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Date: 20140127

Dossier: T-429-13

Référence : 2014 CF 87

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Annis

 

ENTRE :

 

AGNAOU, Yacine

 

 

 

Partie

demanderesse

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

Partie

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu de l’article 51.2 de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d’actes répréhensibles, LC 2005, ch 46 [la Loi], en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 12 février 2013 [la décision] par laquelle le Commissariat à l’intégrité du secteur public [le CISP] a refusé de statuer sur une plainte en matière de représailles qu’il a estimé irrecevable en vertu de l’alinéa 19.3(1)c) de la Loi. Le demandeur demande que la décision soit annulée, et renvoyée au CISP pour redétermination par un décideur indépendant et compétent en français, avec la directive de tenir une enquête sur les mesures de représailles alléguées.

 

[2]               La question soulevée dans le cas en espèce est directement liée à celle dans un autre dossier, Agnaou c Procureur général, 2014 CF 86 [Agnaou n° 1], qui a été entendue par cette Cour quelques semaines avant le présent dossier, et qui est donc publiée en même temps que la présente décision.

 

[3]               Dans Agnaou nº 1, précitée la faute alléguée était liée à une différence d’opinion entre des collègues de travail concernant la décision du procureur général, du Service des poursuites pénales du Canada [PPC], du Bureau régional du Québec [BRQ] de ne pas intenter des poursuites dans un certain dossier « A », qui a été assigné au demandeur, qui occupait le poste de procureur de la Couronne fédérale au BRQ de la SPPC à ce moment-là.

 

[4]               Les circonstances qui ont donné lieu à Agnaou n° 1, précitée ont pris fin le 24 mars 2009, lorsque le demandeur a été informé par ses supérieurs que la décision de ne pas intenter de poursuites était définitive. Par la suite, le demandeur a déposé  une divulgation auprès du CISP où il a allégué que ses supérieurs et leurs subalternes ont commis des actes répréhensibles.  Le commissaire du CISP a conclu qu'aucun acte répréhensible n’a eu lieu, décision qui a été maintenue par cette Cour dans Agnaou n° 1, précitée.

 

[5]               Les faits de la présente affaire se sont déroulés immédiatement après ceux d’Agnaou n° 1, précitée. Le 1er avril 2009, soit moins de deux semaines après que le demandeur ait été informé par ses supérieurs de leur décision de ne pas intenter des poursuites dans le dossier A, le demandeur a demandé à un de ses supérieurs, Me Morin, de reconsidérer cette décision. Me Morin lui a rendu une réponse le même jour comme quoi la décision était définitive. Le demandeur a donc informé un autre gestionnaire qui a été impliqué dans ce débat de son intention de soumettre la question au directeur des poursuites pour réexamen. Le même jour, ce gestionnaire a répondu que la décision de ne pas poursuivre était définitive et que l'agence client avait déjà été informée.

 

[6]               Le demandeur a répondu à son tour qu’étant donné que la décision avait été communiquée au client, il reconsidérerait son intention de soumettre la question au directeur des poursuites pénales. Il a aussi indiqué qu'il se consacrerait à son travail au cours des semaines suivantes et que, selon les circonstances, « le cas échéant », il déciderait quoi faire. Il n'a pas donné suite à l'affaire avec le directeur des poursuites pénales.

 

[7]               Cependant, en janvier 2013, soit environ trois ans et demi plus tard, il a déposé une plainte relative à ces événements, alléguant que Me Morin et de nombreux autres cadres supérieurs ont pris des mesures de représailles contre lui en reclassant une position pour laquelle il revendiquait la priorité. Le commissaire a rejeté la plainte à l'étape préliminaire sur la base qu'il n'y a eu aucune divulgation.

 

[8]               Il est évident que s’il n’y avait pas d’acte répréhensible commis autour des événements se terminant le 24 mars 2009, il ne pourrait pas avoir non plus d’acte répréhensible commis deux semaines plus tard lorsque le demandeur a demandé aux mêmes gestionnaires de reconsidérer leur décision. Lors de l’audience, qui centrait sur la question de l’existence ou pas d’une divulgation, l'avocat du procureur général a été interrogé sur la question de savoir s’il y avait un acte répréhensible, et il a répondu que la question serait déterminée dans Agnaou n° 1, précitée.

