la requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire dans le dossier T‑1744‑13 présentée par le défendeur devrait‑elle être accueillie?

3.         La requête en radiation de la demande de contrôle judiciaire dans les dossiers T‑1725‑13 et T‑1834‑13 présentée par le défendeur devrait‑elle être accueillie?

 

[18]           Les demandeurs ont également soulevé les deux questions préliminaires suivantes à l’audience :

1.         Le protonotaire a‑t‑il fait preuve de partialité en ordonnant que les instances T‑1725‑13 et T‑1834‑13 soient instruites en même temps que les instances T‑441‑13 et T‑1744‑13 et en ordonnant que les requêtes en radiation du défendeur soient instruites en même temps?

2.         Les affidavits qui ont été souscrits par Maria Vujnovic et Joselito Fournier et que le défendeur a déposés devraient‑ils être radiés en raison de leur manque de conformité avec les articles 81 et 82 des Règles des Cours fédérales?

 

Questions préliminaires

Le protonotaire n’a pas fait preuve de partialité en ordonnant que les instances T‑1725‑13 et T‑1834‑13 soient instruites en même temps que les instances T‑441‑13 et T‑1744‑13 et en ordonnant que les requêtes en radiation du défendeur soient instruites en même temps

 

[19]           Le 14 février 2014, les demandeurs ont écrit à la Cour au sujet des directives données par le protonotaire Aalto. Ils soutenaient que le protonotaire aurait dû refuser de donner des directives étant donné qu’il avait rejeté la demande présentée dans le dossier T‑441‑13 qui avait été portée en appel. Les demandeurs ont fait observer ce qui suit : [traduction] « À notre avis, les directives sont préjudiciables et semblent témoigner d’un certain parti pris. » À l’audience du 24 février, les demandeurs ont repris les mêmes observations et précisé qu’ils reprochaient effectivement au protonotaire d’avoir fait preuve de partialité.

 

[20]           Les demandeurs ne se sont pas appuyés sur le critère de la partialité, et M. Coombs, qui s’exprimait au nom de l’ensemble des demandeurs, n’a présenté aucun élément de preuve pour appuyer les allégations suivant lesquelles le protonotaire avait fait preuve [traduction] « d’un certain parti pris », se contentant de mentionner les directives données par le protonotaire Aalto en rapport avec la présente instance.

 

[21]           Le critère applicable en matière de partialité a été énoncé par le juge de Grandpré, qui était dissident, dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty c L’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, 68 DLR (3d) 716, à la page 394 :

[…] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet […] [C]e critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

 

[22]           Ainsi que les juges L’Heureux-Dubé et McLachlin l’ont expliqué, dans l’arrêt R c RDS, [1997] 3 RCS 484, 151 DLR (4th) 193, au paragraphe 113, au sujet du critère en question :

113     Peu importe les mots précis utilisés pour définir le critère, ses diverses formulations visent à souligner la rigueur dont il faut faire preuve pour conclure à la partialité, réelle ou apparente. C’est une conclusion qu’il faut examiner soigneusement, car elle met en cause un aspect de l’intégrité judiciaire. De fait, l’allégation de crainte raisonnable de partialité met en cause non seulement l’intégrité personnelle du juge, mais celle de l’administration de la justice tout entière. Voir la décision Stark, précitée, aux par. 19 et 20. Lorsqu’existent des motifs raisonnables de formuler une telle allégation, les avocats ne doivent pas redouter d’agir. C’est toutefois une décision sérieuse qu’on ne doit pas prendre à la légère.

 

 

[23]           Ainsi que je l’ai fait observer à l’audience, les allégations de parti pris sont graves et ne doivent pas être formulées à la légère.

 

[24]           On ne trouve au dossier aucun élément de preuve permettant de penser qu’une personne bien renseignée aurait une crainte raisonnable de partialité, c’est‑à‑dire qu’elle croirait que le protonotaire n’a pas rendu une décision juste ou qu’il n’a pas agi de façon équitable. Le protonotaire a donné des directives en vue de faire instruire le même jour que les autres questions soulevées par M. Coombs les deux demandes ainsi que les requêtes en radiation du défendeur, pour le cas où le défendeur aurait l’intention de présenter une requête en radiation. Cette directive découlait des lettres antérieures écrites par le défendeur. Le défendeur avait écrit au greffe de la Cour fédérale le 9 janvier 2014, en réponse à la lettre du 7 janvier 2014 de M. Coombs, pour préciser son intention de demander la réunion des instances afin de présenter une seule requête en radiation. Une copie de cette lettre a été envoyée aux demandeurs. Les demandeurs avaient également déjà reçu signification de la requête présentée par le défendeur en vue de faire réunir les instances T‑441‑13, T‑1744‑13, T‑1834‑13 et T‑1725‑13 et de nommer un seul juge chargé de la gestion des instances.

