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Date : 20140205


Dossier :

T‑412‑13

 

Référence : 2014 CF 129

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 février 2014

En présence de madame la juge Gleason

 

ENTRE :

CHERYL MALONEY

 

demanderesse

et

CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE SHUBENACADIE ET KAISER MARINE INC.

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La demanderesse, Cheryl Maloney, est membre de la bande indienne de Shubenacadie défenderesse (également appelée Première Nation Indian Brook), qui fait partie de la collectivité mi’kmaq de la Nouvelle‑Écosse. En 2005, la bande a conclu une entente avec le ministère des Pêches et des Océans [MPO] dans le cadre de laquelle le ministre a accepté de délivrer à la bande plusieurs permis de pêche en application de l’article 4 du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, DORS/93‑332 [le Règlement]. En vertu de ces permis, la bande reçoit un quota pour les pêches auxquelles ils s’appliquent et a le pouvoir de désigner les bateaux qui peuvent être utilisés et les personnes qui peuvent pêcher au titre des permis.

 

[2]               En 2009, Mme Maloney a décidé qu’elle souhaitait pêcher du crabe des neiges pour accroître son revenu et donner la chance à son fils d’apprendre un métier utile. Elle a demandé une aide financière pour acheter un bateau, et la banque a convenu de lui prêter des fonds à condition que le conseil de bande confirme son droit de pêcher en vertu d’un des permis de pêche communautaires de la bande. Initialement, Mme Maloney voulait conclure une entente de dix ans, mais le conseil de bande était d’avis que cette période était trop longue; par conséquent, Mme Maloney et le conseil se sont entendus sur une période de six ans, ce qui correspond à la durée du remboursement du prêt bancaire de Mme Maloney. Pour faire en sorte qu’elle obtienne le prêt plus facilement, le chef de la Première Nation Indian Brook de l’époque a remis à Mme Maloney une lettre datée du 23 février 2009 dans laquelle il était indiqué ce qui suit :

[traduction]

En conformité avec l’objectif de la bande visant à favoriser la pêche communautaire, tout membre de la bande qui obtient un prêt pour l’achat d’un bateau, qui a suivi la formation nécessaire et qui a une certaine expérience de la pêche se verra octroyer un permis de bande pendant au moins dix ans ou pour la durée du prêt, selon la période la moins longue, pour [faciliter] le remboursement du prêt pour l’achat du bateau.

 

Par la présente, la bande de Shubenacadie confirme que Cheryl Maloney remplit les conditions d’accès et que, si le prêt pour l’achat d’un bateau de pêche est accepté, elle aura accès au territoire de pêche de la bande.

 

 

 

[3]               En raison de cette lettre, la banque a octroyé à Mme Maloney un prêt remboursable sur six ans, et cette dernière a acheté un bateau. La bande a désigné le bateau de Mme Maloney et son capitaine. Ainsi, ce dernier était autorisé à pêcher, avec le bateau désigné, le quota complet accordé à la bande au titre du permis communautaire pour la pêche au crabe des neiges en 2009, en 2010 et en 2012. Même si la bande a désigné une entreprise exploitée par un des anciens conseillers de la bande pour le permis de pêche au crabe des neiges de 2011, Mme Maloney et le conseiller ont conclu une entente aux termes de laquelle l’équipage du bateau de Mme Maloney pêcherait le quota de crabe des neiges de la bande en 2011 en échange de paiements semblables à ceux versés à Mme Maloney par la bande au cours des autres années.

 

[4]               Le 19 décembre 2012, le conseil de bande a accordé à la défenderesse Kaiser Marine Inc. [Kaiser], entreprise de pêche commerciale non autochtone, le droit de pêcher le quota de crabe des neiges de la bande pour les années 2013 et 2014 et de vendre tout le crabe pêché en vertu du quota. En échange, Kaiser a convenu de payer à la bande le prix au débarquement, moins un [traduction] « rajustement pour les coûts de pêche », coûts qui n’ont pas été fixés dans l’entente conclue entre la bande et Kaiser.

 

[5]               Dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, Mme Maloney cherche à obtenir l’annulation de la décision prise par le conseil de bande le 19 décembre 2012. Elle demande également une injonction interdisant à la bande d’attribuer le permis de crabe des neiges de 2014 et le quota connexe à quiconque d’autre sans lui permettre de pêcher le quota selon des conditions raisonnablement semblables aux pratiques passées. En outre, elle sollicite une déclaration portant que la bande a outrepassé sa compétence en attribuant à Kaiser le permis de crabe des neiges de 2013 et le quota connexe.

 

[6]               Mme Maloney affirme que le conseil de bande a fait deux erreurs susceptibles de contrôle quand il a décidé d’attribuer le quota de crabe des neiges de 2013 et de 2014 et d’accorder le droit de pêcher le quota à Kaiser, ce qui, selon elle, lui donne droit aux réparations sollicitées. Elle allègue tout d’abord à cet égard qu’elle était en droit de recevoir un avis selon lequel le conseil envisageait d’autoriser quelqu’un d’autre à pêcher le quota de crabe des neiges en 2013 et en 2014 et qu’on aurait dû lui offrir l’occasion de faire une proposition et d’aborder les préoccupations que le conseil aurait pu avoir concernant sa proposition. Elle affirme que tel n’a pas été le cas et que, par conséquent, le conseil de bande a violé ses droits à l’équité procédurale en prenant la décision en cause. Ensuite, elle allègue que la décision d’attribuer le quota à Kaiser n’était pas raisonnable, car le conseil n’aurait pas dû accorder le droit de pêcher au titre d’un permis communautaire de la bande à une entreprise non autochtone, et que, par ailleurs, sa décision d’accorder le quota à Kaiser reposait sur des renseignements erronés. Selon elle, la bande a pris une mauvaise décision financière et s’est exposée à des litiges inutiles, ce qui met en lumière la nature déraisonnable de la décision du conseil.

 

[7]               Quant à eux, les défendeurs font valoir que la décision du conseil concernant l’attribution du quota au titre d’un permis de pêche communautaire ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, car le conseil de bande, quand il a pris cette décision, n’agissait pas en tant qu’« office fédéral » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 [la LCF]. Les défendeurs prétendent donc que la demande n’est pas justiciable. Par ailleurs, les défendeurs affirment que le conseil de bande n’avait pas d’obligation d’équité procédurale à l’égard de Mme Maloney quant à l’attribution du quota de crabe des neiges pour les années 2013 et 2014 et que, même s’il avait eu une telle obligation, les droits de Mme Maloney en matière d’équité procédurale ont été respectés, car elle savait que le conseil envisageait d’attribuer les quotas de 2013 et de 2014 à Kaiser et a choisi de ne pas soumettre de proposition. Les défendeurs allèguent également que, si la décision d’autoriser Kaiser à pêcher le quota de crabe des neiges peut faire l’objet d’un contrôle, cette décision est raisonnable et a en fait permis à la bande de générer davantage de profits que dans le cadre des ententes antérieures. Les défendeurs demandent donc que la demande soit rejetée, avec dépens.

