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Date : 20140213


Dossier :

IMM‑4720‑13

 

Référence : 2014 CF 146

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 février 2014

En présence de monsieur le juge en chef

 

 

ENTRE :

S.A.

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La présente demande de contrôle judiciaire est la dernière en date d’une série de plus en plus longue d’instances devant notre Cour concernant des demandes d’asile présentées sur place par des citoyens tamouls du Sri Lanka arrivés au Canada à bord du MS Ocean Lady ou du MS Sun Sea.

 

[2]               Comme en témoigne l’évolution de la jurisprudence de la Cour, les demandes de contrôle judiciaire concernant des décisions rendues par la Section de la protection des réfugiés [la SPR] de la Commission d’immigration et du statut de réfugié du Canada à l’égard de ce type de demande d’asile soulèvent en général des questions complexes.

 

[3]               Il y a, entre la présente affaire et plusieurs autres décisions rendues récemment par notre Cour dans le cas des demandes d’asile de cette nature, une distinction importante parce que celle-ci porte sur une conclusion tirée par la SPR quant au bien-fondé de la crainte de persécution alléguée par S.A. La SPR n’a abordé le lien entre la crainte du demandeur et l’un des motifs de protection énoncés à l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], que par un bref renvoi à une autre affaire invoquée par le ministre dans ses observations. Or, dans beaucoup d’affaires récentes citées par le demandeur en l’espèce, la question de savoir si la SPR avait tiré une conclusion erronée au sujet du lien était centrale dans la décision rendue par la Cour lors du contrôle judiciaire.

 

[4]               Vu la conclusion défavorable tirée par la SPR en l’espèce sur la question du bien-fondé des craintes de persécution du demandeur, il était inutile qu’elle examine la question du lien.

 

[5]               Il convient de souligner que, tout comme pour les autres demandes de contrôle judiciaire, les instances de ce type doivent être tranchées en fonction de l’application par la Cour de la bonne norme de contrôle aux faits de l’espèce, des questions soulevées dans la demande, des éléments de preuve versés au dossier certifié du tribunal [le DCT] et du contenu de la décision à l’examen. Lorsque la norme de contrôle applicable est celle du caractère raisonnable de la décision, le fait que notre Cour soit parvenue à une conclusion particulière dans une autre affaire comportant des faits et des questions quelque peu similaires ne permet aucunement d’inférer qu’elle tirera la même conclusion.

 

[6]               Ce raisonnement tient en partie au fait que la norme de la décision raisonnable oblige la Cour à faire preuve d’une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui de la décision, eu égard au contenu du DCT. Si ces motifs sont suffisamment transparents, justifiés et intelligibles pour aider la Cour à comprendre pourquoi la SPR a rendu sa décision et à déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, les motifs résisteront à l’examen (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708, aux paragraphes 12 à 16 [Newfoundland Nurses]). Il en est ainsi même si la SPR aurait pu raisonnablement parvenir aussi à la conclusion contraire à partir du même dossier de preuve (Suppaiah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 429, au paragraphe 35; SK c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 78, au paragraphe 25 [SK]; B198 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1106, au paragraphe 44 [B198]; B231 c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 1218, au paragraphe 29 [B231]).

 

[7]               En l’espèce, le demandeur, S.A., allègue que la SPR a commis les erreurs suivantes :

i.        Lorsqu’elle a examiné sa demande d’asile sur place, la SPR n’a pas tenu compte de son origine tamoule et de ses opinions politiques présumées et elle s’est fondée sur des hypothèses déraisonnables pour en arriver à sa décision dans cette affaire.

ii.      La SPR a restreint l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a évalué sa demande d’asile sur place.

iii.    La SPR a fait une évaluation déraisonnable du risque auquel il serait exposé s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

[8]               Je ne saurais lui donner raison. Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera rejetée.

 

1.         Contexte 

 

[9]               S.A. est né et a grandi à Jaffna, où il a travaillé comme ouvrier. Dans le formulaire de renseignements personnels [le FRP] qu’il a rempli pour les besoins de sa demande d’asile, il allègue que durant la guerre civile au Sri Lanka, sa famille s’est enfuie à Kilinochchi, puis à Jayapura, avant de retourner à Jaffna, n’ayant pas réussi à bénéficier de la protection que l’armée sri‑lankaise semble s’être engagée à assurer dans ces autres villes.

 

[10]           Il affirme également que son frère a été tué par l’armée sri‑lankaise en 1996 parce qu’il était soupçonné d’entretenir des liens avec les Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET]. 

 

[11]           Il affirme aussi que l’armée a fouillé sa résidence, qu’elle lui a interdit d’avoir quelque rapport que ce soit avec les TLET et qu’elle l’a menacé de [traduction] « conséquences » s’il s’avérait qu’il les avait aidés.