 

[25]           Contrairement à la thèse défendue par les demandeurs, le protonotaire n’a pas proposé au défendeur de présenter une requête en radiation, et il n’a pas donné de conseils juridiques au défendeur. Les directives du protonotaire visaient à favoriser l’efficacité et l’accès à la justice de manière à permettre que des questions identiques soient instruites ensemble. Le protonotaire avait ordonné la radiation de la demande T‑441‑13 et il était conscient que les questions en litige dans les autres demandes étaient identiques.

 

[26]           Il n’y a absolument rien pour étayer les allégations de partialité du protonotaire formulées par les demandeurs.

 

[27]           Les demandeurs soutiennent également qu’ils ont été lésés par le bref préavis ou la réception tardive de la requête en radiation du défendeur. Je ne suis pas d’accord pour dire que les demandeurs ont été lésés, compte tenu du fait que le défendeur leur avait fait part de ses intentions depuis longtemps et que les demandeurs avaient reçu signification de la requête en réunion d’instances au début de janvier. Par ailleurs, l’ordonnance du protonotaire Aalto radiant la demande T‑441‑13 avait été présentée en juillet 2013 et portait sur les mêmes questions. Les mêmes éléments étaient invoqués dans toutes les demandes connexes, et les demandeurs étaient au courant.

 

Les affidavits souscrits par Maria Vujnovic et Joselito Fournier que le défendeur a déposés sont conformes aux articles 81 et 82 des Règles des Cours fédérales

 

[28]           Les demandeurs soutiennent que les affidavits de Maria Vujnovic et Joselito Fournier présentés par le défendeur devraient être radiés parce qu’il s’agit d’affidavits souscrits par des avocats et que ces affidavits contiennent des arguments.

 

[29]           Les demandeurs citent les articles 81 et 82 des Règles qui disposent :

81. (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête – autre qu’une requête en jugement sommaire ou en procès sommaire – auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

 

 (2) Lorsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables.

[…]

 

82. Sauf avec l’autorisation de la Cour, un avocat ne peut à la fois être l’auteur d’un affidavit et présenter à la Cour des arguments fondés sur cet affidavit.

81. (1) Affidavits shall be confined to facts within the deponent’s personal knowledge except on motions, other than motions for summary judgment or summary trial, in which statements as to the deponent’s belief, with the grounds for it, may be included.

 

 

 

 (2) Where an affidavit is made on belief, an adverse inference may be drawn from the failure of a party to provide evidence of persons having personal knowledge of material facts.

 

 

 

[…]

 

82. Except with leave of the Court, a solicitor shall not both depose to an affidavit and present argument to the Court based on that affidavit.

 

[30]           Les demandeurs interprètent mal l’article 82 des Règles. Cet article vise des situations dans lesquelles l’avocat qui présente des arguments à la Cour se fonde sur son propre affidavit.

 

[31]           Dans le cas qui nous occupe, Me Singh est l’avocate du défendeur dans les demandes en question et elle ne s’est pas fondée sur son propre affidavit.

 

[32]           Les affidavits en question ont été souscrits par une autre avocate, Me Maria Vujnovic, du ministère de la Justice, et par M. Joselito Fournier, un assistant juridique du ministère de la Justice. Ces affidavits visaient uniquement à présenter les documents nécessaires à la Cour et ils ne renferment pas d’arguments. L’article 82 des Règles, sur lequel les demandeurs se fondent, ne s’applique pas à l’affidavit de Joselito Fournier et, eu égard aux circonstances de l’espèce, il ne s’applique pas non plus à l’affidavit souscrit par Me Maria Vujnovic.

 

[33]           Dans son affidavit, Me Vujnovic ne faisait que mentionner à la Cour les décisions publiées portant sur les demandes antérieures dont les demandeurs avaient saisi notre Cour. Ces décisions publiées sont du domaine public. Ce n’est pas parce que le défendeur mentionne ces décisions pour affirmer que les demandes sont futiles et vexatoires et constituent un abus de procédure que l’affidavit en question est pour autant fondé sur des arguments.

 

[34]           L’affidavit souscrit par Joselito Fournier, assistant juridique au ministère de la Justice, était fondé sur sa connaissance personnelle des demandes actuelles ainsi que des quelques autres instances introduites par les demandeurs. Son affidavit et les pièces qui y sont jointes fournissent un exposé chronologique des faits et des documents pertinents présentés à la Cour.

