Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140124


Dossiers :

T-2231-12

T-2232-12

T-2233-12

 

Référence : 2014 CF 80

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

ENTRE :

THE REGENTS OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA

 

demandeur

et

LE COMMISSAIRE DES BREVETS

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, à l’encontre d’une décision, datée du 15 novembre 2012, rendue par le commissaire des brevets [le commissaire], dans le cadre de poursuites justifiées par un conflit en matière de brevets intentées en vertu de l’article 43 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P-4, dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 [la Loi].

 

[2]               La demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs qui suivent.

Contexte et faits

[3]               Le demandeur a déposé trois demandes de brevet sur une période de 30 ans, lesquelles font respectivement l’objet des dossiers de la Cour T-2231-12, T-2232-12 et T-2233-12. Chacune de ces demandes de brevet est visée par la procédure en cas de conflit, de même que 7 autres demandes de brevet.

 

[4]               Dans le cadre du système en vigueur antérieurement au mois d’octobre 1989, lorsque plus de deux demandes de brevet décrivaient un objet brevetable très similaire, le commissaire entamait une procédure en cas de conflit conformément à l’article 43 de la Loi.

 

[5]               La procédure en cas de conflit est expliquée par le juge Hughes au paragraphe 9 de l’affaire Mycogen Plant Science Inc c Bayer Bioscience NV, 2010 CF 12 :

[traduction] 9     Le processus prévu pour le conflit a  effectivement été mis en branle lorsque des examinateurs du Bureau des brevets se sont aperçus que plus de deux demandes traitées par le Bureau semblaient viser les mêmes objets. En vertu du système en vigueur antérieurement au 1er octobre 1989, toutes les demandes de brevet étaient confidentielles et le public n’y avait pas accès. Ce qui est encore le cas en ce qui a trait aux demandes en l’espèce. Le Bureau des brevets choisissait des revendications formulées dans les demandes qui semblaient le mieux traiter de l’objet commun des demandes, ou même rédigeait ces revendications. Ces revendications communes étaient présentées aux demandeurs qui avaient le choix de continuer d’être parties aux procédures en cas de conflit en incluant à leur demande, si elles n’y figuraient pas déjà, quelques unes ou l’ensemble de ces revendications. Les demandeurs étaient ensuite invités à souscrire des affidavits dans lesquels ils énonçaient les faits qui établiraient la date de l’invention par leurs inventeurs. Certains pouvaient choisir de se fonder uniquement sur la date de dépôt de la demande au Canada ou dans un pays étranger si la demande présentée au Canada revendiquait la priorité de cette demande. Une fois tous les éléments de preuve déposés, le commissaire des brevets les examinait et déterminait dans sa décision lequel des inventeurs avait réalisé l’invention en premier lieu de la manière dont l’objet des revendications concurrentes la décrivait. Il arrivait à l’occasion que certains inventeurs étaient désignés comme étant les premiers inventeurs au regard de certaines des revendications, et que d’autres le soient en ce qui a trait à d’autres revendications. Les revendications étaient attribuées par le commissaire, dans chacune des demandes de brevet, au premier inventeur de chacune des revendications en cause et chacune des demandes faisait ensuite l’objet d’un examen définitif. Après avoir reçu la décision du commissaire, une partie insatisfaite pouvait cependant intenter une action en Cour fédérale sollicitant le réexamen de la question du premier inventeur et l’attribution des revendications qui en découle. Il ne s’agit pas d’un appel ou d’un contrôle judiciaire, mais d’une action à l’issue de laquelle une nouvelle décision est rendue. Dans le cadre d’une action de cette nature, de nouvelles ébauches de revendications (qualifiées de revendications de remplacement) pouvaient être proposées en vue de régler le conflit. L’action devant la Cour fédérale était instruite au même titre que toute autre action et susceptible d’être portée en appel de la façon habituelle.

 

 

[6]               Les conflits de demandes de brevet ne sont pas accessibles au public et les détails concernant l’instruction de chaque demande concurrente ne sont pas discutés entre les parties au conflit, pas plus que ces détails ne leur sont divulgués.