 

[9]               Je suis en accord que la question de savoir s'il y avait la commission des actes répréhensibles a été déterminée en Agnaou n° 1, précitée. En conséquence, cette Cour a déjà déterminé dans Agnaou n° 1, précitée qu'il n'existe aucune preuve d’actes répréhensibles dans des circonstances auxquelles les présentes circonstances font suite.

 

[10]           Je suis également d’accord avec le défendeur que les propos du demandeur qu’il reconsidérerait son intention de soumettre la question au directeur des poursuites et que, le cas échéant, il déciderait quoi faire, ne constituent pas la divulgation d’actes répréhensibles.

 

[11]           Le SPPC n’a jamais été avisé du dépôt de cette divulgation par le CISP et le demandeur n’a pas pu démontrer que le SPPC était au courant de la prétendue divulgation. N’ayant pas la connaissance de l’existence d’une divulgation, un organisme ne peut prendre de mesures de représailles au sens de la Loi.

 

[12]           Je rejette également l'argumentation du demandeur selon laquelle le commissaire a commis une erreur en se concentrant sur l'échange de courriels entre le 1er et le 2 avril 2009 aux fins de déterminer la nature de la divulgation. L'analyste responsable du dossier a écrit au demandeur lui demandant d’indiquer où la preuve de la divulgation pourrait être trouvée dans ses matériaux. Le demandeur avait présenté 650 pages de documentation en première instance, Agnaou n° 1, précitée qui ont également été inclus dans la documentation déposée auprès du CISP dans le contexte de la deuxième plainte, avec 300 pages de documentation supplémentaire. Dans sa réponse, le demandeur a renvoyé la CISP à l'échange des courriels datés le 1er et le 2 avril, indiquant dans sa lettre que la CISP devrait tenir compte de tous les documents déposés.

 

[13]           Dans une tentative de démontrer qu'il y avait une preuve supplémentaire de la divulgation dans les matériaux, le demandeur a renvoyé la Cour aux courriels qu'il a échangés avec Me Morin entre le 3 et le 7 avril 2009. Ils concernent une discussion qui a eu lieu entre lui et ses gestionnaires et qui a commencé le 31 mars 2009, pendant laquelle ses gestionnaires ont exprimé leur préoccupation à propos de l’état de santé du demandeur et le stress qu'il subissait. Il a été suggéré par ces gestionnaires qu'il devrait s'absenter du travail et consulter un médecin. Me Morin a indiqué que ces discussions ont eu lieu à cause des plaintes des employés concernant leur sécurité. Les gestionnaires ont donné suite à ces préoccupations et le 7 avril, le demandeur fut condamné à s'absenter jusqu'à ce qu'il puisse fournir une lettre de son médecin confirmant qu'il était capable de poursuivre ses fonctions.

 

[14]           Le demandeur s’est plaint dans ses échanges avec ses supérieurs que le fait de le forcer de s’abstenir du bureau était une forme de représailles à cause de son opposition à la décision de ne pas intenter des poursuites dans le dossier A. Cependant, ces discussions ont été entamées avant les événements qui constituent la prétendue divulgation et par conséquent, on ne peut arguer qu’ils se sont produits à cause de la divulgation alléguée. En outre, le demandeur a déposé un grief à l’encontre des actions de ses gestionnaires, qui a finalement été abandonné.

 

[15]           Je ne trouve rien dans ces circonstances qui renforce l’argumentation du demandeur que la divulgation alléguée a été faite le 1er et le 2 avril 2009 ou par après.

 

[16]           Je rejette également l’argumentation du demandeur comme quoi il y avait un manquement à son droit à l’équité procédurale. Son argumentation est de la même nature que celle invoquée dans Agnaou n° 1, précitée, où j'ai trouvé qu’il était sans fondement.

 

[17]           Vu qu’il n’y a eu aucun acte répréhensible, ni de divulgation, je conclus que la décision du CISP de refuser de statuer sur la plainte du demandeur était tout à fait raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

« Peter Annis »

Juge


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-429-13

 

INTITULÉ :                                      AGNAOU, YACINE c LE PROCUREUR

                                                            GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 8 janvier 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 27 janvier 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yacine Agnaou

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Michel Girard

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Yacine Agnaou

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

 

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