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Date : 20140121


Dossier :

T‑723‑13

 

Référence : 2014 CF 67

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2014

En présence de madame la juge Kane

 

ENTRE :

SHAWN P. ELHATTON

 

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et L’OFFICIER COMPÉTENT DE LA DIVISION J DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Le demandeur, le caporal Elhatton, est un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Il demande le contrôle judiciaire de la décision, en date du 18 mars 2013, par laquelle le commissaire de la GRC Robert W. Paulson (le commissaire) l’a sanctionné et rétrogradé au grade de gendarme. Pour les motifs exposés ci‑après, la demande est rejetée.

 

Le contexte

[2]               La conduite du demandeur qui a entraîné une procédure disciplinaire et la décision faisant l’objet du présent contrôle remonte à 2002.

 

[3]               En 2003, le demandeur a reçu signification d’un premier avis d’audience disciplinaire relativement à trois allégations concernant des faits survenus en 2002 et en 2003. En 2005, il a reçu signification d’un deuxième avis d’audience disciplinaire concernant trois autres allégations concernant des faits survenus entre 1993 et 1998.

 

[4]               Plusieurs des allégations concernent l’ex‑femme du demandeur, la gendarme Elhatton.  L’expression « caporal Elhatton » désigne le demandeur et l’expression « gendarme Elhatton » désigne son ex‑femme, avec laquelle il était marié à l’époque des incidents les plus anciens.

 

[5]               Les six allégations ont été décrites dans la décision faisant l’objet du présent contrôle et sont résumées ci‑dessous. Elles ont été entendues au cours d’une seule audience devant un comité d’arbitrage (le comité d’arbitrage) en juin et en août 2005 :

         l’allégation no 1 (l’incident des moufles) (décembre 2002) : lorsque l’ex‑femme du demandeur, la gendarme Elhatton de la GRC, est allée chercher leurs enfants, le demandeur a crié sur elle et son fiancé en tenant des propos [traduction] « choquants, injurieux et grossiers ». Le demandeur l’a aussi menacée du doigt, a fait un geste obscène et [traduction] « lui a lancé une paire de moufles, qu’elle a reçues en pleine poitrine ». Un véhicule identifié de la GRC était stationné devant la maison pendant ce temps;

 

         l’allégation no 2 (l’incident du bureau) (février 2003) : pendant une réunion, le demandeur a appris que le sergent F (le sgt F) serait son superviseur. Il a dit que cela était [traduction] « inadmissible ». Après la réunion, il s’est rendu au bureau du chef de district (le CD). Le demandeur [traduction] « a formulé des propos choquants et injurieux à l’égard du sgt F, un collègue dont le grade et l’autorité étaient supérieurs aux [siens] et l’a traité de manière agressive et irrespectueuse » en pointant le doigt vers le visage du sgt F en le qualifiant de [traduction] « molasse » et de [traduction] « dégonflé »;

 

         l’allégation no 3 (l’incident concernant la désobéissance à un ordre légitime) (juillet 2003) : le demandeur n’a pas obéi à l’ordre du CD de se rendre à un rendez‑vous chez un psychologue dans le cadre d’une thérapie de maîtrise de la colère;

 

         l’allégation no 4 (l’incident du lave‑auto) (entre février 1993 et août 1996) : le demandeur a donné un coup de poing sur la jambe de sa femme, la gendarme Elhatton;

 

         l’allégation no 5 (l’incident du pistolet) (entre février 1993 et août 1996) : au cours d’une dispute, le demandeur a saisi la main de sa femme, y a mis son arme de service et l’a pointée sur sa propre tête en lui disant : [traduction] « Si tu me détestes à ce point, tue‑moi, tue‑moi tout de suite. » Sa femme lui a demandé de poser son arme, ce qu’il a fait;

 

         l’allégation no 6 (l’incident des vacances) (entre mai et octobre 1998) : pendant des vacances avec sa femme et ses enfants, le demandeur a saisi sa femme par le bras et l’a frappée à l’avant‑bras quatre ou cinq fois.

 

 

[6]               Ces allégations ont été décrites de façon similaire dans Elhatton c Canada (Procureur général), 2013 CF 71 [Elhatton 2013].