 

[8]               Pour les motifs énoncés ci‑dessous, j’ai conclu que le conseil de bande, quand il a décidé d’autoriser Kaiser à pêcher le quota de crabe des neiges pour les années 2013 et 2014, agissait en tant qu’« office fédéral » au sens du paragraphe 2(1) de la LCF. La décision qu’il a prise le 19 décembre 2012 peut donc faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour. J’ai également conclu que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, c’est‑à‑dire l’assurance qu’avait obtenue Mme Maloney de pêcher le quota de crabe des neiges de la bande et l’autorisation accordée en ce sens à l’équipage de ses bateaux, elle était en droit de recevoir un avis selon lequel le conseil pourrait ne pas la désigner pour pêcher le quota en 2013 et en 2014. Elle était également en droit d’avoir l’occasion de présenter au conseil de bande une proposition pour continuer à pêcher le quota jusqu’à la fin de la période de six ans de son prêt. J’ai constaté que Mme Maloney n’a pas eu d’occasion raisonnable de présenter une telle proposition et ai donc conclu que le conseil n’a pas respecté les droits de Mme Maloney en matière d’équité procédurale. Par conséquent, j’ai conclu qu’il fallait annuler la décision du conseil concernant le quota de 2014 et renvoyer l’affaire au conseil aux fins de révision. Je ne juge pas approprié d’accorder les autres réparations que sollicite de Mme Maloney.

 

Pêche communautaire de la Première Nation Indian Brook

[9]               Avant d’aborder les questions soulevées en l’espèce, il est nécessaire d’examiner le cadre dans lequel Mme Maloney et Kaiser ont obtenu de la part du conseil de bande le droit de pêcher le crabe des neiges. Le point de départ de cet examen est l’arrêt R c Marshall, [1999] 3 RCS 456 [Marshall], dans lequel la Cour suprême du Canada a reconnu le droit issu de traité du peuple mi’kmaq de s’assurer une subsistance convenable grâce à la chasse et à la pêche et annulé les déclarations de culpabilité de M. Marshall concernant des violations de la Loi sur les pêches, LRC 1985, c F‑14 [la Loi sur les pêches].

 

[10]           Selon le dossier qui m’a été présenté, la Première Nation Indian Brook a, après que la publication de l’arrêt Marshall de la Cour suprême, tenté de réglementer les pêches autochtones sans la participation du MPO. Des négociations s’en sont ensuivies et, à l’issue du processus, dans une lettre du négociateur en chef du gouvernement fédéral et du sous‑ministre adjoint, Gestion des pêches et de l’aquaculture du MPO, adressée au chef et au conseil de la Première Nation, le MPO a présenté une entente provisoire sur les pêches à la Première Nation Indian Brook [l’entente provisoire sur les pêches], que cette dernière a acceptée en août 2005 dans une résolution du conseil de bande.

 

[11]           L’entente provisoire sur les pêches prévoit notamment ceci :

         un certain nombre de permis de pêche commerciale communautaires seraient délivrés à la Première Nation Indian Brook, y compris un permis pour le crabe des neiges;

         les permis ont pour objet de fournir aux membres de la Première Nation Indian Brook des occasions de mener des activités de pêche et toute activité connexe;

         le gouvernement du Canada verserait à la Première Nation Indian Brook (et à deux autres Premières Nations) des fonds pour renforcer la capacité dans le domaine de la pêche;

         les permis sont délivrés sous réserve des positions de la Première Nation et de la Couronne du chef du Canada à l’égard des droits ancestraux et issus de traités;

         en acceptant les permis, la Première Nation Indian Brook [traduction] « convient de mener ses activités de pêche commerciale en conformité avec les conditions de [l’entente provisoire sur les pêches] et des permis ».

 

[12]           En vertu de l’entente provisoire sur les pêches, le ministre des Pêches et des Océans [le ministre] a délivré chaque année un certain nombre de permis de pêche communautaires à la Première Nation Indian Brook, y compris un permis pour le crabe des neiges. Le pouvoir du ministre à cet égard est consacré à l’article 43 de la Loi sur les pêches et dans le Règlement.

 

[13]           Le paragraphe 4(1) du Règlement accorde au ministre le pouvoir discrétionnaire de délivrer un permis communautaire à une « organisation autochtone en vue de l’autoriser à pratiquer la pêche et toute activité connexe ». Aux termes des paragraphes 4(2) à 4(4) du Règlement, le ministre peut désigner les personnes qui peuvent pêcher et les bateaux qui peuvent être utilisés à cette fin au titre du permis communautaire ou il peut refuser de le faire, auquel cas le Règlement prévoit que l’organisation autochtone peut les désigner. Selon l’article 2 du Règlement, une « organisation autochtone » peut être une bande indienne ou un conseil de bande.

 

[14]           En ce qui concerne la Première Nation Indian Brook, pendant toute la période visée par la présente demande, le ministre a délivré les permis pour le crabe des neiges à la bande de Shubenacadie et l’a laissée désigner les personnes qui pouvaient pêcher et les bateaux qui pouvaient être utilisés à cette fin au titre des permis.

 

[15]           Le paragraphe 5(1) du Règlement, qui confère au ministre le pouvoir général de gérer les pêches au moyen des conditions qui peuvent figurer sur un permis de pêche communautaire autochtone, est ainsi libellé :

 (1) Afin d’assurer une gestion et une surveillance judicieuses des pêches et de voir à la conservation et à la protection du poisson, le ministre peut, sur un permis, indiquer notamment toute condition relative aux points visés aux alinéas 22(1)b) à z.1) du Règlement de pêche (dispositions générales) et toute condition concernant ce qui suit :

 (1) For the proper management and control of fisheries and the conservation and protection of fish, the Minister may specify in a licence any condition respecting any of the matters set out in paragraphs 22(1)(b) to (z.1) of the Fishery (General) Regulations and any condition respecting any of the following matters, without restricting the generality of the foregoing:

a) les espèces et quantités de poissons qui peuvent être prises ou transportées;

(a) the species and quantities of fish that are permitted to be taken or transported;

b) par quel moyen et à quel moment le titulaire du permis avise le ministre des désignations, les documents attestant la désignation, à quel moment, dans quelles circonstances et à qui les attestations de désignation doivent être produites, les documents ou les renseignements que les personnes ou les bateaux désignés doivent respectivement avoir sur elles ou à bord lorsqu’ils pratiquent la pêche et toute activité connexe et à quel moment, dans quelles circonstances et à qui les documents ou les renseignements doivent être produits;

b) the method by which and when the licence holder is to notify the Minister of designations, the documents that constitute proof of designation, when, under what circumstances and to whom proof of designation must be produced, the documents or information that designated persons and vessels must carry when carrying on fishing and related activities, and when, under what circumstances and to whom the documents or information must be produced;

c) la méthode de marquage et d’identification des bateaux et des engins de pêche;

