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Date : 20140117

Dossier :

T‑1057‑12

Référence : 2014 CF 61

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Annis

 

ENTRE :

MTS INC.

 

demanderesse

et

ROSS EADIE

 

défendeur

et

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC., ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY ET QUEBECOR MEDIA INC.

 

intervenantes

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          Introduction

[1]               La Cour est saisie, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Commission canadienne des droits de la personne [CCDP] le 25 avril 2012, renvoyant une plainte portée devant elle, Eadie c Manitoba Telecom Services Inc, dossier de la CCDP no 20071547, au Tribunal canadien des droits de la personne [TCDP].

 

[2]               La demanderesse, Manitoba Telecom Services, Inc [MTS], est une entreprise de distribution de radiodiffusion [EDR], titulaire d’une licence délivrée par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes [CRTC] l’autorisant à fournir des services au public. Le défendeur, M. Eadie, est un client de MTS, abonné à son service « Ultimate TV ».

 

[3]               La CCDP, Shaw Communications Inc. [Shaw], Cogeco Cable Inc. [Cogeco], Rogers Communications Partnership [Rogers], BCE Inc. [BCE], Telus Communications Company [Telus] et Quebecor Media Inc. [Quebecor] ont demandé et obtenu la qualité d’intervenantes sur la question de la compétence, et les intervenantes du secteur des télécommunications ont présenté leurs observations conjointement.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.

 

II.        Contexte factuel

[5]               Le 22 octobre 2007, M. Eadie a déposé une plainte auprès de la CCDP dans laquelle il alléguait être victime de discrimination en contravention de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H‑6 [LCDP], en rapport avec la disponibilité de services, d’équipement et de logiciels qui amélioreraient l’accessibilité pour les personnes ayant une déficience visuelle.

 

[6]               M. Eadie a expliqué que MTS lui avait fourni, moyennant des frais réglementés par le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, un service de radiodiffusion télévisuelle numérique. M. Eadie s’est plaint pour les motifs suivants : (i) MTS ne transmettait pas de services de vidéodescription à ses clients; (ii) l’équipement et le logiciel de MTS utilisés pour fournir les services (c’est‑à‑dire le boîtier décodeur ou « BD ») ne comportaient pas un bouton unique d’activation/désactivation de la vidéodescription qu’un non‑voyant pourrait utiliser; (iii) le BD n’émettait pas de signaux sonores permettant à un non‑voyant d’utiliser les menus du guide de programmation interactive (aussi appelé « guide de programmation électronique » [GPE]). Seul le dernier point demeure litigieux entre les parties, les deux autres ayant été réglés dans le cadre d’une procédure relevant de la compétence du CRTC. 

 

[7]               MTS a répliqué que son équipement et son logiciel étaient fabriqués par Motorola et qu’il n’était pas possible de mettre cette technologie à niveau de manière à ce que des signaux sonores soient mis à la disposition des personnes aveugles. M. Eadie a allégué que cela constituait de la discrimination, puisque les clients ayant une déficience visuelle se voyaient refuser des services qui pourraient être rendus disponibles.

 

[8]               La CCDP a mené une enquête au sujet de cette plainte. Au cours de celle‑ci, la demanderesse a soutenu que la CCDP devait décliner compétence parce que, comme il est prévu à l’alinéa 41(1)b) de la LCDP, la plainte pourrait être avantageusement instruite selon une procédure prévue par une autre loi.

 

[9]               Plus précisément, MTS a soutenu que la plainte relevait davantage de la compétence du CRTC, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, LC 1991, c 11 [Loi sur la radiodiffusion] et des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, DORS/2010‑277 [Règles de pratique et de procédure du CRTC]. Aux termes de son mandat, le CRTC doit notamment assurer l’accessibilité des programmes aux personnes handicapées, et des procédures sont prévues en vue de l’adoption de règles et de politiques ainsi qu’en ce qui concerne le traitement des plaintes des clients. 

 

[10]           De plus, le directeur de la mise en marché du produit à large bande de MTS a produit un affidavit indiquant que la CCDP avait reçu une plainte à peu près identique d’un abonné deux semaines plus tôt, le 2 novembre 2007, à laquelle elle avait refusé de donner suite au motif que le CRTC offrait une procédure de traitement des plaintes convenable. De plus, l’intervenante Rogers a produit un affidavit auquel était jointe une autre plainte très similaire déposée en décembre 2007 et concernant l’accès des personnes ayant une déficience visuelle à un service numérique à la carte, une plainte que la CCDP avait également refusé d’entendre, en raison de l’alinéa 41(1)b) de la LCDP.

 

[11]           Le 10 juin 2008, le CRTC a publié l’avis d’audience publique 2008‑8, « Avis de consultation : Questions en suspens concernant l’accessibilité des services de télécommunication et de radiodiffusion pour les personnes handicapées ». L’avis de consultation comportait les paragraphes suivants :

 

5. Les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion comprennent l’élaboration et la sauvegarde d’un système canadien de radiodiffusion qui réponde aux besoins et aux intérêts, et reflète la condition et les aspirations, des hommes, des femmes et des enfants canadiens, notamment l’égalité sur le plan des droits, et qui offre une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens.

 

6. Le Conseil a publié plusieurs décisions dans le but de réduire les obstacles à la prestation et la réception de services de communication et d’améliorer l’accessibilité de ces services aux personnes handicapées.

 

[. . .]

 

15. Pour favoriser la sensibilisation aux problèmes auxquels se heurtent les personnes handicapées en ce qui concerne les services de télécommunication et de radiodiffusion, le Conseil a commandé une étude sur ces problèmes à un consultant indépendant. Le rapport de l’étude, intitulé Consultations des parties prenantes sur les questions d’accessibilité des personnes handicapées et daté d’avril 2008, véhicule les points de vue du consultant et non ceux du Conseil, et il ne dicte pas l’issue de l’instance.

 

16. Le Conseil indique qu’il ne réglemente pas l’équipement terminal et n’a pas de pouvoir de juridiction sur le design et la fabrication des appareils de communication conçus pour recevoir les services de télécommunications ou de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil invite le public à se prononcer sur les mesures, sauf la réglementation de l’équipement terminal, qui amélioreraient l’accessibilité des services de télécommunication et de radiodiffusion pour les personnes handicapées.

 

[12]           Le CRTC a demandé aux EDR de recenser tous les appareils complètement accessibles (et, le cas échéant, le logiciel permettant aux appareils de l’être) qui pourraient permettre aux personnes aveugles et aux personnes ayant une déficience visuelle d’avoir accès aux services de radiodiffusion et de télécommunication et qui n’exigeraient pas des modifications prohibitives du réseau. Cela comprenait, à tout le moins, les boîtiers décodeurs et les appareils sans fil. Les EDR devaient fournir une description détaillée des fonctionnalités de chaque dispositif ou logiciel, et précisé qui en est le fabricant et les endroits où ils pouvaient être obtenus.

 

[13]           Le CRTC a invité le public à participer en communiquant des observations écrites et en présentant des observations de vive voix lors d’audiences sur les questions liées à l’accès. M. Eadie a présenté des observations écrites et de vive voix. Il a alors indiqué qu’il n’était au fait d’aucun logiciel ou matériel accessible pour les terminaux numériques branchés à des systèmes de radiodiffusion numérique. Il a demandé au CRTC d’adopter des politiques obligeant les EDR et le système de radiodiffusion à [traduction] « payer des programmeurs en mesure d’inventer des messages vocaux pour le système de radiodiffusion, comme il en existe déjà pour les téléphones cellulaires ».

 

[14]           M. Eadie n’a à aucun moment déposé une plainte auprès du CRTC, bien qu’une procédure de plainte soit prévue à la partie 2 des Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, DORS/2010‑277.

 

[15]           Malgré l’enquête en cours du CRTC, en novembre 2008 la CCDP a décidé qu’elle donnerait suite à la plainte de M. Eadie au motif que la procédure relevant de la compétence du CRTC ne lui était [traduction] « pas normalement ouverte en ce qu’il n’y avait pas pleinement accès ». Le 4 décembre 2008, la demanderesse a écrit à la Commission pour lui demander de réexaminer sa décision au motif que la décision initiale de la CCDP sur la compétence était erronée, en ce que le défendeur avait accès aux procédures relevant de la compétence du CRTC, et qu’il avait d’ailleurs participé activement à la procédure d’audiences publiques dirigée par le CRTC, aussi bien de vive voix que par écrit. La Commission a reçu des observations sur ce point de M. Eadie et de MTS. Le 17 juin 2009, elle a maintenu sa décision d’entendre la plainte, cette fois‑ci au motif qu’aucune procédure relevant de la compétence du CRTC [traduction] « ne permettra[it] de trancher toutes les questions de droits de la personne qui sont en litige. »

 

[16]           Le 21 juillet 2009, à la suite de l’audience et des consultations publiques, le TCDP a établi la Politique réglementaire de radiodiffusion et de télécom CRTC 2009‑430 [la Politique sur l’accessibilité]. Pour élaborer cette politique, le CRTC a indiqué qu’il s’était fondé sur « les principes directeurs qui sous‑tendent les droits de la personne au Canada et qui font de l’égalité une valeur fondamentale au centre même de l’intérêt public ». La politique exigeait que toutes les EDR, comme condition de renouvellement de leur licence, transmettent la vidéodescription de tous leurs services de programmation et fournissent un moyen d’activer et de désactiver cette vidéodescription qui n’exigerait aucune acuité visuelle – une solution « bouton unique ». La Politique sur l’accessibilité réglait ainsi les deux premiers cas de discrimination allégués. La seule question qui restait à trancher était la troisième, soit celle de l’absence de signaux sonores permettant aux abonnés aveugles d’accéder au guide de programmation interactive et de l’utiliser.

 

[17]           Le CRTC n’a prévu aucune condition d’attribution de licence en de qui concerne les signaux sonores dans la Politique sur l’accessibilité. À ce sujet, le CRTC affirmait au paragraphe 120 de son rapport qu’il : « encourage[ait] aussi [les EDR] à continuer à travailler de concert avec les vendeurs en vue de développer des logiciels de boîtiers décodeurs offrant des caractères plus gros, des commandes sonores ou d’autres informations sonores. » Le CRTC décrivait comme suit ses attentes quant aux développements futurs d’horaires d’émissions électroniques [HEE] au paragraphe 122 : 

 

Par conséquent, le conseil s’attend à ce que :

 

[. . .]

 

         les titulaires d’EDR (sic) développent un ou plusieurs moyens d’identifier les émissions avec vidéodescription dans leurs horaires d’émissions électroniques. Ces moyens peuvent inclure un signal sonore, un indicateur visuel ou encore un horaire d’émissions électronique sonore.

