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Date : 20140127


Dossier :

T-1428-12

 

Référence : 2014 CF 88

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 janvier 2014

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

ENTRE :

MICHAL HALLEN

 

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          Aperçu

 

[1]               Après une longue carrière dans la fonction publique fédérale, monsieur Michal Hallen est allé travailler dans le secteur privé en 2000, plus précisément chez Loba Limited. Il a demandé que ses prestations de pension de retraite de la fonction publique soient transférées au régime de retraite de Loba en vertu d’un accord réciproque de transfert (ART).

 

[2]               En 2003, l’Agence du revenu du Canada a retiré l’agrément du régime de pension de Loba à compter d’avril 2000. Cette décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale (2004 CAF 342).

 

[3]               Le Conseil du Trésor a avisé M. Hallen en juillet 2005 que, dans les circonstances, il pouvait soit accepter une baisse de son allocation annuelle soit accepter de recevoir une pension différée à l’âge de 60 ans. À défaut de réponse de sa part, il serait présumé avoir choisi la dernière option. M. Hallen n’a pas répondu.

 

[4]               Éventuellement, M. Hallen a appris que sa pension différée serait due le 21 avril 2007, le jour de son soixantième anniversaire. On lui a demandé de confirmer son adresse ainsi que son numéro d’assurance sociale. Une fois de plus, il n’a pas répondu.

 

[5]               En 2010, l’administrateur du régime de Loba a communiqué avec le Conseil du Trésor afin de s’enquérir au sujet de la demande de transfert de M. Hallen. Le Conseil du Trésor a écrit à M. Hallen et a confirmé les options qui étaient décrites sans la lettre qui lui a été envoyée en 2005.

 

[6]               M. Hallen a commencé à recevoir des chèques de pension en 2011, mais n’en a encaissé aucun. En 2012, son avocat a demandé au Conseil du Trésor d’examiner le cas de M. Hallen. En réponse, un représentant du Conseil du Trésor a envoyé une lettre datée du 26 juin 2012, confirmant simplement les renseignements qui avaient été donnés à M. Hallen en 2005.

 

[7]               M. Hallen prétend que le refus de transférer ses prestations de retraite était déraisonnable et il me demande de déclarer qu’il a droit à un transfert. Le défendeur prétend que la demande de contrôle judiciaire de M. Hallen est prescrite, que le refus n’était pas déraisonnable et que M. Hallen n’a pas droit à un jugement déclaratoire compte tenu de son retard à intenter un recours devant la Cour.

 

[8]               Je suis d’accord pour affirmer que la demande de M. Hallen est périmée. Par conséquent, je n’ai pas à examiner les autres questions.

II.        M, Hallen peut-il présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de refuser le transfert?

[9]               M. Hallen prétend que la lettre qu’il a reçue en 2005 ne contenait aucune « décision ». Elle faisait plutôt mention de la politique générale actuelle concernant les transferts en vertu d’un ART. Bien que le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, prévoie que les demandes de contrôle judiciaire des « décisions » doivent être présentées dans les 30 jours qui suivent la communication de la décision, d’autres questions, notamment les décisions de politique actuelles, peuvent être contestées en tout temps.

 

[10]           Selon moi, M. Hallen conteste une décision du Conseil du Trésor et il doit respecter le délai de 30 jours fixé pour présenter une demande de contrôle judiciaire.

 

[11]           M. Hallen invoque un certain nombre de décisions dans lesquelles le comportement du défendeur a été qualifié d’« objet de la demande », de politique ou de conduite, plutôt que de « décision ». Il renvoie à Krause c Canada, [1999] 2 CF 476, au paragraphe 24; Airth c Ministre du Revenu national, 2006 CF 1442, au paragraphe 10; Apotex Inc c Canada (Ministre de la Santé), 2010 CF 1310; May c CBC/Radio Canada, 2011 CAF 130, au paragraphe 11.

 

[12]           Selon moi, ces précédents peuvent être distingués.

 

[13]           La jurisprudence Krause portait sur une contestation engagée en 1997 par un groupe de cotisants et de bénéficiaires d’un régime de pension de l’État. Ils ont contesté une décision de politique générale prise par le gouvernement canadien en 1989-1990. Cette décision a été appliquée par des mesures qui ont été prises à compter de chaque exercice financier depuis l’exercice 1993‑1994. La Cour d’appel fédérale a conclu que les demandeurs ne contestaient pas la décision de politique initiale; ils contestaient plutôt les mesures prises chaque année pour mettre en application cette politique. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire visait ces mesures et non pas une décision ou une ordonnance particulière et le délai de 30 jours ne s’appliquait pas.