 

[7]               L’article 43 de la Loi décrit les étapes d’une procédure en cas de conflit :

-           par. 43(1) : détermination de l’existence d’un conflit entre deux ou plusieurs demandes pendantes, soit que chacune d’elles contient une ou plusieurs revendications qui définissent substantiellement la même invention, soit qu’une des demandes contient une ou des revendications décrivant l’invention divulguée dans l’autre ou les autres demandes;

-           par. 43(2) : notification aux demandeurs de l’existence d’un conflit et transmission d’une copie des revendications concurrentes, en fournissant à chaque demandeur l’occasion d’insérer dans sa demande les mêmes revendications concurrentes ou des revendications similaires;

-           par. 43(3) : transmission d’un avis préliminaire de conflit aux demandeurs qui ont rempli leurs demandes conformément aux dispositions du paragraphe (2);

-           par. 43(4) : invitation faite aux demandeurs de parer au conflit en modifiant ou radiant la ou les revendications concurrentes, ou en soumettant au commissaire une invention antérieure, après quoi le commissaire examine à nouveau les demandes et décide si l’objet de ces revendications concurrentes est brevetable;

-           par. 43(5) : transmission d’une déclaration formelle de conflit lorsque l’objet des revendications est reconnu brevetable et que les parties ont choisi de maintenir les revendications concurrentes dans leurs demandes. Les demandeurs concernés par le conflit sont alors tenus de déposer un affidavit énonçant le relevé de l’invention afin d’établir la date à laquelle ils ont inventé l’objet défini par la ou les revendications concurrentes;

-           par. 43(6) et (7) : examen des affidavits par le commissaire et communication aux demandeurs de sa décision déterminant lequel des demandeurs est le premier inventeur;

-           par. 43(8) :  rejet ou attribution de la ou des revendications concurrentes suivant la décision du commissaire, à moins qu’un des demandeurs n’engage des procédures à la Cour fédérale pour qu’elle détermine ses droits.

 

[8]               Conformément aux dispositions des paragraphes 43(3) et 43(4) de la Loi, le commissaire a notifié au demandeur l’existence des revendications concurrentes et il l’a invité à présenter une soumission d’antériorités qui pourraient faire en sorte que des revendications concurrentes présentées dans le cadre de l’une ou l’autre des demandes conflictuelles ne soient pas brevetables. Les paragraphes 27(1) et 61(1) énoncent les exigences relatives aux réalisations antérieures en matière de brevetabilité. 

 

[9]               Le demandeur a répondu en présentant ses observations au commissaire, lesquelles comprenaient des réalisations antérieures ainsi qu’une analyse de la brevetabilité de certaines revendications concurrentes faisant l’objet des procédures en cas de conflit.

 

[10]           Le demandeur a fait valoir ce qui suit :

 

i)                    il devrait être possible de citer en opposition à l’encontre de certaines revendications et de certains demandeurs des réalisations antérieures publiées plus de deux ans avant le dépôt d’une demande de brevet;

ii)                  il devrait aussi être possible de citer en opposition à l’encontre de certaines revendications et de certains demandeurs des réalisations antérieures publiées moins de deux ans avant le dépôt d’une demande de brevet, mais avant la date de priorité des demandes de brevet;

iii)                les réalisations antérieures de toutes catégories devraient être appréciées en fonction de la nouveauté et du caractère évident des éléments décrits dans les revendications concurrentes;

 

[11]           Le 15 novembre 2012, le commissaire a transmis au demandeur une lettre [la lettre] en réponse aux observations présentées par le demandeur. Cette lettre fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

[12]           Dans la lettre, l’examinateur de brevet, s’exprimant au nom du commissaire, a expliqué que les documents soumis par le demandeur conformément au paragraphe 43(4) de la Loi, et qui sont visés par les dispositions de l’alinéa 27(1)b) de la Loi (c.-à-d. des documents publiés plus de deux ans avant la date de dépôt des demandes concurrentes), avaient été examinés.

 

[13]           L’examinateur a souligné dans la lettre que les documents visés par les dispositions de l’alinéa 27(1)a) de la Loi (c.-à-d. ceux publiés moins de deux ans avant les dates de dépôt) n’avaient pas encore été examinés, car il était nécessaire de connaître la date de l’invention divulguée dans les revendications concurrentes pour procéder à cet examen.

 

[14]           L’examinateur a aussi expliqué que les questions touchant à la suffisance de la divulgation ne pouvaient seulement être réglées qu’après le dépôt des affidavits prévus au paragraphe 43(5) de la Loi;

 

[15]           Enfin, l’examinateur a avisé le demandeur qu’il  lui était accordé un délai de six mois à compter de la date de la lettre pour déposer au Bureau des brevets un affidavit du relevé de l’invention, comme le requiert les dispositions du paragraphe 43(5) de la Loi.

