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Date : 20140220

Dossier : T‑1134‑12

Référence : 2014 CF 166

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 février 2014

En présence de madame la juge McVeigh

 

ENTRE :

 

MONGI MABROUK

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Mongi Mabrouk (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 5 juin 2012 (la décision) rendue par un enquêteur (l’enquêteur) de la Commission de la fonction publique (la Commission).

 

[2]        La décision faisait suite à une enquête menée en vertu de l’article 66 de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, LC 2003, c 22, articles 12 et 13 (la LEFP), pour déterminer si une erreur, une omission ou une conduite irrégulière était survenue au cours d’un processus de nomination à la fonction publique. L’enquêteur a conclu qu’aucune erreur n’avait été commise.

 

[3]        Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis de rejeter la demande.

 

I.          Question préliminaire : l’intitulé de la cause

[4]        Le demandeur a désigné la Commission de la fonction publique du Canada à titre de défenderesse.

 

[5]        Or, la Cour a déjà statué dans le passé que la Commission de la fonction publique du Canada ne pouvait pas être désignée à titre de défenderesse dans les demandes de contrôle judiciaire suivant le paragraphe 303(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. En conséquence, la Cour a appliqué le paragraphe 303(2) des Règles de manière à modifier l’intitulé en pareils cas en y désignant plutôt à titre de partie défenderesse le « Canada (Procureur général) » (Gravel c Canada (Procureur général), 2011 CF 832, au paragraphe 6).

 

[6]        L’intitulé de la cause est modifié, et le défendeur sera le « Canada (Procureur général) ».

 

II.        Contexte

[7]        Le demandeur soutient que l’enquêteur :

           a tiré des conclusions de fait erronées concernant des événements qui étaient survenus au cours du processus de recrutement ayant précédé sa nomination;

           a commis une erreur dans la procédure qu’il a utilisée pour enquêter sur les plaintes du demandeur.

 

A.        Les processus de recrutement et de nomination

[8]        Le demandeur est un ingénieur professionnel (ing.) bilingue formé en Tunisie.

 

[9]        Le demandeur a assisté à un salon de l’emploi en novembre 2009, et il a remis son curriculum vitae à Jack Vandenberg, directeur de la Direction de la conservation du patrimoine (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC)) et à Gerry Cloutier, conseiller principal en génie. Le demandeur a été convoqué à une entrevue en janvier en rapport avec un poste d’ingénieur non précisé.

 

[10]      Sans rapport avec le salon de l’emploi, le demandeur a présenté en décembre 2009 sa candidature dans le cadre d’un concours que TPSGC avait annoncé à l’externe en vue de doter le poste de « technologue en génie » des groupe et niveau « EG‑05 » (dans les documents, ce poste est également désigné « EG‑5 »).

 

[11]      Le 21 janvier 2010, Jack Vandenberg et Gerry Cloutier ont reçu le demandeur en entrevue comme ils le lui avaient promis au salon de l’emploi.

 

[12]      Peu après, Gerry Cloutier a communiqué avec le demandeur pour lui exprimer son désir de l’embaucher comme ingénieur, pourvu que le demandeur remplisse les conditions suivantes :

  • qu’il obtienne une autorisation de sécurité;
  • qu’il produise une preuve de son permis d’exercice de la profession d’ingénieur;
  • qu’il ait la citoyenneté canadienne;
  • que se références soient vérifiées.

 

[13]      Les parties ne sont pas d’accord quant au poste qui a été promis au demandeur. Le demandeur soutient qu’au cours de cette conversation téléphonique, un poste permanent d’ingénieur en structures de ponts de niveau « Eng‑4 » lui a été offert.

 

[14]      Selon la correspondance interne entre les gestionnaires recruteurs, aussi bien avant qu’après l’entrevue, le demandeur possédait la formation, l’expérience et les compétences linguistiques (bilinguisme) nécessaires pour justifier sa nomination éventuelle à un poste de niveau « Eng‑2 ou 3 ».

 

[15]      En mars 2010, tandis qu’il attendait que la vérification de sécurité soit terminée et que le demandeur produise la preuve de son permis d’exercice de la profession d’ingénieur, le ministère a communiqué au demandeur son intention de lui offrir un poste d’ingénieur en conception de structures des groupe et niveau « Eng‑3 » (dans les documents, ce poste est également désigné comme Eng‑03 ou ENG‑ 3 ou ENG‑03).