 

[14]           Dans la jurisprudence Airth, dans le cadre d’une requête en radiation, le juge Michael Phelan a conclu que les demandeurs contestaient, dans son ensemble, une ligne de conduite adoptée à l’égard d’un éventail de personnes physiques et morales, et non pas uniquement les demandes de renseignements qui leur avaient été signifiées. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire ne portait pas une seule décision ou ordonnance, elle portait plutôt sur « l’objet de la demande », auquel le délai de 30 jours ne s’appliquait pas (au paragraphe 5). (le juge Phelan, au paragraphe 13, a souligné qu’il était loisible au juge qui entendrait l’affaire au fond de tirer une autre conclusion).

 

[15]           Dans le même ordre d’idées, dans Apotex, dans le cadre d’une requête en radiation, le juge Yvon Pinard a conclu que les demanderesses semblaient contester, non pas une seule décision, mais plutôt une série de décisions et de mesures, prétendument partiales, prises par le ministre de la Santé. Par conséquent, le délai de 30 jours ne s’appliquait pas. Toutefois, lui aussi a laissé au juge qui entendrait l’affaire au fond le soin de la trancher de façon définitive (au paragraphe 14). Le juge Robert Barnes a conclu en dernière analyse que la demanderesse contestait en fait « trois décisions administratives distinctes » et qu’elle devait respecter le délai de 30 jours (2011 CF 1308, au paragraphe 18).

 

[16]           Enfin, dans l’arrêt May, il était question d’une contestation, en 2011, d’une politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) portant sur la radiodiffusion des nouvelles. Le CRTC appliquait la politique depuis 1995, et l’avait publiée dans la même année dans les lignes directrices. Le juge Marc Nadon, s’exprimant au nom de la Cour, a conclu que la demanderesse aurait pu contester cette [traduction] « affaire » en tout temps et qu’elle n’avait pas à attendre que le CRTC publie un bulletin portant précisément sur l’élection de 2011 (au paragraphe 11). Par conséquent, il a conclu que la question n’était pas [traduction] « vraiment urgente » et a rejeté la demande présentée par la demanderesse afin d’obtenir une instruction accélérée avant la tenue de l’élection.

 

[17]           Dans le cas de M. Hallen, il me semble évident qu’il conteste une seule décision – le retrait de l’agrément du régime de pension de Loba par l’ARC. Les conséquences de cette décision en ce qui concerne la pension de M. Hallen –  le refus de transférer ses prestations de retraite – ont été communiquées à ce dernier dans une lettre datée de juillet 2005. Il ne conteste pas une position de principe général, une ligne de conduite ou une série de décisions et de mesures.

 

[18]           En ce qui concerne la lettre envoyée par le Conseil du Trésor en juin 2012, celle-ci ne contenait aucune décision et, par conséquent, ne donne pas ouverture à contrôle judiciaire. Il ne s’agissait que d’une lettre de courtoisie (comme dans Batkai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 514, au paragraphe 13; Hughes c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CF 1055, au paragraphe 6; Phillips c Canada (Bibliothécaire et Archiviste), 2006 CF 1378, au paragraphe 2).

 

[19]           Selon moi, M. Hallen aurait pu présenter sa demande de contrôle de contrôle judiciaire en 2005 lorsque le Conseil du Trésor l’a avisé des conséquences de l’enregistrement du régime de retraite de Loba. Subsidiairement, lorsque ces conséquences se sont concrétisées par la réception de ses chèques de pension en 2011, il aurait pu présenter dès lors une demande de contrôle judiciaire. Dans les deux cas, sa demande de contrôle judiciaire est maintenant manifestement hors délai.

 

IV.       Analyse et décision

[20]           Je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens parce qu’elle a été présentée hors délai.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


Annexe

 

Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), ch F-7

 

Demande de contrôle judiciaire

 

Délai de présentation

   18.1(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

Federal Courts Act, RSC 1985, c F-7

 

 

Application for judicial review

 

Time limitation

  18.1(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-1428-12

 

INTITULÉ :

MICHAL HALLEN c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 16 SEPTEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                                         LE 27 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

Dougald E. Brown

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Elizabeth Richards

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nelligan O'Brien Payne LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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