 

[18]           Le CRTC a également créé le Groupe de travail sur la vidéodescription, qu’il a chargé de se pencher sur les problèmes reliés à l’accès à la vidéodescription par voie d’abonnement pour les personnes ayant une déficience visuelle. Le Groupe de travail sur la vidéodescription comprenait des représentants des secteurs de la radiodiffusion et de la distribution et des représentants d’organismes qui fournissent des services aux aveugles, comme l’Institut national canadien pour les aveugles, le Conseil canadien des aveugles, Alliance for Equality of Blind Canadians, le Conseil des Canadiens avec déficiences et Accessible Media Inc. Le mandat du groupe de travail consistait à concevoir des pratiques et des solutions communes propres à améliorer l’accessibilité à des émissions accompagnées de vidéodescription. Cela supposait notamment de voir à ce que les renseignements relatifs aux émissions accompagnées de vidéodescription soient rendus disponibles dans les horaires d’émissions en ligne et dans les guides d’émissions électroniques, ce qui constitue le problème non encore résolu. La demanderesse soutient que le Groupe de travail sur la vidéodescription témoigne [traduction] « de l’incidence que continue à avoir la procédure du CRTC en matière d’accessibilité ».

 

[19]            MTS a soutenu qu’elle ne disposait pas de solution technologique pour résoudre le problème des signaux sonores qui soit compatible avec l’équipement et l’infrastructure de l’industrie. Elle a affirmé qu’aucune EDR exploitée au Canada n’était en mesure d’offrir les solutions demandées par le défendeur, étant donné que les EDR utilisent de l’équipement et des logiciels de tiers américains, pour la plupart brevetés, et que les EDR ne peuvent modifier. MTS livre ses services à partir de Microsoft Mediaroom, une plateforme brevetée, et elle ne peut pas la modifier pour offrir d’autres fonctionnalités. MTS a soutenu qu’elle ne faisait pas preuve de discrimination, qu’elle avait fourni à M. Eadie le même service qu’elle offre à ses autres clients, et que ce que M. Eadie demande est un service sensiblement, fonctionnellement et opérationnellement différent.

 

[20]           En rapport avec la note explicative du CRTC annonçant son audience publique relative aux questions d’accessibilité qui précise que le CRTC « ne réglemente pas l’équipement terminal et n’a pas de pouvoir de juridiction sur le design et la fabrication des appareils de communication conçus pour recevoir les services de télécommunications ou de radiodiffusion », MTS a expliqué que le CRTC ne pouvait pas réglementer l’équipement de manière à exiger que les fabricants ajoutent des fonctionnalités. Le CRTC réglemente seulement la fonctionnalité une fois qu’elle est intégrée à l’équipement.

 

[21]           MTS a également soutenu qu’elle avait avisé la Commission que le Groupe de travail sur la vidéodescription était sur le point de publier son rapport sur la question des signaux sonores avant que la Commission décide le 25 avril 2012 de renvoyer l’affaire. Ce rapport a par la suite été publié, et le Groupe de travail y a confirmé que du fait de la loi américaine Twenty‑First Century Communications and Video Accessibility Act of 2010, Pub L No 111‑260, 124 STAT 2751, la question avait été soumise à la commission fédérale des communications américaine. Cette dernière a créé un comité consultatif sur l’accessibilité à la programmation vidéo [Video Programming Accessibility Advisory Committee ou VPAAC] qui se penche actuellement sur la question, et cela pourrait éventuellement mener à ce que les fabricants américains soient tenus de fournir la fonctionnalité demandée.

 

III.       Rapport d’enquête final

[22]           Le rapport de l’enquêteuse de la CCDP a été parachevé et communiqué aux parties en septembre 2011. L’enquêteuse y recommandait que la Commission entende la plainte au motif qu’elle n’estimait pas que le CRTC puisse être saisi de l’allégation de discrimination dans le cadre des procédures relevant de sa compétence et que ces procédures n’étaient pas susceptibles d’être menées à terme dans un délai raisonnable.

 

[23]           Plus précisément, le rapport énonçait les conclusions suivantes :

a.       Il appert que le CRTC ne peut pas prononcer des ordonnances concernant les boîtiers décodeurs et les logiciels connexes en rapport avec l’accessibilité parce que cela semble outrepasser sa compétence. Il appert que le CRTC peut seulement encourager les radiodiffuseurs à cet égard.

 

b.      Le rapport du Groupe de travail sur la vidéodescription mentionne le fait que les menus des boîtiers décodeurs ne sont pas accessibles, mais il semble que le groupe de travail était dans l’attente des résultats de l’adoption aux États‑Unis de mesures législatives à cet égard.

 

c.       On ne savait pas avec certitude si la technologie nécessaire pour répondre aux besoins de M. Eadie existait. M. Eadie a soutenu qu’une solution existait sur le « marché secondaire » (TV Speak de Code Factory, une société américaine); MTS a dit être incapable d’intégrer cette technologie à son réseau parce qu’elle était sensiblement, fonctionnellement et opérationnellement différente du service de télévision que MTS fournit à ses clients.

 

d.      Bien qu’elle ait prétendu ne pas être en mesure d’intégrer la technologie à ses réseaux, MTS n’a pas présenté d’éléments de preuve indiquant qu’elle avait évalué le coût des solutions disponibles sur le marché secondaire et conclu que ce coût était prohibitif. MTS ne semblait pas se préoccuper comme il se doit des besoins en matière d’accessibilité des personnes ayant une déficience visuelle, attribuant aux abonnés ayant une telle déficience la responsabilité d’acheter, d’installer et de prendre à leur charge les appareils d’assistance et logiciels connexes afin d’accéder à des services qu’elle fournit.

 

e.       Il est dans l’intérêt public que les EDR examinent proactivement les besoins en matière d’accessibilité des personnes ayant une déficience visuelle lorsqu’elles font des demandes de renseignements et achètent de l’équipement terminal et des logiciels en vue de fournir des services aux abonnés ayant de tels besoins.

 

[24]           Compte tenu de ce qui précède, le rapport d’enquête conclut qu’une enquête devant le TCDP est justifiée pour les motifs suivants :

a.       l’enquêteuse n’était pas d’avis que l’allégation de discrimination puisse être considérée dans l’autre procédure (CRTC);

 

b.      l’autre procédure n’était pas susceptible d’être menée à terme dans un délai raisonnable.

 

[25]           La CCDP a examiné le rapport et les observations additionnelles des parties, puis, le 5 avril 2012, elle a rendu sa décision, aux termes de laquelle elle renvoyait la plainte au TCDP pour les motifs suivants :

a.       Le plaignant mettait en lumière le défi auquel se heurtent de nombreux fournisseurs de services lorsqu’il s’agit de faire en sorte que les technologies ne présentent pas d’obstacles aux Canadiens qui ont des déficiences.

 

b.      MTS a indiqué à de nombreuses reprises qu’elle était prête à trouver une solution viable dans le cadre des travaux du Groupe de travail sur la vidéodescription, mais elle n’a pas établi qu’offrir les fonctionnalités requises pour permettre aux plaignants d’avoir pleinement accès à des menus électroniques causerait une contrainte excessive.

 

c.       La plainte ne pourrait pas être avantageusement instruite par le CRTC parce que cet organisme a refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs.

 

d.      Le Groupe de travail sur la vidéodescription n’était pas « une procédure prévue par une autre loi fédérale » visée à l’alinéa 44(2)b) de la LCDP.

 

e.       On ne pouvait soutenir qu’une question déjà tranchée serait possiblement remise en cause étant donné que le CRTC n’a pas exercé sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs.

 

f.       Il se peut que l’équipement comme tel et le fabricant d’équipement échappent à la compétence de la Commission, mais quoi qu’il en soit c’est la sélection et l’utilisation de cet équipement par le mis en cause « pour la fourniture de services » [article 5 de la LCDP] qui intéresse la Commission.

 

IV.       Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

Loi canadienne sur les

droits de la personne

LRC (1985), ch H‑6

 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

 

a) d’en priver un individu;

 

 

 

 

b) de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

 

 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

 

[. . .]

 

 

b) la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale;

 

 

 

c) la plainte n’est pas de sa compétence;

 

 

[. . .]

 

44. (1) L’enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l’enquête.

 

 

 

(2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

 

 

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

 

 

 

 

(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

 

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

 

 

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

 

 

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

 

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

 

 

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

 

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

 

[Non souligné dans l’original.]

Canadian Human Rights Act, RSC, 1985, c H‑6

 It is a discriminatory practice in the provision of goods, services, facilities or accommodation customarily available to the general public

 

 

 

 

(a) to deny, or to deny access to, any such good, service, facility or accommodation to any individual, or

 

(b) to differentiate adversely in relation to any individual,

 

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

[...]

 

 (1) Subject to section 40, the Commission shall deal with any complaint filed with it unless in respect of that complaint it appears to the Commission that

 

 

[. . .]

 

(b) the complaint is one that could more appropriately be dealt with, initially or completely, according to a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act;

 

 

(c) the complaint is beyond the jurisdiction of the Commission;

 

[. . .]

 

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

 

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

 

 

 

 

(a)  that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

 

 

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act, it shall refer the complainant to the appropriate authority.

 

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

 

 

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

 

 

 

(i)  that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

 

 

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

 

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

 

(i)  that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

 

[Emphasis added]

 

Loi sur la radiodiffusion

LC 1991, ch. 11

 (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

 

a) le système canadien de radiodiffusion doit être, effectivement, la propriété des Canadiens et sous leur contrôle;

 

[. . .]

 

 

p) le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens;

 

[. . .]

 

(2) Il est déclaré en outre que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.

 

 

5. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, ainsi que de la Loi sur la radiocommunication et des instructions qui lui sont données par le gouverneur en conseil sous le régime de la présente loi, le Conseil réglemente et surveille tous les aspects du système canadien de radiodiffusion en vue de mettre en oeuvre la politique canadienne de radiodiffusion.

 

 

 

(2) La réglementation et la surveillance du système devraient être souples et à la fois :

 

[. . .]

 

g) tenir compte du fardeau administratif qu’elles sont susceptibles d’imposer aux exploitants d’entreprises de radiodiffusion.

 

 

 

(3) Le Conseil privilégie, dans les affaires dont il connaît, les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion en cas de conflit avec ceux prévus au paragraphe (2).

Broadcasting Act, SC 1991,

c 11

 

 (1) It is hereby declared as the broadcasting policy for Canada that

 

 

(a) the Canadian broadcasting system shall be effectively owned and controlled by Canadians;

 

 

[. . .]

 

 

(p) programming accessible by disabled persons should be provided within the Canadian broadcasting system as resources become available for the purpose;

 

[. . .]

 

(2) It is further declared that the Canadian broadcasting system constitutes a single system and that the objectives of the broadcasting policy set out in subsection (1) can best be achieved by providing for the regulation and supervision of the Canadian broadcasting system by a single independent public authority.