 

[16]      Déçu, le demandeur a adressé un courriel aux personnes responsables du processus d’embauche le 25 mars 2010. Dans ce courriel, le demandeur disait être déçu de l’offre qui lui était faite et demandait à ce que son expérience professionnelle comme ingénieur en Tunisie soit reconnue pour le poste.

 

[17]      Le jour même, Gerry Cloutier a répondu au demandeur par courriel, en expliquant qu’aucune offre d’emploi n’avait encore été faite, et que les nouveaux diplômés étaient habituellement engagés au niveau « Eng‑2 », et non au niveau « Eng‑3 », de sorte que son expérience était bien prise en compte. Monsieur Cloutier terminait son courriel en demandant au demandeur de lui téléphoner.

 

[18]      À la suite du courriel du demandeur, les responsables du processus de recrutement ont discuté entre eux de certaines préoccupations que le courriel du demandeur avait suscitées. Jack Vandenberg et Gerry Cloutier ont exprimé des préoccupations au sujet des qualités personnelles du demandeur et de ses prétentions concernant son expérience professionnelle et sa formation. Ils ont convenu que des vérifications plus poussées devraient être faites. À ce stade, ils ont fait appel aux services d’un employé du secteur des ressources humaines, Brian Scime.

 

[19]      Au cours de cette enquête, Brian Scime a formulé une série de commentaires dans des courriels envoyés à Gerry Cloutier au sujet du demandeur. Ces commentaires se résument à des suggestions de stratégies envisageables pour éviter d’embaucher le demandeur, malgré qu’il soit qualifié pour être placé dans le bassin de candidats pour le poste des groupe et niveau EG‑05 (technologue en génie) annoncé à l’externe et pour lequel il avait postulé, ainsi que pour le poste des groupe et niveau Eng‑03 (ingénieur en conception de structures) pour lequel il avait été reçu en entrevue à la suite du salon de l’emploi.

 

[20]      Le 1er avril 2010, le demandeur a envoyé un courriel aux mêmes quatre individus dans lequel il leur présentait ses excuses et disait être disposé et désireux de travailler éventuellement avec le groupe.

 

[21]      Le 29 avril 2010 ou vers cette date, après avoir reçu le demandeur en entrevue une troisième fois, Jack Vandenberg et Gerry Cloutier ont convenu de nommer le demandeur au poste des groupe et niveau Eng‑03 (ingénieur en conception de structures) pour une période d’un an.

 

[22]      Le 11 juin 2010, le demandeur a accepté l’offre d’embauche comme ingénieur en conception de structures de niveau Eng‑03 pour une période d’un an, du 14 juin 2010 au 30 juin 2011.

 

[23]      Le demandeur n’a cependant jamais été avisé qu’il avait les qualifications requises pour être ajouté au bassin des candidats au poste de technologue en génie du niveau inférieur EG‑05. Le 3 mai 2010, un autre candidat du bassin des candidats qualifiés a été nommé à ce poste à durée indéterminée.

 

[24]      Vers la fin de la période d’un an de travail comme ENG 03 (ingénieur en conception de structures), le demandeur a été avisé par lettre datée du 2 mai 2011 que, conformément aux conditions de son offre initiale, son emploi cesserait le 30 juin 2011.

 

[25]      Après avoir appris que son contrat d’emploi ne serait pas renouvelé, le 11 mai 2011, le demandeur a demandé une première fois à la Commission de mener une enquête au sujet du processus de dotation du poste Eng‑03 (ingénieur en conception de structures).

 

[26]      Le 30 septembre 2011, à la suite d’une demande d’accès à l’information qui avait permis au demandeur d’apprendre qu’il s’était qualifié pour être admis dans le bassin des candidats pour le poste EG‑05 (technologue en génie), le demandeur a déposé une nouvelle demande auprès de la Commission pour que celle‑ci enquête au sujet du processus de sélection en vue de la dotation du poste EG‑05.

