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Date : 20140304


Dossier :

T-605-07

 

Référence : 2014 CF 207

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2014

En présence de monsieur le juge Scott

 

ENTRE :

H-D U.S.A., LLC ET HARLEY-DAVIDSON MOTOR COMPANY, INC.

 

demanderesses/

(défenderesses reconventionnelles)

 

et

JAMAL BERRADA, 3222381 CANADA INC. ET EL BARAKA INC.

 

défendeurs/

(demandeurs reconventionnels)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

 

[1]               Dans ce dossier, les demanderesses requièrent que la Cour se prononce sur leur droit de vendre et d’annoncer la marque de commerce « SCREAMIN’ EAGLE ».

 

[2]               Les défendeurs ont déposé une demande reconventionnelle dans laquelle ils soutiennent que les demanderesses vendent et annoncent des vêtements et des accessoires portant la marque SCREAMING EAGLE ou des marques similaires à celle‑ci, au point de créer de la confusion, afin de diminuer, de détruire ou d’acquérir l’achalandage des défendeurs, qui emploient les marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE depuis plus de 20 ans.

 

[3]               Les défendeurs allèguent que les demanderesses, H-D U.S.A [HDUSA] et Harley‑Davidson Motor Company Inc [HDMCI], toutes deux appelées HARLEY‑DAVIDSON [HD], violent les alinéas 7b) et 7e) ainsi que les articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 [la Loi].

 

[4]               Au cours de la plaidoirie des demanderesses, les défendeurs ont admis que leur demande fondée sur l’alinéa 7e) ne pouvait être accueillie, étant donné que cet alinéa a été invalidé par la Cour suprême du Canada (voir l’arrêt Kirkbi AG c Gestions Ritvik Inc, 2005 CSC 65, au paragraphe 34 [Kirkbi], et les observations finales, transcription, volume 8, page 70, lignes 20 à 28).

 

[5]               Le 28 mars 2013, la demanderesse HDUSA a déposé une déclaration modifiée pour la troisième fois dans laquelle elle affirme que HDUSA (antérieurement appelée HD Michigan, LLC [HDML]) est maintenant propriétaire des marques de commerce énumérées et est une société affiliée de HDMCI, anciennement appelée HDMC. L’intitulé est donc modifié en conséquence.

 

II.        LES FAITS

 

A.        Les parties

 

Les demanderesses

 

[6]               HDUSA est une société affiliée de HDMCI et est propriétaire des marques de commerce de HARLEY-DAVIDSON. HDUSA a octroyé des licences à HDMCI pour l’usage de ses marques de commerce.

 

[7]               Les activités de HD consistent en la distribution et en la vente de motocyclettes, de pièces et d’accessoires de motocyclettes, ainsi que de vêtements et d’autres marchandises.

 

[8]               HD fabrique et vend des motocyclettes depuis 110 ans. Au Canada, HD vend des motocyclettes depuis 1917 (voir l’exposé conjoint des faits et des admissions [l’ECFA], au paragraphe 3, et le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 96).

 

[9]               HD est propriétaire de plusieurs marques de commerce canadiennes en liaison avec HARLEY‑DAVIDSON : les dessins de la BARRE ET ÉCUSSON de l’AIGLE et de la BARRE ORANGE. Elle est aussi propriétaire de la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, qui a été enregistrée le 10 mai 1999 en liaison avec des motocyclettes et des pièces de motocyclettes.

 

Les défendeurs

 

[10]           M. Jamal Berrada est président et unique administrateur de 3222381 Canada Inc. et d’El Baraka Inc., sociétés dont les activités consistent en la vente de vêtements et accessoires. Les défendeurs sont propriétaires d’une marque de commerce déposée SCREAMING EAGLE pour leurs magasins.

 

B.        Les activités commerciales

 

Les demanderesses

 

[11]           HD et ses prédécesseurs fabriquent et vendent des motocyclettes HARLEY‑DAVIDSON depuis plus de 100 ans. En 1983, HD a adopté et lancé la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, employée seule ou en liaison avec [traduction] « pièces de performance », soit la marque de sa gamme de pièces et d’accessoires de haute performance pour motocyclettes (voir les paragraphes 17 à 20 de l’ECFA). Cette marque de commerce devait rappeler et évoquer la thématique de l’aigle de la marque de commerce de l’AIGLE/BARRE ET ÉCUSSON.

 

[12]           HD est propriétaire des marques de commerce suivantes :

 

HARLEY DAVIDSON

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

LMCDF028944

HARLEY-DAVIDSON

4 août 1921

LMC356,958

HARLEY-DAVIDSON

9 juin 1989

LMC385,695

HARLEY-DAVIDSON

14 juin 1991

LMC455,683

HARLEY-DAVIDSON

22 mars 1996

LMC455,731

HARLEY-DAVIDSON

22 mars 1996

LMC524,013

HARLEY-DAVIDSON

29 février 2000

LMC574,523

HARLEY-DAVIDSON

28 janvier 2003

LMC649,923

HARLEY-DAVIDSON

6 octobre 2005

 

 

 

HARLEY

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

LMC294,796

HARLEY

7 septembre 1984

 

 

 

Dessin de l’AIGLE

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

 

LMC286,289

 

 

 

30 décembre 1983

 

 

LMC364,501

 

19 janvier 1990

 

 

 

Dessins de la BARRE ET ÉCUSSON

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

 

LMC286,290

 

 

30 décembre 1983

 

LMC364,502

 

 

19 janvier 1990

 

 

 

Autres dessins de l’AIGLE

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

 

LMC524,796

 

 

 

14 mars 2000

 

LMC546,347

 

7 juin 2001

 

 

 

Autres dessins de la BARRE ET ÉCUSSON

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

 

LMC358,497

 

 

14 juin 1989

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LMC528,480

 

 

29 mai 2000

 

 

 

Dessin de la BANDE ORANGE

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

 

LMC621,814

 

 

5 octobre 2004

 

[13]           HD est aussi propriétaire de la marque de commerce déposée canadienne no LMC511,652 SCREAMIN’ EAGLE, qui a été enregistrée le 10 mai 1999 pour des pièces et accessoires de motocyclettes (voir le paragraphe 21 de l’ECFA et le paragraphe 19 de la déclaration datée du 31 mai 2013).

 

[14]           En ce qui concerne l’usage de SCREAMIN’ EAGLE sur des vêtements et des articles connexes, ces articles apparaissent dans des catalogues publiés et distribués par HD en 1985, 1987, 1988 et 1995. Toutefois, les défendeurs n’admettent pas que ces catalogues ont été distribués au Canada (voir le paragraphe 27 de l’ECFA).

 

[15]           Aux États-Unis et dans d’autres pays, HD est le propriétaire inscrit de la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, pour des vêtements (voir le paragraphe 28 de l’ECFA), mais elle ne détient pas le même enregistrement au Canada pour des vêtements et accessoires.

 

[16]           Entre 1983 et 1994, les ventes brutes à l’échelle mondiale de marchandises SCREAMIN’ EAGLE de HD ont excédé 20 millions de dollars. En 1997, les ventes brutes à l’échelle mondiale de marchandises SCREAMIN’ EAGLE de HD ont excédé 60 millions de dollars (voir le paragraphe 29 de l’ECFA).

 

[17]           Au Canada, de 2000 à 2007, les ventes de pièces de motocyclettes SCREAMIN’ EAGLE et de marchandises connexes ont dépassé les 17 millions de dollars (voir le paragraphe 30 de l’ECFA).

 

[18]           Au moins depuis l’an 2000, les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD sont vendus partout aux États‑Unis, et sa marque de commerce est affichée lors de commandites de courses d’accélération de motocyclettes tenues au Canada (voir les paragraphes 32 et 33 de l’ECFA).

 

[19]           Depuis plusieurs années, les Canadiens qui possèdent une motocyclette HARLEY‑DAVIDSON connaissent les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD et en achètent.

 

[20]           Depuis plusieurs années, les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD sont revendus à des Canadiens et au Canada par des personnes les ayant achetés aux États-Unis.

 

[21]           Les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD sont revendus à des Canadiens sur divers sites internet, notamment Kijiji et eBay. Il en est ainsi depuis au moins le début de ce recours.

 

[22]           Lors de courses d’accélération de motocyclettes tenues au Canada et aux États-Unis, certains coureurs et participants portent des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD.

 

[23]           Selon l’ECFA des parties, depuis au moins 2000, les licenciés de HD vendent des tee‑shirts et des casquettes de baseball SCREAMIN’ EAGLE aux concessionnaires de HD au Canada (voir le paragraphe 39 de l’ECFA). Cependant, HD a cessé de vendre des vêtements SCREAMIN’ EAGLE au Canada en 2001 ou vers cette date (voir le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 49, lignes 15 à 17). 

 

[24]           Depuis au moins 1992, le distributeur canadien exclusif de HD, Fred Deeley Imports Limited [Deeley], sait que les défendeurs emploient SCREAMING EAGLE (voir le paragraphe 88 de l’ECFA).

 

[25]           Les parties ont conclu un règlement à l’amiable portant sur l’usage par les défendeurs du dessin‑marque de la BANDE ORANGE, qui contrevient à la marque de commerce déposée no LMC621,814 de HD (voir le paragraphe 130 de l’ECFA).

 

Les défendeurs

 

[26]           Les défendeurs ont été propriétaires des marques de commerce déposées suivantes :

 

SCREAMING EAGLE (pour les vêtements et accessoires)

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date de demande et date de radiation

 

LMC401,214

 

SCREAMING EAGLE

 

7 août 1992 et

20 mars 2008

(premier usage déclaré en date de 1989)

 

SCREAMIN’ EAGLE (pour les vêtements et accessoires)

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date de demande et date de radiation

 

LMC433,020

 

SCREAMIN’ EAGLE

 

9 septembre 1994 et

22 avril 2010

(premier usage déclaré en date de 1989)

 

SCREAMING EAGLE (pour l’exploitation de magasins de vente au détail)

 

No d’enregistrement

 

Marque de commerce

Date d’enregistrement

 

LMC519,633

 

SCREAMING EAGLE

 

Novembre 1999

(premier usage déclaré en date de 1992)

 

 

[27]           En novembre 1999, les défendeurs ont enregistré la marque de commerce no 519,633 SCREAMING EAGLE pour [traduction] « l’exploitation de magasins de vente au détail de vêtements, de ceintures, […] » sur la base d’un usage depuis au moins 1992. Aucune marchandise n’est enregistrée sous cette marque de commerce (voir le paragraphe 50 de l’ECFA). Les défendeurs continuent d’utiliser cette marque de commerce pour l’exploitation de magasins de vente au détail qui offrent un large éventail de marchandises, notamment des vêtements et leurs accessoires.

 

[28]           Les défendeurs ont demandé (le 7 août 1992) et obtenu la marque de commerce SCREAMING EAGLE (no LMC401,214) sur la base d’un usage au Canada depuis au moins janvier 1989 pour des vêtements et accessoires, tels que ces éléments ont été définis dans l’enregistrement qui est radié depuis le 20 mars 2008 (voir le paragraphe 53 de l’ECFA). Dans l’ECFA, il est admis que les défendeurs vendent des vêtements SCREAMING EAGLE au Canada depuis 1988 (voir le paragraphe 62).

 

[29]           Les défendeurs ont aussi demandé (le 9 septembre 1994) et obtenu l’enregistrement de la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE (no LMC433,020) pour des vêtements et accessoires, tels que ces éléments ont été définis dans l’enregistrement qui est radié depuis le 22 avril 2010 (voir le paragraphe 55 de l’ECFA). À l’heure actuelle, les défendeurs ne détiennent aucun enregistrement valide de l’une ou l’autre de ces marques pour des vêtements. Ces enregistrements sont expirés et ne sont plus en vigueur (voir les paragraphes 53 à 56 de l’ECFA).

 

[30]           En dépit de la radiation, les défendeurs ont continué d’utiliser la marque de commerce SCREAMING EAGLE au Canada pour des vêtements et accessoires (voir le paragraphe 57 de l’ECFA).

 

[31]           En 1995, les défendeurs ont essayé d’enregistrer SCREAMING EAGLE pour des motocyclettes et des motocyclettes-jouets au Canada, mais la demande a par la suite été abandonnée (voir la pièce P-371, dossier conjoint [DC], et le paragraphe 93 de l’ECFA). Ils ont fait valoir à l’époque qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion.

 

[32]           Aux alentours de 1988 ou 1989, les défendeurs ont discuté avec M. Doug Decent, directeur national du marketing chez Deeley, de leur intérêt à devenir un licencié autorisé de HARLEY-DAVIDSON, mais leur demande a été rejetée.

 

[33]           Les défendeurs ont ouvert leur premier magasin sous le nom SCREAMING EAGLE à Montréal, en novembre 1992 (voir les paragraphes 67 à 69 de l’ECFA). Ils ont aussi exploité des magasins à Québec, Toronto, Trois-Rivières et St-Hubert pendant de courtes périodes. Ces magasins ont été fermés pour manque de personnel qualifié ou à cause de personnel malhonnête. À l’heure actuelle, les défendeurs exploitent deux magasins de vente au détail SCREAMING EAGLE, un à Montréal et l’autre à Laval.

 

[34]           Avant l’ouverture de leur magasin SCREAMING EAGLE à Montréal en 1992, les défendeurs exerçaient leurs activités sous le nom El Baraka et vendaient des vêtements sous les marques de commerce SCREAMING EAGLE et/ou SCREAMIN’ EAGLE (voir le paragraphe 74 de l’ECFA).

 

[35]           Monsieur Jamal Berrada connaît l’existence de HARLEY-DAVIDSON et de la marque de commerce HARLEY-DAVIDSON depuis au moins le début des années 1980 (voir le paragraphe 85 de l’ECFA).

 

[36]           Après avoir ouvert leur magasin à Montréal en 1992 et avoir été informés de l’existence de la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE de HD pour les pièces de motocyclettes, les défendeurs ont acheté des vêtements décrits comme des [traduction] « tee-shirts SCREAM EAGLE de HD », et ont continué de vendre des marchandises de marque HARLEY‑DAVIDSON achetées auprès de licenciés de HD, soit : Hush Puppy et Wolverine (bottes HARLEY-DAVIDSON), Irwin Toys et Irwin Specialties, ainsi que différents articles et marchandises provenant de Raintree Buckles et de Jewellery Inc (voir le paragraphe 78 de l’ECFA).

 

[37]           Les vêtements et accessoires SCREAMING EAGLE produits par les défendeurs peuvent être portés en tant que vêtements de mode, ainsi que pour la pratique d’activités sportives et de plein air, et leur usage ne se limite pas à un segment particulier du public canadien (voir le paragraphe 72 de l’ECFA).

 

[38]           Les défendeurs ont affiché la marque de commerce déposée HARLEY-DAVIDSON sur certains de leurs sacs au cours de la relation de collaboration publicitaire qu’ils entretenaient avec des fournisseurs licenciés de bottes HD (voir le paragraphe 78 de l’ECFA).

 

[39]           Depuis 2000 ou 2002, les défendeurs vendent leurs vêtements et accessoires SCREAMING EAGLE partout au Canada (sauf en Colombie‑Britannique) lors de [traduction] « tournées de présentation », ce qu’ils font encore aujourd’hui (voir le paragraphe 96 de l’ECFA).

 

III.       LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[40]           Les parties ont énoncé les points litigieux sur lesquels la Cour doit se prononcer :

1.         Les droits, la réputation et l’achalandage des demanderesses rattachés à la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE;

2.         Les droits, la réputation et l’achalandage des défendeurs rattachés aux marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE;

3.         Les droits, la réputation et l’achalandage des demanderesses rattachés aux marques de commerce de HARLEY‑DAVIDSON telles qu’elles sont définies dans la déclaration;

4.         L’usage par des tiers de SCREAMING EAGLE/SCREAMING EAGLES;

5.         Le droit des demanderesses d’utiliser la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE au Canada avec leur marque de commerce déposée HARLEY‑DAVIDSON;

6.         La mauvaise foi des demanderesses; et

7.         La mauvaise foi et la conduite inéquitable des défendeurs.

 

 

 

IV.       LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[41]         Les dispositions applicables de la Loi sur les marques de commerce, précitée, sont reproduites en annexe aux présents motifs.

 

V.        LES OBSERVATIONS DES PARTIES

 

A.        Les demanderesses

 

[42]           HD recherche plusieurs déclarations relatives à son droit de vendre et d’annoncer la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE :

-           Une déclaration prononçant son droit de distribuer, annoncer, offrir en vente et vendre des articles connexes, y compris des vêtements, se rapportant à sa marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, avec sa marque de commerce déposée HARLEY‑DAVIDSON;

-           Une déclaration selon laquelle la vente au Canada de ses vêtements et articles connexes SCREAMIN’ EAGLE ne violera pas les droits légitimes des défendeurs;

-           Une déclaration voulant que la mauvaise foi dont les défendeurs ont fait preuve dans leurs activités et leur conduite inéquitable les prive de quelque réparation en equity pour empêcher la vente et la distribution au Canada des vêtements et articles connexes SCREAMIN’ EAGLE des demanderesses.

 

[43]           HD allègue que sa marque de commerce déposée SCREAMIN’ EAGLE a acquis une solide et précieuse réputation pour les pièces de motocyclettes et marchandises connexes. Le public sait fort bien que cette marque est associée aux pièces de motocyclettes et accessoires provenant de HD et de nulle autre source (voir le paragraphe 21 de la déclaration de HD). HD souligne aussi qu’elle a fait enregistrer la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE pour des vêtements dans plusieurs autres pays.

 

[44]           HD soutient également qu’afin de tirer profit de la réputation et de l’achalandage établis à l’égard de sa marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE au Canada, elle a étendu l’usage de sa marque à d’autres marchandises au Canada depuis au moins 1988. Ces autres marchandises sont notamment des casquettes de baseball, des tee-shirts, briquets et autres marchandises. HD fait aussi valoir qu’elle a étendu l’usage de sa marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE à des vêtements aux États-Unis, et ce, depuis 1985 (voir le paragraphe 23 de la déclaration de HD).

 

[45]           Selon HD, les Canadiens achètent ses vêtements SCREAMIN’ EAGLE depuis plusieurs années, et il est reconnu que ces articles proviennent de HD et de nulle autre source.

 

[46]           HD allègue que les défendeurs ne sont pas propriétaires d’une marque de commerce déposée canadienne valide pour les vêtements SCREAMING EAGLE ou SCREAMIN’ EAGLE. Ils l’ont déjà été, mais les marques de commerce ont été abandonnées ou ne sont plus en vigueur et sans effet (voir le paragraphe 33 de la déclaration de HD).

 

[47]           Selon HD, les vêtements des défendeurs coexistent avec ceux de tiers, qui sont vendus aux États-Unis et au Canada, sous le même nom, depuis de nombreuses années, et ce, sans que cela ne crée de la confusion.