 

[12]           Il affirme aussi qu’en mai 2009, alors qu’il travaillait comme ouvrier à l’Université de Jaffna, il a été arrêté au cours d’une manifestation étudiante, emmené dans un camp, puis violemment agressé et interrogé après avoir été incapable de donner les noms des organisateurs de la manifestation.

 

[13]           Il aurait été libéré après que le doyen de l’université se fut porté garant de lui; il aurait alors consenti à devenir un informateur pour l’armée. Il s’est ensuite enfui à Colombo en juillet 2009, puis en Thaïlande plus tard le même mois; c’est de là qu’il s’est embarqué à bord du MS Ocean Lady. Il a demandé l’asile peu après son arrivée à Vancouver en août 2010.

 

[14]           Il dit craindre, s’il doit retourner au Sri Lanka, d’être arrêté, détenu et torturé par la police sri‑lankaise, par l’armée ou par des groupes paramilitaires et d’être mortellement assailli par d’anciens membres des TLET.

 

[15]           Ces craintes reposent en partie sur sa conviction que les autorités sri‑lankaises ont été informées qu’il s’était embarqué à bord du MS Ocean Lady et qu’elles vont probablement déduire de son origine ethnique tamoule et de sa présence à bord de ce navire qu’il est affilié aux TLET et qu’il en partage les opinions politiques.

 

II.        La décision à l’examen

 

[16]           Au début de son analyse, la SPR énonce que la question déterminante en l’espèce « tient au fait que le demandeur d’asile est recherché par les autorités militaires sri‑lankaises en raison de son affiliation présumée aux TLET, et consiste à déterminer si le demandeur craindrait avec raison d’être persécuté s’il devait retourner au Sri Lanka et s’il a qualité de réfugié sur place ».

 

[17]           La SPR conclut ensuite que S.A. « n’a pas été un témoin crédible à cet égard ». Cette conclusion globale sur la crédibilité générale de S.A. est maintes fois répétée dans la décision de la SPR, soit aux paragraphes 14, 19, 24, 34 et 36.

 

[18]           Se fondant sur ses constatations, générales et spécifiques, défavorables quant à la crédibilité et sur les inférences négatives qu’elle a tirées, la SPR a conclu que les autorités sri‑lankaises ne soupçonnaient S.A. ni d’être un membre des TLET, ni d’être affilié à eux, et qu’il ne présentait aucun intérêt pour ces autorités au moment où il a quitté le Sri Lanka. Pour en arriver à cette conclusion, la SPR a donné beaucoup d’importance au fait qu’une fois libéré après la manifestation étudiante en mai 2009, S.A. a pu obtenir un passeport sri‑lankais sans difficulté, obtenir une autorisation de sécurité pour voyager à Colombo, passer les points de contrôle et quitter le pays.

 

[19]           En outre, la SPR a consulté un certain nombre de sources de renseignements sur le pays, notamment la documentation publiée en décembre 2012 et en février 2013 par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [UNHCR], qui définit sept catégories de personnes qui pourraient être exposées à un risque si elles retournaient au Sri Lanka. Après avoir conclu que S.A. n’appartenait à aucune de ces catégories et qu’il n’avait fourni aucune preuve convaincante qu’il serait perçu comme un partisan des TLET, la SPR a déterminé qu’« il y a peu de risque que le demandeur d’asile soit persécuté [en tant que personne soupçonnée d’avoir certains liens avec les TLET] s’il retourne au Sri Lanka ». Elle a ajouté que cette conclusion était conforme aux renseignements contenus dans la documentation publiée par l’Agence des services frontaliers du Royaume-Uni (United Kingdom Border Agency) [UKBA] en février 2013, de même qu’à d’autres sources documentaires consultées.

 

[20]           En ce qui concerne plus particulièrement la demande d’asile sur place présentée par S.A., la SPR a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le gouvernement sri‑lankais ne percevrait pas S.A. comme un membre ou un partisan des TLET simplement en raison de son voyage à destination du Canada à bord du MS Ocean Lady, compte tenu de ses antécédents au Sri Lanka avant de venir au Canada.

 

III.       La norme de contrôle

 

[21]           La question que S.A. a soulevée concernant, d’une part, le fait que la SPR n’aurait pas pris en considération son origine ethnique et ses opinions politiques présumées dans l’examen de sa demande d’asile sur place et, d’autre part, le caractère raisonnable de certaines hypothèses sur lesquelles la SPR se serait fondée pour en arriver à sa décision à l’égard de cette demande d’asile, est une question mixte de fait et de droit. Elle est donc susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 51 à 53 [Dunsmuir]; Ganeshan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 841, au paragraphe 9 [Ganeshan]; B231, précitée, au paragraphe 28).

 

[22]           Pour savoir si une décision est raisonnable, il faut appliquer le critère général de « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». À cet égard, le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

[23]           Si la décision de la SPR présente une assise raisonnable, la Cour ne doit pas intervenir (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, au paragraphe 53 [Alberta Teachers]). Autrement dit, la décision de la SPR est confirmée dès lors qu’elle a « un fondement rationnel » (Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 RCS 364, au paragraphe 47 [Halifax]).

