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Date : 20131217


Dossier : IMM-8018-13

 

Référence : 2013 CF 1256

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), 17 décembre 2013

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROY

 

 

ENTRE :

SANDRA GONZALEZ MARTINEZ ET

LUIS ENRIQUE SANTIAGO GONZALEZ

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               VU la requête, en date du 16 décembre 2013, présentée pour le compte des demandeurs en vue d’obtenir une ordonnance de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi jusqu’à ce que la Cour se prononce sur la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[2]               ET APRÈS lecture du dossier de requête déposé pour le compte des demandeurs.

 

[3]               ET APRÈS avoir entendu les avocats des parties le 16 décembre 2013 en soirée. Pour les motifs qui suivent, le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi à l’égard des demandeurs est rejeté.

 

[4]               Les demandeurs se sont présentés devant la Cour littéralement à la dernière minute relativement à un sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi prévue le 17 décembre 2013 à 8 h 30. Les demandeurs ne sont pas les seuls à blâmer, étant donné que le défendeur a choisi de rendre l’ordonnance en question en très peu de temps aux fins de l’exercice d’un recours judiciaire. L’avocat du défendeur n’a pas été en mesure d’expliquer la source de la situation d’urgence. C’est malheureux. Si les circonstances avaient été légèrement différentes, j’aurais été tenté d’accorder le sursis d’exécution.

 

[5]               Néanmoins, en l’espèce, il faut reconnaître que le comportement des demandeurs qui se présentent devant cette Cour n’est pas entièrement irréprochable. En outre, ils savaient depuis le 11 décembre que la mesure de renvoi dont ils font l’objet devait avoir lieu le 17 décembre. Ce n’est que le 13 décembre, après les heures d’ouverture, qu’une demande de report du renvoi a été présentée auprès de l’agent d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs (l’agent chargé des renvois); des observations supplémentaires ont été déposées le 15 décembre. Il n’est pas surprenant que la décision d’examiner le sursis du renvoi a été prise hier dans la journée. Les avocats des demandeurs ont fait preuve d’une diligence remarquable en demandant le contrôle judiciaire du refus. La demande de sursis appuie la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de refuser de surseoir à la mesure de renvoi.

 

[6]               Il n’est pas contesté qu’il faut appliquer le critère à trois volets énoncé dans les arrêts R.G.R MacDonald c. Canada, [1994] 1 RCS 311 et Toth c. MEI (1988), 86 NR 302. Par conséquent, la Cour doit être convaincue qu’il existe une question sérieuse à débattre sur le contrôle judiciaire, que les demandeurs subiront un tort irréparable s’ils font l’objet d’une mesure d’expulsion, et que la prépondérance des inconvénients est en faveur du sursis. Le manquement des demandeurs à l’une ou l’autre de conditions du critère entraînera le rejet de la demande. Selon moi, il suffit de discuter de la prépondérance des inconvénients et des volets du critère se rapportant à la question sérieuse.

 

[7]               Les demandeurs en l’espèce sont sans statut au Canada depuis leur arrivée au pays le 7 juin 2007. Ils ont immédiatement présenté une demande d’asile qui a été rejetée le 3 juin 2009, ce qui a également été le cas de leur demande d’autorisation de contrôle judiciaire. Il y a eu également rejet de l’examen des risques avant renvoi, et des mesures ont été prises aux fins de leur départ immédiat prévu alors le 5 août 2010. Ils ont omis de comparaître et, en fait ils ont disparu. Ce n’est qu’en juin 2013 que les demandeurs ont refait surface lorsqu’ils ont présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Les autorités responsables les ont retracés au bout de six mois, et ils ont été arrêtés le 10 décembre 2013 (un mandat d’arrestation avait été délivré en août 2010).

 

[8]               Le renvoi du Canada des personnes sans statut est un sujet qui suscite un grand intérêt public. En l’espèce, les demandeurs ont été en fuite pendant plus de trois ans. Une mesure de renvoi a été prise à la suite du processus d’application régulière de la loi en juillet 2010. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2010, ch. 27 a récemment été modifiée (art. 48) en vue de limiter davantage le pouvoir discrétionnaire résiduel des agents chargés du renvoi des ressortissants étrangers.

