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Date : 20140121


Dossier :

T-744-13

 

Référence : 2014 CF 66

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Scott

 

ENTRE :

SYLVAIN ABEL, MARTIN ASSELIN, MARIE-CLAUDE ASSELIN, YAN AUDET, STÉPHANE AYLWIN, RICHARD BACON, BENOIT BEAUSÉJOUR, JEAN BEAUSÉJOUR, CLAUDE BÉLAND, DANIEL BÉLAND, GEORGE CLAVEAU JR., JAMES COOPER, STEVE COSSETTE, ANDRÉ CÔTÉ, CHANTAL COUTURE, LÉON DEBLOIS, BRUNO DELISLE, JEAN DÉSAULNIERS, JEAN-ROCK DESCHESNES, RÉAL DESPINS, BENOIT BÉLANGER, ALAIN BELLEY, NORMAND BERGERON, MARIO BERTRAND, STEPHAN BILODEAU, SYLVAIN BILODEAU, DANIEL BLAIS, MICHEL BLAIS, LINDA BOISVERT, MARTIN BOIVIN, LAURIER BONNEAU, PAUL BORDELEAU, GUY BOUCHARD, JACQUES BOUCHARD, DANIEL BOUDREAULT, CHANTAL BOULANGER, JEAN BOUSQUET, MARTIN BOUTIN, RICHARD BRETON, DANY BRODEUR, CÉLINE DROLET, DOMINIC DUFOUR, ÉRIC DUFOUR, LOUIS DUMONT, GILLES FAFARD, JÉRÉMI FERRON, DANIEL FORTIER, DOMINIQUE FORTIN, GILLES FORTIN, GASTON FOURNIER, ROLAND FRANCOEUR, FRANÇOIS HARVEY, DENIS FRAPPIER, JEAN-MARIE FRASER, RENÉ FRASER, LINE GAGNÉ, MARTIAL GAGNÉ, RICHARD GAGNÉ, FERNAND GAGNON, MARCEL GAGNON, RENÉ GAGNON, SYLVAIN GAGNON, SYLVAIN GARCEAU, JACQUES GARNEAU, RAYMONDE GÉLINAS, ALAIN GILBERT, DENIS GONNEVILLE, BERNARD GRENIER, DANY GRENIER, NANCY GRENIER, ROLAND GROLEAU, ANDRÉ GRONDIN, JEAN-CLAUDE HARVEY, MARTIN HARVEY, RENÉ HARVEY, YVES HARVEY, RICHARD HAYES, NORMAND ISABELLE, PIERRE JACOB, CLAUDE LABONTÉ, JEAN LACHANCE, DENIS LALANCETTE, DENIS LALANCETTE, MICHEL LAMBERT, JULIEN LAMPRON, MICHEL LANGEVIN, TOUSSAINT LAPOINTE, MARC LAPOINTE, MICHEL LAROCHE, SYLVAIN LAROUCHE, DENISE AYOTTE, GUY LAVERGNE, JOCELYN LEFEBVRE, MARC LEFEBVRE, JACQUES LEMAY, NORMAND LESIEUR, ANDRÉ MARTIN, PATRICK MARTINEAU, RÉAL MÉNARD, DENIS MERCIER, FRANCIS METCALFE, LUCIE MONGRAIN, DANIEL MONGRAIN, MICHEL MOREAU, JEAN-PIERRE MORIN, MARIO MUNGER, GLEN NATALE, SYLVAIN NERON, LOUIS-MARIE OUELLET, ÉRIC PARADIS, YVAN PARADIS, CLERMONT PERRON, MARC-ANDRÉ QUIRION, CÉLINE RACINE, JOCELYN RICARD, GISÈLE ROLLIN, HEIDI SAVARD, PIERRE SAVOIE, JOEL SCATLAND, DANY SÉGUIN, JULIE SIMARD, CAROL SIMONEAU, MICHEL ST-AMANT, FERNAND ST-AMAUD, GUY ST-LOUIS, DANIEL ST-PIERRE, RÉJEAN TAILLON, GUY TARDIF, PATRICK THIBEAULT, ALAIN TREMBLAY, JOHANNE TREMBLAY, JEAN-PIERRE TREMBLAY, LANGIS TREMBLAY, MARCEL TREMBLAY, NOEL TREMBLAY, DANY TURCOTTE, JULES-AIMÉ TURCOTTE, LUC TURCOTTE, RÉGIS TURCOTTE, CAMIL TURGEON, LUC VAUGEOIS, MICHEL VEILLETTE, GUY VENNES, JACQUES VINCENT, MICHEL VINCENT, MICHEL VINCENT JR.

demandeurs

et

DENIS ASSELIN, JEAN ASSELIN ET NATHALIE ASSELIN, EN QUALITÉ D'ADMINISTRATEURS DE TRANSPORT ASSELIN LTÉE

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          Introduction

[1]               Sylvain Abel et autres (les demandeurs) présentent cette demande de révision judiciaire aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F-7 [la LCF] à l’encontre de la décision d’un arbitre rendue le 27 mars 2013, aux termes de l’article 251.12 du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 [le CCT], annulant l’ordre de paiement au montant de 279 328,41$ délivré par un inspecteur (l’inspecteur) du programme fédéral du travail de Ressources humaines et Développement des compétences Canada [RHDCC], au motif qu’il était prescrit.

 

[2]               Pour les raisons qui suivent, la Cour accueille cette demande de révision judiciaire.