(c) the method to be used to mark and identify vessels and fishing gear;

d) les endroits et les moments où le poisson peut être débarqué ou amené à terre;

(d) the locations and times at which landing of fish is permitted;

e) la méthode à utiliser pour débarquer le poisson et les méthodes pour en déterminer la quantité;

(e) the method to be used for the landing of fish and the methods by which the quantity of the fish is to be determined;

f) les renseignements que la personne désignée ou le capitaine du bateau désigné doit, avant le début de la pêche, transmettre au ministre ou à la personne indiquée par le titulaire du permis quant aux endroits et aux moments où la pêche sera pratiquée, ainsi que le mode et les moments de transmission et leur destinataire;

(f) the information that a designated person or the master of a designated vessel is to report to the Minister or a person specified by the licence holder, prior to commencement of fishing, with respect to where and when fishing will be carried on, including the method by which, the times at which and the person to whom the report is to be made;

g) les endroits et les moments des inspections du contenu de la cale et la procédure à suivre lors de celles‑ci;

(g) the locations and times of inspections of the contents of the hold and the procedure to be used in conducting those inspections;

h) le nombre maximal de personnes ou de bateaux qui peuvent être désignés pour pratiquer la pêche et toute activité connexe;

(h) the maximum number of persons or vessels that may be designated to carry on fishing and related activities;

i) le nombre maximal de personnes désignées qui peuvent pêcher en même temps;

(i) the maximum number of designated persons who may fish at any one time;

j) le type, la grosseur et la quantité des engins de pêche que toute personne désignée peut utiliser;

(j) the type, size and quantity of fishing gear that may be used by a designated person;

k) les circonstances dans lesquelles le poisson peut être marqué à des fins scientifiques ou administratives;

(k) the circumstances under which fish are to be marked for scientific or administrative purposes; and

l) l’aliénation du poisson pris en vertu du permis.

(l) the disposition of fish caught under the authority of the licence.

 

[16]           Les permis délivrés par le ministre à la bande de Shubenacadie pour la pêche au crabe des neiges contiennent plusieurs de ces restrictions.

 

[17]           L’article 7 du Règlement exige que quiconque pratique la pêche ou toute activité connexe autorisées en vertu d’un permis communautaire respecte les conditions du permis, tandis que l’article 8 prévoit que seules les personnes désignées peuvent pêcher en vertu d’un permis de pêche communautaire autochtone.

 

[18]           Au fil des ans, le conseil de bande a adopté l’une ou l’autre des deux ententes commerciales qui existent pour la désignation des pêcheurs en vertu des permis communautaires.

 

[19]           D’une part, le conseil a parfois payé la personne désignée, lui demandant de débarquer les prises et de les livrer à quelqu’un qu’il avait désigné. C’est ce type d’entente que le conseil a offert à Mme Maloney les années où son bateau était désigné en vertu du permis pour le crabe des neiges. Dans le cadre de ce type d’entente, le propriétaire du bateau et l’équipage recevaient un salaire convenu correspondant à un certain nombre de cents par livre de crabe débarqué, et les profits excédant ce montant revenaient probablement à la bande.

 

[20]           D’une autre part, le conseil de bande a parfois conclu une entente dans le cadre de laquelle il « vendait » ou attribuait le quota complet pour une saison en vertu d’un permis communautaire à la personne désignée, qui était libre de débarquer les prises et de les vendre à qui elle voulait au prix qu’elle pouvait réussir à négocier. C’est ce type d’entente que le conseil de bande a conclu avec Kaiser. Le conseil a convenu de vendre à Kaiser le quota complet de crabe des neiges pour les années 2013 et 2014 à la condition que Kaiser accepte de verser à la bande le prix au débarquement, moins un rajustement pour les coûts de pêche. L’entente avec Kaiser est d’une durée de deux ans, mais la désignation pour les permis de crabe des neiges doit être effectuée chaque année, car les permis communautaires sont délivrés annuellement. Par conséquent, au moment où l’affaire a été instruite (et en date de la décision), le permis communautaire de 2013 avait été délivré à la bande de Shubenacadie, le bateau de Kaiser et son capitaine avaient été désignés et le quota de 2013 avait été pêché et vendu. Cependant, le permis communautaire de 2014 pour la pêche au crabe des neiges n’a pas encore été délivré, et la saison de pêche du crabe des neiges de 2014 ne devrait pas commencer avant le printemps ou le début de l’été 2014. Par conséquent, la réparation que sollicite Mme Maloney à l’égard de la saison 2014 n’est pas illusoire.

 

La décision du conseil de bande peut‑elle faire l’objet d’un contrôle judiciaire?

[21]           Compte tenu de ce contexte, je me penche maintenant sur la première question à trancher : la décision prise par le conseil de bande le 19 décembre 2011 peut‑elle faire l’objet d’un contrôle judiciaire?

 

[22]           Aux termes de la LCF, une demande de contrôle judiciaire ne peut viser qu’un « office fédéral ». Comme le juge Stratas l’a mentionné dans l’arrêt Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, au paragraphe 45, 426 NR 131 [Administration portuaire de Toronto], cela ressort clairement de diverses dispositions de la LCF :

Le paragraphe 18(1) de la [LCF] confère à la Cour fédérale une compétence exclusive en première instance afin d’accorder à la partie lésée, relativement à certaines questions, réparation de la part d’un « office fédéral ». Dans l’exercice de cette compétence, la Cour fédérale peut prendre diverses mesures pour accorder réparation, mais uniquement contre un « office fédéral » : paragraphe 18.1(3) de la [LCF]. Elle a le droit d’accorder cette réparation lorsqu’elle est convaincue que certaines erreurs ont été commises par l’« office fédéral » : paragraphe 18.1(4) de la [LCF].

 

 

[23]           Voici la définition d’un « office fédéral » figurant au paragraphe 2(1) de la LCF :

 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 (1) In this Act,

[…]

[…]

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

 

[24]           Selon la jurisprudence, cette définition requiert d’examiner deux questions : « la nature de la compétence ou du pouvoir que l’organisme ou la personne cherche à exercer » et la source de la compétence ou du pouvoir (Anisman c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 52, au paragraphe 29, 400 NR 137; voir également Administration portuaire de Toronto, au paragraphe 47; et Archer c Canada (Procureur général), 2012 CF 1175, au paragraphe 12, 419 FTR 290). Comme le juge Stratas l’a fait observer dans l’arrêt Administration portuaire de Toronto, au paragraphe 48, dans bon nombre d’affaires, on se penche sur le deuxième élément et on tente de trouver une loi ou un règlement fédéral qui confère le pouvoir d’agir à l’entité. En l’absence d’une telle loi ou d’un tel règlement, et lorsque la question n’a pas trait à la prérogative royale, l’entité ne répond pas à la définition d’« office fédéral ».