 

[48]           HD prétend que les clients de HARLEY-DAVIDSON ne connaissent pas les magasins et les vêtements des défendeurs. HD soutient que ses vêtements SCREAMIN’ EAGLE peuvent coexister avec ceux des défendeurs sans qu’il y ait probabilité raisonnable de confusion et sans qu’un préjudice soit causé aux défendeurs (voir les paragraphes 34 à 38 et 52 de la déclaration de HD).

 

B.        Les défendeurs

 

[49]           Les défendeurs nient que le public reconnaît et sait bien que la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE de HD est associée aux marchandises de HD et à aucune autre source. Ils nient aussi que des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD sont achetés fréquemment par des Canadiens lorsqu’ils voyagent aux États-Unis ou sont rachetés au Canada. Ils soutiennent que, même si c’était le cas, cela ne donne pas à HD le droit d’utiliser cette marque de commerce ou toute autre marque de commerce semblable à celle‑ci au Canada pour des vêtements et accessoires (voir les paragraphes 19 et 22 de la défense et demande reconventionnelle des défendeurs du 21 juin 2013 [la DRD des défendeurs]).

 

[50]           Les défendeurs soulignent qu’ils emploient la marque de commerce SCREAMING EAGLE au Canada pour des vêtements et accessoires depuis au moins 1987. Les défendeurs nient avoir abandonné ou cessé d’utiliser au Canada leur marque de commerce SCREAMING EAGLE pour des vêtements et accessoires. Ils soutiennent qu’ils n’ont jamais cessé d’utiliser cette marque et qu’ils l’utilisent encore aujourd’hui (voir les paragraphes 27 et 28 de la DRD des défendeurs).

 

[51]           Les défendeurs nient que leurs vêtements coexistent, sans que cela ne crée de confusion avec les vêtements de tiers, qui vendent aussi des vêtements sous les noms SCREAMING EAGLE ou SCREAMING EAGLES. Ils nient aussi que les clients de HARLEY‑DAVIDSON ne connaissent pas leurs magasins et leurs vêtements et que leurs marques de commerce peuvent coexister avec la marque de commerce HARLEY-DAVIDSON sans que cela ne crée de confusion et ne cause de préjudice (voir les paragraphes 29 à 33 de la DRD des défendeurs).

 

[52]           Les défendeurs nient avoir fait preuve de mauvaise foi et affirment qu’ils ont toujours eu des pratiques commerciales honnêtes. Les défendeurs soutiennent que HD a fait preuve de mauvaise foi et n’a pas tenu compte de leurs droits et qu’elle continue de le faire (voir le paragraphe 40 de la DRD des défendeurs).

 

[53]           Les défendeurs contestent les allégations formulées par HD voulant qu’ils aient acheté un tee-shirt HARLEY-DAVIDSON décrit comme un [traduction] « tee-shirt SCREAM EAGLE de HD », affiché la marque HARLEY-DAVIDSON sur leurs sacs, ou trompé le public en s’associant délibérément à HD (voir les paragraphes 42 et 43 de la DRD des défendeurs).

 

[54]           Les défendeurs rejettent les allégations de HD voulant qu’ils aient utilisé des marques de commerce portant à confusion et violant ses propres marques de commerce pour profiter de la réputation et de l’achalandage prétendus de HD et tromper le public en lui laissant croire qu’ils étaient licenciés ou associés d’une manière quelconque à HD (voir le paragraphe 45 de la DRD des défendeurs).

 

[55]           Les défendeurs soutiennent également que HD n’a pas le droit de vendre des vêtements et accessoires en utilisant les marques SCREAMING EAGLE ou SCREAMIN’ EAGLE, ou toutes autres marques semblables à celles-ci au point de créer de la confusion, que cet usage soit associé ou non aux autres marques de commerce des demanderesses.

 

[56]           Les défendeurs nient que les articles sont reconnus comme provenant de HD et d’aucune autre source, et qu’ils ne portent pas atteinte à leurs droits (voir les paragraphes 46 et 85 de la DRD des défendeurs). Ils nient aussi ne pas avoir droit à quelque réparation en raison de la mauvaise foi qu’on leur attribue (voir le paragraphe 47 de la DRD des défendeurs).

 

[57]           Les défendeurs font également valoir que, lorsque M. Doug Decent, directeur national du marketing chez Deeley, a visité leur place d’affaires avant 1992, leur usage des marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE était considérable et évident. Ils ajoutent qu’il ne s’est jamais plaint de leur emploi de ces noms. Quand M. Decent leur a de nouveau rendu visite en 1992 et les a informés qu’ils ne pouvaient pas devenir licencié autorisé, il n’a pas non plus discuté de leur droit d’utiliser ces marques de commerce, même s’il a examiné certains de leurs vêtements et accessoires. Ils allèguent qu’il leur a même demandé s’ils étaient disposés à vendre leurs marques de commerce (voir les paragraphes 56 à 59 de la DRD des défendeurs).

 

[58]           Les défendeurs soulignent aussi qu’ils ont obtenu l’enregistrement des marques SCREAMIN’ EAGLE et SCREAMING EAGLE pour des vêtements et accessoires (voir les paragraphes 63, 71 à 72 et 88 de la DRD des défendeurs). Ils soutiennent qu’ils utilisent la marque de commerce SCREAMING EAGLE pour des vêtements et accessoires, sans interruption, depuis plus de 20 ans, ce qui a contribué à l’établissement d’un achalandage considérable associé à cette marque. Les défendeurs font valoir que HD essaie de s’approprier illicitement leur achalandage et de le détruire (voir les paragraphes 65 et 66 de la DRD des défendeurs).

 

[59]           Les défendeurs sont d’avis que toute confusion à l’égard de la source des vêtements SCREAMING EAGLE est causée par HD. Ils affirment que leur réputation enviable au Canada, relativement aux vêtements et accessoires portant le nom SCREAMING EAGLE, découle de leurs efforts de commercialisation et ne peut pas être attribuée à HD. Les défendeurs allèguent que HD était au courant de l’existence de leurs marques de commerce depuis au moins 18 ans avant le début de ce recours et qu’elle a tiré profit de leur publicité et de leurs efforts de commercialisation (voir les paragraphes 67 à 70 de la DRD des défendeurs).

 

[60]           Les défendeurs expliquent que leurs deux marques de commerce ont été radiées parce qu’ils ont omis, par inadvertance, de les renouveler, mais qu’ils ont continué de les utiliser sans interruption pour la même catégorie de marchandises (voir les paragraphes 71, 72, 89 et 90 de la DRD des défendeurs). Ils soutiennent que lorsqu’ils se sont rendu compte de cette erreur en 2011, ils ont présenté une demande d’enregistrement (voir le paragraphe 91 de la DRD des défendeurs). Ils ajoutent qu’il serait injuste de les priver de leurs droits dans ces marques de commerce à cause d’une erreur commise de bonne foi (voir le paragraphe 91 de la DRD des défendeurs). Ils font valoir que HD utilise la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE ou des marques semblables à celle-ci, pour des vêtements, au point de créer de la confusion, et ce, en violation de leurs droits afin de diminuer, détruire ou acquérir leur achalandage (voir les paragraphes 73 à 80 et 84 de la DRD des défendeurs).

 

La demande reconventionnelle des défendeurs

 

[61]           Les défendeurs recherchent plusieurs déclarations relatives à la marque SCREAMING EAGLE ou à toutes autres marques semblables à celle-ci pour des vêtements et accessoires, ainsi qu’à l’exploitation de magasins de vente au détail et la tenue d’activités de vente au détail pouvant causer de la confusion (voir le paragraphe 94 de la DRD des défendeurs, aux points i à xvii) :

-           Une déclaration selon laquelle ils sont propriétaires de la marque SCREAMING EAGLE, ou de toutes autres marques semblables à celle-ci pouvant créer de la confusion, et qu’ils ont le droit de l’utiliser et d’en poursuivre l’utilisation au Canada, à l’exclusion de HD et de ses distributeurs;

-           Une déclaration selon laquelle HD a porté atteinte à leurs droits exclusifs au titre de la marque de commerce no 519,633, en violation des articles 19 et 20 de la Loi;

-           Une déclaration selon laquelle HD a attiré l’attention du public sur leurs marchandises et leur entreprise de façon à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada entre les marchandises de HD et leurs entreprises et services, en violation de l’alinéa 7b) de la Loi;

-           Une déclaration selon laquelle HD a agi et continue d’agir de façon à diminuer la valeur de l’achalandage se rattachant à la marque de commerce et au nom commercial SCREAMING EAGLE des défendeurs;

-           Une déclaration selon laquelle, en violant sciemment leurs droits exclusifs, HD a porté atteinte à la dignité de la Cour.

 

[62]           Les défendeurs demandent des injonctions relatives aux marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE :

-           Une injonction enjoignant à HD à cesser d’utiliser ces marques de commerce ou toutes autres marques semblables à celles-ci pouvant créer de la confusion, au Canada;

-           Une injonction enjoignant à HD à cesser d’offrir en vente, vendre ou annoncer et promouvoir tout vêtement ou accessoire se rapportant à ces marques de commerce ou toutes autres marques semblables à celles-ci pouvant créer de la confusion, au Canada;

-           Une ordonnance de la Cour enjoignant à HD de leur remettre les vêtements et les accessoires qui portent atteinte à leurs droits, ainsi que les catalogues et tout autre matériel publicitaire, afin de les détruire.

 

VI.       ANALYSE

 

La demande des défendeurs fondée sur l’article 22 de la Loi

 

[63]           Cet article de la Loi prévoit que nul ne peut utiliser une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce. La Cour souligne que cet article n’est pas souvent invoqué dans les affaires portant sur des marques de commerce et qu’on y a recours principalement dans les litiges dans lesquels il est allégué que [traduction] « le contrefacteur ‘utilise’ la marque de commerce de son concurrent dans le but d’attirer les clients de son concurrent en cherchant à leur faire changer l’habitude qu’ils ont d’acheter ce qu’ils achetaient auparavant » (voir Hugues G Richard et al., Robic-Léger Canadian Trade-Marks Act Annotated, (feuille mobile consultée le 28 octobre 2013), (Toronto, Carswell, 2004), à la page 20-4.1). Le terme « emploi » ou « usage » auquel il est fait référence dans cet article est celui que l’on retrouve à l’article 4 de la Loi.

 

[64]           L’article 22 diffère de l’article 20 de la Loi, parce qu’il peut y avoir diminution de la valeur de l’achalandage en l’absence de toute confusion. En l’espèce, c’est aux défendeurs, qui invoquent cet article dans leur demande reconventionnelle, qu’il incombe d’établir la probabilité de dépréciation. Il n’appartient pas à la Cour de la présumer (voir l’arrêt Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Clicquot Ltée, [2006] ACS no 22, au paragraphe 15 [Veuve Clicquot]).

 

[65]           Dans l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour suprême du Canada a résumé la preuve qui doit être présentée pour avoir gain de cause dans une demande fondée sur l’article 22. Les intimées « n’[ont] qu’à prouver [qu’ils] ont employé des marques dont la ressemblance avec VEUVE CLICQUOT suffit pour établir, dans l’esprit des consommateurs de la population de référence, un lien entre les deux marques qui est susceptible de déprécier l’achalandage attaché à sa marque » (voir le paragraphe 38 de l’arrêt). Dans l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour suprême du Canada a aussi souligné ce qui suit au paragraphe 46 :

« Étonnamment, l’art. 22 de notre Loi n’a guère retenu l’attention des tribunaux judiciaires depuis son adoption, il y a une cinquantaine d’années. Apparemment, lorsque l’emploi de plusieurs marques crée de la confusion, le recours privilégié est celui fondé sur l’art. 20. Par ailleurs, en l’absence de confusion, les demandeurs estiment peut‑être difficile d’établir que l’achalandage est susceptible de se déprécier. Quoi qu’il en soit, ces deux causes d’action prévues par la Loi sont très différentes sur le plan conceptuel. L’article 22 comporte quatre éléments. Premièrement, la marque de commerce déposée de la demanderesse a été employée par la défenderesse en liaison avec des marchandises ou services — peu importe que ces marchandises ou services entrent en concurrence avec ceux de la demanderesse. Deuxièmement, la marque de commerce déposée de la demanderesse est suffisamment connue pour que l’achalandage qui y est attaché soit appréciable. L’article 22 n’exige pas que la marque soit connue ou célèbre (contrairement aux lois européennes et américaines analogues), mais une défenderesse ne peut faire diminuer la valeur d’un achalandage qui n’existe pas. Troisièmement, la marque de la demanderesse a été employée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur cet achalandage (c.‑à‑d. de faire surgir un lien) et, quatrièmement, cette incidence sera probablement la diminution de la valeur de l’achalandage (c.‑à‑d. un préjudice). » [Non souligné dans l’original]

 

Les éléments que les défendeurs doivent établir

 

[66]           Les défendeurs doivent établir les éléments suivants :

 

1)         Leur marque de commerce déposée a été utilisée par HD en liaison avec des marchandises ou des services

 

[67]           Cela fait référence aux termes « emploi » ou « usage » tel que définis à l’article 4 de la Loi. Cependant, il n’est pas nécessaire que l’usage soit « en tant que marque de commerce ». HD soutient que les défendeurs n’ont pas satisfait au premier élément du test pour la raison suivante. HD fait valoir qu’elle utilise sa propre marque et non celle des défendeurs. Elle affirme que la situation est semblable à celle de l’affaire Services alimentaires A & W du Canada Inc c Restaurants McDonald du Canada Ltée, 2005 CF 406 [Services alimentaires A & W] où les marques, quoi que semblables à première vue, ont néanmoins été jugées suffisamment distinctes par la Cour.

 

[68]           [traduction] « La question de savoir si le défendeur doit utiliser une marque de commerce identique à la marque de commerce déposée du demandeur pour l’application de l’article 22, comme c’est le cas pour l’article 19, n’a pas encore été tranchée de façon définitive. Il semblerait qu’il serait préférable d’exiger qu’il y ait existence d’une importante similarité comme c’était le cas dans l’affaire de parodie Source Perrier c Fira-Less Marketing Co. Ltd. » (voir Kelly Gill et R Scott Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, (Thomson Reuters Canada Limited), version électronique de Westlaw, chapitre 7.8e), consulté le 29 octobre 2013).

 

[69]           En l’espèce, la preuve présentée par HD établit qu’elle utilise ses propres marques de commerce et non celle des défendeurs, qui a trait à des magasins de vente au détail de vêtements (voir la pièce P-284, DC, le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 124, lignes 7 à 24, et l’ECFA, aux paragraphes 22 à 27).

 

2)         Leur marque de commerce déposée est suffisamment connue pour qu’un achalandage considérable y soit rattaché

 

[70]           Ce concept a aussi été traité dans l’arrêt Veuve Clicquot au paragraphe 50. Il s’agit de la force attractive qui amène la clientèle (l’association positive qui se fait dans l’esprit du consommateur). Elle est forgée par l’effort qui ajoute à la valeur de l’entreprise.

 

[71]           Le test à appliquer pour établir s’il existe un tel achalandage a été énoncé dans la décision Parke Davis & Co c Empire Laboratories Ltd, [1963] Ex CJ No 5, au paragraphe 81 [Parke Davis & Co]. La partie doit établir que ses marchandises sont connues sur le marché, où elles ont acquis une réputation en raison de ce caractère distinctif (une conception nouvelle). Cet achalandage ou cette réputation commerciale auprès de la clientèle doit avoir été créé [traduction] « grâce à une association exclusive du nom, de la marque ou d’une autre caractéristique utilisée avec son entreprise, ses marchandises ou ses services » (voir Donald M Cameron, Canadian Trade-Mark Law Benchbook, (Toronto, Carswell, 2012) à la page 205 [Canadian Trade-Mark Law Benchbook]).

 

[72]           « Bien que l’art. 22 n’exige pas la preuve de la “célébrité”, le tribunal appelé à déterminer s’il existe un achalandage susceptible d’être déprécié par un emploi qui ne crée pas de confusion (comme en l’espèce) tiendra compte de cet élément, comme de facteurs plus généraux tels le degré de reconnaissance de la marque par les consommateurs de la population de référence, le volume des ventes et le degré de pénétration du marché des produits associés à la marque de la demanderesse, l’étendue et la durée de la publicité accordée à la marque de la demanderesse, sa portée géographique, l’importance de son caractère distinctif inhérent ou acquis, le fait que les produits associés à la marque de la demanderesse soient confinés à une voie de commercialisation restreinte ou spécialisée ou qu’ils empruntent des voies multiples, ainsi que la mesure dans laquelle les marques sont perçues comme un gage de qualité » (voir l’arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 54).

 

a)         Le volume des ventes et la pénétration du marché

 

[73]           En l’espèce, les défendeurs allèguent qu’ils ont utilisé la marque SCREAMING EAGLE en liaison avec des vêtements vendus en gros dès 1985, 1988 ou 1989, selon leurs témoignages (voir le paragraphe 169 de ce jugement), et au détail depuis 1992, lorsqu’ils ont ouvert leur premier magasin à Montréal.

 

[74]           La Cour a examiné soigneusement les copies aléatoires de factures que les défendeurs ont déposées pour établir qu’ils vendent des vêtements sur le marché, en tant que grossiste, avec leur marque de commerce SCREAMING EAGLE depuis 1985, ou peu après.

 

[75]           La Cour constate ce qui suit concernant la pièce D‑3 qui comprend des factures faisant état de ventes en gros faites par les défendeurs. Tout d’abord, la première facture sur laquelle il est indiqué que les marchandises vendues portent la mention SCREAMING EAGLE date du 8 février 1990. La facture n8333 a trait à des marchandises vendues à Tropicana, un détaillant de Calgary, en Alberta; elle confirme la vente de 18 pantalons en molleton portant le nom SCREAMING EAGLE (voir la pièce D-3, DC).

 

[76]           Après avoir examiné chacune des 166 factures produites par les défendeurs, la Cour conclut aussi ce qui suit : la facture n10181, datée du 31 mai 1991, est la première facture sur laquelle le nom SCREAMING EAGLE figure à côté de celui d’El Baraka.

 

b)        La portée géographique

 

[77]           Les factures (pièce D‑3, DC) révèlent également que des vêtements portant le nom SCREAMING EAGLE ont été vendus dans les provinces suivantes : Québec, Ontario, Manitoba, Alberta, Colombie-Britannique, Nouveau-Brunswick et Nouvelle-Écosse. Selon les factures les plus anciennes portant sur la période allant de 1988 à 1991, une minorité d’articles désignés comme des vêtements SCREAMING EAGLE ont été vendus à des détaillants. Les factures faisaient plutôt état d’une combinaison d’articles et, dans certains cas, de marchandises sous licence de HD, comme des casquettes, tee-shirts, bandanas et boucles de ceinture.

 

[78]           À partir de 1992, les factures font état d’un plus grand nombre de vêtements SCREAMING EAGLE vendus à des détaillants. La majeure partie de ces factures a trait à des ventes conclues au Québec et en Ontario, et quelques-unes en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les provinces Maritimes. Ces factures ne sont pas des plus concluantes pour démontrer le volume des ventes. Elles ne font pas état de ventes récurrentes aux mêmes détaillants d’une ville ou d’un secteur géographique particulier, ni d’ailleurs de volumes de ventes importants.