 

[7]               Dans sa décision du 6 septembre 2005, le comité d’arbitrage a ordonné au demandeur de démissionner dans les 14 jours suivants, à défaut de quoi il serait congédié.

 

[8]               Le demandeur a interjeté appel de la peine et des conclusions du comité d’arbitrage concernant les allégations nos 3, 4, 5 et 6 auprès du commissaire de la GRC. Les allégations nos 1 (l’incident des moufles) et 2 (l’incident du bureau) n’ont pas fait l’objet d’un appel.

 

[9]               Avant d’étudier un appel, le Comité externe d’examen de la GRC (le CEE), instance civile indépendante, examine la décision du comité d’arbitrage et présente une recommandation non contraignante au commissaire.

 

[10]           Le CEE a examiné des observations additionnelles, notamment une allégation formulée par le demandeur selon laquelle son ex‑femme avait fait un faux témoignage devant le comité d’arbitrage. Cette allégation ne concernait pas les incidents en cause, mais le fait que la gendarme Elhatton n’avait pas indiqué correctement la date de sa première rencontre avec son fiancé.

 

[11]           Le CEE a formulé des recommandations à l’intention du commissaire par intérim, Rod Knecht, le 10 février 2009. Il a notamment recommandé que ce dernier accueille l’appel relatif à l’allégation no 3 (l’incident concernant la désobéissance à un ordre légitime), qu’il ordonne la tenue d’une nouvelle audience concernant les allégations nos 4, 5 et 6 (les incidents du lave‑auto, du pistolet et des vacances) et qu’il prenne en considération l’information relative aux allégations de faux témoignage. Le CEE a recommandé une réprimande et une confiscation de solde de trois jours comme peine pour chacune des allégations nos 1 et 2 (les incidents des moufles et du bureau).

 

[12]           Le commissaire par intérim, Rod Knecht, a accepté les conclusions du comité d’arbitrage concernant les allégations nos 3 à 6, mais non la peine recommandée pour les allégations nos 1 et 2.

 

[13]           Le 29 avril 2011, il a ordonné au demandeur de démissionner dans les 14 jours suivants, à défaut de quoi il serait congédié.

 

[14]           Le demandeur a sollicité le contrôle judiciaire de la décision du 29 avril 2011 et a soulevé une seule question : le commissaire par intérim a‑t‑il commis une erreur en ne concluant pas que les allégations de faux témoignage exigeaient la tenue d’une nouvelle audience devant le comité d’arbitrage afin que les allégations d’inconduite soient examinées?

 

[15]           Le 25 janvier 2013, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire visant la décision du commissaire par intérim (Elhatton 2013).

 

[16]           Le juge Rennie a statué que le commissaire par intérim, qui avait conclu que les nouveaux éléments de preuve qui lui avaient été présentés ne changeaient rien à son évaluation de la crédibilité de l’ex‑femme du demandeur, n’était pas en mesure de se prononcer sur la crédibilité de celle‑ci. Il a considéré que les allégations nos 4, 5 et 6 étaient étayées par le témoignage de l’ex‑femme du demandeur. Il a proposé deux solutions au commissaire : renvoyer les allégations nos 4, 5 et 6 devant un comité d’arbitrage différemment constitué ou réexaminer et modifier sa décision concernant la peine au motif que le bien‑fondé des allégations nos 3, 4, 5 et 6 n’avait pas été établi – en d’autres termes, il devait s’appuyer uniquement sur les allégations nos 1 et 2 dont le bien‑fondé avait été établi (Elhatton 2013, au paragraphe 74).

 

[17]           Le commissaire Robert Paulsen a étudié les deux solutions proposées et a fait remarquer qu’il avait été jugé que le bien‑fondé de l’allégation no 3 n’avait pas été établi, que les allégations nos 4, 5 et 6 concernaient des faits survenus plus de 15 ans auparavant et que la procédure disciplinaire avait été longue. En conséquence, il n’était ni raisonnable ni efficace de renvoyer ces allégations à un nouveau comité d’arbitrage.