 

 

 (1) Subject to this Act and the Radiocommunication Act and to any directions to the Commission issued by the Governor in Council under this Act, the Commission shall regulate and supervise all aspects of the Canadian broadcasting system with a view to implementing the broadcasting policy set out in subsection 3(1) and, in so doing, shall have regard to the regulatory policy set out in subsection (2).

 

 

(2) The Canadian broadcasting system should be regulated and supervised in a flexible manner that

 

[. . .]

 

(g) is sensitive to the administrative burden that, as a consequence of such regulation and supervision, may be imposed on persons carrying on broadcasting undertakings.

 

(3) The Commission shall give primary consideration to the objectives of the broadcasting policy set out in subsection 3(1) if, in any particular matter before the Commission, a conflict arises between those objectives and the objectives of the regulatory policy set out in subsection (2).

 

 

Règles de pratique et de procédure du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, DORS/2010‑277

 Toute plainte d’un consommateur qui ne se rapporte à aucune demande :

 

a) est déposée auprès du Conseil;

 

b) indique les nom et adresse du plaignant et de tout représentant autorisé, et leur adresse électronique, s’ils en possèdent une;

 

c) indique le nom de la personne visée;

 

 

d) renferme un énoncé clair et concis des faits pertinents, de ses motifs et de la nature de la décision recherchée;

 

 

e) indique si le plaignant souhaite recevoir les documents relatifs à la plainte dans un média substitut.

 

Canadian Radio‑television and Telecommunications Commission Rules of Practice and Procedure, SOR/2010‑277

 A consumer complaint that is not related to an application must

 

(a) be filed with the Commission;

 

(b) set out the name and address of the complainant and any designated representative and the email address of each, if any;

 

(c) set out the name of the person against whom it is made;

 

(d) contain a clear and concise statement of the relevant facts, the grounds of the complaint and the nature of the decision sought; and

 

(e) state whether the complainant wishes to receive documents related to the complaint in an alternative format.

 

V.        Questions en litige

[26]           La demanderesse soutient qu’il y a quatre questions à examiner :

a.       Quels sont les principes qui régissent les décisions de la Commission mettant en cause l’alinéa 41(1)b), et quelles sont les normes de contrôle applicables?

 

b.      La Commission a‑t‑elle manqué de rigueur dans la tenue de son enquête et en rendant sa décision en raison d’une conception erronée de l’objet et du but de l’alinéa 41(1)b)?

 

c.       La décision de la Commission selon laquelle le CRTC a refusé d’exercer sa compétence à l’égard de l’objet de la plainte était‑elle déraisonnable?

 

d.      La Cour peut‑elle déterminer à ce stade‑ci si le CRTC a compétence exclusive sur l’objet de la plainte?

 

A.   Quels sont les principes qui régissent les décisions de la Commission mettant en cause l’alinéa 41(1)b), et quelles sont les normes de contrôle applicables?

 

(1)  Principes généraux régissant le déroulement des enquêtes de la Commission

[27]           La juge Mactavish a récemment repris de façon exhaustive, dans la décision Syndicat canadien des employés de la fonction publique (division du transport aérien) c Air Canada, 2013 CF 184, les principes généraux régissant le déroulement des enquêtes de la Commission, que j’adopte et qui figurent aux paragraphes 60 à 74 de sa décision, reproduits ci‑dessous :

 

Principes généraux régissant le déroulement des enquêtes de la Commission

 

[60]           Le rôle de la Commission canadienne des droits de la personne a été examiné par la Cour suprême du Canada dans Cooper c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1996] A.C.S. no 115, [1996] 3 R.C.S. 854. Dans cet arrêt, la Cour a fait observer que la Commission n’était pas un organisme décisionnel et que c’était au Tribunal canadien des droits de la personne qu’il revenait de trancher les plaintes en matière de droits de la personne.

 

[61]           La Commission exerce plutôt des fonctions d’administration et d’examen préalables. Son rôle consiste « à déterminer si, aux termes des dispositions de la Loi et eu égard à l’ensemble des faits, il est justifié de tenir une enquête. L’aspect principal de ce rôle est alors de vérifier s’il existe une preuve suffisante » (arrêt Cooper, précité, au paragraphe 53; voir également Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] A.C.S. no 103, [1989] 2 R.C.S. 879 [SEPQA]).

 

[62]           La Commission dispose d’un large pouvoir discrétionnaire qui lui permet de décider si, « compte tenu des circonstances relatives à la plainte », la poursuite de l’enquête est justifiée (Halifax (Regional Municipality) c. Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, [2012] 1 R.C.S. 364, aux paragraphes 26 et 46; Mercier c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] 3 C.F. 3, [1994] 3 A.C.F. no 361 (C.A.F.)).

 

[63]           D’ailleurs, dans l’arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113, [1998] A.C.F. no 1609 [Bell Canada], la Cour d’appel fédérale a fait observer que « [l]a Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude dans l’exécution de sa fonction d’examen préalable au moment de la réception d’un rapport d’enquête » (au paragraphe 38).

 

[64]           Dans la décision Slattery c. Canada (Condition canadienne des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574, [1994] A.C.F. no 181, conf. par [1996] A.C.F. no 385, 205 N.R. 383 (C.A.F.), la Cour a analysé le contenu de l’obligation d’équité procédurale exigé dans le cadre des enquêtes menées par la Commission. La Cour a fait observer que, pour s’acquitter de l’obligation que la loi lui impose de faire enquête sur les plaintes de discrimination, la Commission doit mener des enquêtes à la fois neutres et exhaustives.

 

[65]           En ce qui concerne l’obligation d’exhaustivité, la Cour fédérale a fait observer dans la décision Slattery qu’« [i]l faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes ». Par conséquent, « [c]e n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose » (au paragraphe 56).

 

[66]           Au sujet de ce qui constitue une « preuve manifestement importante », la Cour a déclaré que « “le critère [de la preuve] manifestement importante” exige qu’il soit évident pour n’importe quelle personne rationnelle que la preuve qui, selon le demandeur, aurait dû être examinée durant l’enquête était importante compte tenu des éléments allégués dans la plainte » (Gosal c. Canada (Procureur général), 2011 CF 570, [2011] A.C.F. no 1147, au paragraphe 54; Beauregard c. Postes Canada, 2005 CF 1383, [2005] A.C.F. no 1676, au paragraphe 21).

 

[67]           L’exigence d’exhaustivité des enquêtes doit également être examinée en fonction des réalités administratives et financières de la Commission et de l’intérêt de la Commission « à préserver un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif » (Boahene‑Agbo c. (Commission canadienne des droits de la personne), [1994] A.C.F. no 1611, 86 F.T.R. 101, aux paragraphes 79, citant la décision Slattery, précitée, au paragraphe 55).

 

[68]           Dans ce contexte, la jurisprudence a établi qu’il n’est pas nécessaire que les enquêtes de la Commission soient parfaites. Ainsi que la Cour d’appel fédérale l’a fait observer dans l’arrêt Tahmourpour c. Canada (Solliciteur général), 2005 CAF 113, [2005] A.C.F. no 543, au paragraphe 39 :

Tout contrôle judiciaire d’une procédure de la Commission doit reconnaître que l’organisme est maître de son processus et doit lui laisser beaucoup de latitude dans la façon dont il mène ses enquêtes. Une enquête portant sur une plainte concernant les droits de la personne ne doit pas être astreinte à une norme de perfection. Il n’est pas nécessaire de remuer ciel et terre. Les ressources de la Commission sont limitées et son volume de travail est élevé. Celle‑ci doit alors tenir compte des intérêts en jeu : ceux des plaignants à l’égard d’une enquête la plus complète possible et l’intérêt de la Commission à assurer l’efficacité du système sur le plan administratif. [Renvois omis.]

 

 

[69]           Suivant la jurisprudence, il est également possible de corriger certaines des lacunes de l’enquête en accordant aux parties le droit de formuler leurs observations au sujet du rapport d’enquête.

 

[70]           Par exemple, dans Slattery, la Cour a fait observer que lorsque, comme en l’espèce, elles ont eu la possibilité de présenter des observations en réponse au rapport de l’enquêteur, les parties peuvent compenser les omissions moins graves en les portant à l’attention de la Commission. Par conséquent, « ce ne serait que lorsque les plaignants ne sont pas en mesure de corriger de telles omissions que le contrôle judiciaire devrait se justifier », ce qui comprendrait notamment « les cas où l’omission est de nature si fondamentale que le seul fait d’attirer l’attention du décideur sur l’omission ne suffit pas à y remédier ». L’intervention judiciaire peut également être justifiée en cas de « rejet explicite » d’une preuve de fond par la Commission (tous les passages précités sont tirés du paragraphe 57 de la décision Slattery,).

 

[71]           De même, dans l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056, la Cour d’appel fédérale a fait observer que les seules erreurs qui justifient l’intervention de la cour de révision sont les « erreurs d’enquête qui sont à ce point fondamentales que les observations complémentaires des parties ne peuvent y remédier » (au paragraphe 38).

 

[72]           Lorsque, comme en l’espèce, la Commission adopte les recommandations formulées dans un rapport d’enquête et fournit peu de motifs à l’appui de sa décision, le rapport d’enquête est considéré comme constituant le raisonnement de la Commission lorsque cette dernière est appelée à prendre la décision prévue au paragraphe 44(3) de la Loi (arrêt SEPQA, précité, au paragraphe 35; arrêt Bell Canada, précité, au paragraphe 30).

 

[73]           Toutefois, la décision de la Commission de rejeter une plainte en se fondant sur une enquête comportant des lacunes sera elle‑même considérée déficiente parce que « si les rapports sont défectueux, il s’ensuit que la Commission ne disposait pas d’un nombre suffisant de renseignements pertinents pour exercer à bon droit son pouvoir discrétionnaire » (Grover c. Canada (Conseil national de recherches), 2001 CFPI 687, [2001] A.C.F. no 1012, au paragraphe 70; voir également l’arrêt Sketchley, précité, au paragraphe 112).

 

[74]           Gardant à l’esprit cette conception du rôle et des obligations de la Commission canadienne des droits de la personne lorsqu’elle enquête sur les plaintes en matière de discrimination, je passe maintenant à l’examen des arguments formulés par le SCFP sur le manque d’exhaustivité de l’enquête qui a été menée en l’espèce.

 

 

(2)  Compétence et norme de la décision correcte

 

[28]           La demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable à la question de la compétence, particulièrement lorsqu’il s’agit des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents, est celle de la décision correcte. La demanderesse exhorte la Cour à distinguer la présente affaire d’arrêts récents de la Cour d’appel fédérale qui donnent à entendre que la norme de la décision raisonnable s’applique dans les situations où la Commission rejette une plainte sans la renvoyer au Tribunal. La demanderesse soutient que ces arrêts ne tiennent pas compte de l’exception prévue dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], au paragraphe 61, dans lequel la Cour suprême a statué que les questions relatives à la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents étaient susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[29]           Je ne suis pas d’accord avec la première proposition – à savoir que la Cour d’appel fédérale n’était pas consciente que la norme de la décision correcte s’applique normalement lors de l’examen de questions concernant la délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents. En fait, dans un des arrêts mentionnés par la demanderesse, Keith c Service correctionnel du Canada, 2012 CAF 117 [Keith], la Cour d’appel a confirmé la décision de notre Cour statuant que lorsque la Commission rejette une plainte en vertu de l’alinéa 44(3)b) pour des motifs liés à la compétence, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte.