 

[9]               En l’espèce, il s’agit de deux personnes qui sont venues au Canada il y a plus de six ans, et qui ont en vain cherché à se prévaloir du recours qu’ils sollicitaient. Au lieu de se conformer à la mesure de renvoi, ils ont choisi de se soustraire à la justice pendant une longue période. Selon moi, la prépondérance des inconvénients penche en faveur du défendeur, en ce sens que la primauté du droit devrait avoir préséance dans les circonstances.

 

[10]           De plus, je n’arrive pas à déterminer quelle est la question sérieuse en l’espèce. Étant donné 22que le recours sollicité dans la demande de sursis est le même que celui demandé dans la demande sous-jacente de contrôle judiciaire, il faut que « j’examine de près le fond de la demande sous-jacente ».  (Wang c. Canada (MCI), 2001 3 C.F. 682, au paragraphe 10).

 

[11]           Comme il est déjà mentionné, le pouvoir discrétionnaire de l’agent chargé des renvois est très limité. Il ne peut examiner une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. La loi lui ordonne d’exécuter la mesure de renvoi dès que possible. Ce n’est que si l’on démontre le caractère déraisonnable de l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire limité que le demandeur peut obtenir gain de cause. La notion de raisonnabilité est celle qui a été indiquée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt de principe Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; (2008) 1 RCS 190, au paragraphe 47.

 

[12]           En l’espèce, une décision clairement formulée a été prise par une agente chargée des renvois laquelle est contestée par les demandeurs à l’égard de trois volets différents. En premier lieu, ils soutiennent que l’agente a entravé son pouvoir discrétionnaire. Selon les demandeurs, elle a refusé de se pencher sur la question présentée comme constituant des motifs très sérieux de la demande, à savoir qu’une demande d’ordre humanitaire est en instance et que l’un des demandeurs subirait un préjudice irréparable relativement à l’encadrement pédagogique.

 

[13]           J’ai soigneusement examiné la décision prise. Selon moi, l’argument des demandeurs ne constitue rien d’autre qu’un désaccord à propos du poids devant être accordé aux éléments de preuve. Il me semble que la décision est tout à fait raisonnable. L’agente chargée des renvois ne se prononce pas sur la demande d’ordre humanitaire et elle a dûment tenu compte des motifs de la demande.

 

[14]           De même, il est présumé que certains éléments de preuve ont été négligés. Mais je le répète, le pouvoir discrétionnaire de l’agent chargé des renvois est limité. Les demandeurs souhaiteraient que l’exercice du pouvoir discrétionnaire limité prenne davantage la forme d’un examen exhaustif sur le fondement de motifs d’ordre humanitaire. Les éléments de preuve présentés, qui précisent le manque d’encadrement pédagogique à l’égard de l’un des demandeurs s’il fallait qu’il retourne au Mexique, n’ont jamais atteint le niveau requis permettant de conclure que la décision était déraisonnable. En effet, l’agente chargée des renvois a bien expliqué la raison pour laquelle cet argument doit être rejeté.

 

[15]           Finalement, le demandeur a soulevé la question de l’intérêt supérieur de l’enfant, lequel est âgé de 18 ans. L’agente chargée des renvois avait l’obligation d’être attentive et sensible à l’intérêt immédiat de l’enfant (Acevedo c. Canada, 2007 C.F. 401). Elle a respecté cette obligation, particulièrement compte tenu de l’âge de cet enfant. De toute évidence, l’agente chargée des renvois a été attentive et sensible à cet égard. Les demandeurs sont en désaccord avec l’évaluation effectuée. Cela ne suffit pas. Il faut faire preuve de retenue judiciaire envers le décideur. Mais en l’espèce, je suis convaincu que l’agente chargée des renvois est allée au-delà de l’obligation d’être attentive et sensible.

 

[16]           Par conséquent, la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi se rapportant aux deux demandeurs est rejetée.

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE QUE la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi se rapportant aux deux demandeurs soit rejetée.

 

« Yvan Roy »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

                                                            IMM-8018-13

 

INTITULÉ :

SANDRA GONZALEZ MARTINEZ ET LUIS ENRIQUE SANTIAGO GONZALEZ c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                        Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                        Le 16 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :   LE JUGE ROY

 

DATE :

                                                            lE 17 DÉCEMBRE 2013

COMPARUTIONS :

Dilani Mohan, B.M.O.S., LL.B., LL.L.

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicole Rahaman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MOHAN LAW

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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