 

[35]           Monsieur Coombs soutenait que l’affidavit de M. Fournier présentait à la Cour des arguments sur des questions litigieuses et controversées. Monsieur Coombs citait le paragraphe 3 de l’affidavit de M. Fournier où il est précisé que M. Coombs a, avec d’autres personnes, introduit 14 demandes de contrôle judiciaire et deux actions contre le ministre du Revenu national, l’Agence du revenu du Canada, le ministre de la Justice, le procureur général du Canada et d’autres personnes.

 

[36]           Je ne suis pas d’accord avec M. Coombs pour dire que cet affidavit soulève des arguments ou des controverses. J’estime plutôt qu’il s’agit de faits.

 

[37]           L’argument des demandeurs suivant lequel les affidavits n’étaient pas conformes à l’article 82 des Règles et qu’ils devraient pour cette raison être rejetés est mal fondé.

 

[38]           Il est de jurisprudence constante que l’on peut utiliser les affidavits souscrits par un autre avocat.

 

[39]           Dans l’arrêt Poitras c Bande de Sawridge, 2011 CAF 310, 428 NR 219, au paragraphe 8, le juge Stratas de la Cour d’appel a fait observer que lorsqu’un avocat doit témoigner, c’est un autre avocat qui devrait faire office de conseiller :

[8]        Les parties de l’affidavit fondées sur les « conseils » de l’avocat sont irrecevables. Nul ne peut agir en même temps à titre de témoin et à titre d’avocat (article 82 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106). Lorsqu’un avocat doit témoigner, la pratique correcte appelle l’intervention d’un confrère aux fins de la requête; il est souvent acceptable que ce rôle soit joué par un autre avocat du même cabinet (Polaris Industries Inc. c. Victory Cycle Ltd., 2007 CAF 259, (2007), 60 C.P.R. (4th) 194). Une fois qu’il a été statué sur la requête, l’avocat qui a souscrit un affidavit aux fins de la requête peut normalement représenter son client en ce qui concerne les requêtes futures ou lors de l’instruction sur le fond (Viacom Ha! Holding Co. c. Untel, 2002 CFPI 13, au paragraphe 10). [Non souligné dans l’original.]

 

 

[40]           Dans l’arrêt Polaris c Victory Cycle, 2007 CAF 259, 60 CPR (4th) 194, au paragraphe 8, la juge Sharlow a confirmé qu’il n’y a rien d’irrégulier à demander à l’un des collègues de l’avocat inscrit au dossier d’attester des faits non contestés d’un affidavit :

[traduction]

 

[8]          Avant d’examiner la requête en sursis, je dois répondre à la demande par laquelle Polaris m’invite à ne pas tenir compte de la réponse donnée par Victory à la requête en sursis parce qu’elle est appuyée par l’affidavit d’un avocat qui fait partie du même cabinet que l’avocat inscrit au dossier de Victory et que cet affidavit a été souscrit en partie sur la foi de renseignements qui émanent de l’avocat inscrit au dossier de Victory. Se fondant sur l’arrêt Cross-Canada Auto Body Supply (Windsor) Limited et autre c. Hyundai Auto Canada, 2006 CAF 133, Polaris soutient que l’affidavit est irrégulier et que la Cour ne devrait pas en tenir compte, et elle ajoute que l’on devrait nommer un nouvel avocat pour représenter Victory. L’auteur de l’affidavit auquel Polaris s’oppose n’allègue que des faits qui ne sont pas contestés et qui concernent l’instance introduite devant la Cour fédérale et il est régulier à tous égards. Il ne ressemble en rien aux affidavits dont il était question dans l’affaire Cross-Canada et qui avaient été souscrits par des avocats ou par leurs employés et qui portaient sur des faits litigieux soulevés par le différend opposant les parties sur le fond. Je refuse d’écarter l’affidavit ou de donner suite à la suggestion de faire nommer un nouvel avocat pour représenter Victory.

 

[41]           Les avocats du ministère de la Justice sont comme les associés d’un cabinet d’avocats. Dans le cas qui nous occupe, ni l’affidavit de Me Vujnovic, une avocate au ministère de la Justice qui n’a pas plaidé les présentes demandes, ni celui de M. Fournier, un assistant juridique qui n’est pas avocat, ne devraient être écartés.

 

[42]           Je tiens également à faire observer que M. Coombs, qui s’exprimait au nom des demandeurs ‑ lesquels agissaient tous pour leur propre compte ‑, a plaidé en se fondant sur son propre affidavit, dans lequel il formulait son opinion, ses arguments et ses vues personnels en les tenant pour des faits. Monsieur Coombs s’est vu accorder une certaine latitude et le défendeur ne s’y est pas opposé, compte tenu du fait que M. Coombs agissait pour son propre compte, mais on ne permettrait pas à un membre du barreau d’agir de la sorte. Il s’agit en réalité de la question précise que M. Coombs reproche au défendeur, bien que, dans les affidavits qu’il a déposés devant la Cour, le défendeur soumet à la Cour des questions qui ont déjà été tranchées.