 

[27]      Le 22 novembre 2010, après deux contrôles de compétence, la Direction des enquêtes de la Commission a conclu qu’il y avait lieu de mener des enquêtes au sujet des processus de dotation pour les postes Eng‑03 (ingénieur en conception de structures) et EG‑05 (technologue en génie).

 

[28]      C’est cette décision qui est l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

III.       Questions en litige

[29]      La présente demande soulève les questions suivantes :

A.   Les cinq conclusions de fait de l’enquêteur, qui sous‑tendent ses conclusions générales, étaient‑elles raisonnables?

B.    L’enquêteur a‑t‑il manqué à l’obligation d’équité qu’il avait envers le demandeur?

 

IV.       Norme de contrôle

[30]      La Cour a déjà statué dans le passé que les conclusions de fait tirées par des enquêteurs dans le cadre d’enquêtes menées en vertu de l’article 66 de la LEFP étaient susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Challal c Canada (Procureur général), 2009 CF 1251, aux paragraphes 24 et 25; Seck c Canada (Procureur général), 2011 CF 1355, au paragraphe 12; Samatar c Canada (Procureur général), 2012 CF 1263, au paragraphe 34).

 

[31]      La Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont déjà statué dans le passé que les questions liées à l’équité de la procédure que les enquêteurs adoptent dans le cadre d’enquêtes relatives à des nominations par la Commission sont des questions d’équité procédurale et sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Seck c Canada (Procureur général), 2012 CAF 314, au paragraphe 55; Hughes c Canada (Procureur général), 2009 CF 573, au paragraphe 19; Seck c Canada (Procureur général), 2011 CF 1355, au paragraphe 11).

 

V.        Analyse

A.        Les cinq conclusions de fait étaient‑elles raisonnables?

[32]      Les conclusions de fait de l’enquêteur étaient fondées sur :

           son examen des éléments de preuve documentaire qui lui avaient été présentés;

           des entretiens qu’il avait eus avec sept personnes qui étaient intervenues dans le processus d’embauche, dont le demandeur;

           les commentaires, au sujet du projet de rapport, qu’il avait invité toutes les personnes avec qui il s’était entretenu à formuler, commentaires qui ont par la suite été incorporés au rapport;

 

[33]      Voici les conclusions de fait de l’enquêteur :

  • Le demandeur s’est vu offrir un contrat à durée déterminée pour le poste des groupe et niveau Eng‑3 (ingénieur en conception de structures) le 11 juin 2010. Avant cette date, il n’a reçu aucune offre relativement à un poste à durée indéterminée pour les groupe et niveau Eng‑3, 4 ou 5;
  • Tout changement dans l’intention du comité d’embauche d’offrir un emploi à durée indéterminée résulte uniquement d’un changement budgétaire;
  • La conduite de Brian Scime à l’endroit du demandeur n’a eu aucune incidence sur le résultat du processus de nomination aux postes des groupe et niveau Eng‑3 (ingénieur en conception de structures) et EG‑5 (technologue en génie);
  • Entre l’entrevue initiale et l’offre d’un emploi à durée déterminée des groupe et niveau Eng‑3 (ingénieur en conception de structures), il s’est écoulé moins de 6 mois, ce qui n’est pas déraisonnable;
  • Le défaut d’aviser le demandeur qu’il s’était qualifié pour être placé dans un bassin de candidats qualifiés en vue de la dotation éventuelle du poste des groupe et niveau EG‑5 (technologue en génie) constitue une erreur. Toutefois, cette erreur n’a pas influé sur le choix de la personne nommée.

 

[34]      J’estime que chacune de ces conclusions est raisonnable.

 

[35]      Le demandeur soutient que l’enquêteur a commis une erreur parce qu’il n’a pas conclu que le demandeur s’était vu offrir un emploi de groupe et niveau plus élevés que le poste des groupe et niveau Eng‑3 (ingénieur en conception de structures) qui lui a finalement été offert. Le demandeur soutient que Gerry Cloutier a conclu des contrats verbaux en janvier 2010 et en mars 2010 pour des postes de niveau Eng‑4 qu’il a rompus par l’offre d’emploi au niveau Eng‑3.