 

[24]           La question de savoir si la SPR a commis une erreur en restreignant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lors de son examen de la demande d’asile sur place de S.A. est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Dunsmuir, précité, au paragraphe 55; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 43; Thamotharem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 198, au paragraphe 33).

 

[25]           La question de savoir si la SPR a commis une erreur en évaluant de façon déraisonnable le risque auquel serait exposé S.A. s’il devait retourner au Sri Lanka est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable.

 

IV.       Analyse

 

A.        La SPR a‑t‑elle commis une erreur en ne tenant pas compte de l’origine ethnique et des opinions politiques présumées de S.A. dans l’examen de sa demande d’asile sur place et en fondant sa conclusion sur des hypothèses déraisonnables?

 

[26]           S.A. soutient que la SPR n’a pas pris en considération le fait que son origine tamoule, conjuguée au fait d’avoir voyagé à bord du MS Ocean Lady, avait une importance capitale dans sa demande d’asile sur place. Bref, il affirme que la SPR n’a pas tenu compte du fait qu’en combinant ces deux facteurs, les autorités au Sri Lanka pouvaient le soupçonner d’avoir des opinions politiques semblables ou favorables à celles des TLET. Autrement dit, il soutient que dans l’examen de sa demande d’asile sur place, la SPR n’a pas tenu compte du fait que ses agents de persécution au Sri Lanka pourraient avoir plusieurs raisons de s’en prendre à lui s’il y retournait (Zhu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] ACF no 80, au paragraphe 2; Canada (Citoyenneté et Immigration) c B344, 2013 CF 447, aux paragraphes 37 à 45); Canada (Citoyenneté et Immigration) c B377, 2013 CF 320, au paragraphe 21).

 

[27]           Dans une observation à ce sujet, S.A. soutient que la SPR a mené une évaluation généralisée de la question des demandeurs d’asile déboutés qui retournent au Sri Lanka, sans établir si son profil particulier de passager à bord d’un navire soupçonné d’appartenir aux TLET aggraverait le risque pour sa vie et sa sécurité dans l’éventualité de son retour au Sri Lanka. Sur ce point, il affirme que la SPR ne s’est pas penchée sur le fait qu’il serait exposé à un risque accru une fois qu’il avait quitté le Sri Lanka, puisque les autorités pourraient le percevoir comme un partisan des TLET ou considérer qu’il possède des renseignements précieux sur eux, vu tout le temps qu’il avait passé avec les autres passagers d’un navire soupçonné d’appartenir aux TLET. Il est plutôt d’avis que la SPR a supposé à tort que, comme il n’était pas perçu comme un partisan des TLET au moment où il a quitté le Sri Lanka, il ne serait pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution à son retour dans ce pays. Il ajoute que même si la SPR n’a pas commis d’erreur en tirant ses conclusions défavorables quant à la crédibilité de ses allégations, elle a eu tort de ne pas évaluer le risque accru sur lequel était fondée sa demande d’asile sur place.

 

[28]           Je ne suis pas d’accord.

 

[29]           Il ressort clairement, à la lecture de la décision intégrale de la SPR, que celle‑ci a rigoureusement examiné et rejeté l’argument de S.A. selon lequel il craignait avec raison d’être persécuté parce qu’il était un Tamoul ayant voyagé à bord du MSV Ocean Lady. Dans son appréciation de cet argument, la SPR a examiné l’allégation de S.A. selon laquelle les autorités pouvaient considérer qu’il avait des opinions politiques semblables et favorables à celles des TLET. La SPR était parfaitement consciente de la possibilité que les autorités sri‑lankaises aient plusieurs motifs de le persécuter ou de s’en prendre à lui à son retour au Sri Lanka. Toutefois, après avoir examiné la preuve versée au DCT sur cette question, constituée essentiellement de plusieurs sources objectives tirées des documents sur le Sri Lanka, la SPR a raisonnablement rejeté cet aspect de l’argumentation de S.A.

 

[30]           Dans sa décision, la SPR a reconnu d’emblée l’origine ethnique tamoule de S.A. Puis, après avoir expliqué pourquoi elle rejetait des aspects importants de ses prétentions et de son témoignage pour des motifs de crédibilité, elle s’est penchée sur la situation qui règne au pays. Tout au long de cette partie de sa décision (aux paragraphes 37, 39, 45 et 47), de même que dans les autres parties traitant des demandeurs d’asile déboutés (aux paragraphes 51, 53 et 56) et de la demande d’asile sur place présentée par S.A. (aux paragraphes 62 et 63), elle a maintes fois fait référence à la situation à laquelle sont exposés les Tamouls au Sri Lanka, notamment ceux qui reviennent de l’étranger.