 

La Cour devrait‑elle accueillir la requête présentée par les demandeurs dans le dossier T‑1744‑13?

 

[43]           Les demandeurs soutiennent que l’ARC a violé la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que les articles 7 et 8 de la Charte en permettant à M. John Legros de saisir des documents au 660, avenue Eglinton Est. De plus, les demandeurs affirment que les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu doivent être interprétées de façon restrictive (Burrows c La Reine, 2005 CCI 761, au paragraphe 45, 2006 DTC 2172 [Burrows]) et qu’en l’espèce, l’ARC a contrevenu à l’article 231.2 de la Loi de l’impôt sur le revenu en ne signifiant pas d’avis à personne ou par courrier recommandé ou certifié. Les demandeurs affirment également que l’article 15 de la Charte a été violé étant donné que l’ARC ne les a pas traités comme d’autres contribuables se trouvant dans une situation semblable. Les demandeurs affirment également que l’ARC a agi de façon insouciante, secrètement et sous de faux prétextes.

 

[44]           Les demandeurs affirment que, dès lors que l’on constate que la saisie de documents contrevenait à l’article 8 de la Charte, la réparation appropriée consiste à ordonner la restitution des documents à son propriétaire légitime ou à son possesseur légal (Harkat (Re), 2009 CF 659, [2010] 3 RCF 169, aux paragraphes 73 à 76 [Harkat]).

 

[45]           Les demandeurs affirment que les questions en litige dans le dossier T‑1744‑13 ne sont pas les mêmes que dans le dossier T‑441‑13 ou dans les autres instances introduites devant notre Cour ou la CCI. Les demandeurs affirment qu’il ne s’agit tout simplement pas d’annuler le mandat de perquisition ou d’ordonner la restitution des documents. Les demandeurs maintiennent que des documents ont disparu de leurs locaux au cours de la perquisition et que ces documents ne figurent pas dans l’inventaire dressé par l’ARC. Les demandeurs sollicitent la restitution de documents manquants et non des autres documents que l’ARC a tenté récemment de leur rendre, et ils soutiennent que notre Cour a compétence pour ordonner la restitution des documents qui seraient manquants.

 

[46]           Les demandeurs soutiennent que la Cour fédérale devrait se déclarer compétente pour ordonner la restitution des documents en question en raison des agissements illégaux de l’ARC commis en violation de la Loi de l’impôt sur le revenu et ils affirment que notre Cour exerce, en vertu de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, un rôle de surveillance sur l’ARC.

 

[47]           Les demandeurs affirment également qu’il y a lieu de tirer une conclusion défavorable aux défendeurs parce que l’auteure de l’affidavit, Lynn Watson, n’était pas un témoin oculaire de la perquisition et de la saisie des documents dans les locaux des demandeurs.

 

[48]           Le défendeur affirme que la légalité de la saisie et de la perquisition effectuée au 660, avenue Eglinton Est, est une question qui a déjà été tranchée. En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que les personnes qui ne sont pas des agents de la paix et qui ne sont pas nommément désignées dans le mandat de perquisition peuvent prêter leur concours pour faciliter l’exécution d’une perquisition à condition que la perquisition soit effectuée sous la surveillance et le contrôle des agents nommément désignés (R c Strachan, [1988] 2 RCS 980, 56 DLR (4th) 673, aux paragraphes 24 à 26 [Strachan]).

 

[49]           Qui plus est, le défendeur affirme que notre Cour n’a pas compétence pour ordonner la restitution des documents saisis, étant donné que, pour ce faire, il faudrait que la Cour annule le mandat de perquisition qui a été décerné par la Cour supérieure de justice de l’Ontario.

 

[50]           Le défendeur affirme que l’ARC a déclaré qu’il n’y avait pas de documents qui n’ont pas été inventoriés, ce que la CCI a confirmé dans le jugement Coombs c La Reine, 2008 CCI 289, 2008 DTC 4004, au paragraphe 104 [Coombs CCI], confirmé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Coombs c Canada (Procureur général), 2009 CAF 74, 387 NR 361, au paragraphe 10 [Coombs CAF].