 

 

 

 

II.        Les faits

 

[3]               Transport Asselin Ltée (Transport Asselin), une société constituée en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies, LRQ, c C-38 [la LCQ], employait les demandeurs. Puisque Transport Asselin effectuait du transport routier interprovincial, elle répondait à la définition d’entreprise fédérale aux termes des alinéas 2 b) et 167 a) et c) du CCT.

 

[4]               Transport Asselin fait cession de ses biens le 25 août 2005 et c’est à ce moment que le lien d’emploi entre les demandeurs et leur employeur se rompt. Dans les jours suivant cette cession, les demandeurs déposent leur plainte auprès du Programme du Travail afin de recouvrer les sommes qui leur sont dues aux termes de la Partie III du CCT. Les défendeurs soutiennent qu’ils n’ont pas été avisés, ni par les demandeurs, ni par l’inspecteur, de l’existence de cette plainte (voir le dossier des défendeurs, page 93, paragraphe 40).

 

[5]               Toutefois, le 31 août 2005, un inspecteur du RHDCC entre en communication avec Transport Asselin dans le but d’obtenir le calcul des montants dus à chacun des employés à titre de salaire, vacances, préavis et indemnité de départ.

 

[6]               La liquidation des actifs de Transport Asselin n’est pas finalisée avant le 18 novembre 2009.

 

[7]               Le ou vers le 21 décembre 2010, l’inspecteur avise les défendeurs qu’il enquête dans le but de déterminer si des montants sont dus aux employés de Transport Asselin aux termes de la partie III du CCT.

 

[8]               Le ou vers le 10 janvier 2011, l’inspecteur informe les défendeurs du résultat de son enquête. Il conclut que les défendeurs, en qualité d’administrateurs de l’employeur, étaient « personnellement et solidairement responsables du salaire et autres indemnités » dus aux employés, pour un montant de 698 069,71$. Suite aux représentations et objections présentées par les défendeurs, l’inspecteur révise le montant dû le 25 janvier 2012 et fixe la somme totale due aux demandeurs à 279 328, 41$.

 

[9]               Le 6 mars 2012, les défendeurs reçoivent signification d’un ordre de paiement pour ce montant. Les défendeurs contestent cet ordre de paiement devant un arbitre et font valoir la prescription, après avoir consigné le montant exigé auprès du Receveur général du Canada.

 

[10]           Les défendeurs soutiennent que le recours de l’article 251.18 du CCT qui régit la responsabilité des administrateurs, en matière de recouvrement du salaire, est assujetti au délai de prescription de trois ans prévu à l’article 2925 du Code civil du Québec [le CcQ]. Les défendeurs prétendent que le droit provincial, en matière de prescription, supplée au silence du législateur fédéral. Le délai de trois ans commençant à courir le 25 août 2005, soit la date où la faillite a été déclarée, l’ordre de paiement délivré en mars 2012 serait donc prescrit.

 

[11]           Le 27 mars 2013, l’arbitre rend sa décision. Il annule l’ordre de paiement puisqu’il accepte les arguments des défendeurs voulant que le recours des demandeurs soit prescrit.

 

 

III.       Législation

 

[12]           Les articles de loi applicables en l’instance sont reproduits en annexe au présent jugement.

 

IV.             Question en litige et norme de contrôle

 

A.        La question en litige

                     L’arbitre a-t-il erré en faits et en droit en statuant que l’ordre de paiement délivré par l’inspecteur le 12 janvier 2012 aux termes de l’article 251.18 du CCT est prescrit?

 

B.        La norme de contrôle

 

[13]           Les demandeurs allèguent que la norme de contrôle applicable, lorsqu’il s’agit d’interpréter les normes de travail édictées à la partie III du CCT ou lorsqu’un arbitre siège en appel d’un ordre de paiement, est celle de la décision raisonnable car le décideur agit dans son champ de compétence. Cependant, la question de savoir si des lois provinciales s’appliquent pour suppléer à une loi fédérale est une question sur laquelle l’arbitre ne bénéficie d’aucune expertise. De plus, il s’agit d’une question de droit générale qui revêt une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble. Par conséquent, la décision de l’arbitre à ce sujet attire l’application de la norme de la décision correcte.

 

[14]           Les défendeurs affirment que l’arbitre devait se prononcer sur la question de la prescription à la lumière de l’objectif de la partie III du CCT et sur la responsabilité des administrateurs aux termes de cette loi. Les défendeurs font valoir qu’il s’agit d’une question mixte de droit et de faits et que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Ils ajoutent que si la Cour retenait la norme de la décision correcte, la décision de l’arbitre ne devrait tout de même pas être révisée.

 

[15]           La Cour suprême, dans l’affaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 [Alberta Teachers] au para 34, énonce que :

« […] sauf situation exceptionnelle - et aucune ne s'est présentée depuis Dunsmuir-, il convient de présumer que l'interprétation par un tribunal administratif de "sa propre loi constitutive ou [d']une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie" est une question d'interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire ».

 

[16]           Ainsi, la Cour souscrit à la position des parties voulant qu’elle doive faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de l’arbitre, lorsque ce dernier interprète les dispositions du CCT. Dans ces cas, c’est la norme de la raisonnabilité qui s’applique.

 

[13]      Quant aux conclusions de l’arbitre, portant sur l’application de lois provinciales, la Cour est d’avis que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. En effet, l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] au para 60, nous enseigne que :

« […] dans le cas d'une question de droit générale "à la fois, d'une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et étrangère au domaine d'expertise de l'arbitre" (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 62, le juge LeBel), la cour de révision doit également continuer de substituer à la décision rendue celle qu'elle estime constituer la bonne».