 

[31]           La SPR a aussi parfaitement compris l’argument de S.A. selon lequel il serait persécuté parce qu’il avait voyagé à bord du MS Ocean Lady et qu’en conséquence, les autorités pourraient considérer qu’il a les opinions politiques décrites ci‑dessus.

 

[32]           La SPR aborde explicitement cette question au paragraphe 50 de sa décision. Après s’être aussi penchée sur les interrogatoires antérieurs qu’avait subis S.A., sur la question générale des Tamouls qui retournent au pays, et sur l’expérience du Togo qui, à son avis, n’a pas suscité dans les médias la même attention que l’arrivée des navires Sun Sea et Ocean Lady, la SPR a traité de la situation particulière à laquelle ont été exposés les rapatriés qui avaient été passagers à bord de ces navires. Sur cette question, elle conclut que le gouvernement du Sri Lanka ne percevrait pas « le demandeur d’asile comme étant un membre ou partisan des TLET au seul motif qu’il avait voyagé à bord de l’Ocean Lady, compte tenu de ses antécédents [allégués] au Sri Lanka avant de venir au Canada ». Ces antécédents comprennent les faits suivants : S.A. a été relâché après des interrogatoires antérieurs; il a obtenu de l’armée une autorisation de sécurité pour se rendre à Colombo; il a réussi à obtenir un passeport, à franchir les points de contrôle et à quitter le Sri Lanka sans difficulté. Contrairement aux assertions de S.A., l’examen de la SPR sur ce point est très personnalisé et non de nature générale.

 

[33]           Tel que je l’expliquerai plus en détail dans la partie IV.C des présents motifs, la SPR, au cours de son examen, a renvoyé à plusieurs sources objectives et crédibles de documents sur le pays concernant les personnes à risque au Sri Lanka ainsi que la situation à laquelle sont exposés les Tamouls qui retournent dans ce pays. Elle a ensuite conclu que S.A. n’appartenait à aucune des catégories de personnes considérées comme étant exposées à des risques de persécution ou de préjudice au Sri Lanka. Cet examen portait sur des personnes se trouvant actuellement dans ce pays et sur des demandeurs d’asile déboutés. D’après son examen des documents sur le pays, la SPR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour l’amener à croire que S.A. serait détenu après un examen initial s’il retournait au Sri Lanka. S’ajoutent à cette conclusion sa constatation subséquente selon laquelle S.A. n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour démontrer que « le gouvernement du Sri Lanka soupçonnait que certaines personnes avaient des liens avec les TLET parce qu’elles étaient entrées clandestinement au Canada à bord d’un navire qui appartenait aux TLET et était exploité par eux ». Or, que ce soit dans les observations qu’il a présentées de vive voix ou par écrit, S.A. n’a porté à l’attention de notre Cour aucune preuve en ce sens.

 

[34]           Après mon examen du DCT, j’estime que ces conclusions et constatations n’étaient pas déraisonnables, notamment parce que la SPR a reconnu qu’au vu des documents sur le pays, les Tamouls sont encore victimes de harcèlement et de discrimination, et les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les TLET sont encore exposées à un risque torture et même de mort.

 

[35]           Comme il est expliqué dans le jugement Ganeshan, précité, au paragraphe 35, l’aspect de la demande d’asile de S.A. fondé sur les « motifs mixtes » est conjectural et n’était, pour l’essentiel, nullement étayé par les éléments de preuve versés au dossier (voir aussi PM c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 77, au paragraphe 13 [PM]; et B198, précité, au paragraphe 44).

 

[36]           De plus, S.A. avance que la SPR a commis une erreur dans son évaluation de sa demande d’asile sur place lorsqu’elle a affirmé qu’il était raisonnable de penser que si les autorités sri‑lankaises étaient informées de sa présence à bord du MS Ocean Lady, elles concluraient en toute logique que les autorités canadiennes avaient vérifié s’il avait des liens avec les TLET. S.A. soutient que la SPR a aggravé son erreur lorsqu’elle a affirmé qu’il aurait la possibilité de remettre aux autorités sri‑lankaises une copie de la décision de la SPR et laissé entendre que cela réduirait d’autant la possibilité qu’il soit persécuté à son retour.

 

[37]           J’estime que cette erreur n’a pas eu un rôle important dans la décision de la SPR. La SPR a formulé ses observations à cet égard à la toute fin de sa décision, alors qu’elle avait déjà rejeté les éléments clés des arguments de S.A. pour des motifs de crédibilité et qu’elle avait raisonnablement conclu, pour d’autres motifs, que S.A. n’avait pas raison de craindre d’être persécuté s’il était tenu de retourner au Sri Lanka. Ces autres motifs sont, pour l’essentiel, ceux que j’ai abordés dans les présents motifs.