 

[51]           Le défendeur affirme en outre que la réparation sollicitée par les demandeurs est théorique, étant donné que l’ARC a déjà fait part de son intention de demander à la Cour supérieure de justice de l’Ontario de rendre une ordonnance en vue de restituer les biens saisis ou de les détruire si la personne censée les recevoir refuse d’en prendre possession, ajoutant que l’ARC a déjà entrepris des démarches pour donner suite à cette intention. Monsieur Coombs affirme qu’il ne veut pas les documents qui ont été inventoriés, mais bien les « documents manquants », mais le défendeur répète qu’il n’y a pas de documents manquants.

 

[52]           Le défendeur signale également que l’auteure de l’affidavit qu’il a déposé, Mme Lynn Watson, était l’enquêtrice principale chargée de la perquisition et que c’était elle qui était la mieux placée pour confirmer les circonstances dans lesquelles la perquisition avait été pratiquée. Or, Mme Watson a confirmé que tous les documents avaient été inventoriés et que le rôle de M. John Legros se limitait à transporter des boîtes et que M. Legros n’avait rien saisi.

 

Rejet de la requête présenté par les demandeurs dans le dossier T‑1744‑13

[53]           La requête présentée par les demandeurs dans le dossier T‑1744‑13 ne saurait prospérer.

 

[54]           Les principes cités par les demandeurs tels qu’ils ont été énoncés dans les arrêts Burrows et Harkat ne sont pas contestés. Toutefois, la question de la légalité de la perquisition effectuée au 660, avenue Eglinton Est a déjà été tranchée dans le jugement Coombs CCI et dans l’arrêt Coombs CAF. Dans l’affaire T‑1275‑07, la juge Dawson a rejeté la tentative faite par les demandeurs en vue d’obtenir une ordonnance annulant tous les aspects du mandat de perquisition, au motif que la demande n’avait aucune chance d’être accueillie.

 

[55]           En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que des personnes non nommément désignées dans le mandat de perquisition peuvent prêter leur concours pour faciliter l’exécution d’une perquisition à condition que celle-ci soit effectuée sous la surveillance et le contrôle des agents nommément désignés. Dans l’arrêt Strachan, précité, aux paragraphes 24 à 26, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

24     Il n’est pas nécessaire en l’espèce de décider si un juge de paix peut modifier un mandat de la manière dont a tenté de le faire le juge de paix en l’espèce. Le mandat a été exécuté par deux des quatre agents nommés. La question est de savoir si ces deux agents pouvaient avoir recours à l’aide d’autres agents non nommés dans le mandat pour effectuer la perquisition. Si les agents nommés peuvent être aidés par des agents non nommés, il n’importe pas de savoir si la substitution qui aurait été faite était valide.

 

25     Deux cours d’appel provinciales ont examiné la question de savoir si un agent nommé peut être aidé par des agents non nommés; toutes les deux ont conclu que l’aide est permise. Dans l’arrêt R. v. Fekete, (1985), 44 C.R. (3d) 92, la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Martin, Zuber et Goodman) a conclu que, bien qu’un agent nommé ne puisse déléguer l’exécution du mandat à une autre personne, il peut effectuer la perquisition avec l’aide d’agents non nommés. Le juge Zuber, s’exprimant au nom de la cour, a souligné que le par. 10(4) de la Loi sur les stupéfiants autorise expressément l’agent nommé à demander de l’aide pour forcer, enfoncer ou briser tout ce qui est nécessaire pour effectuer la perquisition. Le juge Zuber a conclu que ce paragraphe illustre simplement le pouvoir de l’agent nommé de compter sur des assistants.

 

26    La Cour d’appel de l’Alberta a examiné la même question dans l’arrêt R. v. Heikel and MacKay, (1984), 57 A.R. 221, relativement à un mandat de perquisition décerné en vertu de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, chap. F‑27. Le paragraphe 37(2) de cette loi équivaut au par. 10(2) de la Loi sur les stupéfiants et exige que l’agent soit nommé dans le mandat. Le juge Kerans, s’exprimant en son propre nom et en celui des juges McClung et Harradence, a conclu que l’exigence qu’un agent soit nommé a pour objet d’assurer qu’une seule ou plusieurs personnes déterminées soient responsables de la perquisition. Dans la mesure où la perquisition et les saisies sont effectuées sous la surveillance et le contrôle des agents nommés, on satisfait à l’objet de cette exigence sans miner la règle. La simple assistance de personnes non nommées dans le mandat n’a pas pour effet de rendre la perquisition illégale. Voir également R. v. Lebrocq, (1984), 35 Alta. L.R. (2d) 184 (B.R. Alb.)

 

[56]           De plus, la Cour fédérale n’a pas compétence pour ordonner la restitution de documents qui seraient « manquants ». Contrairement à ce que les demandeurs croient, la compétence que l’article 18 confère à la Cour fédérale ne consiste pas à exercer un rôle général de surveillance sur les agissements des employés des ministères et organismes fédéraux.