 

[30]           Cependant, dans l’arrêt Keith, la Cour a également reconnu que lorsque la Commission renvoie la plainte au TCDP, la norme de la décision raisonnable devrait être appliquée comme l’enseigne la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 SCC 10 [Halifax], qui a été rendu après l’arrêt Dunsmuir. La Cour d’appel a formulé des commentaires sur cette question au paragraphe 46 de ses motifs :

[44]    Il est bien établi que la décision de la Commission de renvoyer une plainte au Tribunal est susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable (Halifax, aux paragraphes 27, 40 et 44 à 53; Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, [1999] 1 C.F. 113 (C.A.), au paragraphe 38). Dans l’arrêt Halifax, le juge Cromwell s’est récemment penché sur la question de la norme de contrôle applicable en pareil cas. Il a conclu que « le tribunal de révision qui contrôle la décision de la Commission de demander la nomination d’une commission chargée d’enquêter sur une plainte doit se demander si la loi ou la preuve offre un fondement raisonnable à cette décision » (Halifax, au paragraphe 53). Même si l’arrêt Halifax portait sur les fonctions d’examen préalable exercées par la Commission des droits de la personne de la Nouvelle‑Écosse, les conclusions que la Cour a tirées dans cet arrêt s’appliquent tout autant aux fonctions d’examen préalable qui sont attribuées à la Commission canadienne des droits de la personne (Halifax, au paragraphe 52).

 

[. . .]

 

[46]    Le juge Cromwell a bien pris soin de préciser que la conclusion tirée dans l’arrêt Halifax ne valait que pour les cas où la plainte est renvoyée à un tribunal en vue d’un examen plus poussé. En pareil cas, tout intéressé peut faire valoir son point de vue et soumettre des éléments de preuve appropriés à la seconde étape du processus; en conséquence, le fait de renvoyer la plainte pour qu’elle soit examinée plus à fond ne constitue pas une décision définitive sur la plainte. Comme le juge Cromwell le fait observer au paragraphe 15 de l’arrêt Halifax, « [l]a seule mesure prise par la Commission avait été de renvoyer la plainte à une commission d’enquête. Elle n’avait tranché aucune question sur le fond » (voir également les paragraphes 23 et 50 de l’arrêt Halifax). Le rejet ordonné en vertu de l’alinéa 44(3) b) de la Loi a toutefois pour effet d’empêcher la Commission et le Tribunal de poursuivre l’examen ou l’instruction de la plainte.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[31]           Certes, dans l’affaire Keith, où la plainte avait été rejetée, la Cour a opéré une distinction selon que la décision de rejeter une plainte se fonde sur des raisons de compétence ou sur d’autres motifs; les questions de compétence sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte, tandis que les questions qui ne concernent pas la compétence sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Toutefois, la Cour n’a nullement laissé entendre que les décisions portant sur des questions liées à la compétence lorsqu’il y a renvoi au TCDP sont susceptibles de contrôle selon une norme autre que celle de la décision raisonnable. Si les questions de compétence exclusive en cas de renvoi ne sont pas assujetties à la norme de la décision raisonnable, il s’ensuit que celles qui se posent au regard de l’alinéa 41(1)b) concernant un chevauchement de compétences sont elles aussi susceptibles de contrôle selon la norme de la décision déraisonnable. Pour ces motifs, je rejette la thèse de la demanderesse selon laquelle la norme de contrôle de la décision correcte devrait s’appliquer au contrôle de la décision de la Commission de renvoyer une affaire au TCDP après avoir envisagé l’application de l’alinéa 41(1)b), ou, lorsque la question de la compétence exclusive d’un autre décideur a été soulevée en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la Loi.

 

[32]           Ce dernier point est pertinent parce que les EDR soutiennent que je devrais contrôler la question de la compétence soulevée sur le fondement de l’alinéa 41(1)c) même si celle‑ci n’a pas été soulevée devant la Commission. Les EDR soutiennent que les véritables questions de compétence peuvent être soulevées à tout stade d’une procédure. Je rejette cet argument, notamment parce que, si la question de la compétence exclusive avait été soulevée devant la Commission et l’affaire avait été renvoyée au TCDP, je pourrais seulement la contrôler selon la norme de la décision raisonnable. Il serait illogique de contrôler la question de la compétence absolue selon la norme de la décision correcte si elle était soulevée pour la première fois au stade du contrôle, mais selon la norme de la décision raisonnable si j’avais été saisi de la question après le refus de la Commission de rejeter la plainte.

 

[33]           Je signale aussi qu’évidemment les conclusions qui précèdent reposent sur la prémisse qu’il est loisible à la demanderesse et aux EDR intervenantes de débattre pleinement des questions de compétence visées aux alinéas 41(1)b) et c) lorsqu’elles seront devant le TCDP. Tel est clairement le cas des questions de compétence exclusive, qui peuvent être soulevées à toute étape du processus décisionnel, mais aussi celles, visées à l’alinéa 41(1)b), qui concernent le chevauchement de compétences. L’arrêt Halifax est fondé sur la prémisse que la décision de renvoyer l’affaire n’est pas une décision statuant sur la compétence, mais simplement une décision portant qu’il existe des motifs suffisants pour renvoyer l’affaire au Tribunal. Cela est important parce que les critères que le Tribunal devra appliquer pour déterminer la procédure appropriée lorsque des compétences se chevauchent tracent également la voie à suivre par la Commission et aux fins de l’enquête pour assurer un processus d’examen préalable rigoureux répondant aux exigences de la loi.

 

(3)  Rigueur et équité

[34]             La demanderesse soutient également qu’étant donné que la rigueur constitue un aspect de l’obligation de mener une enquête équitable, la norme de la décision correcte s’applique; elle s’appuie à cet égard sur la décision souvent citée Slattery c Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 CF 574 (1re inst.) [Slattery]. Cette décision semble étayer la thèse selon laquelle la question de la rigueur, en tant qu’aspect de l’équité, devrait être contrôlée selon la norme de la décision correcte, tout en soulignant la nécessité de faire preuve de retenue quant à la manière dont l’enquête est menée, comme le notait la juge MacTavish dans son résumé précité. Je cite les paragraphes 49, 55 et 56 de la décision Slattery, qui décrivent le mieux cette contradiction apparente concernant la norme de contrôle :

49    Pour qu’il existe un fondement juste pour que la CCDP estime qu’il y a lieu de constituer un tribunal en vertu de l’alinéa 44(3)a) de la Loi, je crois que l’enquête menée avant cette décision doit satisfaire à au moins deux conditions : la neutralité et la rigueur.

[. . .]

 

55     Pour déterminer le degré de rigueur de l’enquête qui doit correspondre aux règles d’équité procédurale, il faut tenir compte des intérêts en jeu : les intérêts respectifs du plaignant et de l’intimé à l’égard de l’équité procédurale, et l’intérêt de la CCDP à préserver un système qui fonctionne et qui soit efficace sur le plan administratif. En réalité, l’extrait suivant de l’ouvrage Discrimination and the Law du juge Tarnopolsky (Don Mills: De Boo, 1985), à la page 131, semble aussi s’appliquer à la détermination du degré de rigueur nécessaire pour l’enquête :

 

[traduction] Avec la lourde charge de travail qui est imposée aux Commissions et la complexité croissante des questions de droit et de fait en cause dans bon nombre des plaintes, ce serait se condamner à un cauchemar administratif que de tenir une pleine audience orale avant de rejeter une plainte que l’enquête a estimée ne pas être fondée. D’autre part, la Commission ne devrait pas évaluer la crédibilité lorsqu’elle prend ces décisions, et elle devrait être consciente du simple fait que le rejet de la plupart des plaintes entraîne la perte de tous les autres moyens de réparation légale pour le préjudice que la personne invoque.

 

56     Il faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes. Ce n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose. Un tel point de vue correspond à la retenue judiciaire dont la Cour suprême a fait preuve à l’égard des activités d’appréciation des faits du Tribunal des droits de la personne dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[35]           Selon ce que je comprends des passages précités de la décision Slattery, il semblerait que la question de la rigueur mesurée à l’aune de l’équité se pose dans des situations très exceptionnelles, notamment lorsqu’un enquêteur outrepasse sa compétence. C’est cet exemple qui est évoqué dans l’extrait du traité du juge Tarnopolsky dans lequel il est question d’une décision inéquitable reposant sur une conclusion relative à la crédibilité. Même là, il est noté qu’il n’est pas question d’une décision de renvoyer une plainte mais plutôt d’une décision de rejeter une plainte là où « il y a lieu de procéder à un examen plus poussé » [Keith au paragraphe 45]. En outre le problème décrit est celui d’une situation inéquitable découlant d’une enquête « trop » poussée ou rigoureuse par opposition à une enquête qui n’a pas été faite de façon suffisamment approfondie.

 

[36]           L’examen du caractère rigoureux s’intéresse au défaut de l’enquêteur d’avoir examiné des éléments de preuve manifestement importants, soit parce qu’il n’a pas tenu compte de facteurs importants, soit parce qu’il n’a pas poussé l’enquête assez loin au sujet d’un facteur en particulier alors qu’il va sans dire que cela était nécessaire. Compte tenu de la nature administrative de l’enquête et du vaste pouvoir discrétionnaire de l’enquêteur, il ne serait pas approprié d’appliquer la norme de la décision correcte à la question du caractère approfondi ou rigoureux d’une enquête lorsqu’elle s’est soldée par un renvoi de la plainte à la CCDP. Une décision de rejeter la plainte au stade de l’examen préalable suppose un examen plus rigoureux dans le cadre d’une enquête plus poussée, mais, en ce qui concerne la détermination par l’enquêteur de la nature et de la portée de l’enquête, la décision commande néanmoins la déférence.

 

[37]           Je suis donc d’avis qu’on ne peut invoquer la décision Slattery au soutien de la thèse selon laquelle la Cour devrait appliquer la norme de la décision correcte au titre d’un aspect de l’obligation d’équité de l’enquêteur, lors de l’examen du caractère rigoureux d’une enquête. L’approche décrite par la juge MacTavish dans son exposé relatif aux exigences d’une enquête aux paragraphes 65 à 71 précités de sa décision reflète l’état du droit concernant la question du caractère rigoureux d’une enquête. Prises dans leur ensemble, il ressort de ces exigences que la norme de la décision raisonnable s’applique lors de l’appréciation du caractère rigoureux d’une enquête et d’une décision de la Commission rendue en vertu du paragraphe 41(1) de la LCDP.

