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Date : 20140226


Dossier :

T-1310-09

 

Référence : 2014 CF 178

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 26 février 2014

En présence de monsieur le juge Hughes

 

 

 

ENTRE :

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD.

 

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

JANSSEN INC.

 

défenderesse

(demanderesse reconventionnelle)

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

 

[1]               Au moyen de la présente requête, la défenderesse (demanderesse reconventionnelle) Janssen Inc. interjette appel de l’ordonnance en date du 13 février 2014 par laquelle le juge responsable de la gestion de l’instance, le protonotaire Aalto, a ordonné que l’instruction consacrée à l’injonction débute au cours de la semaine du 12 mai 2014, ainsi qu’un certain nombre d’autres mesures corrélatives. Janssen demande l’annulation de la mesure fixant la date de cette instruction et certaines mesures corrélatives, exposées aux paragraphes 1, 2, 3, 4, 5 et 9 de l’ordonnance rendue par le juge responsable de la gestion de l’instance.

 

[2]               Il est de droit constant à la Cour que l’ordonnance d’un protonotaire, particulièrement lorsque ce dernier agit à titre de juge responsable de la gestion de l’instance, ne sera pas annulée à moins d’une erreur de droit ou d’une erreur fondamentale dans l’appréciation de faits importants. Il faut faire preuve d’une grande déférence à l’égard de l’ordonnance rendue par un juge chargé de la gestion d’une instance dans le cadre de la gestion de cette instance, particulièrement dans une cause comme l’espèce qui se poursuit depuis près de cinq ans et où les parties se sont montrées très peu coopératives.

 

[3]               En décembre et janvier derniers, j’ai instruit les questions se rapportant à la contrefaçon et à la validité du brevet dans le cadre de la présente action et, le 17 janvier 2014, j’ai rendu le jugement suivant :

 

[traduction]

1.      Il est déclaré que, entre les parties et leurs ayants droit, les revendications 143 et 222 du brevet canadien portant le numéro 2,365,281 sont valides et ont été contrefaites par la défenderesse Janssen Inc. du fait de la promotion, de la mise en vente et de la vente au Canada de son produit connu sous le nom de STELARA;

 

2.      L’une ou l’autre des parties peut – ou les deux parties peuvent – présenter une demande au bureau du juge en chef pour qu’une deuxième instruction consacrée aux questions restantes dans le cadre de la présente action soit fixée;

 

3.      Sauf indication expresse contraire de la Cour, chaque partie assumera ses propres dépens.

 

[4]               Aux paragraphes 186 et 187 de mes motifs, 2014 CF 55, j’ai formulé des remarques sur le processus de gestion de l’instance et les manquements des parties à cet égard :

 

186     J’en viens maintenant à la question des dépens. Comme je l’ai indiqué aux avocats des parties durant l’instruction, je suis extrêmement déçu qu’ils n’aient pas tiré parti du processus de gestion de l’instance pour mieux cerner les questions, en arriver à certaines ententes sur les faits et, de manière générale, préparer l’affaire en vue de son instruction en s’en tenant aux questions importantes. L’affaire a commencé il y a environ quatre ans et pourtant, jusqu’au moment de l’instruction et durant celle-ci, les avocats n’ont pas cessé de reprendre les questions en litige et les concessions de faits. Des rapports d’expert ont été signifiés, puis n’ont jamais été versés au dossier. Des lettres rogatoires ont été délivrées, mais n’ont jamais été utilisées. Certains témoins, dont les noms ont été évoqués de temps à autre, n’ont jamais été appelés. L’interrogatoire préalable des parties et des inventeurs désignés a été prolongé et de nombreuses requêtes fastidieuses rendant nécessaires d’autres interrogatoires préalables ont été présentées. De maigres parties des transcriptions des interrogatoires ont été réputées versées en preuve lors de l’instruction alors que la plupart de ces parties auraient pu faire l’objet d’une entente sur les faits. Dans l’ensemble, les parties ne se sont pas prévalues pleinement ou de manière opportune des procédures de préparation et de gestion de l’instance, malgré leurs nombreuses demandes à la Cour visant un point ou un autre. Nous nous attendons à mieux de leur part.

 

187     Par conséquent, chaque partie assumera ses propres dépens, sauf si la Cour rend une ordonnance précise concernant les dépens. Aucuns dépens ne seront adjugés lorsque la question des dépens aura été laissée à l’appréciation du juge de première instance ou lorsque la Cour aura déterminé qu’ils doivent suivre l’issue de la cause.

 

[5]               La question dont le juge responsable de la gestion de l’instance a été saisi et qui fait maintenant l’objet d’un appel fait suite à la requête présentée par les demanderesses visant une injonction interlocutoire limitée et à la demande de Janssen, déposée par correspondance, que les questions liées à l’injonction soient suspendues en attendant l’issue de son appel interjeté devant la Cour d’appel fédérale contre ma décision concernant la contrefaçon et la validité du brevet. Dans une lettre à l’administrateur en chef de la Cour en date du 24 janvier 2014, les avocats de Janssen ont demandé que l’établissement de la date de l’instruction consacrée aux questions subséquentes soit confié au juge responsable de la gestion de l’instance, le protonotaire Aalto, [traduction] « qui connaît très bien les questions en cause et le déroulement de l’action jusqu’à présent ». Par la suite, les avocats de Janssen ont comparu devant le protonotaire Aalto et ont eu l’occasion de faire valoir leurs arguments. Il en est résulté l’ordonnance présentement visée par l’appel de Janssen.