 

[57]           Je remarque également qu’il ressort de l’affidavit que M. Coombs a souscrit à l’appui de la demande T‑1744‑13 que M. Coombs avait saisi la CCI de deux avis d’appel dans lesquels il sollicitait la même réparation que celle qu’il requiert de notre Cour dans les dossiers connexes T‑1725‑13 et T‑1834‑13.

 

La Cour devrait‑elle accueillir la requête en radiation présentée par le défendeur dans le dossier T‑1744‑13?

 

[58]           Le défendeur affirme que la demande présentée dans le dossier T‑1744‑13 devrait être radiée parce que les questions soulevées sont théoriques et que la multiplication des demandes constitue un abus de procédure.

 

[59]           Bien que la requête du défendeur ait été instruite en même temps que la demande de contrôle judiciaire des demandeurs, j’ai permis aux demandeurs de faire valoir leur point de vue sur leur demande et de répondre à la requête en radiation du défendeur.

 

[60]           En raison de ma décision de rejeter la demande de contrôle judiciaire pour défaut de compétence, il n’est pas nécessaire d’examiner la requête en radiation présentée par le défendeur dans le dossier T‑1744‑13. Toutefois, comme les demandes ont été instruites conjointement et que des arguments semblables s’appliquent à toutes les instances, je tiens à résumer les observations qui ont été formulées.

 

[61]           Le défendeur affirme que la Cour a compétence pour radier une demande de contrôle judiciaire lorsque celle‑ci est « [...] manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie » (JP Morgan Asset Management (Canada) Inc c Ministre du Revenu national, 2013 CAF 250, 2014 DTC 5001, au paragraphe 47 [JP Morgan]). Le défendeur signale que les présentes demandes sont pratiquement identiques à celle présentée dans le dossier T‑441‑13 et il invoque les mêmes arguments que ceux qui y avaient été formulés.

 

[62]           Les demandeurs soutiennent que la radiation d’une demande de contrôle judiciaire est une mesure exceptionnelle et que, comme ils ont soulevé des questions qui méritent d’être débattues, en l’occurrence les réparations qu’ils réclament en vertu de la Charte, la demande devrait être examinée sur le fond.

 

[63]           La demande a été instruite sur le fond, mais pas parce que les demandeurs avaient soulevé des questions qui méritent d’être débattues.

 

[64]           Même si je n’avais pas jugé sur le fond la demande présentée dans le dossier T‑1744‑13, j’aurais radié la demande pour les mêmes raisons que celles exposées par le protonotaire Aalto dans le dossier T‑441‑13 pour lequel l’appel interjeté par les demandeurs a été rejeté.

 

[65]           Le protonotaire a examiné les mêmes arguments que ceux que les demandeurs avaient soulevés dans le dossier T‑1744‑13 et il a conclu que la demande présentée par les demandeurs équivalait à une contestation indirecte du jugement Coombs CCI, ce qui constitue une question qui ne relève pas de la compétence de notre Cour. Le protonotaire a conclu que la demande n’avait aucune chance d’être accueillie, qu’elle était futile et vexatoire et qu’elle constituait un abus de procédure.

 

[66]           Ainsi que je l’ai fait observer dans l’ordonnance que j’ai rendue dans le dossier T‑441‑13, Coombs c Canada (Procureur général), 2014 CF 232, dans lequel j’ai rejeté l’appel interjeté par les demandeurs de l’ordonnance du protonotaire :


[49]      Bien que les requêtes en radiation d’une demande de contrôle judiciaire ne devraient être présentées que dans les circonstances les plus exceptionnelles, je ne suis pas d’accord avec les demandeurs pour dire qu’il n’existe pas de telles circonstances exceptionnelles en l’espèce. Les circonstances sont effectivement exceptionnelles, compte tenu de la multiplication des instances introduites par les demandeurs sur le fondement des mêmes faits, à quelques nuances près dans chaque cas, en vue de présenter chaque demande ou requête sous un jour nouveau ou différent. Les circonstances en question justifient nettement l’exercice du pouvoir discrétionnaire du protonotaire de radier la demande. Les demandeurs invoquent la décision Amnesty, dans laquelle la juge Mactavish a résumé les principes régissant les requêtes en radiation. Ces principes ne sont pas contestés et le protonotaire les a bien appliqués. Il est vrai que d’autres facteurs sont en jeu lorsqu’on se prononce sur l’opportunité de radier un avis de demande de contrôle judiciaire plutôt qu’une déclaration. 