 

VI.       Analyse

B.   La Commission a‑t‑elle manqué de rigueur dans la tenue de son enquête et en rendant sa décision en raison d’une conception erronée de l’objet et du but de l’alinéa 41(1)b)?

 

(4)  Le caractère rigoureux et l’alinéa 41(1)b)

 

[38]           Tel qu’indiqué dans l’arrêt Halifax au paragraphe 53, un tribunal peut seulement annuler une décision de la Commission de renvoyer une plainte au TCDP s’il conclut que ni la loi ni la preuve n’offrent de fondement raisonnable à la décision. La tâche consiste dans une large mesure à déterminer le caractère raisonnable et suffisant de la preuve dans le cadre d’une procédure administrative d’examen préalable qui n’appelle pas de décision sur le fond, ce qui dépend dans une large mesure du caractère rigoureux de l’enquête. En outre, des conclusions clairement déraisonnables tirées à partir d’éléments de preuve ou de la loi peuvent également avoir une incidence sur la légalité de la décision dans certaines circonstances.

 

[39]           La Cour suprême a souligné que la raisonnabilité est hautement contextuelle et que la loi constitue le facteur contextuel fondamental en ce qu’elle définit la portée du pouvoir décisionnel. Par exemple, dans l’arrêt Catalyst Paper Corp c North Cowichan (District), 2012 CSC 2, au paragraphe 18, la Cour a affirmé ce qui suit :

 La réponse réside dans le fait que Dunsmuir reconnaît que le caractère raisonnable de la décision s’apprécie dans le contexte du type particulier de processus décisionnel en cause et de l’ensemble des facteurs pertinents. Il s’agit essentiellement d’une analyse contextuelle (Dunsmuir, par. 64). Comme l’a dit le juge Binnie dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 59, « [l]a raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte. » La question fondamentale est de savoir quelle est la portée du pouvoir décisionnel que la loi a conféré au décideur. La portée du pouvoir décisionnel d’un organisme est déterminée par le type de situation en question.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[40]           Le contexte législatif d’une enquête visant à déterminer si une plainte pourrait au sens de l’alinéa 41(1)b) être avantageusement instruite selon des procédures prévues par une autre loi fédérale influe aussi bien sur l’enquête que sur la décision de la Commission. Il la fait également entrer dans une catégorie différente de celle des enquêtes et décisions que la Commission est plus fréquemment appelée à mener et à rendre, en imposant certaines contraintes quant aux questions devant être examinées.

 

[41]           La prise en compte de la loi ne vise pas à soumettre indirectement l’enquête ou la décision à la norme du caractère correct. Le fait est tout simplement que le contexte légal définit les questions que le Tribunal doit examiner si l’affaire lui est renvoyée. Il faut aussi qu’il soit porté attention à ces questions lors de l’enquête et dans la décision de la Commission, mais dans le contexte d’un processus d’examen préalable visant à déterminer si suffisamment d’éléments de preuve portent sur ces questions, et ce, afin de décider si l’affaire devrait être renvoyée au Tribunal. S’il est fait abstraction de questions qui sont pertinentes en raison du contexte législatif, il en résulte un manque de rigueur et une preuve insuffisante, de sorte que la Cour conclura vraisemblablement que ni la loi ni la preuve n’offrent de fondement raisonnable à la décision.

 

[42]           Le mot « avantageusement » employé à l’alinéa 41(1)b) indique que l’enquête et la décision doivent être de nature comparative. La mention de procédures prévues par une autre loi fédérale implique une comparaison entre, d’une part, le caractère approprié de la procédure d’instruction de la plainte sous le régime de la LCDP, et d’autre part, le caractère approprié de la procédure ou des procédures prévues par une autre loi, dans ce cas‑ci la Loi sur la radiodiffusion et les procédures relevant de la compétence du CRTC. Le TCDP et le CRTC sont tous deux des tribunaux spécialisés. Dans la mesure où l’enquêteur de la Commission est déjà bien au fait des procédures sous le régime de la LCDP, il est essentiel que l’enquête, menée avec la rigueur voulue, s’attache à déterminer s’il est approprié (ou non) que le CRTC instruise la plainte sous le régime de la Loi sur la radiodiffusion.

 

[43]           Cela requiert d’apparier la plainte au tribunal spécialisé le plus approprié. Mais avant de pouvoir faire cela, l’enquêteur doit déterminer l’essence du litige dans son contexte factuel. J’attribue cette tâche à la Commission en m’appuyant sur un courant jurisprudentiel qui commence par l’arrêt Weber c Ontario Hydro, 1995 CanLII 108 (CSC), [1995] 2 RCS 929 [Weber], où la Cour suprême a décrit un processus en deux étapes pour déterminer si un des deux tribunaux spécialisés avait compétence exclusive sur l’affaire, soit la question que pose l’alinéa 41(1)c) de la LCDP. La première étape consiste à déterminer quelle est l’essence du litige dans son contexte factuel. Ensuite, la cour doit examiner la nature des régimes législatifs en place qui pourraient conférer à un tribunal spécialisé compétence exclusive sur le litige. Voir, par exemple, Regina Police Assn Inc c Regina (City) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14 [Regina Police Association]; Québec (Procureur général) c Québec (Tribunal des droits de la personne), 2004 CSC 40 [Québec]. L’affaire Québec présente une grande ressemblance avec la présente affaire en ce qui concerne la délimitation des rôles respectifs d’un tribunal des droits de la personne et d’un tribunal spécialisé en matière de services sociaux.

 

[44]           On ne nous a fait mention d’aucune décision établissant le critère que le Tribunal serait tenu d’appliquer pour déterminer lequel de deux tribunaux spécialisés dont les compétences se chevauchent est le plus « approprié » pour instruire une plainte en application de l’alinéa 41(1)b) de la LCDP. Je décrirais le critère de l’alinéa 41(1)b) comme un « hybride », issu du critère servant à déterminer l’existence d’une compétence exclusive, qui entre en jeu lorsque des compétences se chevauchent. Le législateur a donné instruction à la Commission de s’assurer qu’ une procédure relevant de l’autre organisme décisionnel dont les compétences recoupent celle du TCDP n’est pas plus appropriée dans les circonstances.

 

[45]           À cet égard, je conclus que le critère de l’article 41(1)b) devrait faire appel à plusieurs des facteurs pris en compte dans l’application du critère servant à déterminer l’existence d’une compétence exclusive, ainsi que des facteurs additionnels propres au chevauchement de compétences. Ainsi, le critère peut comprendre d’autres facteurs, comme la nature des procédures devant l’autre tribunal, et comment celui‑ci a exercé son pouvoir discrétionnaire dans le passé, aussi bien de manière générale que dans les circonstances particulières de l’espèce lorsque le plaignant a déjà comparu devant lui dans une affaire similaire. Le tribunal pourrait aussi examiner la question de savoir si l’autre tribunal a conclu qu’il n’avait pas compétence, ce que la Commission a estimé que le CRTC a fait en l’espèce.

 

[46]           Mais, comme point de départ, je conclus que le tribunal qui rend une décision en vertu de l’alinéa 41(1)b) doit dans une certaine mesure adopter le processus en deux étapes. Le critère adopté par la Cour suprême vise de manière générale la question de la délimitation des compétences respectives de tribunaux concurrents et, qui plus est, il est fondé sur le bon sens. Par où commencer l’analyse de la procédure la plus appropriée pour régler un litige si ce n’est par la qualification du litige dans son contexte factuel? De même, la détermination du caractère approprié de la compétence spécialisée d’un tribunal dépend évidemment dans une large mesure du régime législatif par lequel le législateur lui a conféré ses pouvoirs de trancher des litiges donnés. Les directives législatives peuvent en outre être complétées par les pratiques du deuxième tribunal, dans ce cas‑ci le CRTC, pour déterminer quelle compétence et quelle expertise ce tribunal a exercée et développée au fil des ans en rapport avec le genre de litige dont il est question.

 

[47]           Si le TCDP est tenu d’examiner ces questions, l’enquêteur et la Commission, lorsqu’ils procèdent à un examen préalable en vue de renvoyer l’affaire au Tribunal, doivent également pour se prononcer examiner des éléments de preuve relatifs à l’essence du litige et au rôle que le législateur a confié à l’autre tribunal et celui dont il s’est acquitté par le passé. Autrement dit, la Commission doit examiner la nature du litige – les principales questions qu’il soulève et la nature des éléments de preuve qui seront présentés relativement à ces questions – et le caractère approprié de la compétence spécialisée que le législateur a confiés à l’autre tribunal pour mieux trancher le litige.

 

[48]           On ne saurait mettre en doute que l’exigence faite à l’enquêteur et à la Commission d’examiner les paramètres législatifs relatifs aux compétences concurrentes en vertu de l’alinéa 41(1)b) est un élément essentiel de l’enquête et de la décision de la Commission. À l’instar d’une décision en vertu de l’alinéa 41(1)c) concernant la compétence exclusive, la décision rendue à la suite de l’examen préalable relatif à l’alinéa 41(1)b) repose fortement sur la loi et son interprétation. Cette dernière question doit être tranchée en tenant peu, voire aucunement, compte des faits, hormis aux fins de cerner l’essence du litige. La Commission dispose de conseillers juridiques spécialisés auxquels elle peut faire appel, ce qu’elle aurait d’ailleurs dû faire en l’espèce. Compte tenu de l’exigence législative de rejeter des plaintes en vertu des alinéas 41(1)b) et c), la Commission doit procéder à un examen minutieux des régimes législatifs pertinents lorsqu’elle décide de renvoyer ou non une affaire au Tribunal.

 

[49]           Par conséquent, de façon générale, en l’espèce, dans le cadre de son processus d’examen préalable, la Commission doit examiner, en procédant à une enquête approfondie, mais non exhaustive, la question de savoir si l’essence du litige vise des droits de la personne en matière de discrimination ou des questions de contraintes qui semblent s’accorder avec le mandat que la loi confère au Tribunal et son expérience spécialisée en matière de droits de la personne, ou s’il appert, de manière claire et convaincante, que, de par son essence, le litige, concerne plutôt des questions liées à la radiodiffusion, et que les questions de droits de la personne qui se posent peuvent être avantageusement examinées par le CRTC. Par exemple, est‑ce qu’une question de discrimination est véritablement en cause? Dans la négative, les questions et les éléments de preuve centraux portent‑ils sur les difficultés liées à la faisabilité, aux coûts et au moment de l’adoption de politiques de mise en œuvre de nouvelles technologies permettant de rendre la radiodiffusion de programmes accessible aux personnes ayant une déficience visuelle partout au Canada? Si tel est le cas, y a‑t‑il un motif quelconque de ne pas conclure que le législateur a clairement, mais non exclusivement, chargé le CRTC de trancher le litige dans le cadre de son régime législatif, en conformité avec ses pratiques et son expérience spécialisées en la matière?