 

V.        Positions des parties

 

A.        Position des demandeurs

 

[17]           Les demandeurs allèguent que les plaintes concernant le recouvrement de salaire, sous la Partie III du CCT, ne sont assujetties à aucun délai de prescription explicite. Conséquemment, les inspecteurs du Programme du travail peuvent récupérer les sommes dues aux salariés en tout temps. Ils réfèrent, entre autres, à la décision Nation Delaware c Logan, 2005 CF 1702 aux paras 24 à 26, dans laquelle le juge Phelan a conclu qu’étant donné que le législateur a prévu un délai de prescription pour certains recours, sans pour autant établir un délai de prescription plus général, cela suppose qu’il s’est délibérément abstenu de le faire et il n’appartient pas à la Cour de suppléer au choix du législateur en édictant un délai de prescription.

 

[18]           Les demandeurs soulignent que le CCT prévoit un délai de 90 jours pour déposer une plainte en matière de congédiement. Selon eux, il s’agit là d’un exemple du choix explicite du législateur de limiter un droit, alors qu’aucun délai de prescription n’est pour autant prévu pour un recours en recouvrement de salaire. Les demandeurs réfèrent à la décision Erb Transport Ltd v Smytkiewicz, [2008] CLAD No 154. Dans cette affaire, l’arbitre énonce, au paragraphe 45 :

« Had parliament intended such complaints to be made in writing in order to be valid, it would have expressed that intention with the same clear language provided in section 240 (1) for unjust dismissal claims, which it has chosen not to ».

 

[19]           Ainsi, ce raisonnement pourrait s’appliquer au choix du législateur de ne pas préciser de délai de prescription pour la partie III, alors que des délais pour exercer des recours ont été expressément prévus ailleurs dans le CCT.

 

[20]           Les demandeurs soutiennent également que l’inspecteur désigné par le ministre, pour administrer les dispositions du CCT relatives au recouvrement du salaire, est investi de pouvoirs d’enquête et de pouvoirs décisionnels. Suite à son enquête, l’inspecteur rend une décision. En certaines circonstances, il peut délivrer un ordre de paiement qui, selon les demandeurs, « a tous les attributs essentiels d’une décision, statuant sur le mérite d’un recours engagé par un salarié aux fins de faire respecter ses droits reconnus à la Partie III du Code » (voir le dossier des demandeurs, page 152, para 36).

 

[21]           Les demandeurs prétendent que le dépôt d’une plainte auprès du Programme du travail constitue l’exercice d’un recours. Le dépôt ayant été fait dans les jours suivant la faillite de l’employeur, aucune disposition du CCT n’oblige l’inspecteur à limiter la durée de son enquête ou de son délibéré. Ainsi, les demandeurs font valoir que si la Cour en venait à la conclusion qu’un délai de prescription s’applique, la prescription fut interrompue par le dépôt de leur plainte auprès du Programme du travail. Conséquemment, l’ordre de paiement délivré par l’inspecteur ne peut être prescrit.

 

[22]           Enfin, les demandeurs plaident également que l’arbitre s’est mépris sur les fondements du recours prévu pour les employés aux termes de la Partie III du CCT, et par conséquent, sur l’étendue de sa propre compétence.

 

B.        Position des défendeurs

 

[23]           Les défendeurs estiment qu’il était raisonnable pour l’arbitre d’avoir soutenu que le droit commun du Québec constituait une source de droit supplétive à la loi fédérale, étant donné le défaut d’avoir précisé un délai de prescription au CCT. Les défendeurs justifient cette position en faisant valoir que l’ordre public et la stabilité des relations juridiques entre les personnes commandent que les réclamations ne soient pas présentées indépendamment du temps. Les défendeurs soulignent également que la responsabilité des administrateurs, pour le paiement des salaires, découle d’une disposition statutaire et elle ne saurait, par conséquent, exister pour une période indéfinie.

 

[24]           Ils soutiennent, par ailleurs, que le législateur fédéral a codifié le caractère supplétif du droit provincial. Les défendeurs réfèrent à l’article 8.1 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21. Cet article précise que :

« Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte ».

 

[25]           Les défendeurs s’appuient également sur la LCF et son article 39 qui prévoient que les règles de droit, en matière de prescription, qui régissent les rapports entre particuliers dans une province où le fait générateur est survenu, s’appliquent à toute instance devant la Cour fédérale ainsi que devant la Cour d’appel fédérale.

 

[26]           Les défendeurs citent, entre autres, l’affaire Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes c Société canadienne des Postes, 2010 CanLii 46539 aux paras 51 à 56, dans laquelle on énonce que :

«  En l’absence de prescription soit dans la convention collective soit dans le Code canadien du travail, le droit commun dans la province de Québec est une source de droit supplétive à la convention collective comme l’a reconnu la Cour suprême dans l’arrêt Isidore Garon limitée c. Tremblay : Filion et Frères (1976) Inc., c. Syndicat national des employés de garage du Québec Inc., (2006) 1 RCS 27 » (voir para 52).

 

[27]           Les défendeurs se fondent également sur une décision de la Cour suprême de Colombie-Britannique, In the Matter of Western Express Air Lines Inc., 2006 BCSC 1267, qui a déclaré que la loi constitutive de la compagnie chevauchait le CCT et ces lois s’appliquaient donc de concert et en complémentarité. Dans cette affaire, la Cour affirmait :

«22. In my view s.251.18 of the Code constitutes a basic statement of the extent to which directors may come under a liability to employees for various amounts. It contains no time period for giving notice of a claim. By contrast s.119 CBCA includes within it a number of rights and protections available to directors that are not contained in the Code. It places on employees of CBCA corporations the relatively minor obligation to file Proofs of Claim within six months, a requirement on which the Code is silent.