 

[50]      Dans Amnesty, précitée, la juge Mactavish écrit ce qui suit, aux paragraphes 26 et 27 :

 

[26]       C’est la raison pour laquelle la Cour d’appel fédérale a statué qu’il n’y a pas lieu de radier une demande de contrôle judiciaire avant la tenue de l’audience sur le fond, à moins que la demande soit « manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie ».

 

[27]       La Cour d’appel fédérale indique de plus que « [c]es cas doivent demeurer très exceptionnels et ne peuvent inclure des situations […], où la seule question en litige porte simplement sur la pertinence des allégations de l’avis de requête » : David Bull, au paragraphe 15.

 

[51]      le protonotaire a conclu que la demande était, sur le fond, « manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie ».

 

 

[67]           La présente demande, T‑1744‑13, est rejetée pour les mêmes motifs et elle est également futile et vexatoire et constitue un abus de procédure au même titre que la demande présentée dans le dossier T‑441‑13.

La Cour devrait‑elle accueillir la requête en radiation présentée par le défendeur dans les dossiers T‑1725‑13 et T‑1834‑13?

 

[68]           Le défendeur affirme, tout comme dans le cas des demandes T‑441‑13 et T‑1744‑13, que ces demandes devraient être radiées parce que les questions soulevées sont théoriques et que la multiplication des demandes constitue un abus de procédure. Les demandes découlent toutes des mêmes faits et ces faits ont tous déjà été jugés.

 

[69]           Le défendeur affirme en outre que les demandes devraient être radiées parce que la Cour ne peut accorder la réparation demandée. Notre Cour n’a pas compétence pour annuler ou réviser des cotisations ou de nouvelles cotisations d’impôt (Jus d’Or Inc c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2007 CF 754, 2007 DTC 5451, au paragraphe 8) : seule la CCI a compétence exclusive pour accorder ce type de réparation (Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T‑2, article 2). Le défendeur signale que, suivant le paragraphe 152(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu, les cotisations d’impôt sont réputées valides, sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de leur annulation par le ministre du Revenu national ou par la CCI dans le cadre d’un appel. Le défendeur signale également que le mécanisme législatif prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu pour contester l’appel interjeté d’une cotisation se veut une procédure d’appel complète (Walker c Canada, 2005 CAF 393, 344 NR 169, au paragraphe 11) et que l’on ne saurait permettre que l’on se serve du contrôle judiciaire pour tenter de se soustraire à la compétence de la CCI lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la validité d’une cotisation d’impôt (Canada c Addison & Leyen Ltd, 2007 CSC 33, [2007] 2 RCS 793, au paragraphe 11).

 

[70]           Le défendeur affirme que, bien que les demandeurs reprochent à l’ARC d’avoir agi de façon illicite, et qu’ils prétendent maintenant qu’ils ne contestent pas l’ordonnance par laquelle la Cour a décerné le mandat de perquisition, les demandeurs ont présenté une demande de contrôle judiciaire et non une requête en bref de mandamus pour récupérer les documents et ils n’ont pas introduit d’action en responsabilité civile délictuelle pour les actes dits illégitimes. Toutefois, ces observations ne visent pas à encourager les demandeurs à présenter une autre demande, étant donné que ces questions n’ont aucune chance d’être accueillies, puisqu’elles découlent de faits qui ont déjà été jugés. Les demandeurs se sont vus remettre un inventaire et il n’a pas été démontré qu’il manquait des documents. C’est la conclusion qu’a tirée la CCI, qui a également conclu que la perquisition n’était pas illégale.

 

[71]           Les demandeurs soutiennent qu’ils ne cherchent pas à faire annuler les cotisations établies par la Direction générale des appels de l’ARC, mais qu’ils cherchent plutôt à obtenir en vertu de la Charte une réparation qu’ils n’ont pas déjà demandée à la CCI. À titre subsidiaire, les demandeurs ont également proposé à la Cour d’ignorer ou de radier les passages de leur avis de demande dans lesquels ils cherchent à faire annuler les décisions par lesquelles la Direction générale des appels de l’ARC a confirmé leur nouvelle cotisation pour certaines années d’imposition, ajoutant que la Cour ne devrait examiner que la réparation qu’ils réclament en vertu de l’article 24 de la Charte pour la violation des droits qui leur sont garantis par la Charte.

 

La requête en radiation présentée dans les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T-1725-13 et T-1834‑13 est accueillie

 

[72]           Dans le dossier T‑1725‑13, les demandeurs ne sollicitent qu’une ordonnance annulant l’avis de ratification de la Direction générale des appels de l’ARC concernant la nouvelle cotisation qui a été établie pour les années d’imposition 2001 à 2007. La réparation sollicitée ne relève manifestement pas de la compétence de la Cour. Comme les demandeurs connaissent l’existence des ordonnances déjà prononcées par notre Cour et comme l’a fait valoir à juste titre le défendeur, s’appuyant sur la jurisprudence susmentionnée, les questions soulevées relèvent de la compétence exclusive de la CCI.

