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Date : 20140226


Dossier : IMM-3755-13

Référence : 2014 CF 182

Ottawa (Ontario), le 26 février 2014

En présence de monsieur le juge Harrington

ENTRE :

HADI MOHEBBI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Monsieur Hadi Mohebbi, né musulman et citoyen d’Iran, a reçu un baptême chrétien à deux reprises : le premier en Iran et le deuxième au Canada. Il a demandé l’asile au motif que s’il devait retourner en Iran, il a une crainte bien fondée de persécution en raison de sa religion en vertu de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR] et la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, et a un motif sérieux de croire qu’il serait exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités selon les termes de l’article 97 de la LIPR.   

[2]               La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a rejeté sa demande.  Le tribunal a déterminé que monsieur Mohebbi était non crédible quant à sa conversion au christianisme lorsqu’il était encore en Iran ainsi que non réfugié d’asile sur place.  Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision. 

I.                   Articles 96 and 97 de la LIPR

[3]               Aux fins de la présente affaire, il est important de faire la distinction entre les articles 96 et 97 de la LIPR. Bien qu’il incombe au demandeur d’établir le bien-fondé de sa demande, afin de pouvoir invoquer l’article 96, il faut établir une possibilité sérieuse de persécution; un fardeau de preuve moins exigeant que celui de la prépondérance des probabilités. La crainte de persécution doit être subjective ainsi qu’objective.

[4]               En vertu de l’article 97, le fardeau de preuve est celui de la norme de preuve en matière civile qui est celle de la prépondérance des probabilités (Li c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CFA 1, [2005] ACF no 1 (QL) et FH c McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 RCS 41). Cependant, un fondement objectif à la crainte suffit. La crainte subjective est sans intérêt. (Ghasemian c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 FC 1266 and Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 FC 849, [2012] ACF no 961(QL)).

[5]               Ghasemian, Yang et plusieurs autres décisions sont également importantes afin d’examiner une demande d’asile sur place.  Le droit des réfugiés est de nature prospective. Il se peut que les allégations de crainte de persécution du demandeur soient basées sur des faits qui se sont produits après qu’il a quitté son pays et peuvent aussi être basées sur des activités en dehors de ce pays. Une absence de bonne foi n’est pas un facteur à considérer.

II.                Activités en Iran

[6]               Puisque j’ai l’intention d’accueillir cette demande de contrôle judiciaire au motif que l’analyse de réfugié sur place de la demande d’asile de M. Mohebbi est inadéquate, il ne m’est pas nécessaire de traiter de cet aspect de la demande en plus grand détail. Je suis satisfait que la décision que M. Mohebbi n’était pas crédible quant à sa conversion au christianisme en Iran, et qu’il n’avait pas de crainte subjective, n’est pas déraisonnable. Ce dernier était très vague et ambigu au sujet du processus de conversion en Iran étayant la conclusion qu’il n’était pas crédible.

III.             Activités au Canada

[7]               Cependant, la situation au Canada est différente. Il est établi que M. Mohebbi a été baptisé ici, qu’il fréquente une église régulièrement et affiche sa foi religieuse sur Facebook sous son propre nom. Outre la preuve de son père et celle du père d’un ami indiquant que les autorités iraniennes ont mené des vérifications à son sujet, il est certainement possible qu’ils ont connaissance de ce dernier.

[8]               L’analyse de la SPR est insuffisante à ce sujet. Au paragraphe 40 de sa décision, le tribunal indique :

[…] The Tribunal is well aware that the documentary evidence in general supports the fact that apostasy is considered a crime for which the death penalty is the sentence under the Sharia law that prevails in Iran.

Le tribunal indique également :

[41]      The Tribunal is also aware that the documentary evidence indicates that there is harassment, discrimination, and persecution of people who do not follow the religion as it is imposed by the state, Iran being ruled by a theocratic government.

[42]      The legal structure in Iran considers that the conversion is a renouncement of the Islam religion and is therefore considered like apostasy. An apostate is liable to a death sentence.

[9]               Cependant, le tribunal ajoute que les personnes converties sont rarement condamnées à mort. Ce dernier fait référence à un rapport du UK Border Agency indiquant que les menaces sont perçues comme un moyen d’exercer une pression sur les personnes converties afin qu’elles se repentissent et se convertissent à l’Islam. De plus, comme le rapport souligne « intense pressure and serious human rights abuses occur regularly.. »

[10]           Essentiellement, le tribunal a conclu que M. Mohebbi se doit d’être discret en Iran. Cependant, ce n’est pas au tribunal de déterminer comment une personne doit pratiquer sa religion. M. Mohebbi allègue qu’il est un chrétien évangéliste qui doit, sûrement, répandre l’évangile ou la Bonne Nouvelle. Puisqu’aucune analyse n’a été faite à ce sujet, je considère la décision déraisonnable.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  La décision de la Section de la protection des réfugiés (SPR), de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, en date du 6 mai 2013, dans le numéro de dossier de la SPR : MB2-01025, est annulée.

3.                  L’affaire est renvoyée à la SPR pour faire l’objet d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué.

4.                  Cette affaire ne soulève aucune question grave de portée générale à certifier.

« Sean Harrington

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3755-13

INTITULÉ :

HADI MOHEBBI c MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (qUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 6 FÉVRIER 2014

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 26 février 2014

 

COMPARUTIONS :

Annie Bélanger

Pour LE DEMANDEUR

 

Pavol Janura

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bélanger, Fiore

Avocats

Montréal (Québec)

 

Pour le DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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