 

23. In my view the statutory provisions are overlapping and not contradictory and hence the six month limitation period in the CBCA applies».

 

[28]           Les défendeurs soutiennent que la Cour doit appliquer cette logique aux faits en l’instance et font valoir que l’article 96 de la LCQ, la loi sous laquelle Transport Asselin a été constituée, ne prévoit pas de délai de prescription pour le recours contre les administrateurs pour salaire impayé, c’est pourquoi la prescription prévue à l’article 2925 CcQ a été appliquée par la jurisprudence.

 

[29]           Les défendeurs soulignent que l’argument des demandeurs, voulant que l’ordre de paiement délivré par l’inspecteur soit une décision administrative et non un recours, n’a pas été soulevé devant l’arbitre et que l’inspecteur ne l’a pas soulevé dans son rapport. Les défendeurs plaident que si cette Cour conclut qu’il s’agit d’une décision administrative, le délai pour contester la validité de l’ordre de paiement et pour justifier la réparation, sous forme d’annulation de ce dernier, est forclos en vertu des principes de justice naturelle et de l’obligation d’agir équitablement. Les défendeurs se fondent sur l’arrêt Blencoe c Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, dans lequel la Cour suprême sanctionnait la notion de manquement à l’obligation d’agir équitablement en raison d’un délai déraisonnable ou excessif.

 

[30]           Les défendeurs prétendent subir un préjudice grave en raison du délai qu’ils qualifient d’«excessif » et de « déraisonnable ». Ils allèguent également qu’il devenait imprévisible de recevoir une réclamation après tout ce temps. La décision de l’inspecteur leur aurait occasionné de l’incompréhension, de l’inquiétude et du stress.

 

[31]           Les défendeurs affirment que la décision de l’arbitre d’annuler l’ordre de paiement est raisonnable et que la Cour n’a pas à intervenir dans de telles circonstances.

 

VI.       Analyse

 

[32]           L’article 251.1 du CCT prévoit un moyen pour un employé d’obtenir le versement d’un salaire ou d’une autre indemnité auquel il a droit. Cet article précise que :

« 251.1 (1) L’inspecteur qui constate que l’employeur n’a pas versé à l’employé le salaire ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit sous le régime de la présente partie peut ordonner par écrit à l’employeur ou, sous réserve de l’article 251.18, à un administrateur d’une personne morale visé à cet article de verser le salaire ou l’indemnité en question; il est alors tenu de faire parvenir une copie de l’ordre de paiement à l’employé à la dernière adresse connue de celui-ci.

 

(2) L’inspecteur qui conclut à l’absence de fondement d’une plainte portant que l’employeur n’a pas versé à l’employé le salaire ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit sous le régime de la présente partie avise le plaignant par écrit de sa conclusion ».

 

[33]           À la lecture de cet article, il est clair que pour faire valoir son droit de réclamer du salaire impayé, ou autre indemnité, l’employé doit déposer une plainte auprès du RHDCC, qui y assignera un inspecteur. Si après enquête, l’inspecteur détermine que la plainte est fondée, ce dernier délivre alors un ordre de paiement. Cet ordre de paiement constitue une ordonnance rendue par un inspecteur qui jouit d’un pouvoir d’enquête. Cette ordonnance peut faire l’objet d’un arbitrage subséquent si elle est contestée et finalement devenir un jugement exécutoire de notre Cour aux termes du paragraphe 244(1) du CCT.  

 

[34]           Le régime fédéral établi par le CCT diffère du régime provincial québécois des normes du travail. Contrairement à la Commission des normes du travail qui procède par recours devant les tribunaux, lorsqu’elle tente de récupérer des salaires impayés (voir l’article 98 de la Loi sur les normes du travail, LRQ, c N-1.1), le RHDCC n’intente pas de recours devant les tribunaux de droit commun. Les inspecteurs du RHDCC sont eux-mêmes investis des pouvoirs conférés aux commissaires aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes, LRC 1985, c I-11 (voir le paragraphe 248 (1) du CCT). Ainsi, les recours prévus à la partie III du CCT s’exercent auprès de fonctionnaires désignés à cette fin. Comme le soulignait la Juge Sharlow dans Dynamex Canada Inc c Mamona, 2003 CAF 248 au para 32 : « Un examen de la partie III met à jour également un autre objectif qui consiste à mettre en place un mécanisme efficace de règlement des différends découlant des dispositions législatives contenues dans cette partie de la loi ».

 

[35]           Puisque le recours en recouvrement, selon la partie III du CCT, s’exerce dans un premier temps devant l’inspecteur, la Cour souscrit à la position des demandeurs voulant que l’ordre de paiement constitue une « décision statuant sur le mérite d’un recours engagé par un salarié aux fins de faire respecter ses droits reconnus à la Partie III du Code ». En somme, il s’agit d’une procédure établie en vertu de la loi. Faut-il rappeler que la jurisprudence a reconnu que règle générale, un requérant a l’obligation de se prévaloir d’une procédure prescrite par la loi avant de s’adresser aux tribunaux de droit commun (voir l’affaire Canadien Pacifique Ltée c Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 RCS 3 aux paras 33 à 38).

 

[36]           Le recours prévu à l’article 251.1 de la partie III du CCT s’amorce par le dépôt d’une plainte (voir l’article 251.1 du CCT), suite à laquelle une décision est rendue par un inspecteur. L’appel de la décision de l’inspecteur est porté devant un arbitre désigné par le ministre (voir l’article 251.12 du CCT). Il constitue la prochaine étape si une des parties désire contester l’ordre de paiement prononcé contre elle.