 

[18]           Le commissaire a réexaminé la peine infligée pour les allégations nos 1 et 2 et a rendu sa décision le 18 mars 2013. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

La décision contestée

[19]           Le commissaire Paulsen s’est intéressé uniquement à la question de la peine qu’il convenait d’infliger pour les allégations nos 1 et 2. Il a rejeté la peine recommandée par le CEE, à savoir une réprimande et une confiscation de solde pour une période de trois jours pour chacune des allégations. Dans ses motifs, il a indiqué que le CEE n’avait pas suffisamment tenu compte de l’inconduite antérieure du demandeur – l’agression d’un prisonnier –, acte qui dénotait un manque de discipline et de maîtrise de soi. Pour cette infraction, le demandeur avait été déclaré coupable d’une infraction criminelle et avait été officiellement sanctionné par le comité d’arbitrage en 1999.

 

[20]           Le commissaire a indiqué que, à son avis, le demandeur n’avait toujours pas assumé la responsabilité de son inconduite antérieure ou fait des efforts sérieux en vue de se réadapter. Il a mis en évidence le témoignage du CD selon lequel la direction n’avait plus confiance en le demandeur.

 

[21]           Le commissaire a mentionné que le demandeur continuait à minimiser les faits relatifs à son inconduite antérieure (l’agression du prisonnier). Il a rappelé que le comité d’arbitrage qui avait examiné cet incident en 1999 avait souligné la gravité de la conduite du demandeur et avait averti ce dernier que toute récidive entraînerait les peines les plus sévères.

 

[22]           Le commissaire était d’avis qu’il ressortait des allégations nos 1 et 2 un manque de maîtrise de soi et de discipline. Selon lui, cela démontrait une tendance progressive à adopter une conduite inappropriée qui indiquait que le demandeur n’avait tiré aucune leçon des mesures disciplinaires prises contre lui dans le passé et qu’il ne saisissait pas la gravité de ses actes et l’importance des valeurs fondamentales de la GRC.

 

[23]           Le commissaire a ajouté que les deux incidents révélaient que le demandeur n’avait pas fait montre d’un jugement solide et qu’il s’était comporté de manière irrespectueuse et agressive lorsqu’il était de service comme lorsqu’il ne l’était pas. Il a également indiqué que les actes du demandeur dénotaient un piètre comportement éthique et constituaient un exemple médiocre de leadership. Il a fait référence aux attentes de la GRC à l’égard des membres expérimentés qui détiennent le grade de caporal et au fait qu’ils doivent servir d’exemples au sein de la GRC et dans le public.

 

[24]           Le commissaire a affirmé que sa décision n’était pas fondée sur les compétences techniques du demandeur, mais sur les autres facteurs qu’il a décrits en lien avec le manque de jugement, de responsabilité, de leadership, de promotion et de démonstration des valeurs de la GRC du demandeur.

 

[25]           Le commissaire a conclu que la conduite du demandeur compromettait sa capacité de diriger et d’être un modèle et qu’il ne serait pas approprié qu’il conserve son grade actuel.

 

[26]           Se fondant sur l’ensemble des faits, le commissaire a conclu que des mesures disciplinaires progressives devaient être prises et que la rétrogradation constituait une peine appropriée.

 

[27]           Le commissaire a infligé les peines suivantes :

1.    rétrogradation du grade de corporal à celui de gendarme […];

 

2.    recommandation visant la mutation à un autre détachement qu’Oromocto (Nouveau‑Brunswick) […];

 

3.    ordre de subir une évaluation médicale;

 

4.        recommandation de suivre une thérapie de maîtrise de la colère.

 

 

[28]           Le commissaire a aussi indiqué que, si le demandeur comparaissait à nouveau devant un comité d’arbitrage, il pourrait être congédié.

 

Les questions en litige

[29]           Le demandeur soutient que le commissaire aurait dû ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un comité d’arbitrage différemment constitué au lieu d’imposer des mesures disciplinaires pour les allégations nos 1 et 2 et qu’en ne le faisant pas, il a manqué à l’équité procédurale. Le demandeur reconnaît que ces allégations n’ont pas fait l’objet d’un appel, mais, étant donné qu’aucune décision n’a été rendue relativement aux allégations de faux témoignage visant son ex‑femme, les allégations d’inconduite ne peuvent justifier les peines infligées.

