Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20140228


Dossier : IMM-2830-13

Référence : 2014 CF 201

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 février 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

GENARO GONZALEZ

demandeur

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Love, all alike, no season knows, nor clime,

Nor hours, days, months, which are the rags of time.

(John Donne)

[1]               L'article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés dispose qu'un étranger n'est pas considéré comme étant l'époux ou le conjoint d'une personne aux fins d'une demande de résidence permanente parrainée par le conjoint, si le mariage « a) visait principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège sous le régime de la Loi; b) n'est pas authentique ».

[2]               Le demandeur, M. Genaro Gonzalez, un citoyen canadien, a épousé Laura Olivia Cano Sauza, une citoyenne mexicaine, au Mexique en novembre 2009.

[3]               La demande de visa de Mme Cano Sauza a été refusée. M. Gonzalez a interjeté appel devant la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada. Son appel a été rejeté au motif qu'il n'avait pas été démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le mariage était authentique. La commissaire a par ailleurs estimé que le mariage avait été contracté uniquement dans le but d’acquérir un statut ou un privilège sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR). Par conséquent, l'épouse de M. Gonzalez a été exclue de la catégorie du regroupement familial prévue à l'alinéa 117(1)a) du Règlement sur l'immigration. La Cour est saisie du contrôle judiciaire de cette décision.

I.                   Questions en litige

[4]               Monsieur Gonzalez affirme que la Cour devrait faire droit à sa demande de contrôle judiciaire au motif qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle. Si tel est le cas, il n'y a pas lieu de faire preuve de déférence envers l'auteur de la décision. M. Gonzalez affirme également que la décision était déraisonnable. Ainsi, il y a lieu de faire preuve d'une certaine déférence en ce sens que, même si la Cour n'est pas d'accord avec l'évaluation et la conclusion du tribunal, elle ne devrait pas intervenir dès lors que la décision appartient aux issues possibles raisonnables (Dunsmuir c Nouveau‑Brusnwick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

II.                Décision

[5]               Je vais faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire au motif qu'il y a eu manquement aux principes de justice naturelle. Je suis convaincu que la commissaire n'a pas abordé avec un esprit ouvert l'affaire qu'elle était appelée à trancher. Chacun a le droit d'être entendu par un tribunal impartial. Or, les remarques formulées au cours de l'audience témoignent d'un parti pris de la part de la commissaire et non de la neutralité dont elle était tenue de faire preuve. En tout état de cause, la décision était déraisonnable.

[6]               Monsieur Gonzalez a rencontré sa future femme en 2006 sur un site Internet, non pas un site de rencontre, mais plus tôt un site traitant de problèmes informatiques. Ils n'ont pas eu d'autres contacts avant 2008. Il est évident que c'est M. Genaro Gonzalez qui faisait la cour à Mme Cano Sauza. Il lui a rendu visite pendant neuf jours au Mexique en juillet 2008. Par la suite, après être rentré au Canada, M. Gonzalez a fait une demande en mariage à Mme Cano Sauza. Le mariage a été célébré au Mexique en présence notamment de la mère, du fils, des sœurs et des nièces de Mme Cano Sauza.

[7]               Depuis le mariage, les époux demeurent en communication. M. Gonzalez rend visite à Mme Cano Sauza au Mexique chaque fois qu'il le peut, en fonction de ses revenus et de ses congés limités.

[8]               La seule conclusion que je peux tirer à la lecture de la transcription est que la commissaire avait une idée bien arrêtée de la façon dont une relation amoureuse doit évoluer en exigeant que les époux tiennent un compte rendu précis du fil des événements au lieu de considérer comme un continuum la relation qui se développait entre eux.

[9]               La commissaire a relevé de légères contradictions sur des questions étrangères portant sur la façon exacte dont M. Gonzalez avait rencontré le fils de son épouse, le moment précis où ils étaient devenus amoureux et la date à laquelle il l'avait effectivement demandée en mariage.

[10]           Malgré la façon dont les histoires d'amour se développent de nos jours sur Internet, le tribunal a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Je répète ma question. Comment peut‑on tomber amoureux d'une personne un mois à peine après l'avoir rencontrée sur Internet. Vous ne l'avez jamais rencontrée en personne. S'il vous plaît, expliquez-moi.

[11]           Pour ce qui est de la question des circonstances dans lesquelles le demandeur et son épouse sont devenus amoureux, les témoignages, qui concordent avec ce qu’on peut entendre tous les jours, fourmillent de déclarations comme [traduction] « on se plaisait », « on a commencé à devenir amoureux », « on s’est épris l'un de l'autre », « on est devenus amoureux », « absolument amoureux » et « nous avons fini par devenir amoureux ».

[12]           Le mari et la femme ont été constamment interrompus au cours de l'audience, ce qui a amené M. Gonzalez à perdre patience, ce qu'on peut fort bien comprendre dans les circonstances.

[13]           L'un des nombreux exemples de sarcasmes de la commissaire se trouve dans les questions qu’elle a posées à Mme Cano Sauza au sujet de la date à laquelle M. Gonzalez l'a demandée en mariage. Elle a déclaré que la demande en mariage avait eu lieu après le voyage de M. Gonzalez au Mexique, en juillet ou en août. La commissaire a ironisé en déclarant : [traduction] « Eh bien quelle date voulez‑vous choisir? »

[14]           Le tribunal s'est dit préoccupé par le fait que les conversations téléphoniques étaient de très courte durée. L'explication est simplement qu'ils essayaient d'établir une communication par Skype. Le tribunal n'a pas tenu compte des revenus des parties et des frais des appels téléphoniques interurbains internationaux (Owusu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 1195, [2006] ACF no 1488 (QL)).

[15]           Il y a une nette différence entre, d’une part, affirmer que le fardeau de la preuve reposait sur le demandeur et, d’autre part, déclarer qu'il y a lieu de présumer que le mariage a été contracté pour faciliter l'immigration. Il semble que le tribunal ait présumé que les parties étaient de mauvaise foi et qu’elles avaient abusé de nos lois sur l’immigration et que le tribunal ait entrepris d’en faire la démonstration. La commissaire a conclu à la mauvaise foi en se fondant sur des contradictions mineures. Il ne s'agissait pas là de conclusions raisonnables, mais carrément de spéculations sans fondement.

[16]           L'impression de déjà‑vu que laisse la présente affaire s'explique par le fait qu'il s'agit de la même commissaire que dans l'affaire Sereiboth c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 736, [2013] ACF no 778 (QL), dans laquelle la Cour a également fait droit à la demande de contrôle judiciaire.


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS QUI ONT ÉTÉ EXPOSÉS;

LA COUR :

1.                  ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire;

2.                  ANNULE la décision rendue le 27 mars 2013 dans le dossier no MB0‑06322 de la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié;

3.                  RENVOIE l'affaire à un autre commissaire de la Section d'appel de l'immigration pour qu'il rende une nouvelle décision;

4.                  DÉCLARE qu'il n'y a aucune question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2830-13

 

INTITULÉ :

GENARO GONZALEZ c MCI

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

LE 5 FÉVRIER 2014

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 FÉVRIER 2014

COMPARUTIONS :

Stéphane Valois

POUR LE DEMANDEUR

 

Geneviève Bourbonnais

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stéphane Valois

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.