 

[38]           J’ajouterais simplement, en passant, que je partage l’opinion de la juge Snider selon laquelle la décision de la SPR pourrait être utile à S.A. à son retour au Sri Lanka, bien qu’aucune preuve au DCT n’indique qu’elle serait nécessairement probante aux yeux des autorités de ce pays (SK, précité, au paragraphe 23; PM, précité, au paragraphe 15).

 

[39]           Outre ce qui précède, S.A. soutient, en se fondant sur les commentaires de la SPR au paragraphe 63 de sa décision, que celle‑ci a limité l’examen de sa demande d’asile sur place à son « appartenance à un groupe social » et que, par conséquent, elle n’a pas examiné les autres motifs pour lesquels il disait craindre avec raison d’être persécuté, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité et ses opinions politiques présumées.

 

[40]           Je ne suis pas d’accord. Au paragraphe 63, la SPR a simplement fait observer que le ministre avait renvoyé à une affaire récente dans laquelle notre Cour a infirmé une conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur était un réfugié sur place du fait qu’il était un Tamoul arrivé au Canada à bord du MS Sun Sea. La SPR a souligné que, dans cette affaire, la Cour avait estimé qu’à lui seul, le simple fait d’être un Tamoul arrivé au Canada à bord du MSV Sun Sea ne permettait pas de conclure que le demandeur appartenait à un groupe social, au sens de l’article 96 de la LIPR. Ce paragraphe est situé à mi‑chemin de l’examen de la demande d’asile sur place de S.A. par la SPR, laquelle a clairement porté son examen sur le bien‑fondé de la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté : l’absence de toute autre mention de la question du lien dans la décision et la teneur de l’analyse de la SPR dans les autres paragraphes de sa décision sous la rubrique « Demande d’asile sur place » le démontrent clairement. Par exemple, au paragraphe 61, la SPR affirme qu’elle « a examiné si, dans les faits, [le demandeur d’asile] était vraiment exposé à un plus grand risque de persécution parce qu’il a voyagé à bord du Sun Sea ». Au paragraphe 62, elle cite un rapport de l’UKBA, qui, lui aussi, traite surtout du risque de persécution (au lieu de s’attarder aux liens avec les TLET). Puis, au paragraphe 64, la SPR corrige sa référence erronée au MS Sun Sea en analysant l’intérêt probable des autorités sri‑lankaises pour l’arrivée du MS Ocean Lady au Canada. Enfin, au paragraphe 66, la SPR énonce sa conclusion selon laquelle le gouvernement sri‑lankais ne percevrait pas S.A. comme étant un membre ou un partisan des TLET au seul motif qu’il avait voyagé à bord du MS Ocean Lady, étant donné les antécédents qu’il aurait eus au Sri avant de venir au Canada. Fait important, le fait d’être un Tamoul connu des autorités sri‑lankaises fait partie de ces antécédents.

 

[41]           En résumé, j’estime que la SPR n’a commis aucune erreur lorsqu’elle n’a pas examiné ensemble l’origine ethnique tamoule de S.A. et ses opinions politiques présumées dans son examen de la demande d’asile sur place. Elle n’a pas non plus commis l’erreur de faire des hypothèses déraisonnables qui ont joué un rôle important dans sa décision de rejeter la demande.

 

B.        La SPR a‑t‑elle commis une erreur en restreignant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a examiné la demande d’asile sur place de S.A.?

 

[42]           S.A. allègue que la SPR a restreint l’analyse de sa demande d’asile parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait que son beau‑frère serait le propriétaire du MS Sun Sea. Il soutient que la SPR était tenue d’examiner cette question même si elle avait peut-être des motifs raisonnables de rejeter son exposé circonstancié pour des raisons de crédibilité et de conclure que cet aspect de sa demande d’asile était frauduleux. Il affirme que son lien de parenté avec le propriétaire du MS Sun Sea accroît le risque auquel il est exposé et la possibilité qu’il soit persécuté aux mains des autorités sri‑lankaises.

 

[43]           J’estime que la SPR n’a pas commis d’erreur relativement à cet aspect de la demande d’asile de S.A.

 

[44]           La SPR aborde cette question directement et en détail aux paragraphes 25 à 34 de sa décision.

 

[45]           En bref, elle souligne d’abord que S.A. a fait état de cette question pour la première fois dans la deuxième modification apportée à son FRP, le 16 mai 2013. Dans cet exposé modifié, il allègue que le MS Sun Sea et le MS Ocean Lady sont tous deux enregistrés au nom de son beau‑frère et que des représentants de l’armée et du Service des enquêtes criminelles [SEC] se sont présentés à sa résidence au Sri Lanka pour enquêter sur lui et son beau‑frère.