 

[25]           Cependant, le fait de trouver une loi ou un règlement qui confère compétence à l’organisme ne met pas fin à l’examen; il faut également chercher à connaître la nature de la décision prise par l’entité. À cet égard, la jurisprudence reconnaît que seules les décisions qui sont de nature publique, par opposition aux décisions de nature privée, peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Par exemple, la décision d’un tribunal d’embaucher un employé ou d’acheter des fournitures ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire, car il s’agit de décisions contractuelles strictement privées. Cependant, les décisions prises par le même tribunal relativement à la réalisation de son mandat conféré par la loi peuvent être visées par une demande de contrôle judiciaire si elles contiennent des éléments de nature publique, et ce, parce qu’un contrôle judiciaire constitue un recours de droit public ayant pour objet le maintien de la primauté du droit et le respect de la Constitution (Canada (Procureur général) c Telezone Inc, 2010 CSC 62, au paragraphe 24, [2010] 3 RCS 585; Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 27‑31, [2008] 1 RCS 190; et Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, aux paragraphes 38‑39, [2011] 2 RCS 504).

 

[26]           Il n’existe pas de critère précis pour déterminer quand les décisions d’un organisme créé par la loi relèvent du domaine public, plutôt que du domaine privé; les affaires dans lesquelles une décision a été rendue donnent cependant plusieurs indices pouvant permettre de déterminer si une décision est de nature publique ou privée. Le juge Stratas les a bien résumés au paragraphe 60 de l’arrêt Administration portuaire de Toronto :

                     La nature de la question visée par la demande de contrôle. Est‑ce une question privée, commerciale ou de portée plus vaste intéressant les membres du public? […]

 

                     La nature du décideur et ses attributions. S’agit‑il d’un décideur public, comme un mandataire de la Couronne ou un organisme administratif reconnu par la loi et à qui des attributions de nature publique ont été confiées? La question en cause est‑elle étroitement liée à ces attributions?

 

                     La mesure dans laquelle la décision est fondée et influencée par le droit et non pas par un pouvoir discrétionnaire de nature privée. Lorsqu’une décision particulière est autorisée directement par une source de droit public comme une loi, un règlement ou une ordonnance, ou découle directement d’une telle source, le tribunal aura davantage tendance à considérer que la question est de nature publique : […] Il sera d’autant plus enclin à le faire si la source de droit public fournit le critère en fonction duquel la décision est prise : […] Les mesures prises en vertu d’un pouvoir découlant d’une source autre qu’une loi, comme le droit contractuel général ou des considérations commerciales, sont plus fréquemment considérées comme non susceptibles de contrôle judiciaire : […]

 

                     Les rapports entre l’organisme en cause et d’autres régimes législatifs ou d’autres parties du gouvernement. Si l’organisme est intégré à un réseau gouvernemental et exerce un pouvoir en tant qu’élément de ce réseau, les actes qu’il pose seront plus fréquemment qualifiés d’actes de nature publique : […]

 

                     La mesure dans laquelle le décideur est un mandataire du gouvernement ou est dirigé, contrôlé ou influencé de façon importante par une entité publique. Par exemple, les personnes privées embauchées par le gouvernement pour effectuer une enquête au sujet d’une allégation d’inconduite visant un fonctionnaire public peuvent être considérées comme exerçant un pouvoir de nature publique : […] L’obligation de faire approuver ou contrôler par le gouvernement les politiques, règlements administratifs ou autres questions peut être un élément pertinent : […]

 

                     Le caractère approprié des recours de droit public. Si la nature de la mesure est telle qu’il serait utile d’accorder dans ce cas un recours de droit public, les tribunaux sont davantage enclins à considérer qu’il s’agit là d’une question de nature publique : […]

 

                     L’existence d’un pouvoir de contrainte. L’existence d’un pouvoir de contrainte sur le public en général ou sur un groupe défini, comme une profession, peut être un indice de la nature publique. Il y a lieu de différencier cette situation [de] celle où les parties acceptent volontairement de relever d’un organisme. […]

 

                     Une catégorie d’affaires « exceptionnelles » dans laquelle les mesures prises ont acquis une dimension publique importante. Lorsqu’une mesure a des conséquences exceptionnelles et très graves sur les droits d’un large secteur de la population, elle est susceptible de contrôle : […] cela peut comprendre les cas où la fraude, les pots‑de‑vin, la corruption ou l’atteinte aux droits de la personne ont pour effet de transformer une question qui était de nature privée au départ en une question de nature publique : […]

 

 

 

[27]           En ce qui concerne précisément les décisions prises par les conseils de bande indienne, la jurisprudence indique que certaines, mais pas toutes, peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire.

 

[28]           Les bandes indiennes et les conseils de bande sont définis à l’article 2 de la Loi sur les Indiens, LRC 1985, c I‑5. Les conseils de bande ont le pouvoir de prendre plusieurs types de décisions en vertu de la Loi ou de règlements pris en vertu de la Loi sur les Indiens. Par exemple, les bandes peuvent être chargées de la tenue de leur liste de bande en vertu de l’article 10 de la Loi sur les Indiens et, dans cette situation, les conseils de bande peuvent prendre des décisions sur l’appartenance à la bande. De façon similaire, les bandes peuvent tenir des élections en vertu d’un code coutumier si le ministre décide de ne pas tenir d’élections en application de l’article 74 de la Loi sur les Indiens. En outre, les articles 81 et 83 de la Loi sur les Indiens autorisent les conseils de bande à prendre des règlements administratifs sur divers sujets.

 

[29]           Il est bien établi que, lorsque les conseils de bande indienne agissent conformément à ce type de dispositions législatives, leurs décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire devant la Cour. Par conséquent, les décisions prises par un conseil de bande concernant l’appartenance à la bande peuvent être soumises à un tel contrôle (voir par exemple Ermineskin c Conseil de la bande d’Ermineskin, [1995] ACF no 821 (QL), aux paragraphes 10‑14, 96 FTR 181 [Ermineskin]; Diabo c Première Nation de Whitesand, 2009 CF 1250, 358 FTR 149, confirmé pour d’autres motifs par 2011 CAF 96, 420 NR 7 [Diabo]; et Okemow‑Clark c Nation crie de Lucky Man, 2008 CF 888, 331 FTR 225 [Okemow‑Clark]), tout comme les décisions relatives aux élections de la bande (voir par exemple Francis c Conseil mohawk de Kanesatake, 2003 CFPI 115, aux paragraphes 11‑18, [2003] 4 CF 1133 [Francis]; Ratt c Matchewan, 2010 CF 160, aux paragraphes 96‑106, 362 FTR 285; et Première Nation de Grand Rapids c Nasikapow, [2000] ACF no 1896 (QL), aux paragraphes 5‑6, 197 FTR 184). Les décisions concernant l’adoption ou l’abrogation de règlements administratifs peuvent également être visées par un contrôle judiciaire (voir par exemple Laforme c Conseil de bande des Mississaugas of the New Credit First Nation, [2000] ACF no 629 (QL), 257 NR 78 (CA) [Laforme]).