 

[79]           En appliquant le critère énoncé dans l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour ne peut conclure, compte tenu de ces factures, que les vêtements SCREAMING EAGLE produits par les défendeurs jouissaient d’un grand degré de reconnaissance sur le marché ou d’une grande portée géographique.

 

[80]           Monsieur Berrada et son épouse Mme Bashir ont témoigné qu’ils avaient plus d’un millier de clients, en tant que grossiste. Les factures déposées en preuve n’étayent pas cette affirmation.

 

[81]           Pour déterminer le montant se rattachant à l’achalandage en liaison avec la marque de commerce des défendeurs, la Cour doit aussi tenir compte des sommes consacrées à la publicité et de l’incidence de celle-ci sur la célébrité et la reconnaissance alléguées par les défendeurs.

 

c)         La publicité

 

[82]           La Cour reconnaît que les défendeurs ont investi des sommes importantes en publicité afin d’annoncer leurs magasins de vente au détail et leurs tournées de présentation SCREAMING EAGLE (voir le paragraphe 101 de l’ECFA). Les pièces D-219 à D-232, inclusivement, montrent que, sur une période d’environ 20 ans, les défendeurs ont investi plus de 10 millions de dollars pour annoncer leurs magasins, leurs vêtements et leurs ventes itinérantes SCREAMING EAGLE partout au Canada. Malgré ces investissements importants, la Cour n’a pas été saisie d’aucun élément de preuve établissant le chiffre d’affaires découlant de la vente de la ligne de vêtements SCREAMING EAGLE, ni prouvant la reconnaissance de leur marque par le grand public. Aucune enquête n’a été produite en preuve. L’essentiel de la preuve se résume à des copies de factures pour le paiement d’annonces et aux témoignages de M. Berrada et Mme Bashir.

 

[83]           Compte tenu des pièces déposées par les défendeurs, la Cour peut tirer les conclusions suivantes en ce qui concerne leurs annonces publicitaires. Au cours de la période de 2001 à 2003, les défendeurs ont placé des annonces dans les journaux et auprès de stations de radio. Au cours de ces années, des annonces ont été placées par l’entremise de sociétés du Québec. Ces transactions ont été conclues avec des sociétés telles que : L’Écuyer Communications, Cogeco, Éditions Nitram, Groupe TVA inc, TQS, Journal de Montréal, Journal de Québec, Astral Radio, Le Nouvelliste et CBC-Radio-Canada (voir la pièce D‑5, DC).

 

[84]           À partir de 2004, des transactions ont aussi été conclues avec des journaux et des stations de radio d’autres provinces, bien que la majorité des annonces a continué d’être placée auprès des sociétés québécoises susmentionnées. En 2004, des annonces ont aussi été placées auprès de sociétés des Maritimes. Par exemple, des transactions ont été conclues pour les mois de juin, août, septembre et novembre relativement à des journaux et des stations de radio du Nouveau-Brunswick telles : L’Acadie Nouvelle, Radio Moncton, Choix-fm Moncton et Radio Beauséjour. En Nouvelle-Écosse, des annonces ont été placées dans le Chronicle Herald en août, et, à l’Île-du-Prince-Édouard, des sommes ont été payées à CHTN-AM 720 Charlottetown, à CFCY-AM 630 Charlottetown et à CHLQ Magic 93 en juin pour la diffusion de publicité (voir la pièce D-5, DC).

 

[85]           En 2005, mis à part les transactions se rapportant à des annonces au Québec, certaines transactions ont été conclues pour de la publicité dans les Maritimes, ainsi qu’à Terre-Neuve et en Ontario. La plupart des transactions conclues dans ces provinces visaient une période de deux à trois mois. Par exemple, des transactions ont été conclues avec The Telegram, Western Star et Newfoundland broadcasting Co en juillet, novembre et décembre. En Ontario, des annonces ont été achetées auprès de The Record et de Q92 Sudbury en septembre, octobre et novembre. Cependant, la majorité des transactions produites pour 2005 concernaient les sociétés du Québec susmentionnées (voir la pièce D‑5, DC).

 

[86]           Il ressort du dossier qu’en 2006, certaines annonces ont été achetées pour les Maritimes, et d’autres pour l’Ontario et une ville en Alberta. La majorité des annonces visent une période de trois à cinq mois. De la publicité a été achetée auprès de stations de radio et de journaux du Nouveau-Brunswick au cours des mois d’avril, mai et septembre, alors qu’à Terre-Neuve, la période visée pour l’achat de publicité était d’avril à septembre (voir la pièce D-5, DC).

 

[87]           Bien qu’à compter de 2004, des annonces aient été faites dans d’autres provinces canadiennes, ces annonces semblent n’avoir été diffusées que pendant de courtes périodes, en moyenne seulement trois à quatre mois par année. La grande majorité des annonces depuis 2001 sont principalement diffusées dans la province de Québec.

 

[88]           Les pièces D-6 à D-26 sont constituées de factures ayant trait à de la publicité dans la province de Québec, en grande partie dans la région de Montréal. La plupart des annonces figurant dans ces documents se rapportent à des vêtements et à des accessoires pour motocyclistes, comme des bottes (voir les pièces D-8, D-10 et D-18, DC). Dans l’une de ces annonces, on affirme que le magasin des défendeurs offre [traduction] « le plus vaste choix d’accessoires pour motocyclistes au Québec » (voir les pièces D-11 et D-15, DC).

 

[89]           Les pièces D-28 à D-37 sont constituées de factures relatives à de la publicité radiophonique dans la province de Québec et, plus précisément, à Montréal, Drummondville, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières. La pièce D-38 est constituée de factures pour de la publicité en Saskatchewan et au Manitoba, et la pièce D-39 a trait à de la publicité sur tableau d’affichage pour les magasins à Montréal, Laval, St-Hubert et Trois-Rivières. Sur les tableaux d’affichage, on peut voir des motocyclistes à côté de leur motocyclette.

 

[90]           Les pièces D-40 à D-45 sont constituées de factures relatives à des annonces placées dans la province de Québec. Encore une fois, la plupart des annonces dont il est question dans ces documents ont trait à des vêtements pour motocyclistes et montrent des personnes devant une motocyclette.

 

[91]           Enfin, la pièce D-56 a trait à de la publicité faite dans des villes précises pour une période de trois jours en moyenne pour les ventes itinérantes des défendeurs à Sherbrooke, Québec, Drummondville et Halifax.

 

[92]           La pièce D-331, déposée par les défendeurs, dresse la liste des noms des villes dans lesquelles du publipostage a été effectué avant les tournées de présentation.

 

[93]           Il ressort clairement des éléments de preuve susmentionnés que, bien que des sommes importantes aient été consacrées à la publicité, la majeure partie des fonds a été investie dans la province de Québec et, plus précisément, dans la région métropolitaine de Montréal, où les défendeurs opèrent des magasins en permanence.

 

d)         La reconnaissance de la marque

 

[94]           La Cour prend acte du fait que les défendeurs ont reçu le Prix du Choix du consommateur pour leurs activités dans la région métropolitaine de Montréal à la suite d’un sondage effectué par Léger et Léger. Les défendeurs ont reçu ce prix pour les années 2000 et 2007 à 2009 inclusivement (voir les pièces D-69, D-193 et D-244, DC). Il n’est pas évident pour la Cour quels critères de sélection ont été utilisés. Le sondage, tel que décrit dans la documentation, révèle que 1 900 personnes ou entités ont reçu un questionnaire et que 1 000 consommateurs ont en fait été interviewés. Mis à part cela, il n’y avait aucune description de la méthodologie utilisée pour les critères de sélection ou les catégories (étant donné qu’un prix a été conféré à plus de 84 sociétés en 2008), pas plus qu’il n’y avait d’indication quant au nombre de cabinets ou d’entreprises retenus dans chacune des catégories.

 

[95]           Les éléments de preuve au dossier révèlent que, dès 2002, les défendeurs tenaient des ventes itinérantes un peu partout au Canada, sauf en Colombie‑Britannique (voir le témoignage de M. Berrada, transcription, volume 4, page 30, lignes 19 à 28). La fréquence de ces ventes itinérantes, leur emplacement exact et les dates précises auxquelles elles ont eu lieu n’ont pas été établis.

 

[96]           Est-il suffisant d’être présent physiquement dans un hôtel ou un point de vente inoccupé dans un centre commercial, pour une durée maximale d’une semaine en moyenne, pour faire connaître la marque de commerce des défendeurs (voir le témoignage de M. Berrada, transcription, volume 4, page 31, lignes 7 à 11)? Selon la Cour, l’absence de magasins permanents dans les grandes villes, en dehors de la région de Montréal, diminue en quelque sorte l’incidence des sommes que les défendeurs ont investies pour annoncer leur marque SCREAMING EAGLE. Le fait d’avoir un emplacement permanent dans une ville donnée a pour effet d’attirer l’attention et de faire connaître la marque, alors qu’une visite de trois jours, une fois par année, n’a pas la même incidence, même si cette visite est soulignée au moyen d’un blitz de publicité. En revanche, il convient de souligner qu’il y a environ 75 concessionnaires HD au Canada et que la grande majorité d’entre eux sont installés dans des villes de façon permanente.

 

[97]           Il ressort aussi des éléments de preuve que les défendeurs participaient à des salons du cadeau et, plus particulièrement leur présence annuelle à des salons tels que le salon de la moto de Toronto, qui vise un segment précis du marché : les propriétaires de motocyclettes. Toutes ces initiatives ne sont pas suffisantes, selon la Cour, pour établir que le motocycliste HD moyen au Canada associe SCREAMING EAGLE aux activités de vente au détail des défendeurs, qu’elles aient lieu dans un emplacement permanent ou à l’occasion de ventes itinérantes. Il convient de souligner que la Cour a conclu qu’en l’espèce, les consommateurs de la population de référence sont les motocyclistes HD, compte tenu de l’analyse énoncée dans les paragraphes qui suivent.

 

[98]           Bref, un certain achalandage est rattaché à la marque de commerce des défendeurs, comme l’indiquent les lettres de clients (voir les pièces D-250 à D-258, DC), surtout dans les endroits où les défendeurs ont des emplacements permanents, soit à Montréal et Laval, mais aussi dans d’autres endroits qu’ils visitent fréquemment. Il n’en demeure pas moins qu’un tel achalandage ne l’emporte pas sur la célébrité de HD et sa reconnaissance par le grand public et les motocyclistes, notamment les motocyclistes HD (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 101, lignes 12 à 25, et page 102, lignes 4 à 27; pièces P-10 et P-366, DC).

 

e)         Les voies de commercialisation et les consommateurs de la population de référence

 

[99]           Il faut donc déterminer quels sont les consommateurs de la population de référence dans la présente affaire. Les défendeurs soutiennent qu’il s’agit du grand public, étant donné qu’ils vendaient leurs vêtements SCREAMING EAGLE et, par la suite, leurs vêtements SCREAMIN’ EAGLE, à un large éventail de consommateurs. HD, quant à elle, affirme que les consommateurs de la population de référence sont les motocyclistes qui conduisent une HARLEY‑DAVIDSON.

 

[100]       La Cour est d’accord avec HD et conclut que les consommateurs de la population de référence sont les motocyclistes qui possèdent une HD ou en conduisent une, et ce, pour les motifs qui suivent.

 

[101]       Il ressort clairement des éléments de preuve qu’en ce qui concerne les vêtements vendus par les défendeurs et la publicité faite à l’égard de ces marchandises, tout en visant le grand public, on s’adressait néanmoins particulièrement aux motocyclistes. D’ailleurs, la page couverture de leur premier catalogue publié en 1991 montrait une motocyclette HD (voir la pièce D-51, DC).

 

[102]       Les pièces D-51 et D-52 sont des exemples de publicités utilisées par les défendeurs, qui visent les motocyclistes, mais aussi un public plus général pour certains des vêtements qui y apparaissent. Une partie de la publicité faite en 1999 vise un public plus large, mais, dans la majorité des cas, on s’adresse directement aux motocyclistes. Les pièces D-54, D-55 et D-56 sont des exemples de publicité portant sur les ventes itinérantes qui ont eu lieu à Sherbrooke et à Québec en 2004, à Moncton et Beresford en 2005, ainsi qu’à Halifax, Sherbrooke et Québec en 2006. Elles visent les motocyclistes, et une partie de celles-ci s’adresse au grand public. Par ailleurs, la pièce D-226, sollicite uniquement les motocyclistes, vu la mention [traduction] « le leader dans le domaine des vêtements et accessoires pour motocyclistes » parue à l’occasion de la première vente itinérante tenue par les défendeurs à Calgary en 2008 (voir la pièce D-226, DC). Dans certaines de leurs publicités, les défendeurs font aussi directement référence à HD; les termes « Bottes Harley » sont précisément mentionnés (voir la pièce D‑15, DC). La marque de commerce HARLEY-DAVIDSON apparaissait aussi sur les sacs des défendeurs (voir le paragraphe 78(iv) de l’ECFA).

 

[103]       La marque SCREAMIN’ EAGLE est principalement liée à HARLEY‑DAVIDSON parce que la part de marché de HD au Canada, dans le segment de marché des motocyclettes plus puissantes, est de 42 %. La part de HD dans l’ensemble du marché des motocyclettes est de 34 %, comme l’a expliqué M. Green (voir le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 19, lignes 9 à 26, et page 87, lignes 13 à 28). Fait plus important, les ventes de pièces et d’accessoires SCREAMIN’ EAGLE de HD au Canada, entre 2000 et 2007, se sont élevées à 17 millions de dollars (voir le paragraphe 30 de l’ECFA).

 

[104]       Les défendeurs soutiennent que les consommateurs visés sont le grand public, parce que seulement 6 % de la population canadienne possède une motocyclette et 2,4 % possède une motocyclette HARLEY‑DAVIDSON. Les défendeurs affirment que la probabilité de confusion serait plus grande chez les personnes qui possèdent une motocyclette autre qu’une HARLEY‑DAVIDSON, lesquelles constituent une partie importante de leur clientèle. Malheureusement, les défendeurs n’ont pas déposé de données pour étayer quel pourcentage de leurs ventes était lié aux motocyclistes en général. Les défendeurs se fondent sur les admissions 72 et 106 et soulignent que leurs vêtements SCREAMING EAGLE peuvent être portés en tant que vêtements de mode, ainsi que pour la pratique d’activités de plein air, et qu’ils sont donc destinés au grand public. Les défendeurs soulignent également l’admission 106, selon laquelle moins de 5 % des marchandises qu’ils vendent sont associées aux motocyclettes. Ils allèguent que leurs vêtements étaient destinés au grand public, mais les éléments de preuve qu’ils ont présentés au sujet de la question de la confusion visent exclusivement les motocyclistes qui leur ont demandé s’ils vendaient des pièces de performance SCREAMIN’ EAGLE ou s’ils étaient liés à HD (voir la transcription, volume 4, pages 58 à 60).

 

[105]       La Cour ne souscrit pas à la thèse des défendeurs, parce qu’il ressort des éléments de preuve que HD utilise la marque SCREAMIN’ EAGLE pour des pièces et accessoires de haute performance pour ses motocyclettes depuis 1983. Par conséquent, HD a commencé à utiliser le nom avant les défendeurs. HD annonce sa gamme de pièces et d’accessoires de haute performance pour motocyclettes SCREAMIN’ EAGLE au Canada depuis au moins 1985. HD envoie aussi à tous les membres du Harley Owners Group (le HOG), à l’échelle mondiale, de la publicité concernant SCREAMIN’ EAGLE depuis au moins 1983 (voir la pièce P-160, DC, et le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 129, lignes 11 à 17). À l’heure actuelle, le HOG compte 50 000 membres au Canada (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 126, ligne 19). Il y a environ 75 concessionnaires HD au Canada, et HD est présent au Canada depuis 1917. Enfin, en ce qui concerne la reconnaissance de la marque, il ressort clairement des éléments de preuve que HD est l’une des marques les plus connues à l’échelle mondiale.

 

[106]       On pourrait soutenir que les vêtements des défendeurs portant le nom SCREAMING EAGLE / SCREAMIN’ EAGLE étaient destinés à tous les motocyclistes et, dans certains cas, à un public encore plus large. Cependant, la Cour est d’avis que le motocycliste moyen qui ne possède pas une motocyclette HARLEY-DAVIDSON serait quand même au courant de l’existence de HARLEY-DAVIDSON et de sa gamme de pièces de haute performance, et de la ligne de vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD, sans toutefois vouloir nécessairement s’associer à cette marque. Voilà en quoi consiste la reconnaissance de la marque.

 

[107]       Quant au grand public, il ressort des éléments de preuve au dossier que les défendeurs, à titre de grossistes, distribuaient des vêtements et accessoires portant leur marque de commerce SCREAMING EAGLE à des détaillants au Canada, y compris certains concessionnaires HARLEY‑DAVIDSON, au cours des années 1990 (voir les pièces D‑80 et D‑81, DC). Les défendeurs ont cessé de faire de la vente en gros au début des années 2000 et ont concentré leurs efforts sur les ventes itinérantes, les salons du cadeau et les tournées de présentation destinés aux motocyclistes. Malheureusement, aucun élément de preuve n’a été présenté au sujet du nombre exact d’articles portant la marque de commerce des défendeurs qui ont été vendus ni au sujet des revenus annuels générés par la vente de ces articles.

 

[108]       Les principaux témoins des défendeurs ont déclaré dans leur témoignage que, dans le cadre de leurs activités de vente au détail, ils visaient un large éventail de consommateurs. La Cour en convient, mais il faut aussi tenir compte des éléments de preuve selon lesquels les principaux consommateurs visés étaient toujours les motocyclistes, qui préfèrent les vêtements en cuir parce qu’ils les protègent en faisant office de seconde peau. Le premier étage du magasin des défendeurs à Montréal est principalement consacré à la vente de vêtements et d’accessoires pour motocyclistes (voir la pièce D-60, DC).

 

[109]       En résumé, la Cour conclut qu’un certain achalandage est rattaché à la marque de commerce des défendeurs, mais que les marques de HD sont plus connues et jouissent d’une plus grande notoriété auprès des motocyclistes conduisant une HD et des motocyclistes en général.

 

3)         La marque était utilisée d’une manière susceptible d’avoir une incidence sur l’achalandage

 

[110]       Pour que leur demande fondée sur l’article 22 de la Loi soit accueillie, les défendeurs devaient établir qu’un acheteur raisonnable de vêtements HD pour motocyclistes associerait ceux‑ci à leur marque. Il s’agit du [traduction] « critère de l’établissement d’un lien ». C’est le lien ou la connexion (l’association mentale) vraisemblablement établi par les consommateurs entre l’achalandage des défendeurs et l’usage de HD.

 

[111]       Les éléments preuve présentés devaient convaincre la Cour qu’il existe un lien entre les deux marques de commerce dans l’esprit du motocycliste HD. En voyant la marque utilisée par HD, le consommateur doit penser, même de façon subtile ou subliminale, qu’il s’agit de la marque de commerce des défendeurs.