 

[46]           La SPR a fourni sept motifs distincts de rejeter cet aspect de la demande d’asile de S.A. pour des raisons de crédibilité. Se fondants sur les conclusions défavorables quant à la crédibilité et les inférences négatives qu’elle avait tirées, la SPR a rejeté l’allégation précise portant que le MS Ocean Lady et le MS Sun Sea étaient enregistrés au nom du beau‑frère du demandeur et que ce fait a accentué l’intérêt que revêtait S.A. pour l’armée et le SEC. À mon sens, l’examen mené par la SPR et la conclusion à laquelle elle est parvenue sur cette question n’étaient pas déraisonnables. Il en va de même de l’observation de la SPR selon laquelle les allégations ont été faites uniquement dans le but d’étoffer la demande d’asile frauduleuse de S.A.

 

[47]           Contrairement à l’assertion de S.A., la SPR n’a pas restreint l’analyse de la demande d’asile qu’il a présentée sur place lorsqu’elle n’a pas précisément traité de l’allégation selon laquelle son beau‑frère était le propriétaire enregistré des navires en question dans son examen. À ce stade de son examen, la SPR avait déjà rejeté cette allégation précise pour des motifs de crédibilité. Il est donc parfaitement approprié que la SPR se soit abstenue de donner davantage de précisions sur cette allégation dans son analyse.

C.        La SPR a‑t‑elle fait une évaluation déraisonnable du risque auquel sera exposé S.A. s’il doit retourner au Sri Lanka?

 

[48]           S.A. affirme que la SPR a conclu à tort et de manière déraisonnable que son profil personnel ne correspond à aucune des sept catégories de personnes définies par le UNHCR comme étant des personnes exposées à des risques de persécution ou de préjudice si elles devaient retourner au Sri Lanka. Il ajoute que dans le cadre de son processus décisionnel, la SPR s’est fondée sur les conclusions défavorables ou des inférences négatives qu’elle avait exprimées quant à la crédibilité du demandeur, mais elle n’a pas raisonnablement abordé les aspects de son dossier pour lesquels il a été jugé crédible.

 

[49]           Je ne suis pas d’accord.

 

[50]           Comme l’a observé la SPR, les Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Sri Lanka [principes directeurs relatifs à l’évaluation des besoins de protection internationale des demandeurs d’asile originaires du Sri Lanka] de l’UNHCR [les principes directeurs], datés du 5 juillet 2010, mentionnent qu’étant donné la cessation des hostilités, les Sri‑Lankais originaires du Nord du pays n’ont plus besoin de la protection internationale selon des critères plus larges pour les réfugiés ou des formes complémentaires de protection fondées uniquement sur le risque de préjudice infligé sans discernement. Les principes directeurs indiquent également ce qui suit : [traduction] « Compte tenu de l’amélioration des conditions au Sri Lanka en ce qui concerne les droits de la personne et la sécurité, il n’est plus nécessaire d’appliquer des mesures de protection fondées sur des groupes ou de présumer que les Sri‑Lankais d’origine ethnique tamoule du Nord du pays sont admissibles. » Néanmoins, les principes directeurs indiquent que les catégories de personnes suivantes sont exposées à des risques de persécution ou de préjudice si elles doivent de retourner au Sri Lanka :

1.         les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les TLET;

2.         les journalistes et les autres professionnels des médias;

3.         les activistes de la société civile et des droits de la personne;

4.         les femmes et les enfants correspondant à certains profils;

5.         les personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres.

 

[51]           La SPR a également souligné que la version la plus récente des principes directeurs, publiée le 21 décembre 2012, ajoute deux groupes supplémentaires soulevant des préoccupations :

 

6.         certains politiciens de l’opposition et certains activistes politiques;

7.         certains témoins de violations des droits de la personne et certaines victimes de violations des droits de la personne cherchant à obtenir justice.

 

[52]           De plus, la SPR a fait observer que cette version plus récente des principes directeurs distingue les six « profils de risque » suivants dans la première des catégories susmentionnées (les personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les TLET) :

 

[traduction]

1.           les personnes occupant un poste de haute direction et disposant de pouvoirs importants dans l’administration civile des TLET lorsque les TLET ont pris le contrôle de vastes zones dans les provinces du Nord et de l’Est du Sri Lanka;

 

2.           les anciens combattants ou « cadres » des TLET;

 

3.           les anciens combattants ou « cadres » des TLET qui, à cause d’une blessure ou pour une autre raison, étaient au service des TLET dans des fonctions au sein de l’administration, du renseignement, de la « division informatique » ou des médias (journaux et radio);

 

4.           les anciens partisans des TLET qui n’ont reçu aucune formation militaire, mais qui ont abrité ou transporté des membres du personnel ou qui ont fourni ou transporté des marchandises pour les TLET;

 

5.           les militants et les collecteurs de fonds des TLET et les personnes qui ont des liens réels ou perçus avec la diaspora sri‑lankaise qui a fourni un soutien financier ou d’un autre ordre aux TLET;

 

6.           les personnes ayant des liens familiaux, des liens de dépendance ou d’autres attaches avec des personnes ayant les profils susmentionnés.