 

[30]           Le demandeur soutient également que les allégations nos 1 et 2 concernent des faits qui datent de plus de dix ans et que, à cause de l’écoulement du temps, elles ne devraient pas maintenant être prises en compte.

 

[31]           Le demandeur soutient en outre que la décision était déraisonnable parce que la peine sévère qui a été infligée n’est pas étayée par la preuve et n’est pas conforme aux autres peines qui ont été infligées pour des actes similaires.

 

La norme de contrôle

[32]           Il est bien établi que « [l]e point de savoir si la décision est valable, c’est‑à‑dire la décision du commissaire touchant la peine à appliquer est appropriée, relève de la norme de la décision raisonnable » (Pizarro c Canada (Procureur général), 2010 CF 20, [2010] ACF no 23 (Pizarro), au paragraphe 48). Comme le juge Phelan l’a dit dans Pizarro, « [l]a jurisprudence prend acte de l’expertise supérieure du commissaire à cet égard, ainsi que des clauses privatives applicables, du caractère principalement factuel des questions examinées et de la nature hautement discrétionnaire de la décision » (au paragraphe 48; faisant référence également à Kinsey c Canada (Procureur général), 2007 CF 543, 313 FTR 88, aux paragraphes 40‑46).

 

[33]           De même, le juge Rennie a dit dans la décision Elhatton 2013, au paragraphe 29 :

La norme de contrôle applicable à la décision du commissaire est celle de la raisonnabilité. La Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard de ses conclusions sur les allégations d’infraction au code de déontologie, ainsi qu’à l’égard de la sanction qu’il a estimée adéquate. Le commissaire dispose de compétences spéciales touchant les aspects concrets du travail policier, ainsi que les conditions dont dépend le maintien de l’intégrité et du professionnalisme de la GRC : Gill c Canada (Procureur général), 2007 CAF 305.

 

 

[34]           Le juge Rennie a souligné au paragraphe 30 qu’il fallait faire preuve de retenue :

Le commissaire dispose d’une vaste expérience dans l’appréciation des exigences du travail policier, notamment pour ce qui concerne l’usage adéquat de la force et les comportements personnels ou professionnels des agents qui risquent de nuire à la réputation de professionnalisme dont jouit la GRC. C’est le commissaire qui assume la responsabilité de la réputation de la GRC, et non la Cour.

 

 

[35]           La norme de contrôle applicable aux questions d’équité procédurale est celle de la décision correcte.

 

Le commissaire aurait‑il dû renvoyer les allégations nos 1 et 2 devant un comité d’arbitrage différemment constitué pour décision?

 

[36]           Le demandeur soutient que, bien que le juge Rennie ait proposé deux solutions au commissaire lorsqu’il a accueilli la demande de contrôle judiciaire – renvoyer les allégations nos 4, 5 et 6 devant un comité d’arbitrage différemment constitué ou réexaminer les peines au motif que le bien‑fondé des allégations nos 3, 4, 5 et 6 n’avait pas établi – ces remarques ont été faites de façon incidente. En d’autres termes, elles ne sont pas contraignantes. Le demandeur soutient également que la décision du commissaire Paulsen de déterminer les peines relatives aux allégations nos 1 et 2 – les seules dont le bien‑fondé avait été établi – constituait un manquement à l’équité procédurale parce que le demandeur aurait dû avoir la possibilité de répondre à nouveau à ces allégations et de contre‑interroger les témoins, en particulier parce que le « spectre » ou l’« ombre » du faux témoignage planait sur son ex‑femme.

 

[37]           Le demandeur rappelle que, malgré le fait que le commissaire par intérim a conclu que l’allégation de faux témoignage était fondée, toutes les conclusions de fait ont été tirées en tenant compte de ce témoignage. Il soutient que, peu importe qu’il y ait eu faux témoignage ou non, les conclusions de fait étaient probablement fondées sur au moins une perception de faux témoignage ou influencées par celle‑ci, de sorte que la seule solution qui s’offrait au commissaire était de constituer un comité d’arbitrage différent qui examinerait les allégations et donnerait au demandeur la possibilité de contre‑interroger les témoins.