 

[36]      Je ne suis pas d’accord. Le seul élément de preuve que le demandeur présente au soutien de sa prétention selon laquelle on lui a offert un poste à un niveau plus élevé est le formulaire d’autorisation de sécurité. Le formulaire a été modifié par substitution de la mention « ENG‑04 » par la mention « ENG‑2 » et il a été daté du 21 janvier 2010, soit la date de la première entrevue du demandeur. Le formulaire d’autorisation de sécurité n’est pas une offre ni un contrat d’emploi. Il s’agit d’un document accessoire, et ce document n’est donc pas déterminant quant au poste qui peut éventuellement être offert.

 

[37]      Par contraste, la documentation que contient le dossier certifié du tribunal indique que les personnes qui ont pris part au processus d’embauche ont seulement évalué la candidature du demandeur en vue d’une nomination éventuelle au niveau Eng‑2 ou 3 (ingénieur en conception de structures). Dans un courriel daté du 29 décembre 2009, avant l’entrevue du demandeur en janvier, Gerry Cloutier a dit à Jack Vandenberg que, bien que le demandeur ait postulé pour le poste des groupe et niveau EG‑05 (technologue en génie), compte tenu de ses impressions au sujet du demandeur au salon de l’emploi, il était d’avis que le demandeur possédait la formation, l’expérience et les compétences linguistiques (bilinguisme) requises pour que sa candidature soit évaluée au regard d’un [traduction] « poste des groupe et niveau ENG 2 ou 3 (ingénieur en conception de structures) ».

 

[38]      Compte tenu des éléments de preuve dont disposait l’enquêteur, sa conclusion selon laquelle le demandeur ne s’est pas vu offrir un emploi des groupe et niveau Eng‑4 ou 5 est une conclusion raisonnable.

 

[39]      Le demandeur soutient que l’enquêteur a commis une erreur parce qu’il n’a pas conclu que le demandeur s’était d’abord vu offrir un emploi à durée indéterminée et que cette offre avait ensuite été remplacée par l’offre d’un emploi d’une durée d’un an. Le demandeur soutient également que cela constituait une erreur parce que cela équivalait au non-respect d’une politique du Conseil du Trésor. Selon cette politique, l’emploi pour une période déterminée ne doit pas servir en lieu de période de stage prévue pour la dotation de postes indéterminés.

 

[40]      Je ne suis pas d’accord. L’enquêteur a conclu que la seule offre d’emploi qui avait été faite au demandeur avait pour objet un poste à durée déterminée, offre que le demandeur a acceptée. Le dossier ne comporte aucun élément de preuve qui tendrait à indiquer qu’une intention d’embaucher le demandeur pour une période indéterminée n’aurait jamais été communiquée au demandeur. Avant le courriel du 25 mars du demandeur, plusieurs courriels ont été échangés entre le demandeur et chacun des membres de l’unité des embauches concernant l’intention d’offrir un emploi, mais aucune correspondance n’indiquait une intention d’offrir au demandeur un [traduction« emploi à durée indéterminée ». Même s’ils avaient voulu offrir au demandeur un emploi à durée indéterminée, ils n’auraient pas pu en raison de changements et de contraintes budgétaires.

 

[41]      J’estime que la conclusion de l’enquêteur est raisonnable.

 

[42]      La conclusion de la Commission selon laquelle la conduite de Brian Scime n’a pas influé sur le résultat du processus de nomination est également raisonnable à mon avis.

 

[43]      Les courriels de Brian Scime des 29, 30 et 31 mars dans lesquels celui‑ci évoquait des stratégies envisageables pour contourner les procédures adoptées en vertu de la LEFP soulèvent des questions quant à savoir si la nomination du demandeur a pu être influencée par des considérations autres que le mérite.

 

[44]      L’enquêteur a conclu que la conduite de Brian Scime était irrégulière au sens de la LEFP. Cependant, l’enquêteur a également conclu que la conduite irrégulière de Brian Scime n’avait pas influé sur le processus de nomination.

 

[45]      J’estime que cette conclusion est raisonnable.