 

[37]           En somme, la Cour constate que la plainte des demandeurs qui amorçait le recours a été déposée à peine quelques jours suivant la faillite, conformément au CCT. Dans de telles circonstances, le recours en l’instance s’est exercé conformément aux dispositions du CCT et ne peut être prescrit.

 

[38]           Depuis l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire St-Hilaire c Canada (Procureur général), 2001 CAF 63 [St-Hilaire], il est clairement établi que le CcQ s’applique de manière supplétive lorsque la Cour est saisie d’un litige de nature privé qui survient au Québec (voir St Hilaire, précité, au para 50). De plus, l’article 39 de la LCF précise qu’en l’absence de disposition contraire d’une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui régissent les rapports entre particuliers, dans une province, s’appliquent à toute instance devant la Cour fédérale si le fait à l’origine du litige y est survenu.

 

[39]           Par ailleurs, dans l’affaire Gingras c Canada, [1994] 2 CF 734, on précise la démarche que la Cour doit suivre avant d’importer la prescription édictée par une loi provinciale. Dans un premier temps, il faut voir si la loi fédérale applicable prévoit un délai de prescription. En l’absence de délai précis, comme dans la présente instance, le CCT n’ayant édicté aucun délai pour l’exercice du recours prévu à l’article 251.1, on doit alors se replier sur la prescription générale applicable dans la province où la cause d’action a pris naissance.

 

[40]           En l’instance, si l’on applique les dispositions du CcQ sur la prescription, les parties ont reconnu que le délai de prescription commençait à courir à partir de la faillite, puisqu’il est clairement établi en jurisprudence que la cession rompt le lien entre l’employeur et ses employés. Le recours prévu à l’article 251.1 du CCT existe dès lors. Les employés avaient donc trois ans pour déposer leur plainte, suite à la cession (voir l’article 2925 CcQ).

 

[41]           Dans les faits, ils l’ont déposée quelques jours après la faillite, interrompant par ce fait la prescription aux termes de l’article 2892 CcQ qui prévoit l’interruption suite à l’introduction d’une demande en justice ou l’envoi d’un avis en cas d’arbitrage.

 

[42]           La Cour est d’avis que l’application de la règle du CcQ, en matière de prescription, devrait entraîner également l’application des principes énoncés dans ce code en matière d’interruption de prescription, mais sans y assujettir les règles d’ordre procédurale.

 

[43]           Il est clair pour la Cour qu’en déposant leur plainte, les demandeurs ont introduit une demande aux termes de la partie III du CCT. Cette demande a valablement saisi l’inspecteur puisqu’elle répond aux conditions qui sont contenues au CCT.

 

[44]           La Cour suprême énonce, dans l’affaire Leesona c Consolidated Textile Mills, [1978] 2 RCS 2 à la page 10, que :

« Il est clair qu’à l’article 38 de la Loi sur la Cour Fédérale, la référence aux « règles de droit relatives à la prescription ….dans une province » n’inclut pas les règles de procédure. On ne peut pas avoir eu l’intention, en matière de prescription, d’assujettir le dépôt et la signification des actes de procédure devant la Cour fédérale au Code de procédure civile du Québec mentionné à l’article 2224, plutôt qu’aux Règles de la Cour fédérale ».

 

[45]           L’article 2224 est aujourd’hui l’article 2892 du CcQ et précise que le dépôt d’une demande en justice, avant l’expiration du délai de prescription, forme une interruption civile. Au deuxième alinéa de cet article, on associe la demande d’arbitrage à une demande en justice dans la mesure où l’on expose l’objet du différend. Dans tous les cas, on soumet l’interruption de la prescription à la signification de l’action. Or, il nous apparaît anormal d’exiger la signification de la plainte conformément aux prescriptions du Code de procédure civile en l’instance pour interrompre la prescription, car le CCT, aux termes duquel ce recours est entrepris, ne contient pas cette exigence. C’est pourquoi nous sommes d’avis que, par analogie avec la décision Leesona, précitée, en l’instance il faut plutôt s’en remettre au mécanisme d’exercice du recours prévu au CCT, pour déterminer si le dépôt de la plainte a interrompu la prescription au sens de l’article 2892 du CcQ. De plus, si on ne pouvait recourir à l’article 2892 pour permettre l’interruption de prescription, il s’ensuivrait un préjudice grave et réel car la vaste majorité des demandes déposées aux termes du CCT deviendrait prescrite, compte tenu des délais de traitement de ces dossiers.  

 

[46]           En l’instance, l’inspecteur, après avoir communiqué avec le comptable du failli dans les jours qui ont suivi le dépôt de la plainte, a cru bon d’attendre le paiement de toutes les sommes dévolues aux employés en vertu de la faillite avant de procéder à son enquête. Le CCT ne fixe pas de délai pour la tenue ou la durée d’une enquête.

 

[47]           La Cour, tout en étant sensible à l’argument des défendeurs selon lequel ils n’auraient pas été avisés du dépôt de cette plainte, tient néanmoins à souligner que même s’ils n’ont été avisés formellement qu’en 2010, ils devaient savoir que les employés n’avaient pas reçu l’ensemble des sommes qui leur étaient dues. En effet, ils ont reçu le relevé définitif des recettes et débours du syndic du 18 novembre 2009 et le relevé de dividendes final du 27 novembre 2009 qui dénotent que des sommes étaient encore dues aux travailleurs.

