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Date : 20140307


Dossier : IMM-10406-12

 

Référence : 2014 CF 229

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2014

En présence de monsieur le juge Annis

 

ENTRE :

CATERINA PANGALLO

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de la décision par laquelle l’agent S. Glenney (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a rejeté la demande du 7 octobre 2012 présentée par la demanderesse en vue d’obtenir le report de son renvoi du Canada. La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvelle décision. Pour les motifs exposés ci‑dessous, la demande est rejetée.

 

CONTEXTE

[2]               La demanderesse, Catherina Pangallo, est une citoyenne de l’Italie venue au Canada depuis ce pays en 2001. Au Canada, elle a fait la connaissance d’Antonio Botelho, un citoyen canadien, et serait devenue enceinte de lui en 2005 après avoir eu des relations sexuelles forcées. Ils ont eu trois enfants ensemble. Elle a poursuivi sa relation trouble avec M. Botelho, relation assombrie par des incidents de violence conjugale. À une occasion, M. Botelho a plaidé coupable à l’accusation d’avoir giflé la demanderesse.

 

[3]               La demanderesse a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, laquelle a été rejetée le 11 janvier 2010. Elle a également présenté en 2009 une demande d’examen des risques avant renvoi, laquelle a été rejetée le 10 février 2010. Une mesure de renvoi a donc été prise contre elle.

 

[4]               En avril 2010, la demanderesse a informé l’ASFC qu’elle était incapable de s’entendre avec le père de ses enfants au sujet de la garde de leurs trois enfants. L’ASFC n’a donc pas fixé la date du renvoi pour permettre à la demanderesse de présenter une requête devant la Cour de la famille afin d’obtenir la garde des trois enfants et des documents de voyage pour eux. Cette situation s’est prolongée, la demanderesse n’ayant pas respecté les arrangements qui avaient été pris en vue de l’aider à obtenir des documents de voyage pour ses enfants.

 

[5]               La demanderesse et M. Botelho se sont mariés le 21 janvier 2012, et la demanderesse a informé l’ASFC qu’elle avait retiré la requête qu’elle avait déposée devant la Cour de la famille en vue d’obtenir la garde de ses enfants. L’ASFC lui a donné instruction d’obtenir des documents de voyage pour ses enfants et l’a avisée que la date de son renvoi serait fixée. Le 27 juillet 2012, la demanderesse a reçu l’ordre de se présenter pour son renvoi le 17 août 2012. Le renvoi a été annulé le 13 août 2012, la demanderesse ayant avisé l’ASFC qu’elle avait été victime d’un incident de violence conjugale et qu’elle vivait dans un refuge.

 

[6]               Le 31 août 2012, la demanderesse a reçu l’ordre de se présenter pour son renvoi le 10 octobre 2012.

 

[7]               Le 11 septembre 2012, l’avocate en droit de la famille de la demanderesse, Aida Pasha, a présenté une lettre à Aide juridique Ontario (AJO) indiquant qu’une [traduction] « rupture » de sa relation avec la demanderesse s’était produite. Dans cette lettre, l’avocate expliquait que la demanderesse avait besoin de se faire représenter par un avocat ayant une plus grande expérience des questions qui concernaient à la fois le droit de la famille et le droit de l’immigration. Le dossier n’a pas avancé jusqu’à ce que Mme Pasha dépose, au nom de la demanderesse, une requête d’urgence devant la Cour supérieure de justice le 2 octobre 2012 pour demander la garde temporaire des enfants. La juge Rogers de ladite cour a confié la garde des enfants à M. Botelho, le mari dont la demanderesse était séparée, sous toutes réserves.

 

[8]               Le 7 octobre 2012, la demanderesse a déposé une requête en vue de faire reporter son renvoi de manière à pouvoir obtenir la garde de ses enfants.

 

[9]               Le 10 octobre 2012, l’agent Glenney a rejeté la demande de report de la demanderesse.

 

OBSERVATIONS DE LA DEMANDERESSE

[10]           La demanderesse soutient que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de la rupture de la relation avocat-client entre elle et son avocate en droit de la famille, Mme Pasha, bien qu’elle ait soumis, avec sa demande de renvoi, une lettre envoyée à Aide juridique Ontario dans laquelle Mme Pasha décrivait la rupture.

 

[11]           La demanderesse soutient aussi que la décision rendue par la juge Rogers sur la question de la garde laisse croire que la juge n’était pas informée des raisons pour lesquelles la requête d’urgence avait été déposée tardivement (le 31 août 2012, la demanderesse avait reçu l’ordre de se présenter pour son renvoi fixé au 10 octobre 2012, mais avait déposé sa requête devant la Cour de la famille seulement le 2 octobre 2012).