 

[30]           Par contre, les décisions commerciales de conseils de bande, notamment la location de terres, le remboursement de prêts ou le règlement de revendications, ne peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire, même si ces décisions sont prises par résolution du conseil de bande (voir par exemple Devil’s Gap Cottagers (1982) Ltd c Bande de Rat Portage no 38B (Wauzhushk Onigum Nation), 2008 CF 812, au paragraphe 64, 331 FTR 87; Peace Hills Trust Co c Première Nation Saulteaux, 2005 CF 1364, au paragraphe 61, 281 FTR 201; et Ballantyne c Bighetty, 2011 CF 994, aux paragraphes 31‑40, 395 FTR 141).

 

[31]           En l’espèce, la décision du conseil de bande de la Première Nation Indian Brook a été prise en vertu non pas d’un pouvoir précis découlant de la Loi sur les Indiens, mais plutôt d’un pouvoir délégué à la bande aux termes du Règlement pris en vertu de la Loi sur les pêches. La jurisprudence mentionnée précédemment concernant les décisions de bandes indiennes ne s’applique donc pas directement, mais elle est tout de même applicable par analogie. Ainsi, la décision du conseil de bande d’attribuer le quota à Kaiser est susceptible de contrôle parce qu’elle a été prise en vertu d’un pouvoir établi par règlement et délégué par le ministre à la bande afin que cette dernière puisse décider qui est autorisé à pêcher les quotas attribués par les permis communautaires. En d’autres mots, en l’espèce, à l’instar des affaires où les décisions du conseil de bande ont été considérées comme susceptibles de contrôle judiciaire, le conseil exerçait un pouvoir expressément conféré par règlement. La présente espèce est donc identique aux affaires Ermineskin, Diabo, Okemow‑Clark, Francis et Laforme.

 

[32]           L’application des divers facteurs énumérés dans l’arrêt Administration portuaire de Toronto révèle également que la décision du conseil de bande d’attribuer le quota de crabe des neiges à Kaiser comporte d’importants aspects publics et qu’il ne s’agit pas strictement d’une affaire privée. Chacun des divers facteurs énoncés dans l’arrêt susmentionné est analysé ci‑après.

 

[33]           Tout d’abord, en ce qui concerne la nature de la question visée, la décision d’accorder le quota à Kaiser n’est pas une question strictement commerciale ou privée, contrairement à ce qu’allèguent les défendeurs. Elle comporte plutôt d’importants aspects publics étant donné que l’entente provisoire sur les pêches établit que les permis communautaires sont accordés à la Première Nation Indian Brook afin de fournir à ses membres des occasions de mener des activités de pêche et toute activité connexe, renforçant ainsi la capacité de la collectivité. Par conséquent, la décision concernant les personnes autorisées à pêcher au titre du permis comporte un important aspect public, car il s’agit d’une question qui touche tous les membres de la bande, surtout ceux qui souhaitent apprendre à pêcher (comme le fils de Mme Maloney). Par ailleurs, la décision en litige concerne la délivrance d’un permis ou l’octroi, en vertu d’un pouvoir législatif délégué, d’un droit de caractère monopolistique d’exploiter une ressource de la collectivité. Dans la décision Jackson c Canada (Procureur général), [1997] ACF no 1603 (QL), 141 FTR 1, le juge Rothstein, qui examinait la question du contrôle judiciaire des décisions liées à la délivrance de permis prises par la Commission canadienne du blé, a déclaré ce qui suit au paragraphe 11 :

Un pouvoir de réglementation comme l’octroi de licences est, par définition, public. Il est incontestable que, lorsque la Commission exerce son pouvoir d’octroyer des licences, elle n’exerce pas les pouvoirs généraux de gestion d’une société ordinaire. Aucune société ordinaire n’est dotée de pouvoirs de réglementation. Le pouvoir de réglementation est une des marques distinctives d’une activité publique, par opposition à une activité commerciale privée.

 

Par conséquent, le premier des facteurs énumérés dans l’arrêt Administration portuaire de Toronto milite fortement en faveur de la conclusion que la décision du conseil de bande en l’espèce est susceptible de contrôle aux termes de l’article 18.1 de la LCF.

 

[34]           Le deuxième facteur, qui concerne la nature du décideur et ses attributions, est neutre, car les décisions des conseils de bande peuvent faire l’objet d’un contrôle ou non, selon la nature de la décision prise, comme nous l’avons vu.

 

[35]           Le troisième facteur, qui a trait à la mesure dans laquelle la décision est fondée et influencée par le droit et non pas par un pouvoir discrétionnaire de nature privée, révélerait la nature privée de la décision si l’on ne tenait compte que du Règlement, car ce dernier n’établit pas de lignes directrices à l’intention des conseils de bande en ce qui concerne la sélection des personnes autorisées à pêcher au titre d’un permis communautaire. Par contre, l’entente provisoire sur les pêches donne des indications et prévoit que les permis doivent être accordés afin de fournir aux membres de la Première Nation Indian Brook des occasions de mener des activités de pêche et toute activité connexe. C’est le ministre qui délivre les permis communautaires à la bande en vertu de l’entente provisoire sur les pêches, et la Première Nation Indian Brook a convenu dans cette entente de mener ses activités de pêche commerciale en conformité avec les conditions de l’entente. Les décisions qu’elle prend concernant les personnes autorisées à pêcher au titre d’un permis communautaire ne sont donc pas strictement discrétionnaires; la Première Nation doit plutôt se demander si l’autorisation fournira à ses membres des occasions de mener des activités de pêche et toute activité connexe. Tout bien pesé, je crois que ce facteur milite également en faveur de la conclusion que la décision est de nature publique.

 

[36]           Le quatrième facteur énoncé dans l’arrêt Administration portuaire de Toronto concerne les rapports entre le conseil de bande et d’autres régimes législatifs ou d’autres parties du gouvernement; il faut chercher à savoir si, au moment où il a pris sa décision, le conseil était « intégré à un réseau gouvernemental ou [exerçait] un pouvoir en tant qu’élément de ce réseau ». Le conseil de bande est entièrement intégré à un régime établi en vertu de la Loi sur les pêches et du Règlement et il exerce un pouvoir de délivrance de permis délégué par le ministre semblable à celui que ce dernier exerce en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches. Ce facteur milite fortement en faveur de la conclusion que la décision en litige est de nature publique et qu’elle peut donc faire l’objet d’un contrôle judiciaire.