 

[46]      À l’époque du courriel du demandeur et des réponses subséquentes des personnes qui sont intervenues dans le processus d’embauche, vers la fin de mars 2010, le demandeur n’avait pas encore rempli les conditions préalables à son embauche. À la date du courriel du demandeur, les principaux intervenants dans le processus d’embauche, Jack Vendenberg et Gerry Cloutier, estimaient que le demandeur n’avait pas encore établi qu’il possédait les qualifications essentielles requises pour qu’une offre d’emploi lui soit faite; notamment, il n’avait pas encore produit de preuves de sa formation. Cela a mené à la décision de Jack Vandenberg de faire d’autres vérifications au sujet des qualifications du demandeur. Cette décision a été prise le 28 mars 2010, avant les courriels de Brian Scime des 29, 30 et 31 mars 2010 et indépendamment de ces courriels.

 

[47]      En outre, l’on ne peut pas dire que les courriels de Brian Scime ont influé sur la décision d’embaucher le demandeur, puisque les responsables des embauches ont gardé un esprit ouvert en rencontrant le demandeur en avril 2010, puis en l’embauchant finalement au niveau Eng 3 (ingénieur en conception de structures).

 

[48]      Je suis d’avis que les faits au dossier n’étayent pas la prétention du demandeur selon laquelle le temps écoulé équivalait à des représailles ou à de la discrimination.

 

[49]      Je souscris à la conclusion de l’enquêteur selon laquelle le temps écoulé entre l’entrevue du demandeur en janvier et l’offre en juin était raisonnable.

 

[50]      Les paragraphes 30(1) et 30(2) de la LEFP exigent que les nominations à la fonction publique soient faites au mérite, ce qui exige que la Commission doive être convaincue que le demandeur possède les qualifications essentielles, notamment la compétence dans les langues officielles.

 

[51]      Le demandeur devait produire une preuve de sa citoyenneté, une preuve de son permis d’exercice de sa profession, des références, une autorisation de sécurité et les résultats d’un test linguistique avant qu’une offre puisse être faite. Selon la feuille de contrôle du service des ressources humaines, ces conditions ont été remplies lorsque :

  • les résultats d’un test linguistique ont été obtenus le 22 avril 2010;
  • une autorisation de sécurité a été obtenue après le 3 mai 2010;
  • une preuve de formation a été obtenue le 26 mai 2010.

 

[52]      Compte tenu des exigences, le temps écoulé entre le moment où ces conditions ont été remplies et le 11 juin 2010, date à laquelle l’offre a été faite, était raisonnable.

 

[53]      Le demandeur soutient que l’enquêteur a conclu à tort que l’erreur commise par le service des ressources humaines qui n’a pas informé le demandeur que celui‑ci s’était qualifié pour être ajouté au bassin des candidats qualifiés pour le poste des groupe et niveau EG‑05 (technologue en génie) n’avait pas influé sur le résultat du processus d’embauche. Le demandeur soutient que s’il avait su qu’il était inclus dans le bassin, il aurait accepté le poste des groupe et niveau EG‑05 en prenant la place de la personne qui a été embauchée.

 

[54]      La prétention du demandeur selon laquelle il aurait choisi le poste des groupe et niveau EG‑05 (technologue en génie) s’il avait su qu’il était inclus dans le bassin de candidats est lacunaire en ce qu’elle présuppose que le demandeur avait le pouvoir de déterminer qui, parmi les candidats admissibles inclus dans le bassin, se verrait offrir le poste. En vertu de l’article 29 de la LEFP, la Commission a le pouvoir exclusif, à la demande de l’administrateur général, de faire des nominations à la fonction publique. C’est la Commission, et non le demandeur, qui a le pouvoir de choisir le candidat parmi les candidats qualifiés du bassin. L’administrateur général n’a pas choisi le demandeur parmi les candidats inclus dans le bassin.

 

[55]      L’enquêteur a conclu que la décision de ne pas informer le candidat qu’il s’était qualifié pour être inclus dans le bassin des candidats à une nomination éventuelle aux groupe et niveau EG‑05 était une erreur qui n’avait pas eu une influence déterminante sur la nomination d’un autre candidat qualifié à un poste des groupe et niveau EG‑05. L’enquêteur a conclu qu’il y avait seulement un poste des groupe et niveau EG‑05 disponible. Au moment de la nomination, l’administrateur général, Jack Vandenberg, savait que le demandeur et l’autre candidat étaient dans le bassin. En vertu de la LEFP, Jack Vandenberg avait le pouvoir discrétionnaire de choisir qui des deux candidats qualifiés se verrait offrir le poste, et il l’a offert à l’autre candidat qualifié du bassin. L’enquêteur a conclu que Jack Vandenberg avait exercé de manière raisonnable son pouvoir discrétionnaire de retenir le candidat qu’il avait choisi.