 

[12]           Selon la demanderesse, Mme Pasha avait communiqué avec AJO le 11 septembre 2012, et comme AJO n’avait toujours pas fourni de réponse définitive le 28 septembre 2012, Mme Pasha a accepté d’aider la demanderesse pour la requête d’urgence.

 

[13]           La demanderesse soutient que l’agent n’a pas tenu compte de la rupture de la relation avocat‑client, qui l’avait empêchée d’obtenir une ordonnance de garde temporaire, ni des mauvais traitements et des [traduction] « remous », qui l’avaient amenée à demeurer avec M. Botelho et à compter sur une demande de parrainage qui n’a jamais été présentée.

 

[14]           La demanderesse conteste le raisonnement de l’agent sur la question de l’intérêt supérieur des enfants. Dans sa décision, l’agent a déclaré qu’il s’en remettait à l’ordonnance rendue par la juge Rogers et au raisonnement de celle‑ci sur la question de l’intérêt supérieur des enfants, même si la juge Rogers avait souligné que l’intérêt supérieur des enfants ne pouvait pas être pleinement apprécié à ce moment‑là. Par conséquent, la demanderesse allègue que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas dûment compte de l’intérêt supérieur des enfants.

 

NORME DE CONTRÔLE

[15]           La demanderesse soutient que la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision raisonnable, se fondant sur l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, et sur la décision Vidaurre Cortes c Canada (MCI), 2007 CF 78, aux paragraphes 8 à 10, 308 FTR 69.

 

[16]           Sur la question de l’intérêt supérieur des enfants, au paragraphe 13 de la décision Gurshomov c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2010 CF 1212, 94 Imm LR (3d) 109, le juge Phelan s’est exprimé ainsi :

[…] l’analyse relative à l’intérêt supérieur des enfants est soumise à la norme de la décision raisonnable (Kolosovs c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 165).

 

QUESTIONS EN LITIGE

1.                  L’agent a‑t‑il omis de tenir compte de la rupture de la relation avocat‑client entre la demanderesse et son avocate en droit de la famille?

 

2.                  L’agent a‑t‑il fait un examen raisonnable de l’intérêt supérieur des enfants?

 

ANALYSE

[17]           Il est de droit constant que le pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi conféré à un agent est limité (Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81 [Baron], au paragraphe 49, [2010] 2 RCF 311; Turay c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CF 1090, au paragraphe 16, [2009] ACF no 1369). Dans l’arrêt Baron, au paragraphe 51, la Cour d’appel fédérale a repris les principes directeurs encadrant le contrôle de la décision d’un agent d’exécution de ne pas différer un renvoi, énoncés par le juge Pelletier dans la décision Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] 3 CF 682 (CF) [Wang], comme suit :

−         Il existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents.

 

 −         La loi oblige le ministre à exécuter la mesure de renvoi valide et, par conséquent, toute ligne de conduite en matière de report doit respecter cet impératif de la Loi. Vu l’obligation qui est imposée par l’article 48, on devrait accorder une grande importance à l’existence d’une autre réparation, comme le droit de retour, puisqu’il s’agit d’une réparation autre que celle qui consiste à ne pas respecter une obligation imposée par la Loi. Dans les affaires où le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays.

 

−         Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

 −         Il est possible de remédier aux affaires où les difficultés causées à la famille sont le seul préjudice subi par le demandeur en réadmettant celui‑ci au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était en instance.

 

Absence de représentation adéquate pour la requête concernant le déplacement

[18]           L’allégation de la demanderesse selon laquelle l’agent n’avait pas dûment tenu compte de la rupture de la relation entre elle et sa conseillère juridique a peu de fondement, voire aucun. Comme il a été clairement formulé dans Wang, Baron et la jurisprudence subséquente, le pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi conféré à l’agent est très restreint, et son exercice devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain, ou aux circonstances impératives temporaires, par exemple pour faciliter les préparatifs de voyage nécessaires.

 

[19]           Il n’y avait rien de temporaire ni d’impératif dans les circonstances qui ont poussé la demanderesse à demander un report afin de pouvoir contester la décision rendue par la Cour supérieure de justice dans une procédure de garde, qui peut s’étendre sur de nombreuses années. Aucun élément de preuve n’a été produit pour montrer que, 18 mois après qu’un sursis lui eut été accordé, la demanderesse avait contesté avec succès la décision sur le déplacement des enfants par laquelle la garde des enfants avait été confiée à M. Botelho, et donné ainsi à l’agent l’occasion de réexaminer la mesure de renvoi sur la base de circonstances modifiées.