[111]

[112]       HD a souligné, devant la Cour, l’extrait suivant du paragraphe 49 de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Veuve Clicquot, précité :

« Il s’agit, me semble‑t‑il, de la conclusion essentielle que l’appelante doit réfuter pour avoir gain de cause. Sans un tel lien, connexion ou association dans l’esprit du consommateur entre la marque affichée par les intimées et la marque VEUVE CLICQUOT, il ne peut y avoir dépréciation de cette dernière.  Comme l’écrit le professeur McCarthy :

 

[traduction] ... s’il est impossible qu’un acheteur raisonnable puisse penser à la marque de commerce de son premier utilisateur, ne serait‑ce que de manière subtile ou subliminale, il ne peut alors y avoir dilution. Cela étant, comment la marque peut‑elle « s’éroder » s’il est totalement exclu que l’acheteur, à la vue de la marque de la défenderesse, pense même inconsciemment à la marque de la demanderesse? La théorie de la dilution suppose donc qu’une sorte de lien s’établit, dans l’esprit de l’acheteur raisonnable, entre les deux parties et la marque. »

 

[113]       Les témoins des défendeurs ont déclaré dans leur témoignage que, dans les années 1990, des clients leur avaient demandé s’ils étaient propriétaires de la marque SCREAMING EAGLE, étant donné qu’ils l’avaient vue chez des concessionnaires HARLEY‑DAVIDSON (voir la transcription, volume 4, pages 57 et 58). Ils leur ont aussi demandé quel était le lien entre leurs magasins de vente au détail SCREAMING EAGLE et HARLEY‑DAVIDSON. Les défendeurs se souvenaient qu’on les avait appelés plus souvent pour leur demander s’ils vendaient des pièces de motocyclette SCREAMIN’ EAGLE depuis le début du litige opposant les parties en 2007. Mme Bashir et Mme Bechkour allèguent qu’au cours de leurs ventes itinérantes, les clients leur ont souvent demandé : [traduction] « Quel lien y a-t-il entre vous et HARLEY‑DAVIDSON? » ou [traduction] « Vendez‑vous des pièces de motocyclette? » (voir la transcription, volume 4, page 59, lignes 1 à 28, et volume 6, pages 167 et 168). Aucun élément de preuve direct n’a été présenté concernant la fréquence à laquelle de telles questions ont été posées, ni les circonstances ou dates dans lesquelles elles ont été soulevées (voir le témoignage de Mme Bashir, transcription, volume 6, pages 168 à 170, et le témoignage de Mme Bechkour, transcription, volume 7, page 30).

 

[114]       M. Berrada soutient que l’association avec HD lui a causé un préjudice, parce que les motocyclistes qui ne conduisent pas une HD ne veulent pas s’associer à HARLEY‑DAVIDSON. Un client en particulier a mentionné qu’il connaissait des gens qui refusaient de venir aux magasins des défendeurs ou d’assister à leurs tournées de présentation en raison du lien qui, selon eux, existait entre HARLEY‑DAVIDSON et les défendeurs (voir la transcription, volume 4, pages 60 et 61, voir aussi le témoignage de Mme Bashir, transcription, volume 6, page 170, lignes 21 à 26). Cette déclaration de l’un des clients des défendeurs et le témoignage de Mme Bashir sont les seuls éléments de preuve au dossier qui établissent la perte de ventes. Ils ne sont toutefois pas étayés par quelques données que ce soit sur les ventes brutes. Le seul élément de preuve présenté à ce sujet est la déclaration de M. Berrada selon laquelle ses ventes ont diminué depuis le début de ce recours, en 2007. Il convient de noter que la dernière récession a commencé en 2008.

 

[115]       Selon la Cour, le témoignage résumé ci-dessus confirme qu’il existe une association mentale avec la marque la plus ancienne, HARLEY‑DAVIDSON, plutôt que le contraire. Les éléments de preuve présentés par HD, sur la reconnaissance de sa marque, sont très convaincants. HARLEY‑DAVIDSON s’est classée parmi les dix plus importantes marques commerciales au monde, soit au 10e et au 5e rang, en 1999 et 2000. Il convient aussi de souligner que HARLEY-DAVIDSON s’est classée au 3e rang en 2011 et en 2012 (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 101, lignes 12 à 25, et page 102, lignes 4 à 27; voir aussi les pièces P‑10 et P‑366, DC).

 

[116]       Le fait qu’il y ait association mentale avec HD n’établit pas, en soi, que cela a une incidence sur l’achalandage des défendeurs.

 

4)         L’emploi est susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage

 

[117]       Au paragraphe 63 de l’arrêt Veuve Clicquot, la Cour suprême du Canada fournit l’explication suivante concernant la dépréciation de l’achalandage :

« Le terme « déprécier » est employé dans son sens lexicographique ordinaire, soit « diminuer la valeur [...] de », ainsi que « dénigrer, [...] mésestimer, rabaisser » : Le Nouveau Petit Robert (2004), p. 698. Autrement dit, le dénigrement est une source possible de dépréciation, mais la valeur peut être diminuée autrement, comme par l’affaiblissement du caractère distinctif résultant de l’emploi de la marque tour à tour par différents usagers. »

 

[118]       Le critère n’est pas de savoir s’il peut y avoir une dépréciation, mais bien de savoir si une dépréciation est susceptible de survenir (voir l’arrêt Veuve Clicquot, au paragraphe 67).

 

[119]       La Cour s’est penchée sur le dossier et tient à souligner que les défendeurs n’ont produit aucun élément de preuve démontrant qu’ils ont perdu des ventes ou que des dommages ont été causés à leur achalandage. M. Jamal Berrada et Mme Bashir ont tous deux confirmé que des clients s’étaient renseignés au sujet de leur relation avec HD, mais cela n’équivaut pas nécessairement à une dépréciation de leur achalandage et n’a pas non plus pour effet de mésestimer leur marchandise, vu que la Cour conclut que les défendeurs ont sciemment créé et entretenu cette association.

 

[120]       Comme ils n’ont pas non plus satisfait à ce quatrième élément du test, la Cour rejette la demande reconventionnelle des défendeurs fondée sur l’article 22 de la Loi.

 

Les demandes des défendeurs fondées sur les articles 7 et 20 de la Loi

 

L’article 7

 

[121]       Pour que leur demande fondée sur l’alinéa 7b) de la Loi soit accueillie, les défendeurs doivent démontrer l’existence de trois éléments nécessaires (voir l’arrêt Ciba-Geigy Canada Ltd c Apotex Inc, [1992] 3 RCS 120, au paragraphe 33, voir aussi l’arrêt Nissan Canada Inc c BMW Canada Inc, 2007 CAF 255, au paragraphe 30). Ces éléments sont les suivants : 1) l’existence d’un achalandage; 2) la probabilité de tromper le public par une présentation erronée; et 3) des dommages réels ou éventuels.

 

1)         L’existence d’un achalandage (réputation commerciale)

 

[122]       Ce concept a été examiné dans l’analyse de l’article 22 et mentionné dans l’arrêt Veuve Clicquot, précité, au paragraphe 50. Il s’agit de la force attractive qui amène la clientèle (l’association positive dans l’esprit du consommateur). Il est forgé par l’effort qui ajoute à la valeur de l’entreprise.

 

[123]       Tel que la Cour l’a mentionné précédemment, le critère à appliquer pour établir s’il existe un achalandage a été formulé dans la décision Parke Davis & Co, précitée, au paragraphe 81. La partie doit établir que ses marchandises sont connues sur le marché, autrement dit, qu’elles ont acquis une réputation en raison justement de ce caractère distinctif (une conception nouvelle). Cet achalandage ou cette réputation commerciale doit avoir été créé [traduction] « grâce à une association exclusive avec son entreprise, ses marchandises ou ses services du nom, de la marque ou d’une autre caractéristique utilisée » (voir Canadian Trade-Mark Law Benchbook, précité, à la page 205).

 

[124]       Généralement, on peut dire que la portée de l’achalandage d’une partie ne s’étend qu’aux marchandises et aux services précis à l’égard desquels la marque de commerce a été utilisée. Tel qu’énoncé dans la décision Walt Disney Productions v Fantasyland Hotel Inc, 56 CPR 3d 129, au paragraphe 27 : [traduction] « Bien que, pour [Disney], une réputation et un achalandage puissent être rattachés au nom “fantasyland” avec des parcs d’attractions […] aucune réputation ni achalandage n’est rattaché au nom “fantasyland” pour des hôtels, “en général” ».

 

[125]       L’existence d’une réputation et la portée de celle‑ci dans le marché en cause sont des éléments importants à prendre en compte dans une action pour commercialisation trompeuse. Cela permet d’établir le segment du marché des marchandises et des services du demandeur, ainsi que la portée géographique de la réputation du demandeur. Les tribunaux ont déterminé la portée de la protection à offrir à ce titre. Le « marché en cause » dans lequel le demandeur doit prouver sa réputation, est celui du défendeur, dans le cas présent celui de HD (le défendeur reconventionnel), est le marché de HD.

[traduction]

« Ces personnes qui emploient, ou qui sont susceptibles d’employer, les produits, les services et l’entreprise du défendeur [reconventionnel] offerts avec la caractéristique contestée constituent le segment clé du marché ». (Voir Kelly Gill et R Scott Jolliffe, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, (Toronto, Carswell, 2013), à la page 4-70 [Fox on Trade-marks])

 

[126]       Il importe donc de savoir s’il est probable que les personnes qui utilisent, ou sont susceptibles d’utiliser les marchandises SCREAMIN’ EAGLE de HD sont trompées par une présentation erronée en raison de la réputation des défendeurs (Jamal Berrada et autres) dans le même marché. Ils doivent établir leur réputation dans une région géographique donnée afin d’être protégés contre la commercialisation trompeuse dans ce même endroit.

 

[127]       Il n’est pas nécessaire que les parties exercent leurs activités dans le même marché pour que les défendeurs aient gain de cause dans leur action pour commercialisation trompeuse, elles n’ont pas besoin d’être des concurrentes :

[traduction]

« Cependant, il n’est pas nécessaire que le demandeur soit directement en concurrence avec le défendeur pour être lésé par l’emploi de son nom commercial par le défendeur. Si le nom commercial du demandeur a acquis dans le ressort du défendeur une réputation telle que le public l’associe aux services fournis par le demandeur, l’emploi qu’en fait le défendeur équivaut à une perte de contrôle du demandeur sur l’impact de son nom commercial dans le ressort du défendeur. La conséquence pratique de cette situation est la vulnérabilité du demandeur à l’égard de la perte de ses clients actuels en Ontario, et de ses clients possibles dans cette province, pour ce qui est des services fournis aux États‑Unis. Cette situation peut également avoir pour résultat d’empêcher Orkin d’utiliser son nom commercial en Ontario lorsqu’elle y étendra ses activités commerciales ». (Voir Orkin Exterminating Co Inc c Pestco Co of Canada Ltd et al, [1985] OJ No 2536, au paragraphe 37). [Non souligné dans l’original]

 

[128]       Toutefois, comme la Cour suprême du Canada l’a déclaré dans l’arrêt Veuve Clicquot, précité, et dans l’arrêt Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, [2006] ACS n23 [Mattel], lorsqu’une marque est célèbre et très connue, l’achalandage associé à celle-ci peut être plus général que les marchandises et les services précis pour lesquels elle a été enregistrée. Ce concept ne s’applique que si des éléments de preuve indiquent que le consommateur moyen peut conclure que le défendeur a eu l’autorisation du demandeur de commercialiser ces biens et services.

 

2)         La probabilité de tromper le public par une présentation erronée

 

[129]       Le demandeur n’a pas à démontrer une conduite délibérée ou la mauvaise foi (voir l’arrêt Kirkbi, précité, au paragraphe 68).

 

[130]       Si un demandeur peut prouver qu’un défendeur (HD en l’espèce) a utilisé une marque de commerce ou un nom qui risque de créer de la confusion avec sa marque distinctive, il satisfait l’exigence selon laquelle il doit prouver une présentation erronée, même si celle-ci n’est pas délibérée (voir l’arrêt Walt Disney Productions c Triple Five Corp, [1992] AJ No 571, à la page 25, et l’arrêt Mattel, précité, au paragraphe 90). La cour doit se fonder sur l’article 6 de la Loi pour établir s’il y a eu présentation erronée en raison de la confusion. S’il n’existe pas de probabilité de confusion, un demandeur n’aura pas gain de cause dans son action pour commercialisation trompeuse.

 

[131]       Il convient aussi de souligner que, lorsqu’une marque de commerce créant de la confusion comporte des éléments distinctifs qui éviteraient toute présentation erronée quant à la source, l’action doit être rejetée (voir Fox on Trade-marks, précité, à la page 7-34).

 

3)         Des dommages réels ou éventuels aux défendeurs

 

[132]       Les défendeurs en l’espèce doivent prouver que, du fait de l’emploi de leur marque de commerce par HD, ils ont perdu une partie de leurs activités ou perdu le contrôle de leur réputation, leur image ou leur achalandage (voir la décision Toys “R” US (Canada) Ltd c Manjel Inc, 2003 CFPI 283, au paragraphe 68).

 

[133]       L’ordonnance de disjonction rendue dans la présente affaire ne dispense pas les défendeurs de prouver l’existence d’un préjudice causé par HD (voir l’arrêt BMW Canada Inc c Nissan Canada Inc, 2007 CAF 255, aux paragraphes 33 à 37).

 

[134]       La protection se limite au secteur géographique dans lequel les défendeurs ont établi la réputation de la marque et son emploi (voir Daniel Gervais et Elizabeth F Judge, Intellectual Property: The Law in Canada, 2e ed., (Toronto, Carswell, 2011), aux pages 537 et 538).

 

[135]       Plus simplement, l’alinéa 7b) protège l’achalandage se rattachant aux marques de commerce contre la concurrence déloyale; son objectif est d’éviter toute confusion chez les consommateurs, parce que cette forme de tromperie permet à une personne de tirer profit de l’achalandage d’un autre en faisant croire que ses produits sont ceux de l’autre personne (Macdonald c Vapor Canada Ltd, [1977] 2 RCS 134).

 

[136]       En ce qui concerne cet alinéa, les défendeurs allèguent que HD crée de la confusion avec leurs vêtements, parce que les marques de commerce sont identiques, les marchandises font partie de la même catégorie et le marché cible est le même.

 

[137]       Les trois conditions susmentionnées sont les suivantes :

-           l’existence d’un achalandage;

-           le fait de tromper le public par une présentation erronée; et

-           des dommages réels ou éventuels.

Les tribunaux y réfèrent lorsqu’ils appliquent l’alinéa en question de la Loi, tout comme le paragraphe 6(5) lorsqu’il est question de confusion (voir l’arrêt Positive Attitude Safety System Inc c Albian Sands Energy INC, 2005 CAF 332, aux paragraphes 30 à 33). Les défendeurs doivent prouver l’existence d’un régime de protection des marques de commerce : « un symbole du rapport entre la source d’un produit et le produit lui‑même » (Kirkbi, précité, au paragraphe 39).

 

Analyse

 

Le premier élément que les défendeurs doivent établir

 

1)         Ils ont une réputation ou un achalandage pour les vêtements et accessoires SCREAMIN’ EAGLE ou SCREAMING EAGLE.

 

[138]       La Cour tient à souligner tout d’abord que les défendeurs doivent établir l’existence d’une réputation ou d’un achalandage auprès du motocycliste HD moyen au Canada. Les défendeurs doivent prouver que ce dernier (ils sont au moins 2 100 000, et 50 000 d’entre eux sont membres du HOG au Canada) est au courant de leur existence et, fait plus important, de l’existence de leur marque de commerce et l’associe aux défendeurs et à personne d’autre. Il n’y a aucun élément de preuve à ce sujet dans le dossier, et HD n’a fait aucune admission à ce sujet.

 

[139]       Les éléments de preuve que les défendeurs ont présentés à l’appui de leur allégation de l’existence d’une réputation comportent deux volets. Comme la Cour l’a déjà mentionné, les défendeurs ont consacré plus de 10 millions de dollars à de la publicité au cours des vingt dernières années et ont reçu le Prix du Choix du consommateur à plusieurs reprises. Bien que la Cour reconnaisse que les sommes consacrées à la publicité doivent avoir produit une certaine impression sur les clients, aucun autre élément de preuve n’a été présenté concernant le degré de reconnaissance dont jouit la marque de commerce SCREAMING EAGLE des défendeurs auprès des motocyclistes propriétaires d’une HD au Canada. De plus, il est difficile d’évaluer l’incidence véritable de ces « Prix du Choix du consommateur » comme preuve de l’achalandage des défendeurs en raison de l’absence de documents permettant d’établir à partir de quelles données les prix ont été décernés (voir le paragraphe 94 ci-dessus). Il ne faut pas oublier non plus que l’on compte environ 75 concessionnaires HD au Canada, alors que les défendeurs n’exploitent que deux magasins permanents dans la région métropolitaine de Montréal. L’incidence d’un ensemble d’emplacements permanents ne peut pas être minimisée et, selon la Cour, elle est beaucoup plus importante qu’une visite temporaire dans le cadre d’une vente de trois jours, même si cette visite est soulignée au moyen d’un blitz de publicité (voir le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 11, lignes 17 à 19).

 

Le deuxième élément que les défendeurs doivent établir

 

2)         Les clients de HD et les motocyclistes qui conduisent une motocyclette HD sont trompés par les actions de HD.

 

[140]       HD doit avoir donné l’impression aux motocyclistes HD moyens au Canada qu’ils achetaient les vêtements des défendeurs chez des concessionnaires HARLEY‑DAVIDSON. Le dossier ne renferme aucun élément de preuve à ce sujet. Au contraire, les deux personnes appelées à témoigner par les défendeurs qui ont acheté des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HARLEY-DAVIDSON chez des concessionnaires HARLEY-DAVIDSON à Winnipeg et Fort McMurray ont toutes deux admis qu’elles savaient qu’elles achetaient des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HARLEY‑DAVIDSON (voir la transcription, volume 7, page 42, lignes 20 à 28, et page 46, lignes 20 à 25; voir aussi les pages 51 et 52).

 

[141]       Seuls les éléments de preuve selon lesquels certains détaillants de HD ont vendu des vêtements SCREAMIN’ / SCREAMING EAGLE des défendeurs vers la fin des années 1990, plus particulièrement un concessionnaire HD situé près de leur magasin à Montréal et des concessionnaires à Winnipeg, Edmonton et Yellowknife, donnent à penser qu’il aurait pu y avoir commercialisation trompeuse (voir le témoignage de Mme Bashir, transcription, volume 6, pages 169 et 160). Cependant, cela ne crée pas nécessairement un lien avec HD. M. Green a témoigné que HD interdit à ses détaillants de vendre de la marchandise autre que celle de HD et, plus important encore, que HD a cessé de vendre des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD à son distributeur canadien exclusif lorsqu’elle a cru qu’un conflit pourrait survenir au début des années 2000 ou en 2001.