 

[37]           À cet égard, la présente affaire est semblable à la situation dans l’affaire Onuschak c Société canadienne de consultants en immigration, 2009 CF 1135, 357 FTR 22, dans laquelle mon collègue, le juge Harrington, a jugé que les décisions de la Société canadienne de consultants en immigration concernant les licences et les normes de pratique pouvaient faire l’objet d’un contrôle judiciaire, car elles étaient prises en vertu du pouvoir conféré à la Société par le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227.

 

[38]           De même, le cinquième facteur énuméré dans l’arrêt Administration portuaire de Toronto, qui a trait à la mesure dans laquelle le décideur est un mandataire du gouvernement, permet de tirer une conclusion semblable, car, en autorisant les personnes à pêcher le quota, le conseil de bande de la Première Nation Indian Brook exerce un pouvoir que lui a délégué le ministre.

 

[39]           Les défendeurs allèguent que le facteur suivant, qui consiste à déterminer le caractère approprié des recours de droit public, milite fortement en faveur de la conclusion qu’il s’agit d’une affaire contractuelle privée. Avec égards, je ne suis pas d’accord. Comme il a déjà été mentionné, de multiples intérêts, outre ceux de Kaiser et de Mme Maloney, sont concernés par les décisions de cette nature, car l’attribution d’un quota et la désignation des personnes autorisées à pêcher ont une incidence sur tous les membres de la Première Nation Indian Brook, puisque la ressource est publique. La question n’est donc pas strictement d’ordre contractuel.

 

[40]           Enfin, la décision de désigner une personne au titre d’un permis communautaire suppose l’exercice d’un pouvoir contraignant, car le Règlement prévoit que seules les personnes qui sont désignées au titre d’un permis peuvent pêcher le quota visé par le permis. Le permis comporte également de multiples conditions. Il est possible que les membres de la Première Nation Indian Brook aient des droits issus de traités et ancestraux leur permettant de pêcher le crabe des neiges hors du cadre du système de délivrance de permis établi en vertu de la Loi sur les pêches, mais, comme l’a dit la Cour suprême dans l’arrêt Marshall, la Première Nation Indian Brook a convenu dans l’entente provisoire sur les pêches de respecter ce système. Par conséquent, la décision prise en l’espèce a un aspect contraignant en raison des interdictions énoncées à l’article 8 du Règlement et des exigences du permis.

 

[41]           Par conséquent, la majorité des facteurs énumérés dans l’arrêt Administration portuaire de Toronto soutiennent la conclusion que la décision qu’a prise le conseil de bande le 19 décembre 2012 peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire aux termes de l’article 18.1 de la LCF, à l’instar des décisions semblables liées à la délivrance de permis prises par le ministre en vertu de l’article 7 de la Loi sur les pêches (voir par exemple Ralph c Canada (Procureur général), 2010 CAF 256, 334 DLR (4th) 180; Waterman c Canada (Procureur général), 2009 CF 844, 350 FTR 88; et Comeau’s Sea Foods Ltd c Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1997] 1 RCS 12, au paragraphe 36 [Comeau’s Sea Foods].

 

[42]           En conséquence, je conclus que la décision du conseil de bande prise le 19 décembre 2012 d’attribuer à Kaiser le quota de crabe des neiges pour les années 2013 et 2014 et de lui accorder le droit de pêcher le quota peut faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour. L’objection des défendeurs en ce qui a trait à ma compétence pour entendre la présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

 

A‑t‑on manqué à l’égard de Mme Maloney au principe de l’équité procédurale?

[43]           Je me penche maintenant sur l’allégation de Mme Maloney concernant l’équité procédurale. Les défendeurs allèguent que le conseil de bande n’avait aucune obligation d’équité procédurale à l’égard de Mme Maloney, car les droits de cette dernière étaient strictement d’ordre contractuel, mais cette allégation ne peut être acceptée compte tenu de ma conclusion selon laquelle la décision prise par le conseil le 19 décembre 2012 est susceptible de contrôle judiciaire. Comme le juge Rothstein l’a mentionné dans la décision Sparvier c Bande indienne Cowessess, [1993] ACF no 446 (QL), au paragraphe 47, [1993] 3 CF 142, « [d]ans la mesure où cette Cour a compétence, les principes de la justice naturelle et de l’équité procédurale doivent être appliqués ». (Voir également Alliance de la fonction publique du Canada c Canada (Procureur général), 2013 CF 918, au paragraphe 53 [AFPC], où j’ai déclaré que, si l’on détermine qu’une décision est justiciable, il faut nécessairement que les parties touchées par la décision aient droit à un certain degré d’équité procédurale dans le cadre du processus décisionnel.) Par conséquent, Mme Maloney avait droit à l’équité procédurale relativement à la décision du conseil de bande concernant le quota de crabe des neiges pour les années 2013 et 2014.

 

[44]           En ce qui concerne la portée des obligations d’équité procédurale de la bande à l’égard de Mme Maloney, la juge L’Heureux‑Dubé a estimé, dans l’arrêt Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux paragraphes 21‑28, 174 DLR (4th) 193, que le contenu de cette obligation est fonction du contexte, ce qui requiert la prise en considération des facteurs suivants :

  • la nature de la décision en cause et le processus suivi pour y parvenir et, en particulier, la mesure dans laquelle le processus décisionnel se rapproche de celui suivi par un tribunal (le cas échéant, des garanties procédurales plus importantes doivent être offertes à une partie);
  • le régime législatif applicable au décideur;
  • l’importance de la décision pour les personnes visées;
  • les attentes légitimes des parties;
  • les choix de procédure faits par le décideur, surtout lorsque la loi prévoit que c’est au décideur que revient le choix de la procédure.

 

[45]           En l’espèce, le premier, le deuxième et le cinquième facteurs imposent un degré minimal d’équité procédurale, puisque le Règlement n’oblige pas le respect d’un processus en particulier et que celui adopté par le conseil de bande ne ressemble en rien à une audience devant un tribunal. En outre, un processus accusatoire ne serait pas adéquat compte tenu du type de décision en litige, qui ressemble à un processus d’appel d’offres, comme les défendeurs l’ont à bon droit fait remarquer.

 

[46]           Par contre, les troisième et quatrième facteurs militent en faveur d’un degré plus élevé d’équité procédurale.