 

[48]           Il était déraisonnable pour l’arbitre de déclarer que l’ordre de paiement de l’inspecteur était prescrit alors que le dépôt de la plainte a interrompu la prescription (voir les articles 2892 et 2896 CcQ).

 

[49]           La Cour ne peut souscrire non plus à l’argument des défendeurs voulant que le délai pour rendre la décision soit déraisonnable et excessif. Le délai entre le dépôt de la plainte et l’ordre de paiement « n'était ni excessif ni inexcusable au point de constituer un abus de procédure » (voir Blencoe, précité, au para 132). De plus, tel qu’il fut établi dans Blencoe : « Pour qu'il y ait abus de procédure, le délai écoulé doit, outre sa longue durée, avoir causé un préjudice réel d'une telle ampleur qu'il heurte le sens de la justice et de la décence du public » (voir le para 133). Les défendeurs n’ont pas démontré qu’ils avaient subi un préjudice d’une telle ampleur.

 

[50]           Pour ces motifs, la Cour est d’avis que les conclusions de l’arbitre n’appartiennent pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité, au para 47) et justifient donc l’intervention de la Cour et que son interprétation de l’application du CcQ aurait dû également tenir compte de la possibilité d’une interruption au sens de l’article 2892 de ce même code.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR  :

1.         Accueille la demande de révision judiciaire des demandeurs; et

2.         Renvoie l’affaire à l'arbitre pour qu'il se penche à nouveau sur ce dossier en conformité avec les présents motifs.

Le tout avec dépens contre les défendeurs.

 

 

 

« André F.J. Scott »

Juge


ANNEXE

 

 

Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2

 

 

Exécution des ordonnances

 

244. (1) La personne intéressée par l’ordonnance d’un arbitre visée au paragraphe 242(4), ou le ministre, sur demande de celle-ci, peut, après l’expiration d’un délai de quatorze jours suivant la date de l’ordonnance ou la date d’exécution qui y est fixée, si celle-ci est postérieure, déposer à la Cour fédérale une copie du dispositif de l’ordonnance.

 

Enregistrement

 

(2) Dès le dépôt de l’ordonnance de l’arbitre, la Cour fédérale procède à l’enregistrement de celle-ci; l’enregistrement confère à l’ordonnance valeur de jugement de ce tribunal et, dès lors, toutes les procédures d’exécution applicables à un tel jugement peuvent être engagées à son égard.

 

Enforcement of orders

 

244. (1) Any person affected by an order of an adjudicator under subsection 242(4), or the

Minister on the request of any such person, may, after fourteen days from the date on

which the order is made, or from the date provided

in it for compliance, whichever is the later date, file in the Federal Court a copy of the

order, exclusive of the reasons therefor.

 

 

(2) On filing in the Federal Court under subsection (1), an order of an adjudicator shall be registered in the Court and, when registered,

has the same force and effect, and all proceedings may be taken thereon, as if the order were a judgment obtained in that Court.

 

Enquêtes

 

 (1) Le ministre peut, dans le cadre de la présente partie :

 

a) faire procéder à une enquête sur toute question concernant l’emploi dans un établissement;

 

b) nommer la ou les personnes qui en seront chargées.

 

 

Pouvoirs lors d’une enquête

 

(2) Toute personne nommée conformément au paragraphe (1) est investie des pouvoirs conférés aux commissaires aux termes de la partie I de la Loi sur les enquêtes.

 

Inquiries

 

248. (1) The Minister may,

 

 

(a) for any of the purposes of this Part, cause an inquiry to be made into and concerning employment in any industrial establishment; and

 

(b) appoint one or more persons to hold the inquiry.

 

Powers on an inquiry

 

(2) A person appointed pursuant to subsection (1) has all of the powers of a person appointed as a commissioner under Part I of the Inquiries Act.

Inspecteurs

 

 (1) Le ministre peut désigner quiconque à titre d’inspecteur pour l’application de la présente partie.

 

[…]

Inspectors

 

249. (1) The Minister may designate any person as an inspector for the purposes of this Part.

 

 

[…]

 

Recouvrement du salaire

 

Ordre de paiement

 

 (1) L’inspecteur qui constate que l’employeur n’a pas versé à l’employé le salaire ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit sous le régime de la présente partie peut ordonner par écrit à l’employeur ou, sous réserve de l’article 251.18, à un administrateur d’une personne morale visé à cet article de verser le salaire ou l’indemnité en question; il est alors tenu de faire parvenir une copie de l’ordre de paiement à l’employé à la dernière adresse connue de celui-ci.

 

Plainte non fondée

 

(2) L’inspecteur qui conclut à l’absence de fondement d’une plainte portant que l’employeur n’a pas versé à l’employé le salaire ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit sous le régime de la présente partie avise le plaignant par écrit de sa conclusion.

 

Signification

 

(3) L’ordre de paiement ou sa copie ainsi que l’avis de plainte non fondée sont signifiés à personne ou par courrier recommandé ou certifié; en cas de signification par courrier, ils sont réputés avoir été reçus par le destinataire le septième jour qui suit leur mise à la poste.

 
 

 

 

Preuve de signification

 

(4) Le certificat censé signé par le ministre attestant l’envoi par courrier recommandé ou certifié soit de l’ordre de paiement ou de sa copie, soit de l’avis de plainte non fondée, à son destinataire, et accompagné d’une copie certifiée conforme du document et du récépissé de recommandation ou de certification postale est admissible en preuve et fait foi de son contenu sans qu’il soit nécessaire de prouver l’authenticité de la signature qui y est apposée ou la qualité officielle du signataire.

