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Cour fédérale

 

Federal Court



Date : 20140205

Dossier : IMM-1269-13

Référence : 2014 CF 128

Ottawa (Ontario), le 5 février 2014

En présence de monsieur le juge Annis

 

ENTRE :

 

NESTOR MARTIN OTERO ANAZCO

 

 

 

Partie

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

Partie

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 (la LIPR) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR) en date du 11 mars 2013 refusant la demande d’asile du demandeur. Le demandeur cherche à infirmer la décision et la renvoyer devant un panel différemment constitué.

 

II.        Faits

[2]               Le demandeur est un citoyen du Pérou. Toute sa famille habite à Lima sauf une sœur qui est au Canada.

 

[3]               Le demandeur a témoigné avoir travaillé dans une auberge au nord du pays et avoir été témoin d’un échange d’armes sur la plage devant cet établissement, par des clients de son hôtel. Il aurait appelé un ami policier pour lui parler de la situation et la police serait arrivée sur les lieux et aurait arrêté certaines personnes. Le demandeur soutient que ces personnes étaient liées au groupe du Sentier lumineux. Suite à cet évènement, la police lui aurait dit qu’il serait plus sécuritaire pour lui de retourner vivre à Lima. Il allègue que pendant ce temps, son ex-patron lui a dit que des inconnus étaient venus à sa recherche pour lui remettre un prix qu’il aurait prétendument remporté et que ses parents ont reçu des appels de menaces disant le rechercher.

 

[4]               Le demandeur allègue avoir écouté la police et être retourné à Lima où il a vécu chez un ami. Le 5 avril, suite aux appels de menaces reçus par ses parents, il a décidé de quitter son pays. Il a quitté le Lima le 25 avril 2009, et a transité par le Nicaragua, le Honduras, le Guatemala et le Mexique, avant d’arriver à Montréal le 16 mai 2009.

 

 

III.       Question en litige

            1.   La SPR a-t-elle commis une erreur dans l’appréciation de la protection de l’État

                  et de la disponibilité d’une possibilité de refuge intérieur (PRI)?

 

IV.       Norme de contrôle

[5]               La jurisprudence a établi que la norme de contrôle qui s’applique aux conclusions de fait concernant la disponibilité d’une protection de l’État ou d’une PRI est celle de la décision raisonnable (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 [Khosa] au paragraphe 58 et Ramirez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 261 au para 32).

 

V.        Décision en litige

[6]               La SPR a jugé le demandeur non crédible. Alors qu’il soutient que ses problèmes ont débuté à une auberge à laquelle il aurait prétendument travaillée, ce dernier n’a pas soumis de talons de paye ou autres documents bancaires pouvant démontrer qu’il avait travaillé à cet endroit. Seul un affidavit a été produit au soutien de cette prétention.

 

[7]               Le demandeur a témoigné ne pas faire confiance à la police et être en danger partout ailleurs au Pérou. Cependant, la SPR a noté que dans son témoignage de l’évènement déclencheur, ce dernier a expliqué avoir parlé à un ami policier et que suite à cet appel téléphonique la police serait venue sur les lieux pour procéder à des arrestations. Ainsi, les autorités policières prenaient au sérieux les plaintes. La SPR a également noté que le demandeur n’a pas réclamé la protection des autorités péruviennes suite à ses problèmes. De plus, quant à ses allégations de ne pas être en sécurité ailleurs au Pérou, la SPR a souligné le fait qu’il avait témoigné avoir vécu chez un ami à Lima sans aucun embêtement.

 

[8]               Finalement, la SPR a considéré le fait que la preuve démontre que les partisans du Sentier lumineux sont surtout présents dans la jungle et cela fait plus de trois ans que les évènements prétendus ont eu lieu, ainsi il n’y avait pas de preuve de crainte subjective, crédible et probante d’être persécuté.

 

VI.       Argumentation des parties

            Demandeur

[9]               Le demandeur allègue que la SPR a omis de tenir compte d’une grande partie de son témoignage au sujet de son identification des persécuteurs comme étant des membres du Sentier lumineux. La preuve documentaire était claire que les personnes arrêtées avaient été identifiées comme étant des membres de ce groupe. Ainsi, contrairement à la conclusion de la SPR, il n’y avait aucune contradiction ou confusion à ce sujet. Le demandeur soutient que ce motif est important, car il influait sur la conclusion de la SPR quant à sa crédibilité.

 

[10]           Le demandeur soutient que la SPR a commis une erreur dans l’appréciation de la crédibilité du demandeur, en ce qu’il n’aurait pas dû exiger une preuve additionnelle de son emploi à moins d’avoir relevé des contradictions dans le document soumis (l’affidavit de l’employeur) ou dans son témoignage à ce sujet. Le demandeur note que la SPR n’a pas expliqué pourquoi elle rejetait son témoignage et la preuve soumise. Ainsi, il était déraisonnable pour la SPR de conclure avoir des grands doutes sur son lien d’emploi. Le demandeur fait valoir que la SPR ne peut exiger une preuve documentaire corroborant le témoignage du demandeur à moins qu’elle n’ait des motifs valables de douter de sa crédibilité et s’appuie notamment sur Ovakimoglu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1983] ACF No 937 (CF 1re inst).