 

[47]           Contrairement à ce qu’allèguent les défendeurs, la décision en litige est importante pour Mme Maloney. La preuve qu’elle a présentée démontre qu’elle touchait un revenu important lorsqu’elle pouvait pêcher le quota de crabe des neiges et qu’elle a contracté un prêt en croyant qu’elle aurait le droit de pêcher le quota jusqu’en 2014. La présente affaire est assimilable à celles où la question en litige concerne les moyens de subsistance d’une personne et où il a été décidé que les personnes touchées avaient le droit de recevoir un avis et de présenter des observations avant qu’une décision soit prise (voir par exemple Kane c Le Conseil d’administration de l’Université de la Colombie‑Britannique, [1980] 1 RCS 1105, aux pages 1113, 1116‑1117, 110 DLR (3d) 311, et Ruffo c Conseil de la magistrature, [1995] 4 RCS 267, au paragraphe 125, 130 DLR (4th) 1).

 

[48]           Je suis en désaccord avec l’affirmation des défendeurs selon laquelle l’importance de la décision est moindre pour Mme Maloney parce qu’elle a un autre emploi ou que son fils vient d’obtenir l’attestation requise pour être capitaine d’un bateau de pêche; ni l’un ni l’autre de ces faits ne rendent la décision concernant le quota de crabe des neiges sans importance pour Mme Maloney. En bref, elle perd tout de même un revenu et il lui reste un prêt à rembourser.

 

[49]           De même, je crois que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, Mme Maloney s’attendait légitimement à ce qu’on l’avise s’il y avait un risque qu’elle perde le quota pour les années 2013 ou 2014 et qu’on lui offre l’occasion de présenter une proposition et de répondre aux préoccupations que le conseil de bande aurait pu avoir concernant son rendement antérieur avant d’attribuer le quota à quelqu’un d’autre. Plusieurs faits font qu’elle aurait pu nourrir une telle attente.

 

[50]           Premièrement, et fait le plus important, la lettre du 23 février 2009 de l’ancien chef de la Première Nation Indian Brook indiquait que Mme Maloney aurait accès au territoire de pêche communautaire jusqu’en 2014. Le conseil de bande savait qu’elle avait emprunté de l’argent à la banque pour acheter un bateau. Deuxièmement, on lui a attribué le quota ou elle l’a pêché chaque année depuis 2009. Même s’il est vrai, comme les défendeurs l’ont mentionné, qu’elle a cédé à un des conseillers de la bande son droit de pêche en 2010, c’est un choix qu’elle a fait, car, cette année‑là, la saison de crabe des neiges a commencé exceptionnellement tôt. Troisièmement, le dossier d’appel d’offres préparé l’année précédente comportait une disposition selon laquelle toute personne à qui le quota serait attribué serait tenue d’embaucher Mme Maloney pour pêcher le quota. Même si cet appel d’offres n’a pas été lancé, il semble reconnaître que Mme Maloney s’était vu attribuer le quota jusqu’en 2014. Enfin, le conseil de bande ne lui a pas fait part de préoccupations concernant son rendement.

 

[51]           Compte tenu de tous ces facteurs, je suis d’avis qu’en l’espèce, le degré d’équité procédurale auquel a droit Mme Maloney est faible, mais la bande avait tout de même une obligation en matière d’équité procédurale qui dépassait le strict minimum.

 

[52]           En ce qui concerne le contenu de cette obligation, le conseil de bande défendeur reconnaît que, même en vertu d’une obligation d’équité procédurale minimale, Mme Maloney avait le droit d’être avisée du fait qu’elle pourrait perdre le quota en 2013 et en 2014 et de présenter une proposition pour pêcher le quota. À cet égard, il est bien établi qu’il s’agit, en fait, des caractéristiques de l’équité procédurale minimale garantie. Comme je l’ai mentionné aux paragraphes 58 à 60 de la décision AFPC :

[58]      Comme l’a souligné la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, [2011] 2 RCS 504 [Mavi], même lorsque l’obligation d’équité procédurale est minime, elle exige à la fois la remise d’un avis et la possibilité de présenter des observations écrites. Au paragraphe 79 de Mavi, le juge Binnie, s’exprimant au nom de la Cour, tire les conclusions suivantes sur ce point :

 

Cette obligation d’équité procédurale exige : a) de donner [au demandeur] un avis de la [requête] à sa dernière adresse connue, b) de lui accorder un délai pour exposer par écrit les circonstances financières ou autres qui [sont pertinentes et lui sont propres], c) de tenir compte de tout élément pertinent qui lui est signalé […], d) d’informer [le demandeur] de la décision de l’administration, et ce, e) sans qu’il n’y ait besoin de donner des motifs à l’appui.

 

[59]      La jurisprudence abonde d’exemples où les tribunaux sont arrivés à des conclusions analogues. Ainsi, dans Knight c Indian Head School Division No 19, [1990] 1 RCS 653, la Cour suprême a statué que pour satisfaire à une obligation d’équité procédurale dont le contenu était minimal, il suffisait « que le Conseil communique à l’intimé les raisons de son insatisfaction à l’égard de son rendement et qu’il lui fournisse la possibilité de se faire entendre » (au paragraphe 51). Dans la même veine, le juge Gibson, de la Cour, a jugé, dans Lameman c Cardinal, 138 FTR 1, que « seul un minimum d’équité [était] dû », ce qui signifiait que « le [décideur, dans cette affaire] avait l’obligation de notifier [les personnes] les plus directement touchées par l’appel […] du dépôt de l’appel et des motifs d’appel et de leur fournir une possibilité, aussi limitée soit‑elle, de lui présenter des observations au sujet de l’appel » (au paragraphe 22). Par ailleurs, dans Russo c Canada (Ministre du Transport, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2011 CF 764, 406 FTR 49, mon collègue, le juge Russell, a conclu que le degré d’équité procédurale minimal auquel le demandeur avait droit exigeait que la possibilité lui soit accordée de se faire entendre (au paragraphe 59), ce qui comprenait la remise d’un avis et le droit de présenter des observations.

 

[60]      En somme, même dans les cas qui n’exigent que le respect d’un minimum d’équité procédurale, le droit à un avis et la possibilité d’être entendu demeurent [...]

 

 

[53]           En plus du droit de recevoir un avis et de présenter une proposition, je crois que, dans les circonstances particulières de la présente affaire, Mme Maloney avait le droit d’être avisée des préoccupations poussant le conseil de bande à envisager d’attribuer à quelqu’un d’autre le quota de crabe des neiges pour les années 2013 et 2014. À cet égard, en contre‑interrogatoire, le chef Copage a déclaré que le conseil avait décidé d’attribuer le quota à quelqu’un d’autre en partie parce que la bande n’avait pratiquement pas fait d’argent au cours des années précédentes. Cependant, au cours de ces années, il semble que Mme Maloney et son équipage étaient payés moins que le prix au débarquement et qu’elle était tenue de vendre le crabe à un des anciens conseillers de la bande, qui l’aurait payée. Il semble donc que l’absence de profits n’était peut‑être pas attribuable à Mme Maloney. Compte tenu de ces préoccupations et de l’incertitude liée à ce qui est survenu au cours des années précédentes, je crois que le conseil de bande aurait dû offrir à Mme Maloney l’occasion de répondre à ses préoccupations sur la situation des années précédentes avant de décider d’attribuer à quelqu’un d’autre le quota pour les années 2013 et 2014.