 

[142]       Des images des marchandises ont été déposées par HD. Après avoir examiné les pièces P‑223 à P‑229 et entendu le témoignage de Mme Bischmann, la Cour constate que les éléments de preuve présentés sont clairs et incontestés. Les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HARLEY‑DAVIDSON sont toujours associés au logo de la BARRE ET ÉCUSSON de HD (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 161, lignes 14 à 27).

 

[143]       Les défendeurs devaient établir qu’ils ont une réputation dans le marché de HD, qui est le marché général des motocyclistes qui possèdent une HD ou qui en conduisent une. Il importe de savoir s’il est probable que les personnes qui revêtent, ou qui sont susceptibles de porter les vêtements et accessoires SCREAMIN’ EAGLE de HD soient trompées par une présentation erronée en raison de la réputation des défendeurs dans le même marché. En somme, qu’il y a probabilité de confusion aux termes de l’article 6. Autrement dit, les consommateurs sont susceptibles de croire que les vêtements et les articles connexes SCREAMIN’ EAGLE de HD proviennent des défendeurs et d’aucune autre source.

 

[144]       La Cour est d’avis que les défendeurs ne satisfont pas non plus à ce volet du critère parce que HD a toujours associé sa ligne de vêtements SCREAMIN’ EAGLE à ses propres marques de commerce, comme la BARRE ET ÉCUSSON. Il s’agit de marques très célèbres et bien connues, même auprès du grand public. Il convient aussi de souligner que le motocycliste HD moyen visite le concessionnaire HD de sa région environ 12 fois par année. Compte tenu de cet élément de preuve, il nous apparaît improbable, voire impossible, qu’un tel motocycliste associe SCREAMIN’ EAGLE aux défendeurs.

 

[145]       Pour établir s’il y a présence ou absence de confusion, la Cour doit se référer à l’article 2 de la Loi, qui nous renvoie à l’article 6, qui énonce :

« 6(1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

 

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale. » [Non souligné dans l’original]

 

[146]       Les facteurs qu’il faut prendre en considération dans une analyse relative à la confusion se trouvent au paragraphe 6(5) :

« 6(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

d) la nature du commerce;

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent. »

 

[147]       Le paragraphe 6(5) de la Loi est très explicite; la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances en l’espèce.

 

[148]       Selon l’article 20 de la Loi, le test à appliquer pour déterminer s’il y a confusion au sens du paragraphe 6(2) de la Loi est le suivant :

« […] celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [précédentes] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques » (arrêt Veuve Clicquot, précité, au paragraphe 20).

 

Ce test s’applique également à une demande fondée sur l’article 7.

 

[149]       Dans l’arrêt Reynolds Presto Products Inc c P.R.S Mediterranean Ltd, 2013 CAF 119, la Cour d’appel fédérale énonce, au paragraphe 20 [Reynolds], ce qui suit :

« Le test en matière de confusion doit être appliqué quand le consommateur voit une marque de commerce. Il s’agit de rechercher si le consommateur qui voit une marque de commerce donnée et qui a un vague souvenir d’une autre marque de commerce présumera à tort que les marchandises ou services liés à la première marque de commerce se rattachent à l’autre marque de commerce. Puisqu’il s’agit ici d’une affaire civile, c’est à Presto qu’il incombe d’établir qu’il est vraisemblable que le consommateur, voyant la marque de commerce NEOWEB employée en liaison avec des systèmes de confinement cellulaire (quand ce consommateur a un vague souvenir de la marque de commerce GEOWEB employée en liaison avec les mêmes marchandises ou sensiblement les mêmes marchandises), serait sous l’effet d’une confusion et présumerait à tort que les systèmes de confinement cellulaire NEOWEB étaient vendus par Presto. Quand bien même les systèmes de confinement cellulaire seraient considérés comme des articles coûteux ne s’adressant qu’à un marché restreint, « le critère demeure celui de la première impression ». »

 

[150]       Dans l’arrêt Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27, au paragraphe 41 [Masterpiece], la Cour suprême du Canada a énoncé le test de la manière suivante :

« En l’espèce, la question est de savoir si, à partir de sa première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé » qui voit la marque de commerce d’Alavida alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce ou du nom commercial de Masterpiece Inc. serait vraisemblablement confus, c’est-à-dire s’il est probable que ce consommateur considérerait qu’Alavida et Masterpiece Inc. constituent un seul et même fournisseur de services de résidence pour personnes âgées. »

 

[151]       En l’espèce, il faut donc déterminer si, à partir de sa première impression, le « consommateur ordinaire plutôt pressé » qui voit la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE de HD alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce des défendeurs, serait vraisemblablement confus; c’est-à-dire s’il est probable que ce consommateur considérerait que HD et les défendeurs constituent un seul et même fournisseur de vêtements SCREAMIN’ EAGLE.

 

[152]       Autrement dit, un consommateur serait-il susceptible de conclure que les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD étaient fournis par les défendeurs?

 

[153]       Pour répondre à cette question, il faut comparer la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE de HD aux marques de commerce SCREAMIN’ EAGLE et SCREAMING EAGLE des défendeurs en se servant des facteurs apparaissant au paragraphe 6(5) et tenir compte de toutes les circonstances en l’espèce. Ces facteurs ne sont pas exhaustifs et « un poids différent sera accordé à différents facteurs selon le contexte » (voir l’arrêt Veuve Clicquot précité, au paragraphe 21). Leur poids variera en fonction des autres circonstances.

 

[154]       Chacun des facteurs doit être examiné relativement aux marques de commerce des deux parties (celles de HD et celles des défendeurs).

 

1)         Le caractère distinctif

 

[155]       En ce qui concerne le facteur énoncé à l’alinéa 6(5)a) (caractère distinctif), dans l’arrêt Reynolds précité, la Cour d’appel fédérale mentionne ce qui suit au paragraphe 22 :

« Ces facteurs déterminent la force de la marque considérée (Pink Panther Beauty Corp. c. United Artists Corp., [1998] 3 C.F. 534, au paragraphe 23). Si une marque de commerce ne présente pas de caractère distinctif inhérent (et n’a pas acquis de caractère distinctif par suite d’un emploi constant sur le marché), elle n’est pas considérée comme une marque solidement établie et elle bénéficie d’une protection moindre. »

 

[156]       Ce facteur se divise en deux : le caractère distinctif inhérent et le caractère distinctif acquis (voir l’arrêt Pink Panther Beauty Corp c United Artists Corp, [1998] ACF n441, au paragraphe 23 [Pink Panther]).

 

[157]       [traduction] « Le caractère distinctif inhérent d’une marque est assimilable à son originalité. Le caractère distinctif inhérent d’une marque constituée d’un nom unique ou inventé est supérieur à celui d’une marque constituée d’un mot d’usage courant dans le commerce […] Plus la marque est solide, plus grande est l’étendue de la protection qui lui sera accordée. Une marque faible risque davantage de perdre le caractère distinctif et l’achalandage qu’elle a acquis si la marque ne demeure pas longtemps sur le marché » (voir Canadian Trade-Mark Law Benchbook, aux pages 259 et 260).

 

[158]       Dans la demande devant la Cour, HD allègue que la marque des défendeurs est faible parce qu’elle a coexisté avec les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HARLEY-DAVIDSON au Canada au cours des années 1980 et 1990, alors que Deeley vendait ces vêtements au Canada. HD soutient aussi que la marque SCREAMING EAGLE des défendeurs a toujours coexisté avec les pièces de motocyclettes SCREAMIN’ EAGLE qui sont vendues de façon continue au Canada depuis 1983. HD souligne que les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HARLEY-DAVIDSON sont revendus au Canada par des motocyclistes qui conduisent une HARLEY-DAVIDSON (voir les pièces P‑325 à P‑331 et P‑350 à P‑355, DC). HD fait également valoir que les défendeurs ont admis qu’ils n’avaient pas créé la marque SCREAMIN’ EAGLE, mais qu’ils l’avaient copiée d’une unité militaire américaine (voir le paragraphe 60 de l’ECFA) et, enfin, elle affirme que la marque a coexisté avec les vêtements SCREAMING EAGLE de tiers et avec de nombreuses autres marques de commerce déposées pour des vêtements qui font référence aux termes EAGLE ou SCREAMING (voir les pièces P-334 à P-349, DC).

 

[159]       Les défendeurs invoquent les magasins SCREAMING EAGLE qu’ils ont exploités dans diverses villes au Québec. Leur emplacement à Montréal opère de façon continue depuis 1992; le magasin à Laval est au service de ses clients depuis 1993. Ils ont opéré des magasins à Toronto, Trois-Rivières, Québec et St-Hubert, à différentes périodes au cours des vingt dernières années. Les défendeurs se fondent aussi sur leurs activités en tant que grossiste de vêtements SCREAMING EAGLE pour faire valoir que leur marque est distinctive. La pièce D-57 fait voir les étiquettes SCREAMING EAGLE qui ont été attachées à tous les vêtements SCREAMING EAGLE vendus par les défendeurs, en tant que grossistes et distributeurs, dont certains ont même été achetés par des détaillants HARLEY‑DAVIDSON.

 

[160]       Les défendeurs soutiennent aussi que M. Doug Decent savait qu’ils utilisaient les marques de commerce SCREAMIN’ EAGLE/SCREAMING EAGLE à titre de grossiste, au début des années 1990, sans s’en plaindre.

 

[161]       Les défendeurs rappellent qu’au détail, tous les clients qui achetaient des marchandises dans leurs magasins SCREAMING EAGLE, ou lors de ventes itinérantes, emportaient leurs achats dans des sacs sur lesquels la marque SCREAMING EAGLE / SCREAMIN’ EAGLE apparaissait depuis 1992.

 

[162]       Après avoir examiné les éléments de preuve présentés par les parties, la Cour conclut que la marque des défendeurs n’a pas un caractère distinctif inhérent pour les motifs suivants. Premièrement, les défendeurs n’ont pas créé la marque. Ils ont admis qu’ils l’avaient copiée d’une unité militaire américaine (voir le paragraphe 60 de l’ECFA). Deuxièmement, les défendeurs ont utilisé la marque pour des vêtements après HD. Il ressort clairement des éléments de preuve que HD a commencé à produire des vêtements portant la marque SCREAMIN’ EAGLE dès 1985 et que Deeley avait importé et vendu de tels vêtements au Canada vers la fin des années 1980. Selon les demandes d’enregistrement pour les marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE des défendeurs, qui sont maintenant radiées, la première utilisation date de 1988. Ce n’est qu’en 1992 que les défendeurs ont commencé à opérer un magasin de vente au détail dans la région de Montréal. Ils n’ont étendu leurs activités dans les marchés du Québec et de l’Ontario que par la suite. Selon le dossier, le premier élément de preuve faisant état de la vente de vêtements portant le nom SCREAMING EAGLE date de février 1990 (voir la pièce D-3, DC). Les défendeurs n’ont commencé à tenir des ventes itinérantes à travers le pays qu’en 2002.

 

[163]       La Cour reconnaît que les défendeurs ont vendu des vêtements SCREAMING EAGLE en tant que grossiste dans les années 1980, mais les documents relatifs aux ventes ne sont pas concluants étant donné qu’ils ne révèlent pas l’ampleur ou la portée géographique de ces ventes, alors que HD était très présente sur le marché de détail dans l’ensemble du Canada au cours de la même période. HD est présente au Canada depuis 1917. De plus, le fait que M. Decent n’a pas dénoncé l’utilisation par les défendeurs des marques de commerce SCREAMIN’ EAGLE / SCREAMING EAGLE n’est pas pertinent, étant donné qu’il n’a jamais été un représentant autorisé de HD.

 

[164]       En outre, il ressort des éléments de preuve présentés que d’autres ont vendu des vêtements SCREAMING EAGLE, dont l’équipe de hockey du Cap-Breton membre de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, les SCREAMING EAGLES, qui a vendu des vêtements faisant partie de sa ligne de vêtements dans le même marché que les défendeurs, soit l’Est du Canada. L’utilisation parallèle par d’autres des noms SCREAMING EAGLE et SCREAMING EAGLES peut entraîner un affaiblissement du caractère distinctif de la marque. Selon les éléments de preuve au dossier, d’autres au Canada ont utilisé le nom SCREAMING EAGLE pour des vêtements. D’une part, l’équipe de hockey du Cap-Breton porte le nom de SCREAMING EAGLES et, d’autre part, Columbia Sportswear a vendu des pantalons portant le nom SCREAMING EAGLE. À notre avis, ces utilisations parallèles ne sont pas très importantes en l’espèce. Mis à part le fait qu’elles puissent possiblement affaiblir le caractère distinctif des marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE des défendeurs qui sont radiées, les éléments de preuve présentés par HD au sujet de la coexistence ne sont pas très concluants.

 

[165]       La Cour note également que la marque de commerce HARLEY-DAVIDSON apparaissait sur les sacs des défendeurs pendant un certain temps, alors que les défendeurs vendaient des bottes HARLEY‑DAVIDSON, ce qui a eu pour effet de diminuer le caractère distinctif de leur marque et de renforcer l’association avec HARLEY-DAVIDSON (voir le paragraphe 78 de l’ECFA).

 

[166]       Enfin, la Cour doit tenir compte du fait que HARLEY-DAVIDSON existe depuis plus de 110 ans. Ainsi, il ressort des éléments de preuve au dossier que cette marque est l’une des plus connues à l’échelle mondiale. Pour tous les clients de HARLEY-DAVIDSON et les motocyclistes qui conduisent une HD, la marque SCREAMIN’ EAGLE est associée à HARLEY‑DAVIDSON et à aucune autre marque (voir le paragraphe 41 de l’ECFA).

 

 

2)         La période d’usage

 

[167]       Une marque qui est en usage depuis aussi longtemps peut être présumée avoir produit une certaine impression sur les consommateurs.

 

[168]       Il est clair que chaque partie a présenté des éléments de preuve concernant son propre usage des marques SCREAMIN’ EAGLE et SCREAMING EAGLE en liaison avec les marchandises qu’elle vend.

 

[169]       À l’audience, les défendeurs ont affirmé qu’ils avaient décidé d’utiliser le nom SCREAMING EAGLE en 1983, après avoir vu, dans un catalogue de surplus de l’armée que l’un de leurs fournisseurs leur avait donné, l’écusson d’une unité militaire américaine portant la mention SCREAMING EAGLE et affichant le drapeau américain. La Cour ne peut accepter cette date parce que M. Berrada a donné des réponses différentes lors de son témoignage en ce qui concerne la date de premier emploi. Lors du contre-interrogatoire, il a affirmé qu’il avait trouvé la marque au milieu des années 1980 (voir la transcription, volume 6, page 34, lignes 14 à 20). Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, dans sa demande reconventionnelle, il avait mentionné 1988 comme date de premier emploi, M. Berrada a répondu que son avocat avait fait une erreur (voir la transcription, volume 6, page 35, lignes 6 à 28). Lors du contre-interrogatoire, il a affirmé que c’était presque en 1984 (voir la transcription, volume 6, page 37, lignes 1 à 6), alors que, lors de son « interrogatoire principal », il avait dit que c’était en 1983 (voir la transcription, volume 4, pages 4 à 8). Mme Bashir a été plus précise; elle a clairement déclaré que c’était en 1983 parce qu’à l’époque, elle était enceinte de sa fille.

 

[170]       M. Berrada et son épouse, Mme Bashir, ont aussi offert des versions contradictoires quant à la date à laquelle ils ont dans les faits commencé à vendre des vêtements avec l’étiquette sur laquelle apparaissait le nom SCREAMING EAGLE et quant à l’étendue des recherches qu’ils avaient effectuées pour déterminer si une demande d’enregistrement pouvait être présentée pour ce nom (voir la transcription, volume 4, page 4, lignes 24 à 28; page 8, lignes 3 à 25; page 11, lignes 1 à 21; et volume 6, page 49, lignes 2 à 21). M. Berrada a témoigné qu’ils avaient mené leur propre enquête et qu’ils s’étaient renseignés auprès de détaillants et de fournisseurs (voir la transcription, volume 4, page 8, lignes 3 à 21). Mme Bashir a affirmé qu’ils avaient fait un examen visuel de magasins à différents endroits pendant qu’ils participaient à des salons du cadeau à Halifax, Toronto et d’autres villes en 1984, et qu’ils avaient commencé à utiliser leur marque en 1984 ou en 1985 (voir le volume 5, page 199, lignes 1 à 5). Les éléments de preuve documentaire versés au dossier ne permettent toutefois pas de corroborer ces dates.

 

[171]       Compte tenu des contradictions et des différentes versions, il est difficile d’établir de façon précise à quelle date les défendeurs auraient effectivement utilisé leur marque pour la première fois. La Cour estime que les éléments de preuve les plus dignes de foi sont la date inscrite dans la demande des défendeurs, soit 1988, et la pièce D‑3, qui fait état d’une première vente de vêtements SCREAMING EAGLE, qui a eu lieu en février 1990, ce qui, de toute évidence, est postérieur à l’usage de HD.

 

[172]       HD a enregistré la marque SCREAMIN’ EAGLE pour des pièces de performance pour motocyclettes en 1983 et pour des vêtements en 1987 aux États‑Unis. HD a vendu des vêtements portant la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE dès 1985. Il ressort des éléments de preuve que les ventes de HD aux États-Unis de vêtements SCREAMIN’ EAGLE s’élevaient à un million de dollars en 1987 (voir la transcription, volume 2, pages 64 et 66; voir aussi le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, pages 27 et 28). HD a clairement commencé à utiliser sa marque avant que les défendeurs ne commencent à utiliser la leur.

 

3)         La nature des marchandises/services

 

[173]       L’arrêt Reynolds, précité, résume trois décisions clés aux paragraphes 27 à 29 :

27. Dans l’arrêt Pink Panther Beauty Corp., le juge Linden, s’exprimant au nom de notre Cour, a observé ce qui suit :

 

26 Il est évident que, lorsque des marques de commerce sont similaires, le degré de similitude entre les marchandises ou les services qui portent ces marques constituera un facteur important pour déterminer s’il en résultera vraisemblablement une confusion.

 

28. Dans la décision Precision Door & Gate Service Ltd. c. Precision Holdings of Brevard, Inc., 2012 CF 496, le juge O’Reilly s’exprimait ainsi :

 

34 Les deux parties offrent principalement des services relatifs à des portes de garage. Le genre de leurs marchandises et services est fondamentalement identique, ce qui permet de croire que le risque de confusion est élevé.

 

29. Dans l’arrêt Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, la Cour suprême du Canada, commentant l’arrêt Pink Panther rendu par notre Cour, a écrit au paragraphe 71 qu’une différence entre des marchandises ne constituera pas toujours un facteur dominant et qu’il ne fallait pas suivre les remarques du juge Linden dans la mesure où on les interprèterait comme exigeant une ressemblance entre les marchandises avant que l’on puisse dire que des marques de commerce créent de la confusion. Cependant, la Cour suprême a ajouté, dans le même paragraphe, que, s’il y a une différence entre des marchandises, « il s’agira en général d’une considération importante ». Il n’y a pas de différence notable entre les marchandises vendues par P.R.S. sous la marque de commerce NEOWEB et celles vendues par Presto sous la marque de commerce GEOWEB, et, en l’espèce, il s’agit d’une considération importante.