 

[53]           S.A. affirme que la SPR a conclu à tort qu’il n’appartient pas à la catégorie générale des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les TLET et, plus particulièrement, qu’il n’a pas le « profil » des personnes ayant des liens familiaux avec les TLET. Toutefois, vu les conclusions raisonnables que la SPR a tirées quant à la crédibilité et la preuve versée au DCT, il lui était raisonnablement loisible de conclure que le profil personnel de S.A. n’appartenait ni à cette catégorie, ni à aucune autre des catégories susmentionnées définies par l’UNHCR. Les éléments suivants étaient visés dans ses conclusions : (i) S.A. « n’était pas soupçonné d’être membre des TLET ni d’être de quelque façon que ce soit affilié à ceux-ci » au moment où il a quitté le Sri Lanka, et les autorités sri-lankaises « n’[avaient] aucun intérêt envers lui à cet égard »; (ii) son lien familial avec le propriétaire inscrit du MS Sun Sea et du MS Ocean Lady n’était pas crédible; (iii) « aucun élément de preuve crédible présenté ne laisse croire que le gouvernement du Sri Lanka soupçonne des personnes d’avoir des liens avec les TLET parce qu’elles sont entrées clandestinement au Canada à bord d’un navire appartenant aux TLET et était exploité par eux ». Comme je l’ai souligné au paragraphe 33 ci‑dessus, S.A. n’a porté à l’attention de notre Cour aucune preuve en ce sens, que ce soit dans les observations qu’elle a formulées de vive voix ou par écrit.  

 

[54]           La conclusion de la SPR selon laquelle « il y a peu de risque que [que S.A.] soit persécuté [en tant que personne soupçonnée d’avoir des liens avec les TLET] s’il retourne au Sri Lanka » est également étayée par les autres documents sur le pays que la SPR a cités et en particulier par les renseignements précisés dans un rapport publié récemment par l’UKBA. Entre autres choses, le rapport indique ce qui suit : [traduction] « Le principal objectif des autorités [au Sri Lanka] continue d’être non pas les Tamouls du Nord (ou de l’Est) en tant que tels, mais plutôt les personnes considérées comme ayant été des membres, des combattants ou des dirigeants des TLET, ou encore comme ayant joué un rôle actif dans le réseau d’approvisionnement international responsable de financer les TLET et de s’assurer qu’ils étaient approvisionnés en armes. » Le rapport souligne également ce qui suit : [traduction] « Les dossiers tenus par les autorités sri‑lankaises sur les personnes ayant été arrêtées et détenues sont de plus en plus détaillés, et l’exactitude accrue de ces dossiers aura vraisemblablement pour effet de réduire grandement le risque qu’une personne qui ne présente aucun intérêt réel pour les autorités soit arrêtée et détenue. »

 

[55]           Après avoir examiné le DCT, j’estime que les conclusions tirées par la SPR au sujet du bien‑fondé de la crainte qu’aurait S.A. d’être persécuté s’il devait retourner au Sri Lanka n’étaient pas déraisonnables. À mon sens, elles reflétaient raisonnablement les renseignements sur ce point contenus dans la documentation sur le pays.

 

[56]           Pour ce qui est des conclusions favorables quant à la crédibilité qui, selon S.A., auraient été ignorées par la SPR ou dont elle n’aurait pas raisonnablement tenu compte, aucune remarque en ce sens n’a été relevée dans les observations écrites qu’il a présentées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, et son conseil a été incapable d’en indiquer une seule en réponse aux questions précises que j’ai posées à ce sujet durant l’audience relative à la présente demande. Dans ce contexte, et après un examen rigoureux de la décision de la SPR et du DCT, j’estime qu’aucune constatation favorable quant à la crédibilité non retenue par la SPR n’aurait pu avoir une incidence importante sur ses conclusions.

 

[57]           Enfin, S.A. soutient que la décision de la SPR est déraisonnable parce que les paragraphes 52 et 65 sont incomplets et qu’en lisant la décision, on en vient à se demander quelle était au juste l’intention de la SPR. On lit au paragraphe 52 :

 

[52]   De même, en janvier 2012, le gouvernement du Canada et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont signé une entente sur les retours volontaires assistés, dans le cadre de laquelle l’OIM faciliterait le retour volontaire de Sri‑Lankais depuis l’Afrique jusqu’à Colombo. Les représentants canadiens ont signalé que soixante‑six rapatriés ont été interrogés à l’aéroport puis libérés sans difficulté. D’autres études ont donné des résultats semblables. [En anglais : Similar results were found]

 

[58]           J’estime que cette dernière phrase incomplète dans la version anglaise des motifs de la SPR [« Similar results were found »], au paragraphe 52, ne rend pas sa décision déraisonnable. Les mots « [s]imilar results were found » indiquent clairement que la phrase incomplète aurait fourni une preuve additionnelle de l’affirmation faite par la SPR au sujet des rapatriés qui sont libérés sans difficulté après avoir été interrogés à l’aéroport. L’absence de cette preuve additionnelle ne rend déraisonnable aucune des conclusions tirées par la SPR.