 

[38]           Le demandeur soutient également, en ce qui concerne la peine, que le commissaire a accordé un poids trop grand aux faits de l’allégation no 1 sur la foi du témoignage de son ex‑femme.

 

[39]           Le défendeur fait valoir qu’il n’y a qu’une question en litige dans le présent contrôle judiciaire : les peines infligées pour les allégations nos 1 et 2 étaient‑elles raisonnables? Le bien‑fondé de ces allégations a été établi et n’a pas été contesté dans le cadre d’un appel. Le demandeur ne peut pas maintenant chercher à les contester. Le défendeur fait valoir en outre que le juge Rennie n’a pas conclu au faux témoignage.

 

Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale

[40]           Je ne suis pas d’avis que les solutions proposées par le juge Rennie au paragraphe 74 de la décision Elhatton 2013 constituaient des remarques incidentes. Les deux solutions constituaient un élément important de la décision, bien qu’elles n’aient pas été formulées de manière contraignante :

Il est permis au commissaire, en vertu des pouvoirs que lui confèrent le paragraphe 45.16(2) et l’alinéa 45.16(3)b) de la Loi, soit de renvoyer les allégations nos 4, 5 et 6 devant un comité d’arbitrage différemment constitué, soit de réexaminer et modifier sa décision sur les peines au motif que le bien‑fondé de ces allégations n’a pas été établi. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[41]           Le commissaire a été guidé par la décision et il a choisi de s’intéresser principalement aux peines qu’il convenait d’infliger pour les allégations dont le bien‑fondé avait été établi, à savoir les allégations nos 1 et 2.

 

[42]           Dans sa décision d’avril 2011, le commissaire par intérim a jugé que le comité d’arbitrage n’avait pas commis d’erreur en concluant que la conduite du demandeur lors des deux incidents était scandaleuse et avait jeté le discrédit sur la GRC, contrairement au paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) (DORS/88‑361) (le Règlement).

 

[43]           Le commissaire Paulsen n’a pas manqué à l’équité procédurale en s’appuyant sur les deux allégations dont le bien‑fondé était établi pour infliger la peine. Les allégations nos 1 et 2 ne sont plus des allégations puisque leur bien‑fondé a été établi et que les conclusions du comité d’arbitrage les concernant n’ont pas été portées en appel.

 

[44]           La seule question sur laquelle le commissaire devait se prononcer était la peine qui devait être infligée compte tenu des cas d’inconduite qui avaient été démontrés – l’incident des moufles et l’incident du bureau.

 

[45]           En ce qui concerne les prétentions du demandeur au sujet de l’ombre du faux témoignage, le juge Rennie a mentionné dans la décision Elhatton 2013, au paragraphe 71, que « la question de savoir si la gendarme Elhatton a effectivement fait ou non un faux témoignage reste sans réponse prouvée ».

 

[46]           Le défendeur fait valoir que le juge Rennie n’a pas conclu au faux témoignage. C’est exact, car ce n’est pas le rôle de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Le fait de s’appuyer sur un témoignage n’ayant pas fait l’objet d’un contre‑interrogatoire préoccupait toutefois le juge Rennie, mais uniquement pour ce qui était des allégations nos 4, 5 et 6 :

[71]      Avant de conclure, je tiens à souligner que la question de savoir si la gendarme Elhatton a effectivement fait ou non un faux témoignage reste sans réponse prouvée. On a refusé au demandeur la possibilité de produire ses preuves à ce sujet. L’absence d’inculpation ne permet pas de trancher la question. Les deux conditions dont dépend l’engagement de poursuites pénales, à savoir une perspective raisonnable de déclaration de culpabilité et la conformité à l’intérêt public, n’ont aucun rapport avec le point de savoir si la gendarme Elhatton, mise en présence de la preuve contradictoire, aurait maintenu sa crédibilité.