 

[174]       La Cour d’appel fédérale résume ainsi la question :

« Il y a une probabilité plus élevée de confusion si deux marques de commerce qui se ressemblent sont employées en liaison avec les mêmes produits (ou sensiblement les mêmes produits) sur les mêmes marchés. En conséquence, le degré de ressemblance entre les deux marques de commerce ne devrait pas être considéré isolément, mais plutôt conjointement avec le genre des marchandises et la nature du commerce » (voir le paragraphe 30 de l’arrêt Reynolds, précité).

 

[175]       [traduction] « Lorsque l’on apprécie le degré de similitude entre les marchandises ou les services de chacune des parties, le critère ultime est l’appréciation de l’impression faite sur les consommateurs. Si un produit ne fait pas penser à l’autre, la confusion est improbable » (voir Canadian Trade‑Mark Law Benchbook, précité, à la page 261, et l’arrêt Pink Panther, précité, au paragraphe 26).

 

[176]       La Cour conclut qu’il n’y a pas de source de confusion en l’espèce, parce que les principaux consommateurs de vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD sont les motocyclistes qui conduisent une HARLEY-DAVIDSON. Ces personnes connaissent très bien la marque HARLEY-DAVIDSON parce qu’ils ont adhéré au HOG lorsqu’ils ont acheté leur première motocyclette HD. Ces consommateurs connaissent aussi les marques de commerce de HARLEY-DAVIDSON et le logo de la BARRE ET ÉCUSSON et font une association mentale entre SCREAMIN’ EAGLE et HARLEY-DAVIDSON. Il ressort des éléments de preuve que tous les membres du HOG de HARLEY‑DAVIDSON ont reçu un exemplaire du magazine « Enthusiast » en 1983. Ce magazine présentait le lancement de la ligne de pièces de performance SCREAMIN’ EAGLE (voir la transcription, volume 2, page 22, lignes 6 à 14; volume 1, page 129; voir aussi la pièce P‑160, DC). Le catalogue de 1985 présentait des vêtements SCREAMIN’ EAGLE pour la première fois.

 

[177]       Il ressort des éléments de preuve que la marque de commerce de la BARRE ET ÉCUSSON de HARLEY-DAVIDSON apparaissait toujours sur l’emballage et les étiquettes de l’ensemble des motocyclettes, pièces de motocyclettes, accessoires et vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HARLEY-DAVIDSON (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, pages 143 et 144; voir aussi la pièce P‑34 (page 86 du catalogue HARLEY DAVIDSON de 1986 et avis), DC; et voir aussi la pièce P-37, DC).

 

[178]       Il importe également de souligner que, malgré le fait que les vêtements n’ont pas généralement de caractère distinctif, en l’espèce, si l’on tient compte des consommateurs de vêtements SCREAMIN’ EAGLE, il est évident qu’il ne peut pas y avoir de confusion. Le propriétaire moyen d’une HARLEY‑DAVIDSON, qui désire acquérir des vêtements SCREAMIN’ EAGLE, recherche également le logo de la BARRE ET ÉCUSSON de HD et les couleurs noire et orange distinctives qui sont associées à HARLEY-DAVIDSON.

 

[179]       Les défendeurs font valoir qu’ils ont perdu des ventes parce que leurs clients qui conduisent des motocyclettes autres que des HARLEY‑DAVIDSON ont refusé d’être associés à cette marque. Selon la Cour, ce témoignage contribue à prouver que, même dans l’esprit des motocyclistes qui ne possèdent pas une HARLEY-DAVIDSON, SCREAMIN’ EAGLE est associé à HARLEY-DAVIDSON. Il ne peut tout simplement pas y avoir de confusion si les motocyclistes qui ne possèdent pas une HD font aussi l’association mentale entre SCREAMIN’ EAGLE et HARLEY‑DAVIDSON.

 

4)         Les voies de commercialisation

 

[180]       Ce facteur fait référence aux voies par lesquelles les marchandises sont distribuées. Sont‑elles vendues dans le même genre de magasins? (voir l’arrêt Pink Panther, précité, au paragraphe 30) Visent-elles les mêmes consommateurs?

 

[181]       Comme la Cour l’a mentionné, en l’espèce, les consommateurs sont les motocyclistes qui possèdent une HARLEY‑DAVIDSON ou qui en conduisent une. Comme nous avons pu le constater plus haut, ces consommateurs sont bien informés et distincts, étant donné qu’ils appartiennent à un groupe particulier de motocyclistes qui s’associent clairement à la marque de motocyclette qu’ils ont choisie de conduire, laquelle se rapporte à un mode de vie unique (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, pages 106, 107 et 115). M. Green a témoigné que les motocyclistes HD visitent leur concessionnaire en moyenne 10 à 12 fois par année (voir le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 38).

 

[182]       En l’espèce, les voies de commercialisation des défendeurs, leurs magasins de vente au détail à Montréal et Laval et leurs tournées de présentation se distinguent clairement de ceux de HD. Les enseignes SCREAMING EAGLE devant les magasins des défendeurs à Laval et Montréal ne ressemblent pas aux enseignes ou aux couleurs utilisées par les concessionnaires HARLEY‑DAVIDSON dans l’ensemble du pays. Comme M. Green l’a expliqué, Fred Deeley Imports est le distributeur canadien exclusif de HARLEY-DAVIDSON depuis 1917. Les concessionnaires HARLEY-DAVIDSON ne sont pas identiques, mais ils utilisent les mêmes éléments d’affichage et de communication graphique extérieurs (voir le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 15; voir aussi la page 16, lignes 18 à 28, et la pièce P‑285, DC).

 

[183]       La Cour tient à souligner également que HD fait la promotion de ses produits lors de salons de la moto tenus dans l’ensemble du pays et à l’occasion de courses qu’elle commandite, où elle affiche bien en vue de la publicité pour les pièces SCREAMIN’ EAGLE (voir les paragraphes 33 et 34 de l’ECFA).

 

[184]       HD soutient aussi qu’elle a cessé de vendre ses vêtements SCREAMIN’ EAGLE au Canada depuis le début des années 2000 ou depuis 2001 (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 156, et le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 49). Mme Bechkour a fait état de deux cas ayant trait à des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD vendus à St. John’s, Terre-Neuve, et à Regina, Saskatchewan, mais, dans les deux cas en question, il ressortait des éléments de preuve que les vêtements avaient tous été vendus (voir la transcription, volume 7, pages 7 à 9). Rien ne prouve qu’il y avait quelque lien que ce soit entre ces cas et le fait que HD aurait fourni les vêtements en question.

 

5)         Le degré de ressemblance

 

[185]       Quant au facteur énoncé à l’alinéa 6(5)e) (degré de ressemblance), dans l’arrêt Masterpiece, précité, au paragraphe 62, la Cour suprême du Canada énonce ce qui suit :

« La ressemblance est définie comme étant le rapport entre des objets de même espèce présentant des éléments identiques. Cette définition comprend l’idée de similitude; voir la définition de « ressemblance » dans Le Nouveau Petit Robert : Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (2010), p. 2220. Le mot « degré de ressemblance » à l’al. 6(5)e) de la Loi sous-entend que ce n’est pas seulement dans les cas où les marques de commerce en cause sont identiques qu’il y a probabilité de confusion : des marques comportant un certain nombre de différences peuvent aussi engendrer une probabilité de confusion. »

 

[186]       Pour apprécier le degré de ressemblance entre les marques, la Cour doit se concentrer sur les consommateurs, en l’espèce, les motocyclistes HD, et le lien que ces personnes établissent avec SCREAMIN’ EAGLE, ainsi que sur la question de savoir si les consommateurs peuvent y associer le magasin de vente au détail des défendeurs. La Cour n’estime pas que les motocyclistes HD feront un tel lien pour les motifs suivants. Tout d’abord, comme M. Green l’a expliqué, le client HD moyen de HD se rend chez son concessionnaire HD environ une fois par mois et connaît donc très bien la marchandise de HD. De plus, toute la marchandise HARLEY‑DAVIDSON porte la marque de commerce de la BARRE ET ÉCUSSON de HD (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, page 116, lignes 12 à 16, et le témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 50, lignes 3 à 10) et la marchandise SCREAMIN’ EAGLE de HD est emballée d’une façon distinctive (témoignage de M. Green, transcription, volume 3, page 50, lignes 3 à 23). Enfin, la Cour n’a pas d’éléments de preuve pour établir avec exactitude qu’il existe un chevauchement important de leur clientèle respective. Les défendeurs ont présenté des éléments de preuve contradictoires, étant donné qu’ils ont affirmé qu’ils ne savaient pas si leurs clients possédaient des motocyclettes HARLEY-DAVIDSON. Cependant, Mme Bashir a témoigné qu’elle avait vu des motocyclettes HD stationnées à l’extérieur de leur magasin à Montréal. Ils ont aussi cessé de vendre des marchandises sous licence de HD comme ils avaient l’habitude de le faire, et ils ont clairement affirmé qu’ils ne vendaient pas de pièces de motocyclettes (voir le témoignage de Mme Bashir, transcription, volume 6, page 157, lignes 18 à 25).

 

            6)         « Autres circonstances en l’espèce »

 

[187]       « L’absence d’une preuve de confusion réelle (c.‑à‑d. que des consommateurs éventuels tirent la conclusion erronée) est une autre des “circonstances en l’espèce” à mettre dans la balance […] » (voir l’arrêt Mattel, précité, au paragraphe 89). Les autres circonstances en l’espèce comprennent l’opinion d’experts, l’utilisation d’une marque semblable par des tiers et la question de savoir si la marque du demandeur est une « marque célèbre » (voir l’arrêt Veuve Clicquot, précité, au paragraphe 26).

 

[188]       La Cour a identifié un grand nombre d’activités et de facteurs qu’elle doit aussi prendre en considération avant de finalement décider si HD a induit ses clients en erreur en leur faisant croire qu’ils achetaient les vêtements des défendeurs chez des concessionnaires HARLEY‑DAVIDSON.

 

[189]       Les défendeurs ont établi qu’ils avaient effectivement vendu leurs vêtements SCREAMIN’ EAGLE à des concessionnaires HARLEY-DAVIDSON à Winnipeg, Montréal, Yellowknife et Edmonton (voir le témoignage de Mme Bashir, transcription, volume 6, pages 159 à 160). Ce fait pourrait être important si les défendeurs peuvent prouver que HD a permis et toléré un tel comportement qui aurait pu créer de la confusion chez ses clients. Toutefois, rien dans les éléments de preuve au dossier ne démontre que HD savait que ces concessionnaires se livraient à de telles pratiques. Il ressort également de la preuve qu’une telle conduite est interdite dans les contrats de concession. La Cour tient à souligner que HD ne possède pas de magasin de vente au détail au Canada et que l’exécution des contrats de concession relève exclusivement de Deeley. Ces contrats interdisent clairement la vente de marchandises non fabriquées par HD.

 

[190]       Même si HD a affirmé le contraire, les défendeurs ont aussi établi qu’ils avaient bel et bien acheté des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD portant la marque de commerce de HD auprès de concessionnaires HD au Canada, une fois à Winnipeg, en 2005, et une autre fois à Fort McMurray, en 2011.

 

[191]       Les défendeurs ont aussi présenté des éléments de preuve selon lesquels les détaillants de HD aux États-Unis ont expédié des vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD à des Canadiens qui les ont achetés à partir de sites Web de détaillants aux États-Unis. HD a allégué qu’elle ne détient aucun intérêt dans ses concessionnaires américains et que, suivant les politiques de la société, l’expédition de tels vêtements au Canada est interdite. La Cour conclut qu’il existe des éléments de preuve démontrant que des marchandises ont été vendues à des Canadiens à partir de sites Web américains et que des marchandises ont été expédiées au Canada. Cependant, il n’existe aucune preuve que ces ventes ont créé de la confusion par rapport à la marque des défendeurs, étant donné que la marque de commerce de la BARRE ET ÉCUSSON de HD apparaissait sur tous les produits visés.

 

[192]       Les défendeurs font aussi valoir que les pratiques antérieures de HD, en matière de licences, créaient de la confusion dans le marché relativement à leur propre marque de commerce. Essentiellement, les défendeurs soutiennent que HD n’a pas contrôlé de façon appropriée ses licenciés, lesquels distribuaient les marchandises qu’ils fabriquaient. Après avoir pris connaissance des éléments de preuve, la Cour rejette cette allégation des défendeurs pour les motifs suivants.

 

[193]       Premièrement, les défendeurs ont eux-mêmes associé leur marque de commerce à HARLEY-DAVIDSON en affichant « Bottes Harley » dans les vitrines de leurs magasins de vente au détail à Laval et Montréal. Les défendeurs ont aussi, dans le cadre d’un programme de collaboration avec Wolverine et Hush Puppies, qui sont des licenciés de HD, affiché la marque de commerce de HD sur certains de leurs sacs et utilisé, les couleurs de HD sur ces mêmes sacs. Deuxièmement, les défendeurs ont vendu d’autres produits sous licence de HD dans leurs magasins de vente au détail. Troisièmement, les défendeurs ont présenté une demande pour devenir un licencié de HD. En outre, les défendeurs ont essayé de présenter des demandes relativement à des motocyclettes et des motocyclettes jouets en liaison avec la marque SCREAMING EAGLE. Les défendeurs ont contrefait une marque de commerce de HARLEY‑DAVIDSON lorsqu’ils ont vendu des vestes de cuir avec la BARRE ORANGE. Selon la Cour, tous ces faits non contestés établissent que les défendeurs voulaient s’associer d’une quelconque façon à HD, dans leur propre intérêt, étant donné que les motocyclistes qui conduisent une HD représentent plus de 35 % de l’ensemble du marché des motocyclistes.

 

[194]       La Cour tente de concilier les actions posées par les défendeurs au fil des ans et décrites ci-haut, vu que, d’une part, ils ont accusé HD de faire de la commercialisation trompeuse et de créer de la confusion et, d’autre part, ils ont clairement pris plusieurs mesures pour s’associer à la marque HD et renforcer cette association auprès de leurs propres clients. De telles actions pourraient avoir pour conséquence de remettre en cause la bonne foi des défendeurs.

 

Le troisième élément que les défendeurs doivent établir

 

3)         Ils ont subi ou sont susceptibles de subir un préjudice réel ou éventuel en raison d’une telle commercialisation trompeuse

 

[195]       Il faut prouver qu’il y a eu préjudice. En l’espèce, comme la Cour l’explique ci-dessus, il n’y a pas d’éléments de preuve concrets de préjudice, à l’exception de l’allégation de M. Berrada selon laquelle il aurait perdu certains clients qui auraient refusé de s’associer à HARLEY-DAVIDSON et du témoignage de Mme Bechkour qui va dans le même sens (voir la transcription, volume 4, pages 60 et 61, et volume 7, pages 27 et 28). M. Berrada a aussi témoigné que ses revenus avaient diminué depuis 2007. La Cour ne peut pas tirer de conclusion concernant quelque type de préjudice que ce soit en se fondant sur cette allégation de perte de clients, qui n’est pas corroborée par le dépôt d’état de revenus vérifiés.

 

L’article 20

 

[196]       L’article 20 de la Loi crée une présomption voulant que le droit du propriétaire inscrit d’une marque de commerce est violé par une personne non admise à l’utiliser si cette personne vend, distribue ou annonce des marchandises ou des services en liaison avec une marque de commerce créant de la confusion. En l’espèce, les défendeurs ne sont plus titulaires de marques de commerce valides pour leurs marques SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE pour des vêtements. Ils ne sont propriétaires que d’une marque de commerce valide pour leurs magasins de vente au détail situés à Montréal et Laval, et pour leurs tournées de présentation itinérantes.

 

[197]       Pour les motifs susmentionnés, la demande des défendeurs fondée sur les articles 7 et 20 doit être rejetée.

 

La demande des défendeurs fondée sur l’article 19 de la Loi

 

[198]       Cet article fait référence à « l’enregistrement d’une marque de commerce […] sauf si son invalidité est démontrée ». Il ne s’applique donc qu’aux marques de commerce déposées. Lorsqu’une marque de commerce a été radiée, elle ne figure plus dans le registre (voir l’article 2 de la Loi « marque de commerce déposée »).

 

[199]       De plus, cet article ne traite que de l’emploi (au sens du paragraphe 4(1)) d’une marque de commerce identique à la marque de commerce déposée en liaison avec les mêmes marchandises ou services. HD a, à juste titre, référé à la décision Cie Générale des Établissements Michelin c CAW-Canada et al (1996), 71 CPR (3d) 348 (CF). À la page 358, le juge Teitelbaum déclare ce qui suit :

L’article 19 traite du droit exclusif du propriétaire à l’emploi d’une marque de commerce déposée. Le champ d’application de l’article 19 a été limité aux cas où le contrefacteur emploie une marque identique à la marque déposée et ce pour les mêmes marchandises ou services […].

 

Les éléments que les défendeurs doivent établir

 

[200]       Les défendeurs doivent prouver que HD a utilisé une marque de commerce identique à leur marque de commerce déposée, et ce, en liaison avec des marchandises ou des services visés par l’enregistrement identique. Il est important de souligner qu’il faut que la marque soit identique. Comme le juge O’Reilly le rappelle dans la décision Services alimentaires A & W, précitée, au paragraphe 9 :

« Selon mon interprétation de la jurisprudence canadienne, la personne qui utilise la marque de commerce d’une autre personne relativement aux mêmes biens ou services contrefait la marque, suivant l’article 19 de la Loi sur les marques de commerce. Selon l’opinion prédominante, l’article 19 ne vise que l’emploi d’une marque identique et non l’emploi de marques légèrement différentes. »

 

[201]       La Cour a examiné le dossier en ce qui concerne la marque de commerce SCREAMING EAGLE LMC401,214 des défendeurs pour des vêtements, et rien ne démontrait que HD avait utilisé une marque identique à celle des défendeurs au cours de la période s’échelonnant entre date d’enregistrement de la marque de commerce jusqu’à la date de sa radiation en 2008.

 

[202]       Dans le cas de la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE LMC433,020 des défendeurs, le dossier ne renferme aucun élément de preuve démontrant que HD avait utilisé une marque identique jusqu’à que celle-ci soit radiée le 22 avril 2010. Les défendeurs ont présenté des éléments de preuve selon lesquels ils avaient pu acheter des vêtements SCREAMIN’ EAGLE avec le logo de la BARRE ET ÉCUSSON de HD à deux reprises. Ils en ont acheté pour la première fois à Winnipeg en 2005. M. Abdel Fattah a pu acheter un chapeau, un bandana et une cache d’entrée d’air (voir la transcription, volume 7, lignes 3 à 10). La cache d’entrée d’air est de toute évidence une pièce de motocyclette et n’est pas visée par la marque de commerce des défendeurs. Quant aux autres articles, la preuve ne permet pas de savoir avec certitude si ceux-ci ont été fournis par HD directement et, qui plus est, les circonstances décrites par M. Abdel Fattah permettent de croire que les ventes ont été faites sans que HD y ait participé ou ait été au courant, étant donné que le concessionnaire a insisté pour que les achats soient payés en espèces et qu’aucun reçu officiel ne soit émis. Le deuxième achat a été décrit par M. Robertson et a eu lieu en 2011 à Fort McMurray, en Alberta. La Cour souligne que le logo de la BARRE ET ÉCUSSON de HD apparaît sur le tee-shirt qui a été acheté. De plus, cette vente a été conclue après la radiation de la marque de commerce des défendeurs. Ces cas ne sont donc pas visés par l’article 19, étant donné que la marque des vêtements n’était pas identique et, fait plus important encore, qu’il n’y a pas de preuve de la participation de HD.