 

[50]           Le critère qui précède demeure fondé sur la suffisance des éléments de preuve pour renvoyer le litige au Tribunal. Le critère moins exigeant auquel il doit être satisfait pour que l’affaire soit renvoyée au Tribunal trouve écho dans le fardeau plus exigeant qui incombe au défendeur de démontrer de manière claire et convaincante à la Commission que l’autre procédure prévue par la loi permettrait avantageusement de trancher le litige. Cela fait contraste avec la responsabilité du Tribunal, qui consiste à déterminer, selon la prépondérance des probabilités, quel tribunal est le mieux placé pour entendre l’affaire.

 

[51]           À mon avis, si la Commission avait mené une enquête approfondie sur la question de savoir quelle est le tribunal approprié, elle aurait conclu que le CRTC était prima facie le tribunal le plus approprié pour instruire la plainte en l’espèce. Partant de là, je suis également d’avis que la Commission ne serait pas arrivée à la conclusion déraisonnable que le CRTC avait décliné compétence, puisque tout sauf un examen des plus superficiels de cette question aurait confirmé que tel n’était pas le cas.

 

(5)  Essence du litige et nature de la procédure

[52]           Compte tenu de son contexte factuel, l’essence du litige concerne l’identification de solutions techniques pour assurer l’accessibilité, puis la faisabilité de la mise en œuvre de ces solutions et les contraintes que leur mise en place causerait. Premièrement, il y a la question primordiale de savoir si seulement la solution technique « du marché secondaire » proposée par M. Eadie fonctionnerait. Deuxièmement, s’il existe une solution technique, encore faut‑il déterminer si la solution alléguée peut être intégrée au réseau de MTS dans la pratique. Troisièmement, si une solution technique paraît faisable et intégrable, la question demeure de savoir si elle imposerait une contrainte excessive à MTS et, par inférence, aux autres EDR partout au Canada, qui sont intervenues dans la présente procédure et qui seront touchées par la décision.

 

[53]           Au sujet de l’essence du litige, la Commission s’est exprimée en des termes généraux, sans donner de précisions sur la question des contraintes et de l’accommodement, en cernant dans une certaine mesure la nature du litige, mais en se bornant à conclure que MTS n’avait fourni aucun motif justifiable concernant le fait qu’aucune solution technique n’était selon elle disponible. Cependant, le rapport d’enquête a confirmé que le litige soulevait essentiellement des questions techniques du domaine de la radiodiffusion; en effet, le rapport consacre plusieurs pages au débat entre les parties quant à savoir si une solution technique est disponible et, le cas échéant, si elle peut être intégrée au système de radiodiffusion. À cet égard, l’enquêteuse a seulement reconnu dans sa conclusion qu’on ne pouvait dire avec certitude qu’une solution technique était disponible pour assurer l’accessibilité comme le demandait M. Eadie, mais qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour justifier une enquête à cet égard ainsi que sur les contraintes que pourrait causer la mise en œuvre de la solution.

 

[54]           Là n’est pas la question que doit trancher la Commission au titre de l’alinéa 41(1)b). En l’espèce, le litige ne résidait pas dans la question de savoir s’il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour renvoyer l’affaire au TCDP, ce à quoi se limite normalement l’examen préalable d’une plainte. La question qui n’a jamais été abordée pendant l’enquête est celle de savoir si le CRTC était le tribunal le plus approprié pour trancher le litige. À cette fin, il fallait cerner l’essence du litige et procéder à un examen minutieux des procédures relevant de la compétence du CRTC, au cours duquel la question de la suffisance des éléments de preuve serait considérée.

 

[55]           L’enquêteuse et la Commission ne pouvaient pas arriver à la conclusion que le CRTC avait refusé d’exercer sa compétence sans déterminer d’abord si le CRTC était le tribunal le plus approprié pour trancher le litige. Si la Commission avait mené une enquête rigoureuse sur le caractère approprié, elle aurait ensuite été en mesure d’examiner la question de savoir si le CRTC avait refusé de reconnaître sa compétence et, le cas échéant, pourquoi. Or, la Commission ne s’est livrée à aucun de ces deux exercices. Au lieu de cela, la Commission a admis la prétention du plaignant selon laquelle le CRTC avait décliné sa compétence à l’égard de l’affaire. La Commission n’a jamais examiné le mandat que la loi confère au CRTC, et elle ne s’est jamais enquise auprès du CRTC pour déterminer précisément dans quelle mesure celui‑ci avait examiné les questions en litige et quelles étaient ses conclusions au sujet de l’état de la technologie. Il en est résulté, comme nous le verrons dans la section suivante, que la Commission a rendu une décision manifestement incorrecte, dans laquelle elle admet implicitement que l’objet du litige relève carrément de la compétence conférée par la loi au CRTC, qu’il exerce de longue date.

 

[56]           Il n’y a aucun élément de preuve qui indique que la solution « TV Speak » n’a à aucun moment été proposée au CRTC. En conséquence, il est difficile de comprendre comment il était possible de conclure que le CRTC avait décliné sa compétence à l’égard d’une technologie dont le plaignant ne lui avait pas fait mention.

 

[57]           Le rapport d’enquête et la décision de la Commission ne mentionnent nulle part le fait que l’alinéa 3(1)p) de la Loi sur la radiodiffusion impose au CRTC l’obligation impérative d’adopter des politiques permettant d’offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience dans le cadre du système de radiodiffusion canadien, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens. Cette omission semble avoir beaucoup pesé dans la conclusion de la Commission selon laquelle le CRTC avait décliné compétence.

 

[58]           De plus, la Commission a omis d’examiner les implications du paragraphe 3(2) de la Loi sur la radiodiffusion, où il est déclaré que « le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome ». Une enquête rigoureuse exigerait un certain examen de la question de savoir si le renvoi de l’affaire au Tribunal irait à l’encontre de l’intention du législateur de déléguer la réglementation du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome, soit le CRTC. La Commission se proposait d’intervenir dans un monde où le CRTC a exercé depuis sa création une compétence exclusive sur des questions de la nature de celles en cause en l’espèce. Une décision du Tribunal d’imposer à MTS l’obligation d’adopter une solution technique permettant de rendre la programmation radiodiffusée accessible au plaignant se trouverait en fait à établir une politique sur ces questions partout au Canada pour tous les autres EDR qui sont intervenues dans la présente procédure.

 

[59]           La Commission se doit également de s’interroger sur l’expertise qu’elle possède, en comparaison de celle du CRTC, pour déterminer si une solution technique en matière de radiodiffusion est disponible et faisable, ou même si elle entraînerait des contraintes excessives pour l’ensemble de l’industrie canadienne de la radiodiffusion touchée par la décision du Tribunal.

 

[60]           La Commission aurait également dû examiner sérieusement la question de savoir si le CRTC avait déjà procédé à un examen approfondi de la question de la disponibilité de solutions techniques. Encore une fois, la Commission a évité tout examen au fond de cette question au motif que le CRTC avait décliné compétence. Autrement, il aurait fallu qu’elle examine la question de savoir si la disponibilité d’une solution technique semblait avoir été la question principale considérée par le CRTC lors de ses audiences relatives aux politiques, y compris la question de savoir si la non‑disponibilité de solutions avait à juste titre mené le CRTC à conclure qu’il lui était impossible à ce moment d’adopter des politiques permettant d’assurer l’accessibilité comme le demandait M. Eadie. La Commission aurait dû à tout le moins se demander si le CRTC avait étudié la solution « TV Speak » mentionnée M. Eadie et, dans la négative, pourquoi.

 

[61]           De même, la Commission aurait dû tenir compte du fait que le plaignant avait participé aux procédures devant le CRTC et de l’admission de M. Eadie dans ce contexte qu’aucune solution technique impliquant l’utilisation de logiciels de boîtiers décodeurs n’était encore disponible. La Commission aurait dû examiner la question de savoir si les travaux en cours du Groupe sur la vidéodescription qui était chargé d’encourager la recherche de solutions techniques et d’en trouver résultaient d’une conclusion du CRTC selon laquelle aucune solution technique permettant de répondre aux besoins du plaignant n’était disponible. Cela aurait pu se faire simplement en communiquant par téléphone avec les représentants d’organismes voués à la promotion des intérêts des Canadiens ayant une déficience visuelle qui faisaient partie du groupe de travail.

 

[62]           Enfin, il est noté que la Commission n’a pas contesté que le CRTC aurait traité de manière appropriée des questions de droits de la personne soulevées par la plainte si celle‑ci avait été déposée auprès du CRTC. Malgré des prétentions du défendeur en ce sens, ni le rapport d’enquête ni la décision de la Commission n’indiquent que le CRTC ne possède pas d’expertise en matière de droits de la personne pour appliquer les principes appropriés ou qu’il a omis de tenir compte de manière appropriée de ces principes lors des audiences qu’il a tenues et dans les politiques qu’il a adoptées au sujet de l’accessibilité pour les personnes ayant une déficience visuelle. Ironiquement, en ce qui concerne la question de la discrimination, il appert que la loi qui régit le CRTC est la plus contraignante des deux lois en cause. Suivant une interprétation stricte de l’alinéa 3(1)p), il n’est guère loisible au CRTC de ne pas exiger que les EDR fournissent les services, en ce que « le système devrait offrir une programmation adaptée [...] au fur et à mesure de la disponibilité des moyens ».

 

[63]           Malgré la déférence dont la Cour doit faire preuve envers l’enquêteuse et la Commission, pour tous les motifs exposés précédemment, je suis d’avis que l’enquête n’a pas été menée de façon suffisamment rigoureuse en ce qui a trait aux facteurs déterminants de l’analyse relative à la question fondamentale du caractère approprié d’une autre procédure, notamment en ce qui a trait à la question de savoir si le CRTC avait décliné compétence. Ces manquements ont mené à une décision déraisonnable portant que le CRTC avait décliné compétence, comme il est expliqué ci‑dessous.

 

C.  La conclusion de la Commission selon laquelle le CRTC a refusé d’exercer sa compétence sur l’objet du litige était‑elle déraisonnable?

 

[64]           La conclusion déterminante dans la décision de la Commission est que le CRTC a refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs. Cette conclusion évacuait tout débat concernant le tribunal plus approprié dans la mesure où une procédure ne peut évidemment pas être appropriée lorsque le décideur censé l’instruire décline compétence à l’égard de l’objet de cette procédure. Pour aider à analyser cette question, je reproduis le passage pertinent de la décision de la Commission où cette conclusion est énoncée :

[traduction] Le plaignant affirme toutefois dans ses observations que le CRTC a refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs. Cela est mentionné dans le rapport d’enquête aux paragraphes 26 à 29. Cela n’est pas contesté par la mise en cause (voir le paragraphe 19 des observations de la mise en cause datées du 11 octobre 2011); toutefois, la mise en cause soutient que la Commission n’a pas non plus compétence à l’égard des boîtiers décodeurs.