 

[16]           Les demandes de contrôles judiciaires dans les dossiers T-2231-12, T-2232-12 et T-2233-12 ont été présentées le 14 décembre 2012. En vertu d’une ordonnance prononcée par le protonotaire Morneau, ces dossiers ont été consolidés le 11 avril 2013, et le dossier T-2231-12 a été désigné à titre de dossier principal de la Cour.

 

[17]           Le 13 mai 2013, le défendeur a présenté une requête sollicitant le rejet de la demande de contrôle judiciaire en vertu de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

Dispositions législatives pertinentes

[18]           Les articles pertinents de la Loi sont reproduits à la fin du présent jugement comme annexe A.

 

Norme de contrôle

[19]           Au paragraphe 54 de l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la majorité de la Cour suprême du Canada a formulé la directive suivante : « […] Lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre Loi constitutive ou une Loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise ». Ce principe a été réitéré aux paragraphes 36 et 39 de l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, et il s’applique en l’espèce. Comme le commissaire applique sa propre Loi constitutive, la déférence est de mise et la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

[20]            Lorsqu’elle applique la norme de la décision raisonnable, la cour de révision s’attachera « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » ainsi qu’à « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au par. 47). Par ailleurs, il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence envers les questions d’équité procédurale et elles sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 43; Sketchley  c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au par. 53).

 

Les arguments du demandeur

[21]           Le demandeur soutient que le commissaire a refusé sans droit d’apprécier pleinement la brevetabilité de l’objet de l’invention décrite dans les revendications concurrentes, et de trancher cette question, avant d’exiger du demandeur de brevet la présentation d’une preuve établissant la date à laquelle il avait inventé l’objet du brevet. Plus particulièrement, le demandeur fait valoir que le commissaire n’a pas examiné les réalisations antérieures publiées moins de deux ans avant la date de dépôt, mais avant la date de priorité des demandes de brevet, ni les observations qu’il avait soumises sur la question de la divulgation.

 

[22]           Le demandeur n’est pas d’accord avec la position du commissaire exprimée dans sa lettre du 15 novembre 2012, selon laquelle il ne peut citer des références publiées moins de deux ans avant la date de dépôt, mais avant la date de priorité d’une demande de brevet, parce qu’il ne connaît pas la date d’invention d’une revendication concurrente donnée dans le cadre d’une demande de brevet donnée. Le demandeur affirme qu’étant donné que le commissaire connaît la date de priorité d’une revendication concurrente donnée dans le cadre d’une demande de brevet donnée, il peut présumer que la date d’invention remonte au moins aussi loin que la date de priorité, jusqu’à ce qu’un demandeur fasse valoir une date d’invention antérieure. Il est donc loisible au commissaire de citer dès à présent des références publiées il y a  « moins de deux ans ».     

 

[23]           Le demandeur indique qu’il est possible d’appliquer les dispositions de l’article 41 de la Loi pour permettre à un demandeur d’établir par affidavit une date d’invention antérieure aux fins de l’alinéa 27(1)a) (voir le par. 105, mémoire des faits et du droit du demandeur).

 

[24]           Le demandeur soutient aussi que le commissaire a commis une erreur lorsqu’il a décidé que les questions touchant à la divulgation ne pourraient être traitées pour le moment, mais qu’elles seraient tranchées à une étape ultérieure dans le cadre des procédures en cas de conflit de demandes de brevets. Bien que le commissaire affirme que les autres questions soulevées dans les observations présentées par le demandeur peuvent être examinées à une étape ultérieure du conflit, aucune disposition de cette nature ne figure dans la Loi, dans le recueil des pratiques du Bureau des brevets ou dans le manuel de l’examinateur de brevets. Il en résulte une situation injuste, à savoir que lorsqu’un demandeur ayant eu gain de cause à l’issue d’une procédure en cas de conflit fait ultérieurement l’objet d’un jugement statuant qu’il n’a pas droit à un brevet, pour les raisons soulevées dans les demandes de brevet, l’autre demandeur qui aurait dû avoir gain de cause n’aura pas la possibilité de corriger l’erreur autrement qu’en demandant à la Cour fédérale d’entendre à nouveau, depuis le début, la procédure en cas de conflit.

 

[25]           Le refus du commissaire d’effectuer une analyse complète de brevetabilité comme l’exige le paragraphe 43(5) de la Loi crée des problèmes inutiles tant de nature procédurale que sur le fond et qui, avec l’avancement de la procédure en cas de conflit, briment en fait la volonté du demandeur de mettre fin à un processus de demande de brevet qui dure depuis trente ans déjà. Le demandeur affirme, exemples à l’appui, que la réalisation d’une analyse de brevetabilité encore plus complète est susceptible de grandement simplifier la procédure en cas de conflit.