 

[59]           Pour ce qui est du paragraphe 65, le passage pertinent de la décision de la SPR se lit comme suit :

 

[65]   [...] De plus, le tribunal souligne que la question de l’affiliation présumée du demandeur d’asile avec les TLET a été soigneusement examinée par les autorités sri‑lankaises avant l’arrivée de ce dernier au Canada, étant donné qu’il a obtenu sans difficulté des titres de voyage à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Par ailleurs, le tribunal estime qu’il est raisonnable de penser que le demandeur d’asile pourrait présenter la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada afin de prouver que les autorités canadiennes n’ont pas conclu qu’il était membre des TLET ou lié à ceux-ci.

 

[60]           Pour les motifs expliqués au paragraphe 37 ci‑dessus, ces déclarations n’étaient pas essentielles à la conclusion tirée par la SPR sur le bien‑fondé des craintes exposées par S.A. Par conséquent, le fait que la seconde phrase était incomplète, en raison de l’absence de complément d’objet, ne rend pas la décision de la SPR déraisonnable.

 

[61]           Durant l’audience relative à la présente demande d’asile, le conseil de S.A. a fait observer que la SPR n’avait pas raisonnablement examiné le contenu de deux documents sur lesquels elle s’est appuyée pour rendre sa décision. Ces deux documents sont des Réponses aux demandes d’information (RDI) contenues dans le DCT et le Cartable national de documentation pour le Sri Lanka de la CISR.

 

[62]           Le premier de ces documents, daté du 9 février 2011 et portant la référence ZZZ103665.E, a repris avec exactitude le fait que l’UNHCR vient en aide aux réfugiés souhaitant être rapatriés au Sri Lanka, notamment en soutenant financièrement leur retour, après une évaluation de la situation actuelle dans ce pays. Après un examen attentif de ce document, j’estime qu’il ne contient rien qui aurait pu raisonnablement amener la SPR à conclure que S.A. aurait raison de craindre d’être persécuté s’il devait retourner au Sri Lanka.

 

[63]           Le second de ces documents, daté du 22 août 2011 et portant la référence LKA103815.E, contient des renseignements tirés de sources multiples et variées. La SPR l’a cité pour étayer son affirmation selon laquelle « [...] les Tamouls retournant au Sri Lanka sont soumis au même processus de contrôle que toutes les personnes retournant au Sri Lanka, que ce soit volontairement ou en tant que demandeurs d’asile déboutés ». Cette affirmation est attribuée à un représentant du Haut‑Commissariat du Canada au Sri Lanka. Toutefois, d’autres sources citées dans le document laissent entendre que des personnes qui sont expulsées ou « renvoyées » à la suite d’une demande d’asile déboutée pourraient être traitées quelque peu différemment des autres personnes qui retournent dans ce pays. Une lecture objective de ces autres sources révèle que ces personnes pourraient être détenues pendant une période durant de quelques heures à « quelques mois ». Quelques-unes de ces sources laissent supposer que ces personnes pourraient être agressées ou torturées en détention. Toutefois, selon d’autres sources citées dans le document, rien ne prouve que les personnes qui ont été renvoyées au Sri Lanka aient été maltraitées. Vu, en particulier, que ce document est significativement antérieur à la documentation relativement récente sur laquelle s’est appuyée la SPR pour conclure que la crainte qu’aurait S.A. d’être persécuté s’il était renvoyé au Sri Lanka n’était pas fondée, j’estime que la SPR n’a pas agi déraisonnablement en n’abordant pas les renseignements susmentionnés dans sa décision.

 

[64]           En résumé, compte tenu des motifs que la SPR a fournis et du contenu du DCT, je suis convaincu que la conclusion à laquelle est parvenue la SPR appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Cette conclusion était suffisamment transparente, justifiée et intelligible (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65, [2012] 3 RCS 405, au paragraphe 3). Elle avait également un fondement rationnel et le DCT comportait un fondement raisonnable (Alberta Teachers, précité; Halifax, précité).

 

[65]           Compte tenu de tout ce qui précède, la présente demande sera rejetée.

 

[66]           Au terme de l’audience, les parties ont refusé de proposer une question à certifier. Je conviens qu’aucune question ne se pose au regard des faits de l’espèce.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE            que la présente demande est rejetée.

 

 

 

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                            IMM‑4720‑13

 

INTITULÉ :

S.A. c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            VANCOUVER (colombie‑BRITannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 8 JANVIER 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DU JUGEMENT :

                                                            LE 13 février 2014

COMPARUTIONS :

Gurpreet Badh

POUR LE DEMANDEUR

 

Hill Aharon

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smeets Law Corporation

POUR LE DEMANDEUR

 

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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