  

Selon la Commission, le fait que le CRTC ait refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs confirme que la plainte ne peut pas être avantageusement instruite selon une procédure prévue par une autre loi fédérale, c’est‑à‑dire la Loi sur la radiodiffusion. L’on ne saurait dire que le CRTC instruira initialement ou complètement une plainte en matière de droits de la personne lorsqu’il refuse d’exercer sa compétence à l’égard de ce qui constitue la source même de la plainte. En outre, si le CRTC n’a pas compétence à l’égard des boîtiers décodeurs, alors, dans le cadre d’une procédure sous le régime de la LCDP où il est question de discrimination en rapport avec l’utilisation de boîtiers décodeurs, les éléments de preuve et les considérations ne seront pas nécessairement les mêmes que dans le cadre d’une procédure devant le CRTC. 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[65]           Aucun motif n’est donné à l’appui de la conclusion de la Commission selon laquelle le CRTC a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire, ou selon laquelle MTS a souscrit à cette affirmation d’une manière qui permettrait à la Commission de distinguer ses procédures de celles du CRTC.

 

[66]           La conclusion selon laquelle le CRTC a refusé d’exercer sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs est fondée uniquement sur l’avis d’audience publique du 10 juin 2008. Celui‑ci a été invoqué comme fondement de la prétention du plaignant selon laquelle le CRTC avait décliné compétence. L’avis est ainsi rédigé :

Le Conseil indique qu’il ne réglemente pas l’équipement terminal et n’a pas de pouvoir de juridiction sur le design et la fabrication des appareils de communication conçus pour recevoir les services de télécommunications ou de radiodiffusion. Par conséquent, le Conseil invite le public à se prononcer sur les mesures, sauf la réglementation de l’équipement terminal, qui amélioreraient l’accessibilité des services de télécommunication et de radiodiffusion pour les personnes handicapées.

 

[67]           L’avis indique essentiellement que le CRTC ne peut pas réglementer les fabricants de l’équipement terminal ni le design et la fabrication de leur équipement. Le CRTC doit attendre la mise au point d’équipement doté de la fonctionnalité nécessaire avant de pouvoir réglementer les modalités d’utilisation des boîtiers décodeurs dans le cadre du système de radiodiffusion.

 

[68]           Le sens de l’avis du CRTC coule de source compte tenu du rôle que la loi lui confie en ce qui concerne l’offre d’une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience. La disposition pertinente, qui figure à l’alinéa 3(1)p) de la Loi, est ainsi rédigée :

3. (1) Il est déclaré que, dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion :

 

p) le système devrait offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes atteintes d’une déficience, au fur et à mesure de la disponibilité des moyens.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[69]           Ce mandat ne permet pas au CRTC de réglementer la manière dont les moyens deviennent disponibles, mais il a néanmoins mis en place une procédure visant à favoriser la mise au point d’une solution technologique. Ainsi, lorsque le CRTC affirme qu’il ne réglemente pas l’équipement terminal ni le design et la fabrication de dispositifs de communication, il ne fait qu’évoquer les limites de son mandat en ce qui a trait au développement de moyens. Le CRTC est tenu d’attendre que ces moyens deviennent disponibles avant de pouvoir adopter des politiques réglementant leurs fonctionnalités.

 

[70]           Il est conforme au bon sens et évident qu’il ne peut être ordonné aux fabricants d’ajouter une fonctionnalité à leurs boîtiers décodeurs, particulièrement lorsqu’il n’existe aucune solution permettant de fournir la fonctionnalité nécessaire. Cela est d’autant plus vrai lorsque les fabricants de l’équipement ne sont pas canadiens, et se trouvent aux États‑Unis.

 

[71]           Mais ce qui est plus important encore, c’est que la Commission retient en dernière analyse la thèse selon laquelle elle non plus n’a pas compétence à l’égard des boîtiers décodeurs. C’est ce qui ressort notamment de l’avant‑dernier paragraphe de la décision de la Commission dans lequel elle affirme :

[traduction] [...] Bien que l’équipement lui‑même et le fabricant de l’équipement puissent ne pas être du ressort de la Commission, ce sont la sélection et l’utilisation de cet équipement par la mise en cause dans la fourniture de ses services qui intéressent la Commission.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[72]           Évidemment, si la Commission ne peut pas réglementer les fabricants de l’équipement, elle aussi décline compétence sur l’objet du litige de la même manière que le CRTC. Ainsi, la prémisse fondamentale qui sous‑tend le raisonnement de la Commission est dénuée de justification et d’intelligibilité.

 

[73]           Peu avant de conclure ses motifs, la Commission change son fusil d’épaule. Elle ne distingue plus sa compétence par le fait que le CRTC a refusé de réglementer les boîtiers décodeurs. Au lieu de cela, elle s’appuie sur un nouveau raisonnement visant à distinguer son mandat de celui du CRTC en affirmant qu’une procédure sous le régime de la LCDP aura essentiellement pour objet [traduction] « la sélection et l’utilisation de l’équipement » par MTS. La Commission semble croire que du fait qu’elle serait appelée à établir une directive appropriée à l’intention des EDR au sujet de la sélection de l’équipement, à la suite de demandes d’information ou d’autres demandes de propositions, sa compétence en matière d’accessibilité à la programmation se distingue de celle du CRTC.

 

[74]           Ni la logique ni le rapport d’enquête ne permettent d’établir, du fait que l’accent serait mis sur la sélection et l’utilisation de l’équipement, une distinction entre la compétence du TCDP et ce que fait le CRTC. Le CRTC est tenu de réglementer l’équipement lorsqu’il devient disponible, de manière à assurer l’accessibilité aux personnes ayant un handicap. Tel qu’indiqué dans la partie des présents motifs portant sur la description du contexte factuel du présent litige, le CRTC a lui aussi fait une forme de demande de renseignements aux EDR, suivant laquelle il les invitait à « indiquer tous les appareils complètement accessibles (et, le cas échéant, le logiciel permettant à l’appareil de l’être) que vous connaissez actuellement et qui permettent aux personnes aveugles, sourdes, malentendantes, à mobilité réduite ou ayant une déficience visuelle ou cognitive d’accéder aux services de radiodiffusion et de télécommunication. Ces appareils doivent au moins comprendre les boîtiers décodeurs et les appareils sans fil. Pour chaque appareil ou logiciel, veuillez présenter une description détaillée, ses fonctions, son fabricant et l’endroit où l’on peut se le procurer. » La sélection de l’équipement a donc lieu lorsque le moyen devient disponible. Le CRTC impose l’utilisation de l’équipement aux EDR en conformité avec ses politiques et procédures, en tenant compte des contraintes que cela cause aux EDR, tout comme le ferait le TCDP s’il devait entendre l’affaire.

 

[75]           Peut‑être la Commission dit‑elle, si l’on lit entre les lignes du rapport d’enquête, que le CRTC a refusé d’examiner la question de savoir s’il existait un produit sur le marché secondaire (« TV Speak »), comme le prétendait le plaignant.

 

[76]           Si c’est qui ce a conduit la Commission à dire que le CRTC a décliné compétence, cela n’est en rien étayé par l’enquête. Aucun élément de preuve n’établit qu’il a été fait mention du produit TV Speak devant le CRTC. M. Eadie a seulement mentionné le produit Ocean Blue en usage en Europe. Il a admis qu’aucune solution technique faisable n’existait pour régler son problème à l’heure actuelle. En outre, aucune distinction n’est établie entre un produit du « marché secondaire » et un boîtier décodeur. Le produit du marché secondaire demeure un « moyen » au sens de l’alinéa 3(1)p) de la Loi sur la radiodiffusion permettant d’offrir une programmation adaptée aux besoins des personnes ayant un handicap. Si TV Speak était une solution viable pour offrir l’accessibilité aux personnes ayant un handicap visuel dans le cadre du système de radiodiffusion, il relèverait nécessairement de la compétence que la les dispositions impératives de la loi confèrent au CRTC.

 

[77]           La Commission a également rejeté l’argument de MTS selon lequel le plaignant tentait de rouvrir le débat sur un sujet que le CRTC avait déjà examiné. La Commission a fondé cette conclusion sur trois motifs. Premièrement, elle a répété que le CRTC n’avait pas exercé sa compétence à l’égard des boîtiers décodeurs, ce qui, comme je l’ai déjà indiqué, est dénué de justification pour tous les motifs exposés plus haut, notamment le fait que la Commission ait admis que sa propre compétence ne s’étend pas aux des boîtiers décodeurs.

 

[78]           Un autre motif invoqué par la Commission était que le Groupe de travail sur la vidéodescription ne pouvait être assimilé à « des procédures prévues par une autre loi fédérale » visées aux alinéas 41(1)b) et 44(2)b) de la LCDP, et que le groupe de travail n’avait pas examiné la question de savoir si l’équipement et les services utilisés pour fournir des signaux sonores de manière à faciliter l’accès et l’utilisation du guide de programmation interactive avait été débattue devant le CRTC ou si le CRTC avait rendu une décision à ce sujet.

 

[79]           En rapport avec l’idée que le groupe de travail n’est pas une procédure visée à l’alinéa 44(2)b), la Commission a noté que ce groupe avait été établi en vertu de la Politique sur l’accessibilité annoncée le 21 juillet 2009, mais sans reconnaître que la politique était le résultat d’une procédure prévue par la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, LRC 1985, c C‑22. En ce sens, la politique représentait la décision découlant de cette procédure relevant de la LCRTC.

 

[80]           Les travaux du groupe de travail faisaient partie de la mesure, dont le CRTC assurait la mise en œuvre, en vue d’offrir l’accessibilité aux personnes ayant un handicap visuel, notamment par l’ajout d’une fonctionnalité au GPE des boîtiers décodeurs, une problématique dont le CRTC demeurait saisi jusqu’à ce qu’une solution satisfaisante soit trouvée. La mesure consistant pour le CRTC à charger un groupe de travail de trouver des solutions pour lui permettre de mettre en œuvre ses politiques s’apparente à une ordonnance du Tribunal canadien des droits de la personne dont le Tribunal demeurerait saisi de la mise en œuvre jusqu’à ce qu’il soit satisfait du résultat.

 

[81]           Pour ce qui concerne l’idée que le processus n’est pas comparable à un processus décisionnel visant le règlement de litiges, il importe de relever que l’alinéa 41(1)b) de la LCDP s’en tient à la mention de « procédures prévues par une autre loi » plus avantageuses. C’est donc une erreur que de rejeter les activités du CRTC au motif qu’elles ne correspondent pas nécessairement à une procédure de règlement de litiges menant au prononcé d’une décision sous la forme d’une ordonnance. En outre, la Loi sur la radiodiffusion prévoit une procédure de plainte qui s’apparente à une procédure de règlement de litiges.