 

[72]      Deuxièmement, le commissaire a admis parmi les nouveaux éléments de preuve un [traduction] « affidavit conjoint », signé par la gendarme Elhatton et son fiancé. Or, l’affidavit conjoint n’existe pas dans notre système juridique. Il y a à cela de bonnes raisons, notamment qu’il dénote par essence la concertation de deux témoins distincts et fait obstacle à la fonction de recherche de la vérité qu’on assigne au contre‑interrogatoire. Pour ce qui concerne l’affidavit qui nous occupe, son auteur déclare que le contenu en est fondé sur une connaissance directe, alors que ce n’est manifestement pas le cas : il regorge en effet du ouï‑dire le plus évident.

 

[73]      Le commissaire s’est fondé sur l’affidavit conjoint pour exposer les résultats de l’enquête relative à l’imputation de parjure et conclure que la crédibilité de la gendarme Elhatton resterait intacte. S’il est vrai que le commissaire n’est pas soumis à toute la rigueur des règles de preuve, il manque néanmoins à la norme du raisonnement solide formulée dans Dunsmuir en basant sur l’affidavit conjoint cette conclusion touchant la crédibilité. De ce qu’on n’ait pas inculpé la gendarme Elhatton, il ne suit pas nécessairement que sa crédibilité serait restée la même devant le comité d’arbitrage.

 

 

[47]           Idéalement, le comité d’arbitrage aurait dû régler la question de savoir à quel moment l’ex‑femme du demandeur, la gendarme Elhatton, avait fait la connaissance de son fiancé et si sa présumée déclaration inexacte avait eu une incidence sur la crédibilité de son témoignage concernant la description des incidents.

 

[48]           L’allégation no 1 était fondée, à tout le moins en partie, sur son témoignage. Or, cette allégation n’en est plus une. Son bien‑fondé a été établi.

 

[49]           L’allégation no 2, qui est grave en soi malgré la tentative du demandeur de la qualifier de mineure, n’avait rien à voir avec le témoignage de la gendarme Elhatton. L’incident est survenu au sein de la GRC, devant des agents de la GRC. En soi, cet incident justifierait une peine. On a jugé que le demandeur s’était comporté d’une façon scandaleuse et désordonnée, ce qui est interdit par le paragraphe 39(1) du Règlement. Les motifs du commissaire concernant les peines découlent autant de cet incident que de celui des moufles. Par exemple, le commissaire a fait référence au fait qu’il n’avait plus confiance en le demandeur ainsi qu’au manque de leadership de celui‑ci et à son manque de respect à l’égard des valeurs fondamentales de la GRC.

 

[50]           La seule question en litige en l’espèce concerne le caractère raisonnable de la peine qui a été infligée pour les allégations dont le bien‑fondé a été établi.

 

La décision du commissaire était‑elle raisonnable?

[51]           Le demandeur soutient que la décision de le rétrograder était déraisonnable parce que le commissaire n’a pas tenu compte de facteurs atténuants et que la peine était disproportionnée lorsqu’on compare sa conduite à celle d’autres personnes qui ont été rétrogradées.

 

[52]           En ce qui concerne les facteurs atténuants, le demandeur fait valoir que le commissaire n’a pas tenu compte du fait que les allégations concernent des faits survenus il y a plus de dix ans et qu’elles ne devraient pas maintenant être prises en compte. Il fait valoir également que l’incident des moufles concerne sa relation avec son ex‑femme et non sa conduite professionnelle et que l’incident du bureau est mineur et a trait à une seule conversation avec un superviseur.

 

[53]           Le demandeur soutient en outre que le commissaire n’a pas appliqué le principe de la parité des peines. Il a fait état de plusieurs décisions fondées sur le Règlement où des membres de la GRC ont fait l’objet d’une réprimande et d’une confiscation de solde pour cause de conduite scandaleuse, et non d’une rétrogradation.

 

[54]           Pour sa part, le défendeur fait valoir que le commissaire a tenu compte de manière appropriée des facteurs aggravants et des facteurs atténuants et qu’il a appliqué le principe de la parité. Il ajoute que la rétrogradation fait partie des mesures disciplinaires progressives.