 

[203]       Enfin, la Cour doit rappeler que les cas décrits par Mme Bechkour (voir la transcription, volume 7, pages 6 et 8) ayant trait à des concessionnaires HD à St. John’s et Regina ne permettent pas non plus d’établir que des vêtements SCREAMIN’ EAGLE affichant une marque de commerce identique ont été vendus par les concessionnaires HD en question. En fait, dans les deux cas, le témoin n’a pas vu de vêtements, étant donné que les deux concessionnaires avaient affirmé avoir tout vendu. Encore une fois, aucun élément de preuve ne permet d’établir clairement qu’une marque de commerce identique a été utilisée ou que HD a sciemment fourni des vêtements contrefaits.

 

[204]       Finalement, dans le cas de la marque de commerce SCREAMING EAGLE LMC519,633 (la seule marque de commerce valide à l’heure actuelle), les défendeurs doivent établir que HD a employé la marque de commerce SCREAMING EAGLE en liaison avec l’exploitation de magasins de vente au détail. Il n’y a aucun élément de preuve à ce sujet dans le dossier.

 

[205]       Par conséquent, la demande des défendeurs sous l’article 19 doit être rejetée.

 

Les questions en litige

 

[206]       Les trois premières questions énoncées par les parties ont été examinées ci-dessus, soit les droits, la réputation et l’achalandage des demanderesses et des défendeurs à l’égard de leurs marques de commerce respectives.

 

[207]       La Cour a également conclu que les défendeurs n’ont pas établi le bien-fondé de leurs allégations selon lesquelles HD a violé les alinéas 7b) et e), ainsi que les articles 19, 20 et 22 de la Loi.

 

[208]       La quatrième question porte sur l’utilisation parallèle par des tiers des noms SCREAMING EAGLE et SCREAMING EAGLES. Tel qu’il a été mentionné dans l’analyse relative à la confusion, l’utilisation parallèle d’autres marques de commerce semblables peut entraîner un affaiblissement du caractère distinctif. Selon les éléments de preuve au dossier, d’autres au Canada ont employé le nom SCREAMING EAGLE en liaison avec des vêtements. D’une part, l’équipe de hockey du Cap-Breton porte le nom de SCREAMING EAGLES et, d’autre part, Columbia Sportswear a vendu des pantalons portant le nom SCREAMING EAGLE. La Cour ne considère pas que ces marques parallèles sont significatives en l’espèce. Par conséquent, tel que mentionné ci-dessus, mis à part peut-être l’affaiblissement du caractère distinctif des marques de commerce SCREAMING EAGLE et SCREAMIN’ EAGLE des défendeurs qui sont maintenant radiées, les éléments de preuve présentés par HD au sujet de la coexistence ne sont pas concluants.

 

[209]       La Cour doit se pencher maintenant sur la question de la mauvaise foi et de la bonne foi des parties et, dans le cas des défendeurs, la question de savoir s’ils ont droit à certaines déclarations ou à certains recours.

 

[210]       Tout d’abord, ayant conclu qu’il n’y avait pas de confusion dans la présente affaire, la demande de délivrance d’injonctions des défendeurs doit être rejetée. Les défendeurs ont-ils droit à une déclaration selon laquelle ils sont propriétaires de la marque de commerce SCREAMING EAGLE? Selon la Cour, une telle déclaration ne repose sur aucun fondement juridique. Les défendeurs sont encore propriétaires d’une marque de commerce valide, soit SCREAMING EAGLE, et peuvent donc bénéficier de tous les droits énoncés dans la Loi. Toutefois, aucune disposition de la Loi ne permet à la Cour de prononcer la déclaration demandée.

 

[211]       La Cour doit traiter de la question de la bonne foi et de la mauvaise foi de chacune des parties. Tout d’abord, en ce qui concerne HD, compte tenu des éléments de preuve au dossier, la Cour ne peut pas conclure qu’au fil des ans HD se soit comportée de façon à ce qu’on puisse lui reprocher d’avoir fait preuve de mauvaise foi. Même si elle a adopté des attitudes différentes envers les marques de commerce radiées et existantes des défendeurs, la Cour ne peut en conclure que HD a fait preuve de mauvaise foi en modifiant ses politiques ou ses stratégies opérationnelles à l’égard des marques des défendeurs.

 

[212]       La Cour conclut également que les éléments de preuve présentés par les défendeurs à l’égard du dessin-marque SCREAMING EAGLE sous le nom de Karbelt Speed & Custom (pièce D‑275, DC) pour les pièces et les accessoires de véhicules automobiles, me sont pas déterminants comme preuve de la mauvaise foi de HD. Rien dans le dossier n’indique que la marque de commerce enregistrée ait été utilisée activement et, fait plus important, que HD a sciemment ignoré son existence.

 

[213]       Les défendeurs font aussi valoir que HD n’est pas sans reproche parce que ce n’est qu’en 2011 qu’elle a officiellement interdit la vente et l’expédition de ses vêtements SCREAMIN’ EAGLE au Canada à partir de son magasin en ligne basé aux États-Unis et qu’elle n’a pas appliqué rigoureusement sa politique. Après s’être penchée sur le témoignage de Mme Bischmann, la Cour doit rejeter cette allégation, étant donné qu’il est clair que HD a pris des mesures pour faire respecter les restrictions concernant l’expédition de vêtements au Canada (voir le témoignage de Mme Bischmann, transcription, volume 1, pages 155, 157-1 et 160).

 

[214]       Voyons maintenant le comportement des défendeurs et l’allégation selon laquelle ils n’étaient pas sans reproche. Comme nous l’avons mentionné précédemment, dans certaines circonstances, il s’agissait pratiquement de mauvaise foi : les défendeurs ont sciemment essayé de s’associer à HD et de tirer profit de ce nom. Ils ont essayé de faire enregistrer la marque SCREAMING EAGLE en liaison avec des motocyclettes et des motocyclettes jouets au Canada dans les années 1990 (LMC777,160, voir l’ECFA, aux paragraphes 93 et 94, voir aussi les pièces P‑371 et P‑73, DC), même s’ils étaient au courant de l’existence de HD.

 

[215]       Ils ont vendu des vêtements portant le nom « rolling thunder », soit une activité associée à HD (pièce D‑51, DC). Ils ont admis qu’ils avaient vendu des vestes de cuir portant la marque de commerce déposée de la BANDE ORANGE de HD (voir l’ECFA, au paragraphe 1, la pièce D‑153, DC, et le témoignage de M. Berrada, transcription, volume 4, page 33). Les défendeurs ont aussi affiché les mots « Bottes Harley » et la marque de commerce de la BARRE ET ÉCUSSON de HARLEY-DAVIDSON, ainsi que des vestes de cuir noir portant la marque de commerce de la BANDE ORANGE dans les vitrines de leurs magasins (voir le témoignage de M. Berrada, transcription, volume 4, page 40; voir aussi l’ECFA, au paragraphe 78, et la pièce P‑244, DC). Les défendeurs ont aussi vendu une casquette qui contrefaisait la marque de commerce de la BARRE ET ÉCUSSON de HARLEY-DAVIDSON (voir le témoignage de M. Berrada, transcription, volume 4, pages 32 et 33; et voir la pièce P‑275, DC). Compte tenu de ces éléments de preuve, il est clair que les défendeurs n’ont droit à aucune réparation en equity.

 

[216]       HD peut-elle utiliser la marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE au Canada, en liaison avec sa marque de commerce déposée HARLEY-DAVIDSON? Les défendeurs n’ont pas établi que les vêtements SCREAMIN’ EAGLE de HD créaient de la confusion ou qu’ils diminuaient la valeur de leur achalandage. Par conséquent, la Cour conclut que HD a le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre des articles connexes, y compris des vêtements, se rapportant à sa marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, en liaison avec sa marque de commerce déposée HARLEY-DAVIDSON, dans l’ensemble du Canada, mais exclusivement dans les concessionnaires HARLEY‑DAVIDSON, étant donné que ces actions ne violeront pas les droits légitimes des défendeurs.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE

1.         L’action des demanderesses est accueillie;

2.         Les demanderesses ont le droit de distribuer, d’annoncer, d’offrir en vente et de vendre des articles connexes, y compris des vêtements, se rapportant à leur marque de commerce SCREAMIN’ EAGLE, en liaison avec leur marque de commerce déposée HARLEY-DAVIDSON, dans l’ensemble du Canada, mais exclusivement dans les concessionnaires HARLEY-DAVIDSON, étant donné que ces actions ne violeront pas les droits légitimes des défendeurs;

3.         Les demandes reconventionnelles des défendeurs au titre de l’alinéa 7b) et des articles 19, 20 et 22 de la Loi sur les marques de commerce sont rejetées;

4.         À la demande des parties, la Cour rendra son jugement relatif aux dépens une fois que les parties auront présenté leurs observations écrites à ce sujet, dans les 20 jours des présentes.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


ANNEXE

 

Les articles 2, 3, 4, 5, 6, 7, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 46 et 47 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13, sont libellés ainsi :

 

Définitions

Definitions

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« marque de certification »

“certification mark”

 

« marque de certification »

 

Marque employée pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises ou services qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne :

 

 

2. In this Act,

 

 

“certification mark”

 

 

« marque de certification »

 

“certification mark” means a mark that is used for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services that are of a defined standard with respect to

 

a) soit la nature ou qualité des marchandises ou services;

 

(a) the character or quality of the wares or services,

 

b) soit les conditions de travail dans lesquelles les marchandises ont été produites ou les services exécutés;

 

(b) the working conditions under which the wares have been produced or the services performed,

 

c) soit la catégorie de personnes qui a produit les marchandises ou exécuté les services;

 

(c) the class of persons by whom the wares have been produced or the services performed, or

 

d) soit la région à l’intérieur de laquelle les marchandises ont été produites ou les services exécutés.

(d) the area within which the wares have been produced or the services performed,

 

from wares or services that are not of that defined standard;

 

« créant de la confusion »

 

 

 

Relativement à une marque de commerce ou un nom commercial, s’entend au sens de l’article 6.

            “confusing”

 

« créant de la confusion »

 

“confusing”, when applied as an adjective to a trade-mark or trade-name, means a trade-mark or trade-name the use of which would cause confusion in the manner and circumstances described in section 6;

 

« Convention »

 

 

 

La Convention d’Union de Paris, intervenue le 20 mars 1883, et toutes ses modifications et révisions, adoptées indépendamment de la date du 1er juillet 1954, auxquelles le Canada est partie.

“Convention”

 

« Convention »

 

“Convention” means the Convention of the Union of Paris made on March 20, 1883 and any amendments and revisions thereof made before or after July 1, 1954 to which Canada is party;

 

« pays d’origine »

 

 

 

 

 

a) Le pays de l’Union où l’auteur d’une demande d’enregistrement d’une marque de commerce avait, à la date de la demande, un établissement industriel ou commercial réel et effectif;

 

b) si l’auteur de la demande, à la date de la demande, n’avait aucun établissement décrit à l’alinéa a) dans un pays de l’Union, le pays de celle-ci où il avait son domicile à la date en question;

 

 

c) si l’auteur de la demande, à la date de la demande, n’avait aucun établissement décrit à l’alinéa a) ni aucun domicile décrit à l’alinéa b) dans un pays de l’Union, le pays de celle-ci dont il était alors citoyen ou ressortissant

 

“country of origin”

 

« pays d’origine »

 

“country of origin” means

 

(a) the country of the Union in which the applicant for registration of a trade-mark had at the date of the application a real and effective industrial or commercial establishment, or

 

(b) if the applicant for registration of a trade-mark did not at the date of the application have in a country of the Union an establishment as described in paragraph (a), the country of the Union where he on that date had his domicile, or

 

(c) if the applicant for registration of a trade-mark did not at the date of the application have in a country of the Union an establishment as described in paragraph (a) or a domicile as described in paragraph (b), the country of the Union of which he was on that date a citizen or national;

 

 

 

« pays de l’Union »

 

 

 

 

 

Tout pays qui est membre de l’Union pour la protection de la propriété industrielle, constituée en vertu de la Convention, ou tout membre de l’OMC.

“country of the Union”

 

« pays de l’Union »

 

“country of the Union” means

 

(a) any country that is a member of the Union for the Protection of Industrial Property constituted under the Convention, or

 

(b) any WTO Member;

 

« distinctive »

 

 

 

Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d’autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

 

“distinctive”

 

« distinctive »

 

“distinctive”, in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

 

« signe distinctif » Selon le cas :

 

 

 

 

 

a) façonnement de marchandises ou de leurs contenants;

 

b) mode d’envelopper ou empaqueter des marchandises,

 

dont la présentation est employée par une personne afin de distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres.

 

“distinguishing guise”

 

« signe distinctif »

 

“distinguishing guise” means

 

(a) a shaping of wares or their containers, or

 

(b) a mode of wrapping or packaging wares

 

 

the appearance of which is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others;

 

« indication géographique »

 

 

 

 

 

 

Désignation d’un vin ou spiritueux par la dénomination de son lieu d’origine — territoire d’un membre de l’OMC, ou région ou localité de ce territoire — dans les cas où sa réputation ou une autre de ses qualités ou caractéristiques peuvent être essentiellement attribuées à cette origine géographique; cette désignation doit être protégée par le droit applicable à ce membre, sauf si le lieu d’origine est le Canada.

“geographical indication”

 

« indication géographique »

 

“geographical indication” means, in respect of a wine or spirit, an indication that

 

(a) identifies the wine or spirit as originating in the territory of a WTO Member, or a region or locality of that territory, where a quality, reputation or other characteristic of the wine or spirit is essentially attributable to its geographical origin, and

 

(b) except in the case of an indication identifying a wine or spirit originating au Canada, is protected by the laws applicable to that WTO Member;

 

« propriétaire »

 

 

 

Relativement à une marque de certification, la personne qui a établi la norme définie.

 

“owner”

 

« propriétaire »

 

“owner”, in relation to a certification mark, means the person by whom the defined standard has been established;

« paquet » ou « colis »

 

 

 

Est assimilé à un paquet ou colis tout contenant ou récipient ordinairement lié à des produits lors du transfert de la propriété ou de la possession des marchandises dans la pratique du commerce.

 

“package”

 

« paquet » ou « colis »

 

“package” includes any container or holder ordinarily associated with wares at the time of the transfer of the property in or possession of the wares in the course of trade;

 

« personne »

 

 

 

Sont assimilés à une personne tout syndicat ouvrier légitime et toute association légitime se livrant à un commerce ou à une entreprise, ou au développement de ce commerce ou de cette entreprise, ainsi que l’autorité administrative de tout pays ou État, de toute province, municipalité ou autre région administrative organisée.

 

“person”

 

« personne »

 

“person” includes any lawful trade union and any lawful association engaged in trade or business or the promotion thereof, and the administrative authority of any country, state, province, municipality or other organized administrative area;

 

« personne intéressée »

 

 

 

Sont assimilés à une personne intéressée le procureur général du Canada et quiconque est atteint ou a des motifs valables d’appréhender qu’il sera atteint par une inscription dans le registre, ou par tout acte ou omission, ou tout acte ou omission projeté, sous le régime ou à l’encontre de la présente loi.

 

“person interested”

 

« personne intéressée »

 

“person interested” includes any person who is affected or reasonably apprehends that he may be affected by any entry in the register, or by any act or omission or contemplated act or omission under or contrary to this Act, and includes the Attorney General of Canada;

« prescrit »

 

 

 

Prescrit par les règlements ou sous leur régime.

“prescribed”

 

« prescrit »

 

“prescribed” means prescribed by or under the regulations;

 

« marque de commerce projetée »

 

 

 

Marque qu’une personne projette d’employer pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres.

 

“proposed trade-mark”

 

« marque de commerce projetée »

 

“proposed trade-mark” means a mark that is proposed to be used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others;

 

« indication géographique protégée »

 

 

 

Indication géographique figurant sur la liste prévue au paragraphe 11.12(1).

“protected geographical indication”

 

« indication géographique protégée »

 

“protected geographical indication” means a geographical indication that is on the list kept pursuant to subsection 11.12(1);

 

 

 

« registre »

 

 

 

Le registre tenu selon l’article 26.

“register”

 

« registre »

 

“register” means the register kept under section 26;

 

« marque de commerce déposée »

 

 

 

Marque de commerce qui se trouve au registre.

“registered trade-mark”

 

« marque de commerce déposée »

 

“registered trade-mark” means a trade-mark that is on the register;

 

« registraire »

 

 

 

Le registraire des marques de commerce nommé en vertu de l’article 63.

“Registrar”

 

« registraire »

 

“Registrar” means the Registrar of Trade-marks appointed under section 63;

 

« compagnies connexes »

 

 

 

Compagnies qui sont membres d’un groupe de deux ou plusieurs compagnies dont l’une, directement ou indirectement, a la propriété ou le contrôle d’une majorité des actions émises, à droit de vote, des autres compagnies.

“related companies”

 

« compagnies connexes »

 

“related companies” means companies that are members of a group of two or more companies one of which, directly or indirectly, owns or controls a majority of the issued voting stock of the others;

 

« représentant pour signification »

 

 

 

La personne ou firme nommée en vertu de l’alinéa 30g), du paragraphe 38(3), de l’alinéa 41(1)a) ou du paragraphe 42(1).

“representative for service”

 

« représentant pour signification »

 

“representative for service” means the person or firm named under paragraph 30(g), subsection 38(3), paragraph 41(1)(a) or subsection 42(1);

 

« marque de commerce »

 

 

 

 

 

Selon le cas :

 

a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d’autres;

 

b) marque de certification;

 

c) signe distinctif;

 

d) marque de commerce projetée.

 

“trade-mark”

 

« marque de commerce »

 

“trade-mark” means

 

 

 

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

 

 

 

(b) a certification mark,

 

(c) a distinguishing guise, or

 

(d) a proposed trade-mark;

« nom commercial »

 

 

 

Nom sous lequel une entreprise est exercée, qu’il s’agisse ou non d’une personne morale, d’une société de personnes ou d’un particulier.

“trade-name”

 

« nom commercial »

 

“trade-name” means the name under which any business is carried on, whether or not it is the name of a corporation, a partnership or an individual;

 

« emploi » ou « usage »

 

 

 

À l’égard d’une marque de commerce, tout emploi qui, selon l’article 4, est réputé un emploi en liaison avec des marchandises ou services.