 

[11]           De plus, le demandeur allègue que la SPR a commis une erreur dans l’appréciation de la protection de l’État et de la disponibilité d’une PRI. Le demandeur fait valoir que la police a clairement avoué ne pas être en mesure de le protéger lorsqu’elle lui a suggéré de quitter la région et de rentrer à Lima d’où il vient. De plus, le fait d’avoir un ami péruvien ne peut avoir d’effet sur sa crainte envers les autorités, car son ami ne représente pas les autorités policières péruviennes.

 

[12]           Quant à la prétention de la SPR selon laquelle il pourrait retourner vivre à Lima, le demandeur avance que sa famille a reçu des appels de menaces à Lima, ainsi ses persécuteurs avaient le moyen de le localiser. De plus, lorsqu’il était chez son ami, il ne s’était pas établi à Lima, et il n’avait pas travaillé là-bas, ainsi cela ne pouvait servir à démontrer qu’il serait en sécurité au Pérou s’il vivait à Lima.

 

[13]           Le demandeur conclut en soutenant que la décision de la SPR est incomplète et n’a pas tenu compte de son témoignage, ni de la preuve documentaire produite au soutien de sa demande.

 

 

            Défendeur

[14]           Le défendeur soutient que le demandeur attaque la valeur probante accordée par le tribunal à la preuve dont celui-ci disposait. Il s’en prend à l’appréciation faite par la SPR de sa crédibilité et de sa conclusion quant à la possibilité d’un refuge interne. Or, en ces matières, la Cour doit vérifier si la décision appartient aux issues raisonnables et acceptables, pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 RCS 190 au para 47 et Khosa, précité, au para 58).

 

[15]           Le défendeur affirme aussi qu’il était raisonnable pour la SPR de conclure que le demandeur disposait d’une PRI et que lorsque le demandeur d’asile dispose de ceci, la Cour ne peut accueillir une demande de révision judiciaire (voir Singh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 709 au para 18).

 

[16]           Le défendeur conclut en rappelant qu’il n’appartient pas à la Cour de substituer son appréciation de la crédibilité et des faits à celle de la SPR. S’appuyant sur l’arrêt Khosa, précité, il affirme que le demandeur n’a pas démontré que le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

 

VII.     Analyse

[17]           Il y a deux questions clés qui sont soulevées dans le cas en espèce : la disponibilité de la protection de l’État et l’existence d’un PRI.

[18]           Le demandeur tente de réfuter la conclusion de la SPR quant à la disponibilité de la protection de l’État en faisant valoir que la police a avoué ne pas être en mesure de le protéger lorsqu’elle lui a suggéré de quitter la région et de rentrer à Lima d’où il vient. Cependant, il existe une présomption de l’existence de la protection de l’État et un demandeur qui veut réfuter celle-ci doit produire « […] une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l'État en question est insuffisante » (voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Carrillo, 2008 CAF 94 au para 30). Or, le demandeur ne s’est pas déchargé de ce fardeau.

 

[19]           Quand le demandeur aurait été témoin de l’échange d’armes, il a appelé un ami policier pour lui parler de la situation. De plus, les policiers sont arrivés sur les lieux dans un temps approprié.

 

[20]           D’ailleurs, quand les policiers ont suggéré au demandeur d’aller vivre à Lima, il leur a écouté, et est parti vivre à Lima, démontrant une certaine confiance de la part du demandeur à la police.

 

[21]           De plus, le demandeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour chercher la protection de la police. Quand il a commencé à avoir des craintes à Lima, il n’a pas déposé  de plainte chez la police. Il n’y avait que son père qui a déposé une plainte, alors le demandeur ne peut pas par la suite alléguer que la police n’était pas en mesure de le protéger.

[22]           En ce qui a trait à la conclusion de la SPR selon laquelle le Lima constituerait une PRI valable, celle-ci n’est pas déraisonnable. Il n’y avait pas suffisamment de preuve au dossier que le Lima ne constituait pas un PRI, surtout vu que l’employeur du demandeur à l’auberge a été obligé de déménager à Lima après l’échange d’armes, et n’a pas eu de problèmes une fois là-bas. D’ailleurs, le fait que la police a suggéré au demandeur de partir vivre à Lima appuie la conclusion que le Lima constitue une PRI valable.

 

[23]           La décision de la SPR était raisonnable et la requête du demandeur devrait être rejetée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est rejetée.

 

                                                                                                            « Peter Annis »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1269-13

 

INTITULÉ :                                      ANAZCO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 janvier 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 5 février 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Stéphanie Valois

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Lynne Lazaroff

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Stéphanie Valois

Avocate

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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