 

[55]           Le défendeur soutient que le commissaire a considéré que les faibles possibilités de réadaptation du demandeur constituaient un facteur aggravant. Il fait valoir que le commissaire a souligné que le demandeur n’était pas prêt à assumer la responsabilité de son inconduite antérieure et qu’il minimisait constamment l’agression du prisonnier au point de tromper le comité d’arbitrage. Il s’appuie sur la décision The Appropriate Officer of “F” Division and Constable Morton (2003), 19 AD (3d) 40 (comm), pour soutenir qu’un membre qui n’assume pas la responsabilité de ses actes ne peut pas être réadapté.

 

[56]           De plus, le commissaire a tenu compte de la gravité de l’agression commise par le demandeur à l’égard du prisonnier et de l’avertissement du comité d’arbitrage selon lequel toute future procédure disciplinaire donnerait lieu aux peines les plus sévères.

 

[57]           Le commissaire a considéré que le fait que le demandeur avait le soutien de certains membres avec lesquels il travaillait constituait un facteur atténuant. Il a toutefois insisté sur le fait que la direction n’avait plus confiance en lui.

 

[58]           Le défendeur soutient que le commissaire n’était pas tenu de considérer l’écoulement du temps comme un facteur atténuant. Il souligne que la signification de l’avis de mesure disciplinaire et de l’avis d’audience disciplinaire et les audiences étaient conformes à la procédure et respectaient les délais prévus par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (LRC 1985, c R‑10) (la Loi). La période de temps écoulée était attribuable au processus d’appel prévu par la loi et au fait qu’il s’agit en l’espèce du deuxième contrôle judiciaire.

 

[59]           Tout en reconnaissant le principe de la parité des peines et sa pertinence, le défendeur fait valoir que le commissaire a rendu d’autres décisions qui démontrent le caractère raisonnable de la décision de rétrograder le demandeur. Il a fait référence à plusieurs décisions où étaient présents des facteurs aggravants similaires et où le commissaire a rétrogradé le membre.

 

[60]           Le défendeur fait remarquer en outre que le demandeur ne prétend pas que le retard dans le déroulement des procédures a porté atteinte à son droit à l’équité procédurale, et qu’il n’est pas démontré que la durée des procédures lui a causé un préjudice.

 

La décision était raisonnable

[61]           Le commissaire a donné des motifs détaillés dans lesquels il a mentionné les facteurs dont il a tenu compte et a expliqué de quelle façon ceux‑ci justifiaient sa décision de rétrograder le demandeur.

 

[62]           Le commissaire n’a pas omis de tenir compte de facteurs atténuants ou de les mettre en balance de manière appropriée avec les facteurs aggravants. Les motifs font état de plusieurs facteurs aggravants, notamment : l’inconduite antérieure du demandeur et, en particulier, le fait qu’il n’assume pas la pleine responsabilité de ses actes et qu’il ne se réadapte pas; le manque de discipline et de maîtrise de soi à l’origine de l’incident des moufles et de l’incident du bureau et son inconduite antérieure; la perte de confiance de la direction en le demandeur. Ces facteurs ont amené le commissaire à conclure que des mesures disciplinaires progressives étaient nécessaires et que la peine proposée par le CEE ne convenait pas.

 

[63]           Le commissaire indique aussi dans ses motifs qu’il a tenu compte de facteurs atténuants; il a reconnu le soutien de certains collègues du demandeur et le counseling professionnel fourni par un travailleur social clinique. Il a toutefois souligné que ce n’était pas les compétences techniques du demandeur qui étaient en cause, mais sa responsabilité et ses capacités de leadership. Il a ajouté que, bien que le demandeur ait demandé du counseling, il n’avait pas suivi la thérapie de gestion de la colère qui avait été recommandée. 

 

[64]           Pour ce qui est de la prétention du demandeur selon laquelle le commissaire n’aurait pas dû le sanctionner pour des allégations concernant des incidents survenus il y a aussi longtemps, ou selon laquelle il s’agit d’un facteur atténuant, je ne pense pas que le nombre d’années écoulées depuis l’inconduite empêche que celle‑ci entraîne des conséquences. Le demandeur a exercé toutes les voies de recours possibles pour contester les allégations liées (c.‑à‑d. celles incluses dans les premier et deuxième avis) et il ne peut pas maintenant prétendre que, à cause de l’écoulement du temps découlant de ces recours, les autres allégations, dont le bien‑fondé a été établi, ne peuvent entraîner de peines au motif que les incidents sont survenus il y a plus de dix ans.