 

[6]               Essentiellement, Janssen soutient que l’ordonnance visée par l’appel était une modification unilatérale inappropriée d’une ordonnance antérieure prise le 26 septembre 2011 par le même juge responsable de la gestion de l’instance, ordonnance qui n’a pas fait l’objet d’un appel et qui comportait notamment les points suivants :

 

[traduction]

1.      Les questions liées à la validité et à la contrefaçon du brevet canadien no 2,365,281 (le brevet 281) seront tranchées à l’instruction devant commencer le 22 octobre 2012.

 

2.      Advenant que la Cour conclue qu’une des revendications invoquées relativement au brevet 281 est valide et qu’il y a eu contrefaçon, les questions subséquentes touchant les droits des demanderesses (collectivement appelées Abbott) de choisir entre les bénéfices et les dommages-intérêts, le droit d’Abbott de demander une mesure injonctive, l’ampleur de la contrefaçon, ainsi que le montant des dommages-intérêts ou bénéfices, selon le cas, seront tranchées dans le cadre d’une deuxième instruction (le « renvoi »), dont la date sera convenue par les parties ou fixée par la Cour.

 

[7]               D’après mon interprétation de cette ordonnance, contrairement à celle des avocats de Janssen, l’ordonnance n’exige pas que la deuxième instruction ait lieu seulement une fois que la Cour aura été saisie des questions qu’il reste à trancher. L’ordonnance n’exclut pas la tenue d’une instruction consacrée à certaines questions restantes avant la tenue d’une instruction consacrée à une partie ou à l’ensemble des autres questions. Cela relève du pouvoir discrétionnaire du juge responsable de la gestion de l’instance. Comme l’a affirmé le juge Pelletier aux paragraphes 3 et 4 de MicroFibres Inc c Annabel Canada Inc, 2001 CFPI 1032, affirmation reprise au paragraphe 7 de Bande indienne d’Ermineskin c Canada, 2002 CAF 331 : le juge responsable de la gestion d’une instance est en droit de rendre, de sa propre initiative, une ordonnance visant la séparation des questions; et la Cour n’infirme de telles ordonnances, particulièrement celles prises par une personne ayant une connaissance intime de l’historique des faits ainsi que des détails d’une affaire complexe, que dans les situations les plus manifestes.

 

[8]               Les avocats de Janssen se fondent sur l’article 399 des Règles pour faire valoir que le protonotaire Aalto ne pouvait modifier son ordonnance antérieure qu’en réponse à la requête d’une des parties et même alors, seulement dans des circonstances précises. Comme je l’ai indiqué précédemment, je ne partage pas l’avis selon lequel l’ordonnance antérieure a été modifiée, car elle n’exclut pas l’établissement de dates d’instruction séparées pour une ou plusieurs des questions restantes. De toute manière, comme l’a affirmé le juge Pelletier (alors juge de la Cour fédérale) aux paragraphes 14 et 15 de la décision MicroFibres, précitée, l’article 385 des Règles confère au juge responsable de la gestion de l’instance le pouvoir de prendre ou de modifier, de sa propre initiative et à l’abri des contraintes de la doctrine de la chose jugée, une ordonnance de gestion de l’instance à la lumière des circonstances de l’affaire dont il est saisi, de manière à faciliter une instruction équitable de l’affaire.

 

[9]                Dans les circonstances de l’espèce, je ne relève aucun motif d’intervenir relativement à l’ordonnance visée par le présent appel.

 

[10]           Les demanderesses sollicitent des dépens avocat-client ou des dépens importants relativement à la présente requête. Elles font valoir que le présent appel était inutile et qu’il faut décourager les appels de ce genre. Comme je l’ai indiqué dans mes motifs de décision se rapportant à l’instruction précédente, les deux parties avaient agi d’une manière qui reflétait un manque de respect pour le processus de gestion de l’instance. Je n’ai attribué la responsabilité à aucune des deux parties en particulier.

 

[11]           En l’espèce, je vais adjuger les dépens liés à la présente requête aux demanderesses, car il faut trouver un moyen de signaler aux parties qu’elles doivent respecter le processus de gestion de l’instance. Compte tenu des observations des parties, je fixe ces dépens (y compris les débours et les taxes) à 5 000 dollars.

 

 


ORDONNANCE

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR ORDONNE que :

 

1.                  la requête soit rejetée;

 

2.                  les demanderesses aient droit à des dépens se chiffrant à 5 000 dollars (incluant les débours et les taxes).

 

 

« Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-1310-09

 

INTITULÉ :

ABBVIE CORPORATION, ABBVIE DEUTSCHLAND GMBH & CO. KG ET ABBVIE BIOTECHNOLOGY LTD. c JANSSEN INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 25 février 2014

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      Le juge Hughes

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 26 février 2014

COMPARUTIONS :

Steven Mason

POUR LES DEMANDERESSES

                                                (PARTIE INTIMÉE)

                                                      

 

Marguirite Ethier

Alexandra Wilbee

 

POUR LA DÉFENDERESSE

                                                      (PARTIE REQUÉRANTE)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCarthy Tetrault S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES Demanderesses

 

Lenczner Slaght Royce Smith

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR La défenderesse

 

 

 

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