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Date : 20140127


Dossier :

IMM-4565-13

 

Référence : 2014 CF 99

Vancouver (Colombie-Britannique), le 27 janvier 2014

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

SHAKHAR BENEDICT GOMES ET FILOMINA SHEEMA GOMES

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Peu importe la façon dont la violence contre des minorités religieuses et ethniques est motivée et qualifiée, et ce qu’elle a été appelée, il n’en demeure pas moins que des actes de violence ont été perpétrés contre des membres de minorités religieuses ou ethniques. Justifier de tels actes vise tout simplement à faire en sorte de les rendre acceptables, ce qui est absurde en soi. Il n’est pas nécessaire de formuler des commentaires supplémentaires, si ce n’est pour dire, qu’on s’est appuyé au fil des ans, on s’est appuyé sur de telles justifications pour commettre des actes de violence contre des minorités de ce type.

___________________________

[2]               Le présent jugement fait suite à une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle un agent du Bureau de réduction de l’arriéré de Toronto de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] a refusé une demande de résidence permanente présentée par les demandeurs pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 ch. 27 [LIRP].

 

[3]               Les demandeurs, citoyens du Bangladesh, se sont vu refuser le statut de réfugié par la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié [CISR] en avril 2012. Une demande d’autorisation de contrôle judiciaire a également été refusée.

 

[4]               Dans sa décision, la SPR a reconnu que le demandeur principal et sa femme sont de religion chrétienne (un enfant est né de cette union au Canada), et que des attaques étaient perpétrées contre les chrétiens dans leur pays d’origine.

 

[5]               D’après la preuve objective, il s’agit d’un cas d’espèce fondé sur les difficultés présumées auxquelles le couple devra faire face s’il retourne au Bangladesh avec leur enfant; outre la preuve au Canada de nature subjective et qui vise un objectif important, les données probantes de la communauté chrétienne pour laquelle le demandeur principal travaille, et pour laquelle sa femme a travaillé, et les activités générales de la vie courante auxquelles les demandeurs se sont adonnés qui ont été démontrées ci-après, la Cour a examiné le dossier compte tenu de l’ensemble de la preuve et des lois applicables au regard de la décision de l’agent d’après la preuve versée au dossier. La présente Cour devait établir si la décision de l’agent était raisonnable eu égard à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 (au paragraphe 47) et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 (paragraphes 47 et 48); par conséquent, la Cour devait décider du fondement de la contestation de la décision par les demandeurs.

 

[6]               La décision de l’agent interprétée telle quelle, au vu de la preuve, n’aurait qu’à s’inscrire dans le cadre d’une conclusion permettant de servir les fins visant à établir si la décision appartient aux issues possibles acceptables.

 

[7]               La Cour a conclu que la décision n’appartenait pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des dispositions législatives et de la preuve, lorsqu’on l’examine à la lumière de ces lois et de la jurisprudence à cet égard.

 

[8]               L’article 25 de la LIPR a été modifié par les dispositions de la Loi sur des mesures de réformes équitables concernant les réfugiés, L.C. 2010, ch. 8, en juin 2010; par la suite, le paragraphe 1.3 de la Loi a été ajouté à l’article 25.

 

[9]               Par conséquent, dans le cadre de l’examen d’une telle demande présentée par un ressortissant étranger, il se peut que les facteurs mentionnés aux articles 96 et 97 de la LIPR ne soient pas pris en compte dans la détermination du statut de réfugié au sens de la Convention; il faudrait plutôt tenir compte des « difficultés » auxquelles le ressortissant étranger fait face.

 

[10]           Il semble que l’agent n’ait pas correctement pris en compte les circonstances particulières liées aux difficultés dans la présente affaire, alors qu’il s’agit en soi d’un cas d’espèce; au regard des circonstances particulières consignées portant sur l’appartenance des demandeurs à la communauté religieuse, il semble que cet aspect constitue une composante principale et essentielle de leur vie, tant sur le plan personnel que communautaire.

 

[11]           Néanmoins, il faut souligner que l’agent a tenu compte de l’enfant au vu de l’ensemble des éléments de la jurisprudence, et étant donné le jeune âge de ce dernier, il n’y a rien à ajouter si ce n’est qu’il se pourrait que son éducation consiste non seulement pour lui à mener une vie chrétienne sur le plan personnel comme l’entendent ses parents, mais également à en mener une sur le plan communautaire.

 

[12]           Les données probantes particulières attestant un soutien par la communauté chrétienne (dans son ensemble) dont font partie les demandeurs dans le cadre d’un séminaire, sont cruciales en l’espèce : une communauté dans laquelle le demandeur principal travaille et prend part à de nombreuses activités de bénévolat. Par conséquent, il s’agit d’un environnement chrétien dans lequel les demandeurs exercent leurs activités professionnelles et sociales dans un contexte chrétien. On trouve au cœur de cette question, le séminaire St-Augustin, la Bangladesh Catholic Association et la Dunston Church.

 

[13]           Comme il est clairement indiqué dans le rapport du Département d’État américain : « 2012 Country Reports on Human Rights Practices, Bangladesh, April 19, 2013 » : [TRADUCTION] « Des cas de violence sociétale contre des minorités ethniques et religieuses ont persisté, même si bon nombre de dirigeants du gouvernement et de la société civile ont soutenu que ces actes étaient motivés par des facteurs politiques et économiques et ne devraient pas être uniquement attribués à des croyances ou à des appartenances religieuses. »

 

[14]           Peu importe la façon dont la violence contre des minorités religieuses et ethniques est motivée et qualifiée, et ce qu’elle a été appelée, il n’en demeure pas moins que des actes de violence ont été perpétrés contre des membres de minorités religieuses ou ethniques. Justifier de tels actes vise tout simplement à faire en sorte de les rendre acceptables, ce qui est absurde en soi. Il n’est pas nécessaire de formuler des commentaires supplémentaires, si ce n’est pour dire qu’on s’est appuyé, au fil des ans, sur de telles justifications pour commettre des actes de violence contre de telles minorités. Dans le cas des présents demandeurs, en tant que famille dont la nature repose entièrement sur un mode de vie chrétien, qui définit l’essence même de leur raison d’être, vivre autrement que sur ce modèle chrétien, tant sur le plan personnel que communautaire, semblerait mettre gravement en péril leur mode de vie intrinsèque de nature chrétienne en tant que famille.

 

[15]           Par conséquent, la Cour a décidé de renvoyer l’affaire à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision (de novo).

 

[16]           Un examen est nécessaire en raison de la preuve documentaire corroborante non contredite des demandeurs de nature objective et subjective; ces éléments de preuve particuliers doivent être examinés en vue d’établir si des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives découlant des conditions du pays d’origine, auraient des répercussions directes sur le mode de vie général de nature chrétienne des demandeurs.

 

[17]           Pour tous les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision (de novo).

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que :

La demande de contrôle judiciaire des demandeurs soit accueillie, et que l’affaire soit renvoyée à un agent pour nouvelle décision (de novo). L’affaire ne soulève aucune question de portée générale devant être certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-4565-13

 

INTITULÉ :

SHAKHAR BENEDICT GOMES ET FILOMINA SHEEMA GOMES c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                        Vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                        27 JANVIER 2014

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :    LE JUGE SHORE

 

DATE :                                               27 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

Victor Ing

 

POUR LES DEMANDEURS

Jennifer Dagsvik

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson, s.r.l.

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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