 

Recovery of Wages

 

Payment order

 

251.1 (1) Where an inspector finds that an employer has not paid an employee wages or other amounts to which the employee is entitled under this Part, the inspector may issue a written payment order to the employer, or, subject to section 251.18, to a director of a corporation referred to in that section, ordering the employer or director to pay the amount in question, and the inspector shall send a copy of any such payment order to the employee at the employee’s latest known address.

 

Where complaint unfounded

 

(2) Where an inspector concludes that a complaint of non-payment of wages or other amounts to which an employee is entitled under this Part is unfounded, the inspector shall so notify the complainant in writing.

 

 

Service of documents

 

(3) Service of a payment order or a copy thereof pursuant to subsection (1), or of a notice of unfounded complaint pursuant to subsection (2), shall be by personal service or by registered or certified mail and, in the case of registered or certified mail, the document shall be deemed to have been received by the addressee on the seventh day after the day on which it was mailed.

 

Proof of service of documents

 

(4) A certificate purporting to be signed by the Minister certifying that a document referred to in subsection (3) was sent by registered or certified mail to the person to whom it was addressed, accompanied by an identifying post office certificate of the registration or certification and a true copy of the document, is admissible in evidence and is proof of the statements contained therein, without proof of the signature or official character of the person appearing to have signed the certificate.

 (1) Toute personne concernée par un ordre de paiement ou un avis de plainte non fondée peut, par écrit, interjeter appel de la décision de l’inspecteur auprès du ministre dans les quinze jours suivant la signification de l’ordre ou de sa copie, ou de l’avis.

 

Consignation du montant visé

 

(2) L’employeur et l’administrateur de personne morale ne peuvent interjeter appel d’un ordre de paiement qu’à la condition de remettre au ministre la somme visée par l’ordre, sous réserve, dans le cas de l’administrateur, du montant maximal visé à l’article 251.18.

Appeal

 

251.11 (1) A person who is affected by a payment order or a notice of unfounded complaint may appeal the inspector’s decision to the Minister, in writing, within fifteen days after service of the order, the copy of the order, or the notice.

 

Payment of amount

 

(2) An employer or a director of a corporation may not appeal from a payment order unless the employer or director pays to the Minister the amount indicated in the payment order, subject to, in the case of a director, the maximum amount of the director’s liability under section 251.18.

 

 (1) Le ministre, saisi d’un appel, désigne en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’appel et lui transmet l’ordre de paiement ou l’avis de plainte non fondée ainsi que le document que l’appelant a fait parvenir au ministre en vertu du paragraphe 251.11(1).

 

[…]

 

Appointment of referee

 

251.12 (1) On receipt of an appeal, the Minister shall appoint any person that the Minister considers appropriate as a referee to hear and adjudicate on the appeal, and shall provide that person with

 

(a) the payment order or the notice of unfounded complaint; and

 

(b) the document that the appellant has submitted to the Minister under subsection 251.11(1).

 

[…]

Responsabilité civile des administrateurs

 

 Les administrateurs d’une personne morale sont, jusqu’à concurrence d’une somme équivalant à six mois de salaire, solidairement responsables du salaire et des autres indemnités auxquels l’employé a droit sous le régime de la présente partie, dans la mesure où la créance de l’employé a pris naissance au cours de leur mandat et à la condition que le recouvrement de la créance auprès de la personne morale soit impossible ou peu probable.

 

Civil liability of directors

 

251.18 Directors of a corporation are jointly and severally liable for wages and other amounts to which an employee is entitled under this Part, to a maximum amount equivalent to six months’ wages, to the extent that

 

(a) the entitlement arose during the particular director’s incumbency; and

 

(b) recovery of the amount from the corporation is impossible or unlikely.

 

 

Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F-7

 

Demande de contrôle judiciaire

 

 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l’objet de la demande.

 

Délai de présentation

 

(2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l’office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.

 
 

 

 

 

Pouvoirs de la Cour fédérale

 

(3) Sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut :

 

a) ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable;

 

b) déclarer nul ou illégal, ou annuler, ou infirmer et renvoyer pour jugement conformément aux instructions qu’elle estime appropriées, ou prohiber ou encore restreindre toute décision, ordonnance, procédure ou tout autre acte de l’office fédéral.

 

Motifs

 

(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

 
Vice de forme

 

(5) La Cour fédérale peut rejeter toute demande de contrôle judiciaire fondée uniquement sur un vice de forme si elle estime qu’en l’occurrence le vice n’entraîne aucun dommage important ni déni de justice et, le cas échéant, valider la décision ou l’ordonnance entachée du vice et donner effet à celle-ci selon les modalités de temps et autres qu’elle estime indiquées.

 
Application for judicial review

 

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought.

 

Time limitation

 

(2) An application for judicial review in respect of a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal shall be made within 30 days after the time the decision or order was first communicated by the federal board, commission or other tribunal to the office of the Deputy Attorney General of Canada or to the party directly affected by it, or within any further time that a judge of the Federal Court may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

 

 

Powers of Federal Court

 

(3) On an application for judicial review, the Federal Court may

 

(a) order a federal board, commission or other tribunal to do any act or thing it has unlawfully failed or refused to do or has unreasonably delayed in doing; or

 

 

(b) declare invalid or unlawful, or quash, set aside or set aside and refer back for determination in accordance with such directions as it considers to be appropriate, prohibit or restrain, a decision, order, act or proceeding of a federal board, commission or other tribunal.