 

[26]           Le demandeur allègue également que le refus injustifié du commissaire d’examiner intégralement ses observations porte atteinte à son droit à l’équité procédurale. En vertu de la Loi, il existe une obligation d’équité procédurale imposée au commissaire de trancher la question de savoir si l’objet des revendications concurrentes est brevetable avant d’exiger du demandeur de brevet de présenter des éléments de preuve  révélant quand il a inventé l’objet de l’invention. À ce stade de la procédure en cas de conflit, le commissaire est tenu, en vertu du paragraphe 43(4), de demander des observations sur la question de la brevetabilité, de les évaluer et de décider si l’objet des revendications concurrentes est brevetable. L’étape prévue au paragraphe 43(5) ne pourra être amorcée que lorsque le  commissaire aura complété l’analyse prévue au paragraphe 43(4) et qu’il aura décidé si l’objet de l’invention est brevetable (Merck & Co c Apotex Inc, 2010 CF 1265, au par. 553). Selon le demandeur, l’interprétation selon laquelle l’analyse de la brevetabilité doit précéder le traitement de la question du premier inventeur est étayée par la jurisprudence (Tenneco Chemicals Inc c Hooker Chemical Corp, [1967] 1 Ex CR 188, au par. 6 [Tenneco]; General Tire & Rubber Co c Dominion Rubber Co, [1996] Ex CR 1164, aux par. 45, 46 [General Tire]; Dow Chemical Co c Richardson Co et al, [1970] Ex CJ no 4, au par. 10 [Dow Chemical]).

 

[27]           Le demandeur soutient que si le commissaire avait complété son examen et établi la brevetabilité de l’objet des revendications concurrentes, la portée de la procédure en cas de conflit serait réduite. Cette simplification du recours aurait fourni au demandeur des précisions et des renseignements facilitant d’autant la décision qu’il doit prendre sur la question de savoir s’il doit continuer ou non la procédure en cas de conflit, et dans quelle mesure il devrait le faire. Ce processus simplifié s’est envolé.

 

[28]           Le demandeur affirme aussi qu’étant donné que le commissaire a omis de statuer sur la brevetabilité, il sera contraint de deviner sur quel fondement le commissaire s’appuiera pour disposer de la question de la brevetabilité et il sera ainsi privé du droit d’adapter sa preuve au regard de l’objet brevetable ainsi que du droit de connaître la preuve qu’il aura à présenter pour répondre à la demande formulée en vertu du 43(5).

 

[29]           L’erreur commise par le commissaire en omettant d’entreprendre une analyse complète de brevetabilité crée une situation intenable qui porte atteinte au droit du demandeur à l’intelligibilité du processus et qui risque d’éterniser le litige. En procédant sur des revendications concurrentes dont la brevetabilité n’a pas été reconnue, en violation des obligations que la Loi prescrit aux paragraphes 43(4) et (5), le commissaire transfère en fait ce conflit à la Cour fédérale par le biais de l’examen de novo prévu au paragraphe 43(8) de la Loi. L’expérience et l’expertise particulières du commissaire en matière d’évaluation de la brevetabilité des revendications concurrentes seront alors perdues, alors qu’elles sont particulièrement pertinentes dans le présent contexte d’innovations biotechnologiques complexes. 

 

[30]           Le demandeur prie la Cour d’annuler la décision du commissaire, de lui enjoindre d’examiner l’ensemble des observations présentées sur la brevetabilité et de trancher la question de savoir si l’objet des revendications concurrentes est brevetable avant de requérir du demandeur de brevet de soumettre une preuve par affidavit établissant la date d’invention.

 

Arguments du défendeur

[31]           Le défendeur souligne que la demande de contrôle judiciaire a été introduite prématurément vu que le processus lié à la procédure en cas de conflit n’a pas été complété. Le contrôle judiciaire est donc irrecevable en vertu de l’article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales étant donné que le demandeur a le droit à un appel de novo qu’il peut interjeter en vertu du paragraphe 43(8) de la Loi (Turmel c Canada (Conseil de la radiodiffusion et des communications canadiennes), 2008 CAF 405, au par. 12).