 

[56]      En conséquence, il était raisonnable que l’enquêteur conclue que le défaut d’informer le demandeur de son admissibilité au bassin était une erreur, mais que cette erreur n’avait pas influé sur le résultat.

 

B.        L’enquêteur a‑t‑il manqué à l’obligation d’équité qu’il avait envers le demandeur?

[57]      Le demandeur soutient que l’enquêteur a manqué à l’obligation d’équité de deux façons, à savoir :

  • en privant le demandeur de la possibilité, au cours de l’enquête, de présenter des éléments de preuve audio et de contre‑interroger les membres de la Commission qui étaient intervenus dans le processus d’embauche;
  • en refusant de tenir compte des commentaires du demandeur au sujet du projet de rapport et de ses éléments de preuve audio.

 

[58]      Je ne souscris à aucune des prétentions du demandeur.

 

[59]      Dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker), la Cour suprême a statué que l’obligation d’équité procédurale est souple et variable et qu’elle repose notamment sur la nature du régime législatif et les choix de procédure faits par l’organisme lui‑même (Baker, aux paragraphes 22 à 27). Ainsi, le degré d’équité procédurale requis dans une affaire donnée est déterminé notamment par le processus décisionnel instauré par la loi et par les faits de l’espèce.

 

[60]      La Cour d’appel fédérale a statué que, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il faut laisser beaucoup de latitude à la Commission dans la procédure qu’elle adopte et la manière dont elle mène ses enquêtes. Cette latitude est nécessaire en raison de la nécessité de concilier les intérêts des plaignants et les impératifs d’efficacité du système sur le plan administratif (Tahmourpour c Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, au paragraphe 39).

 

[61]      Cette règle a été appliquée lors de l’examen de questions d’équité procédurale dans le cadre d’enquêtes menées par la Commission de la fonction publique au sujet de décisions en matière d’embauche (Ayangma c Canada (Procureur général), 2010 CF 1194, aux paragraphes 95 et 96).

 

[62]      Le régime législatif applicable aux enquêtes de la Commission n’exige pas qu’un enquêteur admette des éléments de preuve audio ni que des témoins soient contre‑interrogés. L’article 70 de la LEFP impose à la Commission l’obligation de mener des enquêtes sans formalisme et avec célérité dans la mesure du possible, et cette disposition confère aux enquêteurs les pouvoirs d’un commissaire nommé au titre de la partie II de la Loi sur les enquêtes, LRC 1985, c I‑11. Ces pouvoirs sont énoncés aux articles 7 à 9 de cette loi, et ils confèrent de vastes pouvoirs discrétionnaires aux enquêteurs dans la conduite de leurs enquêtes.

 

[63]      L’enquêteur s’est entretenu avec chacune des parties, et il a fait un examen indépendant et impartial des dossiers. Il a documenté sa méthodologie et les renseignements qu’il avait recueillis au cours de l’enquête. Chaque conclusion de fait est justifiée par des renvois au dossier ou à des politiques de la fonction publique.

 

[64]      Je n’admets pas la prétention du demandeur selon laquelle l’enquêteur n’a pas tenu compte des commentaires du demandeur au sujet du projet de rapport factuel à l’étude. L’enquêteur mentionne expressément au point 5 que le rapport a été envoyé au demandeur et que ses commentaires ont été reçus. L’enquêteur a renvoyé aux commentaires reçus aux points 33, 44, 54 et 69 du rapport.

 

[65]      Par conséquent, je suis d’avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  la désignation « Commission de la fonction publique du Canada » à titre de partie défenderesse est remplacée par la désignation « Canada (Procureur général) »;

2.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

3.                  le demandeur devra immédiatement payer des dépens de 250,00 $.

 

 

 

« Glennys L. McVeigh »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1134‑11                  

 

INTITULÉ :                                      Mabrouk c CFPC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 12 août 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge McVeigh

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 février 2014

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mongi Mabrouk

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Max Binnie

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mongi Mabrouk

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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