 

[54]           Mme Maloney n’a pas profité d’une telle occasion et n’a pas reçu d’avis véritable selon lequel il se pourrait qu’elle ne se voie pas attribuer les quotas de pêche au crabe des neiges pour les années 2013 et 2014. Pendant le nouvel interrogatoire concernant son affidavit, elle a déclaré qu’elle était tombée par hasard sur une réunion du conseil à la fin du mois de novembre 2012, où Kaiser présentait sa proposition. Elle a demandé ce qui se passait, et on lui aurait répondu que le conseil de bande ne faisait qu’entendre la proposition de Kaiser et qu’il ne prendrait pas de décision. À aucun moment le conseil de bande ne lui a dit que son droit de pêcher les quotas en 2013 et en 2014 pouvait lui être enlevé. Comme les défendeurs l’ont souligné, il est vrai que Mme Maloney n’a pas par la suite présenté de proposition, mais le conseil de bande a agi rapidement et a signé l’entente avec Kaiser le 19 décembre 2011. Au cours des années précédentes, le conseil avait à plusieurs reprises conclu des ententes avec Mme Maloney bien plus tard, parfois aussi tard qu’à la fin du mois de mars ou au mois d’avril de l’année de pêche en question. Par conséquent, je considère que rien n’indiquait que Mme Maloney devait se préparer à présenter rapidement une proposition pour que le conseil de bande l’examine. Par ailleurs, à aucun moment le chef Copage ou un membre du conseil n’a abordé les préoccupations concernant l’absence de profits avec Mme Maloney.

 

[55]           Je considère donc que le conseil de bande a violé les droits à l’équité procédurale de Mme Maloney et que la décision qu’il a prise concernant le quota de crabe des neiges pour 2014 doit être annulée et que le conseil de bande devra déterminer à nouveau la personne autorisée à pêcher ce quota. Vu mes conclusions, Mme Maloney doit être autorisée à présenter une proposition pour pêcher le quota avec son bateau et son équipage et à répondre aux préoccupations du conseil concernant son rendement sur le plan financier. Dans les circonstances, je crois qu’il faut également donner à Kaiser l’occasion de présenter une proposition, car elle doit présenter une nouvelle soumission pour 2014 en raison de ma décision. Il n’est en aucun cas nécessaire que leurs propositions respectives soient présentées à l’autre. (En effet, il serait inhabituel, voire inapproprié, qu’une telle divulgation ait lieu dans le cadre d’un processus d’appel d’offres.)

 

[56]           Il ne faut pas considérer que mes conclusions signifient que, dans d’autres cas, le conseil de bande doit accorder des droits semblables aux autres soumissionnaires, car ma décision s’appuie sur les faits particuliers en l’espèce, notamment l’assurance donnée antérieurement à Mme Maloney et le fait qu’elle avait déjà pu pêcher le quota et que Kaiser s’était vu attribuer le quota.

 

[57]           Dans les circonstances, je refuse d’examiner l’allégation de Mme Maloney selon laquelle la décision de la bande n’était pas raisonnable, car elle sera prise à nouveau. Je tiens toutefois à mentionner que la jurisprudence reconnaît qu’il faut faire preuve d’une retenue considérable à l’égard des décisions discrétionnaires concernant la délivrance de permis et qu’elles ne sont habituellement pas annulées à moins qu’elles n’aient été prises de mauvaise foi et de façon arbitraire ou qu’elles ne soient fondées sur des considérations non pertinentes (voir par exemple Comeau’s Sea Foods, au paragraphe 36; Maple Lodge Farms c Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2, aux pages7‑8, 137 DLR (3d) 558; et Malcolm c Canada (Pêches et Océans), 2013 CF 363, aux paragraphes 49‑57, [2013] ACF no 379 (QL)). J’ajouterais également que, selon moi, on pourrait réaliser l’objectif de l’entente provisoire sur les pêches consistant à fournir aux membres de la Première Nation Indian Brook des occasions de mener des activités de pêche et toute activité connexe en attribuant le quota à une entreprise non autochtone si les circonstances sont adéquates et que l’entreprise, comme le fait apparemment Kaiser, embauche et forme des membres de la Première Nation Indian Brook.

 

[58]           Je ne vois pas la nécessité de rendre le jugement déclaratoire demandé par Mme Maloney concernant le quota de 2013, car la question est théorique. Il ne serait pas non plus adéquat d’accorder l’injonction qu’elle demande, car elle ne sera pas nécessairement autorisée à pêcher le quota de crabe des neiges en 2014; cette question doit être tranchée par le conseil de bande. Enfin, comme Mme Maloney n’avait pas sollicité les dépens, je n’en adjuge aucuns.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

1.                  la présente demande de contrôle judiciaire de la décision prise par le conseil de bande de la Première Nation Indian Brook le 19 décembre 2012 concernant le quota de crabe des neiges de 2014 au titre du permis communautaire délivré en application de l’article 4 du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, DORS/93‑332, est accueillie, et la décision est annulée;

 

2.                  le conseil de bande de la Première Nation Indian Brook devra déterminer à nouveau la personne et les bateaux qui seront désignés pour la pêche du quota de crabe des neiges de 2014 au titre du permis communautaire délivré en application de l’article 4 du Règlement sur les permis de pêche communautaires des Autochtones, DORS/93‑332;

 

3.                  la nouvelle décision doit être prise en conformité avec les présents motifs du jugement;

 

4.                  aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


dossier :

                                                            T‑412‑13

 

INTITULÉ :

CHERYL MALONEY c CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE SHUBENACADIE ET KAISER MARINE INC.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Halifax, NOUVELLE‑ÉCOSSE

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 13 NovembRE 2013 (DEVANT LA COUR)

LE 16 DÉCEMBRE 2013 (PAR tÉLÉconfÉrence)

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LA JUGE GLEASON

DATE :

                                                            LE 5 février 2014

COMPARUTIONS 

Brian J. Hebert

 

pour la demanderesse

 

Ronald A. Pink, c.r.

Kelly E. McMillan

 

POUR LE DÉFENDEUR

(CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE SHUBENACADIE)

Daniel J. MacIsaac

 

POUR LA DÉFENDEResse

(KAISER MARINE INC.)

16 DÉCEMBRE 2013 SEULEMENT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian J. Hebert

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

pour la demanderesse

 

Ronald Pink, c.r.

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LE DÉFENDEUR

(CONSEIL DE LA BANDE INDIENNE DE SHUBENACADIE)

Daniel J. MacIsaac

Antigonish (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LA DÉFENDEResse

(KAISER MARINE INC.)

 

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