 

[32]           Le demandeur a souligné qu’il perdrait ses droits si le commissaire devait trancher la question du premier inventeur et que les recours dont il disposerait seraient limités à la seule possibilité d’interjeter appel de la façon prévue au paragraphe 43(8) de la Loi. Cette affirmation n’est pas exacte, car il est loisible au demandeur de soumettre des revendications de remplacement dans le cadre d’un appel de novo (Mycogen Plant Science Inc c Bayer Bioscience NV, 2009 CF 1013, au par. 9).

 

[33]           Le défendeur soutient que l’argument avancé par le demandeur suivant lequel il était éventuellement possible de simplifier la procédure en cas de conflit au moyen d’une analyse de brevetabilité complète constitue dans le meilleur des cas une opinion et, au pire, une simple hypothèse, étant donné que le demandeur n’est au courant que de ses propres observations au regard de la revendication concurrente. Par conséquent, les exemples fournis par le demandeur ne sont que pures spéculations.

 

[34]           De nombreuses revendications ont été supprimées en raison de l’évaluation sur la brevetabilité réalisée par le commissaire à la lumière des réalisations antérieures soumises. Les dispositions de l’alinéa 27(1)a) de la Loi exigent cependant une connaissance de la date d’invention, laquelle ne peut être déterminée, lors de l’instruction d’une procédure en cas de conflit, qu’après l’étape du dépôt des affidavits prévue au paragraphe 45(3) de la Loi. Il n’est donc possible de procéder à d’autres réductions du nombre de revendications concurrentes qu’après le dépôt des affidavits. Contrairement à ce que soutient le demandeur dans ses observations, le commissaire ne peut [traduction] « présumer de la date d’invention »; l’objectif fondamental de la procédure en cas de conflit consiste à déterminer la paternité d’une invention décrite dans des revendications. En présentant une demande de contrôle judiciaire, le demandeur tente de contourner la procédure en cas de conflit en faisant en sorte que l’évaluation de la brevetabilité soit effectuée avant la détermination de la date d’invention.  

 

Analyse

[35]           La lettre du commissaire datée du 15 novembre 2012 contenait une analyse suffisante des observations soumises par le demandeur dans sa réplique. Le commissaire a examiné les réalisations antérieures publiées plus de deux ans avant les demandes de brevet conformément aux dispositions de l’alinéa 27(1)b) de la Loi, ce qui a entraîné, par l’application du principe de la brevetabilité, une réduction importante du nombre de revendications concurrentes. Le commissaire a souligné que la portée de l’analyse sur la brevetabilité serait nécessairement restreinte, car [traduction] « jusqu’à ce que les inventeurs et les dates d’invention puissent être établis pour chacune des revendications qui font l’objet du présent conflit, il n’est possible de citer une divulgation ou une utilisation antérieure qu’en fonction de documents admissibles selon les termes de l’alinéa 27(1)b) de la Loi sur les brevets, dans sa version antérieure au 1er octobre 1989 ».

 

[36]           J’estime raisonnable l’interprétation de l’alinéa 27(1)a) retenue par le commissaire suivant laquelle il est nécessaire d’établir une date d’invention avant de prendre en compte cette catégorie de réalisations antérieures. La Cour est d’accord avec le défendeur pour dire qu’il serait déraisonnable d’exiger du commissaire qu’il « présume d’une date d’invention ». La détermination de la date d’invention est au cœur même de la procédure en cas de conflit. Comme le soulignait la juge Snider dans la décision Sanofi-Aventis Canada Inc c Apotex Inc, 2009 CF 676, aux par. 283, 286, dans le cadre d’une procédure en cas de conflit, le commissaire « [Il]devait spécifiquement identifier la date de l'invention [...] » et la  « question de la date d'invention n'est pas un détail sans importance ».

 

[37]           Les décisions Tenneco, General Tire et Dow Chemical citées par le demandeur permettent de conclure que la décision du commissaire était raisonnable et que la procédure prévue par la Loi a été adéquatement suivie.

 

[38]           Le commissaire ne dispose pas encore des renseignements lui permettant d’être convaincu, sur la foi des citations datant de « moins de deux ans », que l’un ou l’autre des objets ne serait pas brevetable, étant donné que la date d’invention n’a pas encore été établie. En demandant des affidavits attestant la date d’invention, le commissaire veut rassembler toute l’information qui lui est nécessaire pour compléter l’analyse de la brevetabilité et ainsi remplir les obligations qui lui incombent en vertu des paragraphes 43(4) et 43(5) de la Loi.