 

“use”

 

« emploi » ou « usage »

 

“use”, in relation to a trade-mark, means any use that by section 4 is deemed to be a use in association with wares or services;

 

« marchandises »

 

 

 

Sont assimilées aux marchandises les publications imprimées.

 

 

“wares”

 

« marchandises »

 

“wares” includes printed publications;

 

« Accord sur l’OMC »

 

 

 

S’entend de l’Accord au sens du paragraphe 2(1) de la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur l’Organisation mondiale du commerce.

“WTO Agreement”

 

« Accord sur l’OMC »

 

“WTO Agreement” has the meaning given to the word “Agreement” by subsection 2(1) of the World Trade Organization Agreement Implementation Act;

 

« membre de l’OMC »

 

 

 

Membre de l’Organisation mondiale du commerce instituée par l’article I de l’Accord sur l’OMC.

“WTO Member”

 

« membre de l’OMC »

 

“WTO Member” means a Member of the World Trade Organization established by Article I of the WTO Agreement.

 

[…]

. . .

 

Quand une marque de commerce est réputée adoptée

 

3. Une marque de commerce est réputée avoir été adoptée par une personne, lorsque cette personne ou son prédécesseur en titre a commencé à l’employer au Canada ou à l’y faire connaître, ou, si la personne ou le prédécesseur en question ne l’avait pas antérieurement ainsi employée ou fait connaître, lorsque l’un d’eux a produit une demande d’enregistrement de cette marque au Canada.

 

When deemed to be adopted

 

 

3. A trade-mark is deemed to have been adopted by a person when that person or his predecessor in title commenced to use it au Canada or to make it known au Canada or, if that person or his predecessor had not previously so used it or made it known, when that person or his predecessor filed an application for its registration au Canada.

Quand une marque de commerce est réputée Employée

 

4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

Idem

 

(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

 

Emploi pour exportation

 

(3) Une marque de commerce mise au Canada sur des marchandises ou sur les colis qui les contiennent est réputée, quand ces marchandises sont exportées du Canada, être employée dans ce pays en liaison avec ces marchandises.

 

When deemed to be used

 

 

4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.

 

 

 

Idem

 

(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.

 

Use by export

 

(3) A trade-mark that is marked au Canada on wares or on the packages in which they are contained is, when the wares are exported from Canada, deemed to be used au Canada in association with those wares.

Quand une marque de commerce est réputée révélée

 

5. Une personne est réputée faire connaître une marque de commerce au Canada seulement si elle l’emploie dans un pays de l’Union, autre que le Canada, en liaison avec des marchandises ou services, si, selon le cas :

 

a) ces marchandises sont distribuées en liaison avec cette marque au Canada;

 

b) ces marchandises ou services sont annoncés en liaison avec cette marque:

 

(i) soit dans toute publication imprimée et mise en circulation au Canada dans la pratique ordinaire du commerce parmi les marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

 

(ii) soit dans des émissions de radio ordinairement captées au Canada par des marchands ou usagers éventuels de ces marchandises ou services,

 

et si la marque est bien connue au Canada par suite de cette distribution ou annonce.

When deemed to be made known

 

 

5. A trade-mark is deemed to be made known au Canada by a person only if it is used by that person in a country of the Union, other than Canada, in association with wares or services, and

 

(a) the wares are distributed in association with it au Canada, or

 

(b) the wares or services are advertised in association with it in

 

(i) any printed publication circulated au Canada in the ordinary course of commerce among potential dealers in or users of the wares or services, or

 

 

(ii) radio broadcasts ordinarily received au Canada by potential dealers in or users of the wares or services,

 

 

and it has become well known au Canada by reason of the distribution or advertising.

 

 

Quand une marque ou un nom crée de la confusion

 

6. (1) Pour l’application de la présente loi, une marque de commerce ou un nom commercial crée de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial si l’emploi de la marque de commerce ou du nom commercial en premier lieu mentionnés cause de la confusion avec la marque de commerce ou le nom commercial en dernier lieu mentionnés, de la manière et dans les circonstances décrites au présent article.

 

Idem

 

(2) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

 

Idem

 

(3) L’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec un nom commercial, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à cette marque et les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à cette marque et les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

 

 

Idem

 

(4) L’emploi d’un nom commercial crée de la confusion avec une marque de commerce, lorsque l’emploi des deux dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les marchandises liées à cette marque sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à l’entreprise poursuivie sous ce nom et les services liés à cette marque sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou services soient ou non de la même catégorie générale.

 

 

Éléments d’appréciation

 

(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l’espèce, y compris :

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

 

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

 

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

 

d) la nature du commerce;

 

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

 

 

 

When mark or name confusing

 

 

6. (1) For the purposes of this Act, a trade-mark or trade-name is confusing with another trade-mark or trade-name if the use of the first mentioned trade-mark or trade-name would cause confusion with the last mentioned trade-mark or trade-name in the manner and circumstances described in this section.

 

 

 

 

Idem

 

(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

 

 

Idem

 

(3) The use of a trade-mark causes confusion with a trade-name if the use of both the trade-mark and trade-name in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the trade-mark and those associated with the business carried on under the trade-name are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

 

 

Idem

 

(4) The use of a trade-name causes confusion with a trade-mark if the use of both the trade-name and trade-mark in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with the business carried on under the trade-name and those associated with the trade-mark are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

 

 

 

 

 

What to be considered

 

(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

 

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

 

 

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

 

 

(c) the nature of the wares, services or business;

 

(d) the nature of the trade; and

 

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

 

Interdictions

 

 

 

 

7. Nul ne peut :

 

a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les marchandises ou les services d’un concurrent;

 

b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

 

c) faire passer d’autres marchandises ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

 

d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature à tromper le public en ce qui regarde :

 

(i) soit leurs caractéristiques, leur qualité, quantité ou composition,

 

(ii) soit leur origine géographique,

 

(iii) soit leur mode de fabrication, de production ou d’exécution;

 

 

 

 

e) faire un autre acte ou adopter une autre méthode d’affaires contraire aux honnêtes usages industriels ou commerciaux ayant cours au Canada.

 

UNFAIR COMPETITION AND PROHIBITED MARKS

 

Prohibitions

 

7. No person shall

 

(a) make a false or misleading statement tending to discredit the business, wares or services of a competitor;

 

 

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion au Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

 

 

(c) pass off other wares or services as and for those ordered or requested;

 

 

(d) make use, in association with wares or services, of any description that is false in a material respect and likely to mislead the public as to

 

(i) the character, quality, quantity or composition,

 

(ii) the geographical origin, or

 

(iii) the mode of the manufacture, production or performance

 

 

of the wares or services; or

 

(e) do any other act or adopt any other business practice contrary to honest industrial or commercial usage au Canada.

 

[…]

. . .

 

Effet de l’enregistrement relativement à l’emploi antérieur, etc.

 

 

 

 

17. (1) Aucune demande d’enregistrement d’une marque de commerce qui a été annoncée selon l’article 37 ne peut être refusée, et aucun enregistrement d’une marque de commerce ne peut être radié, modifié ou tenu pour invalide, du fait qu’une personne autre que l’auteur de la demande d’enregistrement ou son prédécesseur en titre a antérieurement employé ou révélé une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, sauf à la demande de cette autre personne ou de son successeur en titre, et il incombe à cette autre personne ou à son successeur d’établir qu’il n’avait pas abandonné cette marque de commerce ou ce nom commercial créant de la confusion, à la date de l’annonce de la demande du requérant.

 

Quand l’enregistrement est incontestable

 

(2) Dans des procédures ouvertes après l’expiration de cinq ans à compter de la date d’enregistrement d’une marque de commerce ou à compter du 1er juillet 1954, en prenant la date qui est postérieure à l’autre, aucun enregistrement ne peut être radié, modifié ou jugé invalide du fait de l’utilisation ou révélation antérieure mentionnée au paragraphe (1), à moins qu’il ne soit établi que la personne qui a adopté au Canada la marque de commerce déposée l’a fait alors qu’elle était au courant de cette utilisation ou révélation antérieure.

 

VALIDITY AND EFFECT OF REGISTRATION

 

Effect of registration in relation to previous use, etc.

 

17. (1) No application for registration of a trade-mark that has been advertised in accordance with section 37 shall be refused and no registration of a trade-mark shall be expunged or amended or held invalid on the ground of any previous use or making known of a confusing trade-mark or trade-name by a person other than the applicant for that registration or his predecessor in title, except at the instance of that other person or his successor in title, and the burden lies on that other person or his successor to establish that he had not abandoned the confusing trade-mark or trade-name at the date of advertisement of the applicant’s application.

 

 

 

When registration incontestable

 

(2) In proceedings commenced after the expiration of five years from the date of registration of a trade-mark or from July 1, 1954, whichever is the later, no registration shall be expunged or amended or held invalid on the ground of the previous use or making known referred to in subsection (1), unless it is established that the person who adopted the registered trade-mark au Canada did so with knowledge of that previous use or making known.

 

Quand l’enregistrement est invalide

 

18. (1) L’enregistrement d’une marque de commerce est invalide dans les cas suivants :

 

a) la marque de commerce n’était pas enregistrable à la date de l’enregistrement;

 

b) la marque de commerce n’est pas distinctive à l’époque où sont entamées les procédures contestant la validité de l’enregistrement;

 

c) la marque de commerce a été abandonnée.

 

Sous réserve de l’article 17, l’enregistrement est invalide si l’auteur de la demande n’était pas la personne ayant droit de l’obtenir.

 

Exception

 

(2) Nul enregistrement d’une marque de commerce qui était employée au Canada par l’inscrivant ou son prédécesseur en titre, au point d’être devenue distinctive à la date d’enregistrement, ne peut être considéré comme invalide pour la seule raison que la preuve de ce caractère distinctif n’a pas été soumise à l’autorité ou au tribunal compétent avant l’octroi de cet enregistrement.

 

When registration invalid

 

18. (1) The registration of a trade-mark is invalid if

 

(a) the trade-mark was not registrable at the date of registration,

 

(b) the trade-mark is not distinctive at the time proceedings bringing the validity of the registration into question are commenced, or

 

(c) the trade-mark has been abandoned,

 

 

and subject to section 17, it is invalid if the applicant for registration was not the person entitled to secure the registration.

 

 

Exception

 

(2) No registration of a trade-mark that had been so used au Canada by the registrant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of registration shall be held invalid merely on the ground that evidence of the distinctiveness was not submitted to the competent authority or tribunal before the grant of the registration.

Droits conférés par l’enregistrement

 

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l’enregistrement d’une marque de commerce à l’égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

 

Rights conferred by registration

 

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.

 

Violation

 

20. (1) Le droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l’employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d’une marque de commerce ne peut empêcher une personne :

 

a) d’utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

 

b) d’employer de bonne foi, autrement qu’à titre de marque de commerce :

 

(i) soit le nom géographique de son siège d’affaires,

 

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

 

d’une manière non susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à la marque de commerce.

 

 

Exception

 

(2) L’enregistrement d’une marque de commerce n’a pas pour effet d’empêcher une personne d’utiliser les indications mentionnées au paragraphe 11.18(3) en liaison avec un vin ou les indications mentionnées au paragraphe 11.18(4) en liaison avec un spiritueux.

 

Infringement

 

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making

 

 

 

(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

 

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

 

(i) of the geographical name of his place of business, or

 

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

 

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

 

 

Exception

 

(2) No registration of a trade-mark prevents a person from making any use of any of the indications mentioned in subsection 11.18(3) in association with a wine or any of the indications mentioned in subsection 11.18(4) in association with a spirit.

 

Emploi simultané de marques créant de la confusion

 

21. (1) Si, dans des procédures relatives à une marque de commerce déposée dont l’enregistrement est protégé aux termes du paragraphe 17(2), il est démontré à la Cour fédérale que l’une des parties aux procédures, autre que le propriétaire inscrit de la marque de commerce, avait de bonne foi employé au Canada une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion, avant la date de la production de la demande en vue de cet enregistrement, et si le tribunal considère qu’il n’est pas contraire à l’intérêt public que l’emploi continu de la marque de commerce ou du nom commercial créant de la confusion soit permis dans une région territoriale définie simultanément avec l’emploi de la marque de commerce déposée, il peut, sous réserve des conditions qu’il estime justes, ordonner que cette autre partie puisse continuer à employer la marque de commerce ou le nom commercial créant de la confusion, dans cette région, avec une distinction suffisante et spécifiée d’avec la marque de commerce déposée.

 

Inscription de l’ordonnance

 

(2) Les droits conférés par une ordonnance rendue aux termes du paragraphe (1) ne prennent effet que si, dans les trois mois qui suivent la date de l’ordonnance, cette autre partie demande au registraire de l’inscrire au registre, en ce qui regarde l’enregistrement de la marque de commerce déposée.

 

Concurrent use of confusing marks

 

 

21. (1) Where, in any proceedings respecting a registered trade-mark the registration of which is entitled to the protection of subsection 17(2), it is made to appear to the Federal Court that one of the parties to the proceedings, other than the registered owner of the trade-mark, had in good faith used a confusing trade-mark or trade-name au Canada before the date of filing of the application for that registration, and the Court considers that it is not contrary to the public interest that the continued use of the confusing trade-mark or trade-name should be permitted in a defined territorial area concurrently with the use of the registered trade-mark, the Court may, subject to such terms as it deems just, order that the other party may continue to use the confusing trade-mark or trade-name within that area with an adequate specified distinction from the registered trade-mark.

 

 

 

 

 

Registration of order

 

(2) The rights conferred by an order made under subsection (1) take effect only if, within three months from its date, the other party makes application to the Registrar to enter it on the register in connection with the registration of the registered trade-mark.

 

Dépréciation de l’achalandage

 

22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce.

 

Action à cet égard

 

(2) Dans toute action concernant un emploi contraire au paragraphe (1), le tribunal peut refuser d’ordonner le recouvrement de dommages-intérêts ou de profits, et permettre au défendeur de continuer à vendre toutes marchandises revêtues de cette marque de commerce qui étaient en sa possession ou sous son contrôle lorsque avis lui a été donné que le propriétaire de la marque de commerce déposée se plaignait de cet emploi.

 

Depreciation of goodwill

 

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

 

 

Action in respect thereof

 

(2) In any action in respect of a use of a trade-mark contrary to subsection (1), the court may decline to order the recovery of damages or profits and may permit the defendant to continue to sell wares marked with the trade-mark that were in his possession or under his control at the time notice was given to him that the owner of the registered trade-mark complained of the use of the trade-mark.

 

[…]

. . .

 

RENOUVELLEMENT DES ENREGISTREMENTS

 

Renouvellement

 

46. (1) L’enregistrement d’une marque de commerce figurant au registre en vertu de la présente loi est sujet à renouvellement au cours des quinze années à compter de la date de cet enregistrement ou du dernier renouvellement.

 

Avis ordonnant un renouvellement

 

(2) Lorsque l’enregistrement d’une marque de commerce a figuré au registre sans renouvellement pendant la période spécifiée au paragraphe (1), le registraire envoie au propriétaire inscrit et à son représentant pour signification, le cas échéant, un avis portant que si, dans les six mois qui suivent la date de cet avis, le droit prescrit de renouvellement n’est pas versé, l’enregistrement sera radié.

 

Non-renouvellement

 

(3) Si, dans la période de six mois que spécifie l’avis et qui ne peut être prorogée, le droit prescrit de renouvellement n’est pas versé, le registraire radie l’enregistrement.

 

 

Date d’entrée en vigueur du renouvellement

 

(4) Lorsque le droit prescrit pour un renouvellement de l’enregistrement d’une marque de commerce en vertu du présent article est acquitté dans le délai fixé, le renouvellement prend effet le lendemain de l’expiration de la période définie au paragraphe (1).

 

 

 

 

RENEWAL OF REGISTRATIONS

 

 

Renewal

 

46. (1) The registration of a trade-mark that is on the register by virtue of this Act is subject to renewal within a period of fifteen years from the day of the registration or last renewal.

 

 

Notice to renew

 

(2) If the registration of a trade-mark has been on the register without renewal for the period specified in subsection (1), the Registrar shall send a notice to the registered owner and to the registered owner’s representative for service, if any, stating that if within six months after the date of the notice the prescribed renewal fee is not paid, the registration will be expunged.

 

 

Failure to renew

 

(3) If within the period of six months specified in the notice, which period shall not be extended, the prescribed renewal fee is not paid, the Registrar shall expunge the registration.

 

Effective date of renewal

 

(4) When the prescribed fee for a renewal of any trade-mark registration under this section is paid within the time limited for the payment thereof, the renewal takes effect as of the day next following the expiration of the period specified in subsection (1).

 

Prorogations

 

 

 

47. (1) Si, dans un cas donné, le registraire est convaincu que les circonstances justifient une prolongation du délai fixé par la présente loi ou prescrit par les règlements pour l’accomplissement d’un acte, il peut, sauf disposition contraire de la présente loi, prolonger le délai après l’avis aux autres personnes et selon les termes qu’il lui est loisible d’ordonner.

 

Conditions

 

(2) Une prorogation demandée après l’expiration de pareil délai ou du délai prolongé par le registraire en vertu du paragraphe (1) ne peut être accordée que si le droit prescrit est acquitté et si le registraire est convaincu que l’omission d’accomplir l’acte ou de demander la prorogation dans ce délai ou au cours de cette prorogation n’était pas raisonnablement évitable.

EXTENSIONS OF TIME

 

Extensions of time

 

47. (1) If, in any case, the Registrar is satisfied that the circumstances justify an extension of the time fixed by this Act or prescribed by the regulations for the doing of any act, he may, except as in this Act otherwise provided, extend the time after such notice to other persons and on such terms as he may direct.

 

 

 

Conditions

 

(2) An extension applied for after the expiration of the time fixed for the doing of an act or the time extended by the Registrar under subsection (1) shall not be granted unless the prescribed fee is paid and the Registrar is satisfied that the failure to do the act or apply for the extension within that time or the extended time was not reasonably avoidable.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-605-07

 

INTITULÉ :

H-D U.S.A., LLC ET HARLEY-DAVIDSON MOTOR COMPANY, INC. c JAMAL BERRADA, 3222381 CANADA INC. ET EL BARAKA INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LES 9, 10, 11, 12, 13, 16, 17, 20 ET 23 SEPTEMBRE 2013

 

MOTIF DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SCOTT

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 4 mars 2014

COMPARUTIONS :

Mark K. Evans

Geneviève Prévost

François Guay

 

POUR LES DEMANDERESSES/

(DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES)

 

Harold W. Ashenmil, c.r.

Zachary Schneider-Lisak

 

POUR LES DÉFENDEURS/

(DEMANDEURS RECONVENTIONNELS)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

SMART & BIGGAR

Avocats

Montréal (Québec)

 

POUR LES DEMANDERESSES/

(DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES)

 

HAROLD W. ASHENMIL, c.r.

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉFENDEURS/

(DEMANDEURS RECONVENTIONNELS)

 

 

 

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