 

[73]           Dans le dossier T‑1834‑13, les demandeurs sollicitent également une ordonnance en vue d’obtenir une réparation fondée sur l’article 24 de la Charte pour violation des droits que leur confère la Charte et, à titre subsidiaire, une ordonnance annulant la nouvelle cotisation établie par la Direction générale des appels de l’ARC pour certaines années d’imposition.

 

[74]           Malgré le fait que l’on demande à notre Cour de s’en tenir à la réparation fondée sur la Charte et non sur celle visant à faire annuler l’avis de ratification des nouvelles cotisations, les faits à l’origine des allégations formulées pour affirmer que des droits garantis par la Charte ont été violés sont identiques à ceux sur lesquels les demandeurs se sont fondés dans diverses autres instances pour soutenir que la perquisition était illégale. Ces questions ont déjà été tranchées et, malgré le fait que l’action a été qualifiée d’instance portant sur une réparation fondée sur la Charte, la CCI a conclu que la perquisition n’était pas illégale. La question fondée sur la Charte a donc déjà été tranchée. Dans le même ordre d’idées, les mêmes arguments ont été examinés et tranchés dans les dossiers T‑441‑13 et T‑1744‑13.

 

[75]           Les demandeurs continuent à affirmer que leurs droits ont été violés et que des documents seraient toujours manquants. Toutefois, il n’y a aucun élément de preuve qui appuie cette opinion et c’est ce que les tribunaux ont conclu.

 

[76]           J’ai de nouveau examiné l’argument des demandeurs suivant lequel leurs demandes de contrôle judiciaire ne devraient pas être radiées parce qu’il ne s’agit pas d’un cas exceptionnel justifiant une telle mesure. Les demandeurs affirment qu’ils ont soulevé des questions qui méritent d’être débattues et que, par conséquent, les demandes devraient être jugées sur le fond.

 

[77]           Je ne suis pas de cet avis. Les demandeurs préféreraient débattre des mêmes questions qui ont déjà été soulevées par le passé et qui ont été tranchées à plusieurs reprises. Les allégations suivant lesquelles la perquisition était illégale et suivant lesquelles il manque des documents ne sont pas des questions qui méritent d’être débattues et la tentative faite par les demandeurs pour qualifier la réparation qu’ils sollicitent de réparation fondée sur la Charte n’a pas pour effet de créer une nouvelle question qui mériterait d’être débattue.

 

[78]           Les demandes de contrôle judiciaire présentées dans les dossiers T‑1725‑13 et T‑1834‑13 sont radiées au motif qu’elles sont « manifestement irrégulières au point de n’avoir aucune chance d’être accueillies » (JP Morgan, précité, au paragraphe 47).

 

[79]           Je prends acte de la conviction des demandeurs suivant laquelle il manque certains documents et que ces documents n’ont pas été répertoriés, mais les demandeurs ne disposent d’aucun recours pour obtenir la restitution des documents qui seraient manquants. Toutefois, ces questions ont été tranchées à plusieurs reprises par divers tribunaux et elles possèdent toutes les caractéristiques qui permettent de les qualifier de procédures vexatoires constituant un abus de procédure.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR :

 

1.                  REJETTE la demande de contrôle judiciaire présentée dans le dossier T‑1744‑13;

 

2.                  ACCUEILLE la requête présentée par le défendeur en vue de faire radier les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers T‑1725‑13 et T‑1834‑13;

 

3.                  CONDAMNE les demandeurs à des dépens symboliques de 2 000 $.

 

 

 

« Catherine M. Kane »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

T-1725-13

 

INTITULÉ :

HAROLD COOMBS & JOAN COOMBS c

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1744-13

 

INTITULÉ l:

HAROLD COOMBS & JOAN COOMBS c

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

ET DOSSIER :

T-1834-13

 

INTITULÉ :

OLEG VOLOCHKOV & ANNE VOLOCHKOV &

JOHN F. COOMBS & HAROLD COOMBS c

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 24 FÉVRIER 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :

                                                            LA JUGE KANE

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 10 MARS 2014

COMPARUTIONS :

Harold Coombs

Joan Coombs

Percy Mossop

 

LES DEMANDEURS,

POUR LEUR PROPRE COMPTE

Sonia Singh

POUR LE défendeur

 

 


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harold Coombs

Joan Coombs

Percy Mossop

Toronto (Ontario)

 

LES demandeurs,

POUR LEUR PROPRE COMPTE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.