Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20140228


Dossier : IMM-2430-13

 

Référence : 2014 CF 195

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 février 2014

En présence de monsieur le juge Roy

 

ENTRE :

Daniel Felipe VARGAS CABRERA

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Un juge de la Cour a autorisé l’introduction d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue le 1er mars 2013 par la section des visas de l’ambassade du Canada à Bogotá, en Colombie. La présente demande de contrôle judiciaire est présentée conformément à l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

 

Question préliminaire

[2]               À première vue, la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a trait à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire présentée en application du paragraphe 25(1) de la Loi. Le défendeur a toutefois sollicité initialement la radiation de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire au motif que le demandeur contestait, en fait, la décision de rejeter la demande de parrainage d’un époux au titre du regroupement familial en vue de l’obtention du statut de résident permanent. L’alinéa 72(2)a) de la Loi dispose qu’une demande de contrôle judiciaire ne peut être présentée tant que les voies d’appel prévues par la Loi ne sont pas épuisées. Or, en l’espèce, le rejet d’une demande de parrainage est susceptible d’appel en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi. La répondante du demandeur a d’ailleurs interjeté un tel appel le 18 mars 2013.

 

[3]               Le 3 juillet 2013, un juge de la Cour a ordonné que le juge qui préside l’instance tranche la question sur le fond si l’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire est accordée. Comme cette autorisation a été accordée, je devais donc être saisi de cette question préliminaire.

 

[4]               Toutefois, le 14 janvier 2014, il y a eu abandon de l’appel interjeté en vertu de l’article 63 de la Loi. S’il y avait eu poursuite de l’appel, la Section d’appel de l’immigration aurait eu à se prononcer sur le caractère véritable du lien entre la répondante et le demandeur. Cette question, non soumise initialement à la Cour, semble maintenant réglée du fait du retrait de l’appel. Il n’y a donc plus déroulement parallèle, qui posait problème, d’un contrôle judiciaire en application de l’alinéa 72(2)a) et d’un appel en application de l’article 63.

 

[5]               Il reste ainsi à la Cour à se prononcer sur la prétention du demandeur selon laquelle on aurait dû lui délivrer un visa pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

Faits en cause

[6]               Les faits en cause sont simples. M. Daniel Felipe Vargas Cabrera, le demandeur, est un citoyen de la Colombie né en 1981. Il a vécu hors de la Colombie depuis l’âge de 14 ans. Il a habité aux États‑Unis jusqu’à venir au Canada en 2007 et y demander l’asile. En 2008, la demande d’asile du demandeur a été rejetée et, le 21 mai 2011, il a été expulsé vers son pays de nationalité.

 

[7]               Le demandeur et sa répondante candidate au parrainage, Helena Stolearova, ont, semble‑t‑il, entamé une relation vers 2009. Ils prétendent avoir vécu en union de fait et avoir une enfant issue de cette union. Par ailleurs, Mme Stolearova avait déjà un fils de 13 ans. Leur fille est née en février 2012, alors que le demandeur avait déjà été expulsé vers la Colombie.

 

Norme de contrôle

[8]               Il est bien établi que la norme de la décision raisonnable s’applique au contrôle judiciaire du rejet d’une demande par un agent des visas. Les décisions de ces agents ont un caractère discrétionnaire et elles visent à accorder une dispense en cas de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives.

 

Analyse

[9]               Les arguments du demandeur se résument à ce qui suit. Le demandeur a assumé le rôle de père de fait du fils de la répondante candidate au parrainage pendant qu’il a vécu avec cette dernière au Canada; il apporte sa contribution financière à l’unité familiale; il est maintenant le père d’une fille de deux ans, et le principe de l’intérêt supérieur des enfants commande qu’on le laisse rejoindre les membres de sa famille à titre de résident permanent au Canada. Il conteste la décision de l’agent des visas en invoquant principalement le caractère suffisant des motifs, étant donné que ceux‑ci ne contiennent pas de commentaires sur des éléments de preuve importants ni ne démontrent de manière satisfaisante que l’agent s’est montré réceptif, attentif et sensible aux besoins des enfants.

 

[10]           Bien qu’il ait reconnu que la norme de contrôle de la décision raisonnable était en l’espèce applicable, le demandeur a présenté son argumentation comme si c’était la norme de la décision correcte qui s’appliquait. Le demandeur met en cause l’appréciation de la preuve faite par l’agent des visas, apparemment pour laisser entendre que la Cour devrait y substituer la sienne. Il ne s’agit toutefois pas de la norme à appliquer, et le fardeau incombant au demandeur consistait plutôt à satisfaire aux exigences énoncées au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir] :

[47]     La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

[11]           Le caractère suffisant, ou insuffisant, des motifs ne permet pas à lui seul à une cour de casser une décision (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, au paragraphe 14). Il n’est pas nécessaire d’exiger non plus que les motifs fassent état de l’ensemble des arguments ou de la jurisprudence, ou de tous les autres détails. Le critère, en dernière analyse, se trouve formulé à la fin du paragraphe 16 de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union :

[. . .] En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

 

 

[12]           Mon examen des motifs donnés à l’appui du rejet de la demande fondée sur l’article 25 de la Loi m’a conduit à conclure que l’agent des visas avait traité des questions soulevées de manière appropriée. On ne peut s’étonner que le demandeur soit en désaccord avec l’appréciation faite de la preuve. Il fallait toutefois bien plus qu’un tel désaccord pour que le demandeur s’acquitte du fardeau qui lui incombait de démontrer le caractère déraisonnable de la décision. L’agent des visas a manifestement été réceptif et attentif aux besoins des enfants, mais il a néanmoins conclu que cet élément ne suffisait pas. Il n’y a aucune raison, selon moi, pour que la Cour ne s’en remette pas à la décision de l’agent, et le demandeur n’a pas démontré de manière convaincante que la décision était déraisonnable.

 

[13]           J’estime que la preuve présentée par le demandeur au soutien de sa demande fondée sur les motifs d’ordre humanitaire est loin de satisfaire au critère. La présence d’enfants ne suffit pas. Le fait que l’agent des visas doit se montrer réceptif, attentif et sensible à l’intérêt supérieur des enfants ne signifie pas que cet intérêt doit prévaloir (Legault c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] 4 CF 358). De nombreux éléments de preuve étayaient en l’espèce la conclusion à laquelle est parvenu l’agent des visas. Je suis d’avis de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           Les parties n’ont proposé la certification d’aucune question grave de portée générale. J’estime moi aussi que le dossier n’en soulève aucune.

 


 

JUGEMENT

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 1er mars 2013 par la section des visas de l’ambassade du Canada à Bogotá, en Colombie, est rejetée.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL. B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-2430-13

 

INTITULÉ :

Daniel Felipe VARGAS CABRERA et LE MINISTRE DE LA CITOENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :                         LE 20 FÉVRIER 2014

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ROY

 

                                                            LE 28 FÉVRIER 2014

COMPARUTIONS :

Pietro Iannuzzi

 

Patricia Nobl

 

POUR LE DEMANDEUR

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mercadante, Di Pace

St-Léonard (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous–procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.