 

[20]           De plus, la preuve indique que M. Botelho n’était pas représenté lorsque la requête concernant le déplacement et la garde des enfants a été entendue, tandis que la demanderesse était représentée par son avocate. Je prends aussi connaissance d’office du fait que, dans les affaires de droit de la famille, les parties sont souvent non représentées et qu’il incombe alors au juge de s’assurer qu’aucune erreur judiciaire n’est commise. Le juge a notamment un large pouvoir discrétionnaire lui permettant d’obtenir de l’information des parties et d’examiner toutes les circonstances pertinentes, surtout quand l’intérêt des enfants est en jeu. Ce pouvoir discrétionnaire est fondé, entre autres choses, sur la compétence parens patriae de la cour, décrite par la Cour suprême du Canada au paragraphe 73 de l’arrêt E. (Mme) c Eve, [1986] 2 RCS 388, [1986] ACS no 60 :

La compétence parens patriae est, comme je l’ai dit, fondée sur la nécessité, c.‑à‑d. le besoin d’agir pour protéger ceux qui ne peuvent prendre soin d’eux‑mêmes. Les tribunaux ont souvent déclaré qu’elle devait être exercée dans « l’intérêt » de la personne protégée ou encore, à son « avantage » ou pour son « bien‑être ».

 

[21]           Dans les affaires qui mettent en cause des parties non représentées à des litiges en droit de la famille où la garde des enfants est en jeu, la Cour supérieure de justice dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire qui doit être respecté.

 

Intérêt supérieur des enfants

[22]           Au paragraphe 57 de l’arrêt Baron, la Cour d’appel s’est exprimée ainsi : « La jurisprudence de la Cour indique clairement que les immigrants illégaux ne peuvent se soustraire à l’exécution d’une mesure de renvoi valide simplement parce qu’ils sont les parents d’enfants nés au Canada [...] l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi. »

 

[23]           Au paragraphe 16 de l’arrêt Varga c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 394, [2007] 4 RCF 3, la Cour d’appel fédérale a statué que « [c]ompte tenu du peu de latitude dont jouit l’agent de renvoi pour l’accomplissement de ses tâches, son obligation, le cas échéant, de prendre en considération l’intérêt des enfants touchés est minime, contrairement à l’examen complet qui doit être mené dans le cadre d’une demande CH présentée en vertu du  paragraphe 25(1) ».

 

[24]           Dans la décision Munar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, [2006] 2 RCF 664 [Munar], le juge de Montigny a rendu une décision sur une requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise contre la demanderesse, laquelle avait demandé le report de son renvoi pour être en mesure de faire des demandes de passeport pour ses deux enfants nés au Canada, avec qui elle voulait partir. Elle alléguait que ses enfants seraient soumis à de graves difficultés s’ils étaient séparés d’elle. L’agent des renvois avait néanmoins refusé de différer le renvoi. Le juge de Montigny a accueilli la demande de sursis en question et examiné en profondeur la question de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le contexte du renvoi d’un des parents. Je reproduis ci‑dessous un extrait de sa décision, à partir du paragraphe 37 :

[37]      Ceci étant, si on veut prendre au sérieux l’intérêt supérieur de l’enfant, il faut examiner jusqu’à un certain point ce qui lui arriverait si son père ou sa mère ou les deux devaient être renvoyés du Canada. Comme c’est souvent le cas, je crois que la solution se trouve quelque part entre les positions extrêmes adoptées par les parties. Bien qu’il n’y ait pas lieu de décréter un empêchement absolu au renvoi, il serait tout aussi inacceptable d’adopter l’approche où l’agent de renvoi n’examine pas du tout la situation de l’enfant.

 

[38]      Je partage l’avis de ma collègue la juge Snider que l’examen de l’intérêt supérieur de l’enfant n’est pas une question de tout ou rien, mais bien une question de degré. Alors qu’une analyse approfondie est nécessaire dans le contexte d’une demande CH, un examen moins élaboré peut suffire dans le contexte d’autres décisions à prendre. Au vu de l’article 48 de la Loi, ainsi que de l’économie générale de celle‑ci, je partage aussi son avis que l’obligation de l’agent de renvoi d’examiner l’intérêt des enfants nés au Canada se situe du côté d’un examen moins élaboré (John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)).

 

[39]      Lorsqu’il évalue une demande CH, l’agent d’immigration doit pondérer l’intérêt de l’enfant à long terme. On trouve un guide utile quant aux facteurs dont on peut tenir compte dans le chapitre IP 5 (Demandes d’établissement présentées au Canada pour des considérations humanitaires (CH) du Guide de l’immigration publié par Citoyenneté et Immigration Canada. Les facteurs liés au bien‑être émotif, social, culturel et physique de l’enfant doivent être pris en considération. Parmi les exemples de facteurs à prendre en compte, on trouve : l’âge de l’enfant; le niveau de dépendance entre l’enfant et le demandeur CH; le degré d’établissement de l’enfant au Canada; les liens de l’enfant avec le pays concerné par la demande CH; les problèmes de santé ou les besoins spéciaux de l’enfant, le cas échéant; les conséquences sur l’éducation de l’enfant; et les questions relatives au sexe de l’enfant. Dans l’arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] 2 C.F. 555 (C.A.), au paragraphe 6, le juge Décary résume brièvement le tout : « l’agente est chargée de décider, selon les circonstances de chaque affaire, du degré vraisemblable de difficultés auquel le renvoi d’un parent exposera l’enfant et de pondérer ce degré de difficultés par rapport aux autres facteurs, y compris les considérations d’intérêt public, qui militent en faveur ou à l’encontre du renvoi du parent ».