 

[39]           La Cour est également d’accord avec le défendeur pour dire que l’allégation du demandeur selon laquelle une analyse sur la brevetabilité réalisée suivant sa suggestion favoriserait la simplification et la célérité des procédures n’est pas suffisamment fondée sur les faits.  Vu que la procédure en cas de conflit et la documentation soumise à l’appui des revendications concurrentes demeurent confidentielles, il est impossible de prédire avec certitude quelles seront les conclusions du commissaire sur la brevetabilité. 

 

[40]           Le commissaire n’a dépouillé le demandeur d’aucun de ses droits de façon illégale dans le cadre du processus lié à la procédure en cas de conflit. Le chapitre 18 du Recueil des pratiques du Bureau des brevets, dans sa version de janvier 1990, et le chapitre 18 du manuel de l’examinateur de brevets, dans sa version de février 1993, prévoient qu’il est possible de contester le rejet d’une revendication concurrente au motif qu’elle est non brevetable. Il est loisible au demandeur de se prévaloir de l’appel de novo prévu au paragraphe 43(8) de la Loi. De plus, la procédure en cas de conflit ne règle pas la question de la brevetabilité, mais en traite plutôt uniquement de façon à trancher la question du premier inventeur (Branchflower c Akshun Manufacturing Co, [1965] CCS no 1305).

 

[41]           La Cour est d’avis que le demandeur n’a pas démontré l’existence d’une violation de son droit à l’équité procédurale en l’espèce.  Aucune preuve ne démontre non plus que le demandeur a été traité différemment des autres demandeurs dans le cadre de la procédure en cas de conflit.

 

[42]           Vu que la décision du commissaire était raisonnable, l’intervention de la Cour n’est pas justifiée.

 

[43]           Il n’est donc pas nécessaire pour la Cour d’examiner la requête du demandeur visant à faire radier la demande, vu que le rejet de la demande de contrôle judiciaire suffit pour disposer de la présente affaire.

 

[44]           La Cour accueillera la requête en prolongation présentée par le demandeur pour le dépôt d’une preuve par affidavit conformément au paragraphe 43(5) de la Loi de façon à lui permettre de bénéficier du délai de six mois imposé par le commissaire dans sa lettre du 15 novembre 2012.

 

[45]           Les parties ont indiqué à la Cour qu’elles ne réclament pas de dépens.

 

 


JUGEMENT

PAR CONSÉQUENT, LA COUR ORDONNE ce qui suit :

1.              La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.             Le demandeur dispose de six mois à compter de la date du présent jugement pour déposer auprès du commissaire une preuve par affidavit conformément aux dispositions du paragraphe 43(5) de la Loi;

3.             Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

Traduction certifiée conforme.

Jean-Jacques Goulet, LL.L.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ANNEXE A

Loi sur les brevets LRC 1985, c P-4, dans sa version antérieure au 1er octobre 1989.

27. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’auteur de toute invention ou le représentant légal de l’auteur d’une invention peut, sur présentation au commissaire d’une pétition exposant les faits, appelée dans la présente Loi le « dépôt de la demande », et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente Loi, obtenir un brevet qui lui accorde l’exclusivité propriété d’une invention qui n’était pas :

a) connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l’ait faite ;

b) décrite dans un brevet ou dans une publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci-après mentionnée ;

 

 

 

 

 

 

 

 

43. (1) Se produit un conflit entre deux ou plusieurs demandes pendantes dans les cas suivants :

a) chacune d’elles contient une ou plusieurs revendications qui définissent substantiellement la même invention ;

 

b) une ou plusieurs revendications d’une même demande décrivent l’invention divulguée dans l’autre ou les autres demandes.

 

(2) Lorsque le commissaire a devant lui deux ou plusieurs de ces demandes, il doit :

 

a) notifier à chacun des demandeurs le conflit apparent, et transmettre à chacun d’eux une copie des revendications concurrentes, ainsi qu’une copie du présent article ;

b) procurer à chaque demandeur l’occasion d’insérer dans sa demande les mêmes revendications ou des revendications similaires, dans un délai spécifié.

 

(3) Si deux ou plusieurs de ces demandes complétées contiennent chacune une ou plusieurs revendications décrivant comme nouvelles des choses ou combinaisons de choses, et réclamant un droit de propriété ou privilège exclusif dans des choses ou combinaisons tellement identiques que, de l’avis du commissaire, des brevets distincts ne peuvent être accordés à des brevetés différents, le commissaire en notifie immédiatement chacun des demandeurs.