 

[82]           Pour ce qui concerne la « décision » du CRTC, le CRTC a indiqué implicitement dans sa politique sur l’accessibilité publiée le 21 juillet 2009 qu’il ne pouvait pas adopter une politique au sujet des fonctionnalités de vidéodescription parce que les moyens n’étaient pas disponibles. Si les « moyens », c’est‑à‑dire les solutions techniques, avaient été disponibles, le CRTC aurait été tenu, de par son mandat, d’adopter une politique visant à assurer l’accessibilité aux personnes ayant un handicap visuel en utilisant les fonctionnalités de ces moyens.

 

[83]           La conclusion du CRTC selon laquelle il n’existait aucune solution technique viable ressort également de son exposé de ses attentes à l’égard des EDR aux paragraphes 120 et 122 de sa Politique ainsi que des paragraphes 123 et 125 de celle‑ci, dans lesquels il exhorte les EDR à chercher une solution et il reconnaît la nécessité de créer le Groupe de travail sur la vidéodescription, qui aurait notamment pour mission de rechercher une solution technique qui fonctionne.

120.  [...] Il les encourage aussi à continuer à travailler de concert avec les vendeurs en vue de développer des logiciels de boîtiers décodeurs offrant des caractères plus gros, des commandes sonores ou d’autres informations sonores.

[...]

 

122.  Par conséquent, le Conseil s’attend à ce que :

 

[...]

 

         les titulaires d’EDR (sic) développent un ou plusieurs moyens d’identifier les émissions avec vidéodescription dans leurs horaires d’émissions électroniques. Ces moyens peuvent inclure un signal sonore, un indicateur visuel ou encore un horaire d’émissions électronique sonore.

 

123.  Le Conseil estime utile de former un groupe de travail qui trouvera des solutions [...]

 

[...]

 

125.  Le groupe de travail sera chargé d’élaborer des pratiques courantes et d’autres solutions qui amélioreront l’accessibilité à des émissions avec vidéodescription, y compris de :

[...]

 

•           faire en sorte que l’information sur la vidéodescription soit disponible dans les horaires d’émissions imprimés, en ligne et électroniques.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[84]           Pour ce qui concerne la question de la réouverture du débat quant aux faits et questions dont était saisi le CRTC, dans la mesure où toute procédure instruite sous le régime de la LCDP commencerait nécessairement par un examen de la question de savoir si une solution technique est disponible, et si oui, quelle est sa faisabilité et quelles contraintes causerait sa mise en œuvre, on ne sait trop quelles seraient les nouvelles questions dont le Tribunal serait saisi, qui n’ont pas carrément été soumises à l’examen du CRTC.

 

[85]           Je suis donc d’avis que la décision de la Commission doit être annulée parce que la Commission y a conclu déraisonnablement que le CRTC avait décliné compétence différemment de la Commission, et que la Commission n’a pas procédé à un examen rigoureux des questions de compétence. En d’autres termes, ni les éléments de preuve ni la loi ne peuvent raisonnablement justifier cette décision.

 

D.   La Cour peut‑elle déterminer, à ce stade, si le CRTC a compétence exclusive sur l’objet du litige?

 

[86]           MTS n’a pas soutenu devant la Commission que le CRTC avait compétence exclusive sur les questions en cause au sens de l’alinéa 41(1)c) de la LCDP, qui oblige la Commission à refuser de statuer sur une plainte qui ne relève pas de sa compétence. Malgré les observations que MTS a formulées dans la présente instance, et à l’égard desquelles les EDR intervenantes se sont montrées plutôt sympathiques, selon lesquelles la question de la compétence exclusive avait été soulevée devant la Commission, il est clair que l’argumentation de la demanderesse et la décision de la Commission s’appuyaient uniquement sur les alinéas 41(1)b) et 44(2)b) de la Loi concernant le caractère approprié d’autres procédures.

 

[87]           Les intervenantes soutiennent que la question de la compétence exclusive du CRTC peut être examinée dans la présente instance en dépit du fait qu’elle n’a pas été soulevée devant la Commission. Je ne suis pas d’accord.

 

[88]           En premier lieu, tel qu’indiqué précédemment, étant donné que j’ai déjà conclu que la norme de la décision raisonnable s’applique aux décisions de la Commission rendues en vertu des alinéas 41(1)b) et c), cet argument ne peut être accueilli. Dans la mesure où je serais tenu de contrôler la décision de la Commission au sujet de la compétence exclusive – si la question avait été soulevée devant elle – selon la norme de la décision raisonnable, il est illogique de soutenir que je pourrais examiner cette même question, soulevée pour la première fois à ce stade des procédures, essentiellement selon les principes de la décision correcte. Si tel était le cas, MTS aurait avantage à ne pas débattre de la compétence devant la Commission et à attendre l’instance de contrôle judiciaire pour soulever la question de la compétence au regard de la norme de la décision correcte. Malgré cette conclusion, j’examinerai brièvement les arguments des EDR sur cette question.

 

[89]           En second lieu, les EDR ont invoqué des décisions de la Cour fédérale établissant qu’une véritable question de compétence, même si elle n’a pas été abordée par le tribunal administratif dont la décision est contrôlée, peut être examinée par la cour de révision. Voir, de manière générale, les décisions Byers Transport Ltd c Kosanovich, [1995] 3 CF 354 (CAF), et Société Radio‑Canada c Paul, [1999] 2 CF 3 (1re inst.). Ces décisions ne concernent toutefois pas une décision d’une commission de renvoyer une affaire à un tribunal à la suite d’un examen préalable. Abstraction faite de cette importante distinction, je ne suis pas en désaccord avec l’idée que dans les cas où un tribunal n’a pas tranché une question de compétence bien qu’il ait eu le pouvoir de le faire, la question peut néanmoins être soulevée devant la cour de révision, voire même à tout stade ultérieur de l’instance en appel, à moins que le fait de soulever la question trop tardivement cause, d’une manière ou d’une autre, un préjudice indu.

 

[90]           La Cour suprême s’est exprimée en des termes on ne peut plus clairs dans l’arrêt Halifax, dans lequel elle a dit que les conclusions portant sur des questions de compétence dans des décisions, rendues à l’issue d’un examen préalable, prévoyant le renvoi d’une plainte à un tribunal administratif ne peuvent pas être annulées même dans les cas où le juge qui siège en révision est d’avis que la Commission n’a clairement pas compétence pour examiner l’affaire. La cour de révision peut seulement intervenir si la décision a, comme je l’ai conclu ci‑dessus, un caractère déraisonnable.

 

[91]           Dans l’affaire Halifax, le juge siégeant en révision a conclu que la commission des droits de la personne en cause n’avait clairement pas compétence. La Cour a refusé d’écarter de quelque façon que ce soit l’application de la norme de la décision raisonnable parce qu’une question de compétence était en jeu, en justifiant sa position en ces termes aux paragraphes 17, 36 et 37 :

[17]      Leurs réponses à deux des questions en litige montrent que le juge en cabinet et la Cour d’appel conçoivent différemment le rôle du tribunal de révision en l’espèce. La première question est celle de la norme de contrôle applicable, ce qui tient en grande partie à la nature de la décision de la Commission. J’estime que la Commission n’a pas statué sur sa compétence, mais qu’elle a plutôt décidé, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, qu’une enquête était justifiée dans les circonstances. Sa décision discrétionnaire est assujettie à la norme de la décision raisonnable.

 

[. . .]

 

[36]      Même si une telle intervention peut parfois être indiquée, la retenue se justifie sur les plans pratique et théorique. Une intervention judiciaire hâtive risque de priver le tribunal de révision d’un dossier complet sur la question en litige, elle ouvre la porte à l’assujettissement à la norme de la « décision correcte » de questions de droit qui, si elles avaient été tranchées par le tribunal administratif, auraient pu commander la déférence judiciaire, elle nuit à l’efficacité des recours par la multiplication des procédures administratives et judiciaires et elle risque de compromettre un régime législatif complet que le législateur a soigneusement conçu. Les tribunaux de révision manifestent donc de nos jours une retenue accrue lorsqu’il s’agit de court‑circuiter le rôle décisionnel du tribunal administratif, spécialement lorsqu’on leur demande de réviser une décision rendue à l’issue d’un examen préalable comme celle en cause dans l’affaire Bell (1971). [Renvois omis.]

 

[37]      Qui plus est, le droit administratif contemporain reconnaît une valeur accrue à l’opinion réfléchie d’un tribunal administratif sur une question de droit, et ce, que la décision de ce dernier soit ultimement susceptible de contrôle judiciaire selon la norme de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable. [Renvois omis.]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[92]           Les intervenantes soutiennent qu’il y a lieu de distinguer, entre les « véritables » questions de compétence, nécessitant l’interprétation de textes législatifs en vue de délimiter la compétence, qui doivent faire l’objet de décisions correctes, et les questions de compétence de moindre importance. Toutefois, je n’estime pas que le raisonnement dans l’arrêt Halifax, précité, de la Cour suprême justifie de faire une telle distinction.

 

[93]           Je conclus que je n’ai pas compétence pour déterminer si le CRTC a compétence exclusive, de sorte que la plainte devrait être rejetée en vertu de l’alinéa 41(1)c). En conséquence, la demande est accueillie, et la décision de la Commission de renvoyer la plainte au Tribunal annulée, mais pour des motifs qui ne concernent aucunement la compétence exclusive que pourrait avoir le CRTC sur l’affaire au sens de l’alinéa 41(1)c) de la LCDP.

 

VII.     Conclusion

[94]           Pour les motifs qui précèdent, la demande est accueillie, la décision de la Commission est annulée, et l’affaire est renvoyée pour nouvelle décision.

 

[95]           Je n’adjuge aucuns dépens.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, sans frais.

 

 

 

« Peter Annis »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


dossier :

                                                            T‑1057‑12

 

INTITULÉ :

MTS INC. c

ROSS EADIE ET LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC.,

ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP,

BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY, ET QUEBECOR MEDIA INC.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                        Winnipeg, Manitoba

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                        du 16 au 19 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 17 JANVIER 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Watchman

Karen R. Poetker

 

pour la demanderesse

 

 

Raymond D. Hall

 

pour le défendeur

 

 

Fiona Keith

 

POUR L’INTERVENANTE LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

Richard J. Charney

Jonquille Pak

 

POUR LES INTERVENANTES SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC., ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY et QUEBECOR MEDIA INC.

 

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pitblado LLP

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

 

pour la demanderesse

 

 

Raymond D. Hall

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

pour le défendeur

 

 

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANTE LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

Norton Rose LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES INTERVENANTES SHAW COMMUNICATIONS INC., COGECO CABLE INC., ROGERS COMMUNICATIONS PARTNERSHIP, BCE INC., TELUS COMMUNICATIONS COMPANY et QUEBECOR MEDIA INC.

 

 

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