 

[40]      Il est clair que ce n’est pas ce genre d’évaluation qu’un agent de renvoi doit faire lorsqu’il doit décider quand « les circonstances [...] permettent » d’appliquer une ordonnance de renvoi. Toutefois, il doit tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme. Par exemple, il est clair que l’agent de renvoi a le pouvoir discrétionnaire de surseoir au renvoi jusqu’à ce que l’enfant ait terminé son année scolaire, si l’enfant doit quitter avec l’un de ses parents. De la même façon, je ne peux tirer la conclusion que l’agent de renvoi ne devrait pas vérifier si des dispositions ont été prises pour que l’enfant qui reste au Canada soit confié aux bons soins d’autres personnes si ses parents sont renvoyés. Il est clair que ceci est dans son mandat, dans la mesure où l’article 48 de la LIPR doit s’accorder avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant. Le fait de s’enquérir de la question de savoir si on s’occupera correctement d’un enfant ne constitue pas une évaluation CH approfondie et ne fait en aucune façon double emploi avec le rôle de l’agent d’immigration qui doit par la suite traiter d’une telle demande (voir Boniowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 44 Imm. L.R. (3d) 31 (C.F.)).

 

[41]      En l’espèce, les deux enfants de la demanderesse sont très jeunes et personne ne semble prêt à s’en occuper à part leur mère. Pourtant, elle ne peut pas les prendre avec elle puisque sa demande d’ordonnance de garde exclusive n’a pas encore été tranchée. Par conséquent, j’arrive à la conclusion que la demanderesse a soulevé une question sérieuse, même en appliquant la norme plus exigeante qui est requise dans un tel cas, lorsqu’elle soutient que l’agente de renvoi n’a pas utilisé son pouvoir discrétionnaire de façon appropriée et qu’elle n’a pas été « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants.

 

[25]           La jurisprudence est claire : si l’intérêt supérieur des enfants est certainement un facteur dont il faut tenir compte dans le contexte d’une mesure de renvoi, il ne s’agit toutefois pas d’un facteur déterminant. En l’espèce, contrairement à l’affaire Munar, les enfants sont sous la garde de l’un des deux parents, de sorte que le renvoi de la demanderesse n’aura pas pour effet de laisser les enfants sans parent pour s’occuper d’eux. La situation familiale de la demanderesse était certes marquée par les conflits et la violence conjugale, de sorte que la demanderesse hésite à laisser les enfants à son mari dont elle est séparée, mais ce n’est pas la question dont je suis saisi. La juge Rogers a entendu la requête d’urgence que la demanderesse avait présentée en vue d’obtenir la garde temporaire des enfants et a confié la garde des enfants à M. Botelho. Il ne m’appartient pas de remettre en question la décision rendue par la juge Rogers, ni d’accorder le report du renvoi au motif que la demanderesse est insatisfaite de cette décision. L’ordonnance de garde a été rendue sous toutes réserves, ce qui permettra à la demanderesse de poursuivre ses démarches en vue d’obtenir la garde de ses enfants après son renvoi.

 

[26]           En l’espèce, l’agent a fait de son mieux pour faciliter les préparatifs de voyage nécessaires en reportant plus d’une fois le renvoi de la demanderesse pour lui permettre de résoudre le problème de la garde des enfants avec son mari. Une fois la décision de la juge Rogers rendue, la question de la garde des enfants n’était plus en jeu, et aucune allégation de risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain n’a été soulevée.

 

[27]           Par conséquent, je conclus que l’agent a rendu une décision raisonnable en refusant de reporter le renvoi, et qu’il a tenu suffisamment compte tant de la relation de la demanderesse avec son avocate que de l’intérêt supérieur des enfants.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

 

« Peter Annis »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-10406-12

 

INTITULÉ :

CATERINA PANGALLO c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :            LE 30 JANVIER 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :           LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 7 MarS 2014

COMPARUTIONS :

Jennifer M. Pollock

 

POUR La demanderesse

 

Veronica Cham

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pollock Immigration and Refugee Law Office

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR La demanderesse

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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