 

(4) Dans le délai fixé par le commissaire, chacun des demandeurs pare au conflit en modifiant ou radiant la ou les revendications concurrentes, ou, s’il est incapable de produire ces revendications parce qu’il connaît la découverte ou l’invention antérieure, il peut soumettre à l’appréciation du commissaire cette découverte ou invention antérieure qui, d’après l’allégation, devance les revendications. Chaque demande est dès lors examinée de nouveau par rapport à cette découverte ou invention antérieure, et le commissaire décide si l’objet de ces revendications est brevetable.

 

(5) Si l’objet des revendications visées au paragraphe (3) est reconnu brevetable et que les revendications concurrentes sont maintenues dans les demandes, le commissaire exige de chaque demandeur le dépôt, au Bureau des brevets, dans une enveloppe scellée portant une souscription régulière, dans un délai qu’il spécifie, d’un affidavit du relevé de l’invention. L’affidavit déclare :

 

a) la date à laquelle a été conçue l’idée de l’invention décrite dans les revendications concurrentes ;

b) la date à laquelle a été fait le premier dessin de l’invention ;

 

c) la date à laquelle a été faite la première divulgation écrite ou orale de l’invention et la manière dont elle a été faite ;

d) les dates et la nature des expériences successives que l’inventeur a pratiquées par la suite afin de développer et mettre graduellement au point cette invention jusqu’à la date du dépôt de la demande de brevet.

 

(6) Aucune enveloppe contenant l’affidavit mentionné au paragraphe (5) ne peut être ouverte, et il n’est pas permis d’examiner les affidavits, à moins que ne subsiste un conflit entre deux ou plusieurs demandeurs, auquel cas toutes les enveloppes sont ouvertes en même temps par le commissaire en présence du sous-commissaire ou d’un examinateur en qualité de témoin, et la date de l’ouverture des enveloppes est inscrite sur les affidavits.

 

(7) Après l’examen des faits énoncés dans les affidavits, le commissaire décide lequel des demandeurs est le premier inventeur à qui il attribuera les revendications concurrentes, et il expédie à chaque demandeur une copie de sa décision. Copie de chaque affidavit est transmise aux divers demandeurs.

 

(8) Les revendications concurrentes sont rejetées ou admises en conséquence, à moins que, dans un délai fixé par le commissaire et dont avis est donné aux divers demandeurs, l’un d’eux ne commence des procédures à la Cour fédérale en vue de déterminer leurs droits respectifs, auquel cas le commissaire suspend toute action ultérieure sur les demandes concurrentes, jusqu’à ce que, dans ces procédures, il ait été déterminé que, selon le cas :

 

a) de fait, il n’existe aucun conflit entre les revendications en question ;

 

 

b) aucun des demandeurs n’a droit à la délivrance d’un brevet contenant les revendications concurrentes, selon la demande qu’il en a faite ;

c) il peut être délivré, à l’un ou à plusieurs des demandeurs, un ou des brevets contenant des revendications substituées, approuvées par le tribunal ;

d) l’un des demandeurs a droit à l’encontre des autres, à la délivrance d’un brevet comprenant les revendications concurrentes, selon la demande qu’il en a faite.

 

(9) À la demande de l’une des parties à une procédure prévue par le présent article, le commissaire transmet à la Cour fédérale les documents déposés au Bureau des brevets qui se rattachent aux demandes concurrentes.

 

61. (1) Aucun brevet ou aucune revendication dans un brevet ne peut être déclaré invalide ou nul pour la raison que l’invention qui y est décrite était déjà connue ou exploitée par une autre personne avant d’être faite par l’inventeur qui en a demandé le brevet, à moins qu’il ne soit établi que, selon le cas :

 

a) cette autre personne avait, avant la date de la demande du brevet, divulgué ou expLoité l’invention de telle manière qu’elle était devenue accessible au public ;

b) cette autre personne avait, avant la délivrance du brevet, fait une demande pour obtenir au Canada un brevet qui aurait dû donner lieur à des procédures en cas de conflit ;

c) cette autre personne avait à quelque époque fait au Canada une demande ayant, en vertu de l’article 28, la même force et le même effet que si elle avait été enregistrée au Canada avant la délivrance du brevet et pour laquelle des procédures en cas de conflit auraient dû être régulièrement prises si elle avait été ainsi enregistrée.

 

27. (1) Subject to this section, any inventor or legal representative of an inventor of an invention that was

 

 

 

 

 

 

 

a) not known or used by any other person before he invented it,

b) not described in any patent or in any publication printed in Canada or in any other country more than two years before presentation of the petition hereunder mentioned

….

may, on presentation to the Commissioner of a petition setting out the facts, in this Act termed the filing of the application, and on compliance with all other requirements of this Act, obtain a patent granting to him an exclusive property in the invention.