 

Grounds of review

 

(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

(a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

(b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

(c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

(d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

(e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

(f) acted in any other way that was contrary to law.

 

Defect in form or technical irregularity

 

(5) If the sole ground for relief established on an application for judicial review is a defect in form or a technical irregularity, the Federal Court may

 

(a) refuse the relief if it finds that no substantial wrong or miscarriage of justice has occurred; and

 

(b) in the case of a defect in form or a technical irregularity in a decision or an order, make an order validating the decision or order, to have effect from any time and on any terms that it considers appropriate.

 

 (1) Sauf disposition contraire d’une autre loi, les règles de droit en matière de prescription qui, dans une province, régissent les rapports entre particuliers s’appliquent à toute instance devant la Cour d’appel fédérale ou la Cour fédérale dont le fait générateur est survenu dans cette province.

 

Prescription — Fait non survenu dans la province

 

(2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait générateur lorsque celui-ci n’est pas survenu dans une province.

 
Prescription and limitation on proceedings

 

39. (1) Except as expressly provided by any other Act, the laws relating to prescription and the limitation of actions in force in a province between subject and subject apply to any proceedings in the Federal Court of Appeal or the Federal Court in respect of any cause of action arising in that province.

 

 

Prescription and limitation on proceedings in the Court, not in province

 

(2) A proceeding in the Federal Court of Appeal or the Federal Court in respect of a cause of action arising otherwise than in a province shall be taken within six years after the cause of action arose.
 

 

 

 

Code civil du Québec

2880. La dépossession fixe le point de départ du délai de la prescription acquisitive.

 

Le jour où le droit d'action a pris naissance fixe le point de départ de la prescription extinctive.

 

 

2880. Dispossession fixes the beginning of the period of acquisitive prescription.

 

The day on which the right of action arises fixes the beginning of the period of extinctive prescription.

2892. Le dépôt d'une demande en justice, avant l'expiration du délai de prescription, forme une interruption civile, pourvu que cette demande soit signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, au plus tard dans les 60 jours qui suivent l'expiration du délai de prescription.

 

La demande reconventionnelle, l'intervention, la saisie et l'opposition sont considérées comme des demandes en justice. Il en est de même de l'avis exprimant l'intention d'une partie de soumettre un différend à l'arbitrage, pourvu que cet avis expose l'objet du différend qui y sera soumis et qu'il soit signifié suivant les règles et dans les délais applicables à la demande en justice.

 

2892. The filing of a judicial demand before the expiry of the prescriptive period constitutes a civil interruption, provided the demand is served on the person to be prevented from prescribing not later than 60 days following the expiry of the prescriptive period.

 

Cross demands, interventions, seizures and oppositions are considered to be judicial demands. The notice expressing the intention by one party to submit a dispute to arbitration is also considered to be a judicial demand, provided it describes the object of the dispute to be submitted and is served in accordance with the rules and time limits applicable to judicial demands.

2896. L'interruption résultant d'une demande en justice se continue jusqu'au jugement passé en force de chose jugée ou, le cas échéant, jusqu'à la transaction intervenue entre les parties.

 

Elle a son effet, à l'égard de toutes les parties, pour tout droit découlant de la même source.

 

 

2896. An interruption resulting from a judicial demand continues until the judgment acquires the authority of a final judgment (res judicata) or, as the case may be, until a transaction is agreed between the parties.

 

The interruption has effect with regard to all the parties in respect of any right arising from the same source.

2925. L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

 

2925. An action to enforce a personal right or movable real right is prescribed by three years, if the prescriptive period is not otherwise established.

 

 

 

Loi sur les compagnies, LRQ, c C-38

 

96.  1. Les administrateurs de la compagnie sont solidairement responsables envers ses employés, jusqu'à concurrence de six mois de salaire, pour services rendus à la compagnie pendant leur administration respective.

 

 2. Un administrateur ne devient responsable d'une telle dette que si

 

a)  la compagnie est poursuivie dans l'année du jour où la dette est devenue exigible et le bref d'exécution est rapporté insatisfait en totalité ou en partie; ou si

 

b)  la compagnie, pendant cette période, fait l'objet d'une ordonnance de mise en liquidation ou devient faillie au sens de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (Lois révisées du Canada (1985), chapitre B-3) et une réclamation de cette dette est déposée.

 

 

 

96.  (1) The directors of the company shall be solidarily liable to its employees for all debts not exceeding six months' wages due for services rendered to the company whilst they are such directors respectively.

 

 

(2) No director shall be liable to an action therefor unless

 

(a)  the company is sued within one year after the debt became due and the writ of execution is returned unsatisfied wholly or in part; or

 

(b)  during such period, a winding-up order is made against the company or it becomes bankrupt within the meaning of the Bankruptcy and Insolvency Act (Revised Statutes of Canada, 1985, chapter B-3) and a claim for such debt is filed.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-744-13

 

INTITULÉ :

SYLVAIN ABEL ET AL c DENIS ASSELIN, JEAN ASSELIN ET NATHALIE ASSELIN, EN QUALITÉ D'ADMINISTRATEURS DE TRANSPORT ASSELIN LTÉE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            MontrÉal (QuÉbec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 4 dÉcembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SCOTT

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 21 janvier 2014

COMPARUTIONS :

Me Jessie Caron

pour leS demandeurS

 

Me Caroline Malo

pour les DéfendeurS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LAROCHE MARTIN

Avocats

Montréal (Québec)

 

pour les demandeurs

 

CLYDE & CIE CANADA s.e.n.c.r.l.

Avocats

Montréal (Québec)

 

pour les défendeurs

 

 

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