 

43. (1) Conflict between two or more pending applications exists

 

(a) when each of them contains one or more claims defining substantially the same invention, or

 

(b) when one or more claims of one application describe the invention disclosed in one of the other applications.

 

(2) When the Commissioner has before him two or more applications referred to in subsection (1), he shall

a) notify each of the applicants of the apparent conflict and transmit to each of them a copy of the conflicting claims, together with a copy of this section; and

b) give to each applicant the opportunity of inserting the same or similar claims in his application within a specified time.

 

 

(3) Where each of two or more of the completed applications referred to in subsection (1) contains one or more claims describing as new, and claims an exclusive property of privilege in, things or combinations so nearly identical that, in the opinion of the Commissioner, separate patents to different patentees should not be grated, the Commissioner shall forthwith notify each of the applicants to that effect.

 

 

 

(4) Each of the applicants referred to in subsection (3), within a time to be fixed by the Commissioner, shall either avoid the conflict by the amendment or cancellation of the conflicting claim or claims, or, if unable to make the claims owing to knowledge of prior art, may submit to the Commissioner such prior art alleged to anticipate the claims, and thereupon each application shall be re-examined with reference to the prior art, and the Commissioner shall decide if the subject-matter of such claims is patentable.

 

 

(5) Where the subject-matter of the claims described in subsection (3)  is found to be patentable and the conflicting claims are retained in the applications, the Commissioner shall require each applicant to file in the Patent Office, in a sealed envelope duly endorsed, within a time specified by him, an affidavit of the record of the invention, which affidavit shall declare

 

(a) the date at which the idea of the invention described in the conflicting claims was conceived;

(b) the date upon which the first drawing of the invention was made;

 

(c) the date when and the mode in which the first written or oral disclosure of the invention was made; and

(d) the dates and nature of the successive steps subsequently taken by the inventor to develop and perfect the invention from time to time up to the date of the filing of the application for patent.

 

(6) No envelope containing any affidavit mentioned in subsection (5) shall be opened, nor shall the affidavit be permitted to be inspected, unless there continues to be a conflict between two or more applicants, in which event all the envelopes shall be opened at the same time by the Commissioner in the presence of the Assistant Commissioner or an examiner as witness thereto, and the date of the opening shall be endorsed upon the affidavits.

 

(7) The Commissioner, after examining the facts stated in the affidavits, shall determine which of the applicants is the prior inventor to whom he will allow the claims in conflict and shall forward to each applicant a copy of his decision, together with a copy of each affidavit.

 

 

(8) The claims in conflict shall be rejected or allowed accordingly unless within a time to be fixed by the Commissioner and notified to the several applicants one of them commences proceedings in the Federal Court for the determination of their respective rights, in which event the Commissioner shall suspend further action on the applications in conflict until it has been determined in those proceedings that

 

 

(a) there is in fact no conflict between the claims in question;

 

 

(b) none of the applicants is entitled to the issue of a patent containing the claims in conflict as applied for by him;

 

(c) a patent or patents, including substitute claims approved by the Court, may issue to one or more of the applicants; or

 

(d) one of the applicants is entitled as against the others to the issue of a patent including the claims in conflict as applied for by him.

 

 

(9) The Commissioner shall, on the request of any of the parties to a proceeding under this section, transmit to the Federal Court the papers on file in the Patent Office relating to the applications in conflict.

 

 61.(1) No patent or claim in a patent shall be declared invalid or void on the ground that, before the invention therein defined was made by the inventor by whom the patent was applied for, it had already been known or used by some other person, unless it is established that

 

 

(a) that other person had, before the date of the application for the patent, disclosed or used the invention in such manner that it had become available to the public;

(b) that other person had, before the issued of the patent, made an application for patent in Canada on which conflict proceedings should have been directed; or

(c) that other person had at any time made an application in Canada which, by virtue of section 28 had the same force and effect as if it had been filed in Canada before the issue of the patent and on which conflict proceedings should properly have been directed had it been so filed.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIERS :

T-2231-12 T-2232-12 T-2233-12

 

INTITULÉ :

THE REGENTS OF THE UNIVERSITY OF CALIFORNIA c LE COMMISSAIRE AUX BREVETS

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 15 JANVIER 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT ETJUGEMENT :

                                                            LE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 24 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

Me Greg Moore

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Antoine Lippé

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Greg Moore

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Antoine Lippé

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.