 

[65]           Le commissaire a tenu compte de l’écoulement du temps à l’égard des allégations nos 4, 5 et 6, car celles‑ci remontaient à plus de 15 ans, avaient fait l’objet de longues procédures et leur bien‑fondé n’avait pas encore été établi. Le comité d’arbitrage a rendu sa première décision concernant les six allégations en 2005 (The Appropriate Officer of “National Headquarters Division” and Corporal Shawn P. Elhatton (2011), 8 AD (4th) 209 (comm)). Comme le défendeur le fait remarquer, le demandeur n’a pas démontré de quelle façon le fait de subir des peines pour les allégations dont le bien‑fondé a été établi lui causerait un préjudice.

 

[66]           Le demandeur soutient également que les incidents des moufles et du bureau étaient mineurs et n’auraient pas dû être examinés. Il fait valoir que l’incident des moufles est survenu dans le contexte de sa relation avec son ex‑femme et que l’incident du bureau était un incident isolé.

 

[67]           Aux yeux du commissaire, l’incident des moufles n’était pas une banale dispute conjugale et l’incident du bureau n’était pas un échange de peu d’importance entre collègues. Il a motivé clairement ses conclusions. Il a fait observer que le demandeur :

[traduction] […] s’est mis à parler de manière agressive et irrespectueuse à son ex‑femme, en présence de ses enfants et en public, et aussi au travail, envers un collègue qui détenait un grade supérieur au sien. Il a commis ainsi une grave erreur de jugement et a montré un manque de responsabilité. Ce manque de jugement et de leadership, ajouté à son inconduite connexe antérieure, m’a amené à conclure que le caporal Elhatton ne devrait pas conserver son grade actuel de caporal. (Décision, au paragraphe 35)

 

[68]           L’incident des moufles pourrait sembler mineur si l’on ne tenait pas compte des autres allégations, mais le passé du demandeur en matière disciplinaire établit le contexte de cet incident. De plus, celui‑ci est survenu en présence des enfants du demandeur et à l’extérieur de chez lui alors qu’un véhicule de la GRC était stationné devant sa maison.

 

[69]           La manière dont le commissaire a décrit les faits et les motifs pour lesquels il a conclu que le demandeur ne méritait pas de conserver son grade étaient raisonnables et étayés par la preuve.

 

[70]           En ce qui concerne la prétention du demandeur selon laquelle la décision du commissaire était déraisonnable parce que celui‑ci n’avait pas respecté le principe de la parité, il est bien établi que les décisions du comité d’arbitrage (et des commissaires) ne lient pas les autres commissaires ou la Cour. Le juge Rouleau a dit dans la décision Rendell c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 710, 208 FTR 1 (Rendell), que « le principe de la parité des peines est certes pertinent dans le contexte des procédures disciplinaires au sein de la GRC, mais on ne peut pas l’appliquer de façon à porter atteinte au pouvoir discrétionnaire conféré au commissaire par la loi » (au paragraphe 13).

 

[71]           Dans la décision Rendell, le juge Rouleau a décrit la « procédure disciplinaire interne exhaustive complexe » (au paragraphe 14) prévue par la partie IV de la Loi. Il a mentionné ce qui suit au paragraphe 17 :

Le commissaire est donc l’instance supérieure d’appel dans le cadre de la procédure disciplinaire que le législateur a énoncée dans la loi. Cela étant, il ne peut pas être considéré comme étant lié par des décisions antérieures du comité d’arbitrage de la façon proposée par le demandeur. Cela ne veut pas dire que les décisions rendues à l’égard de cas similaires ne sont pas pertinentes. Toutefois, pareils cas ne sont utiles qu’aux fins d’examen. Le commissaire est entièrement libre de rendre une décision fondée sur les faits propres à chaque cas individuel dont il est saisi. Il pouvait donc à juste titre conclure que dans le cas du gendarme Rendell, contrairement à ce qui s’était produit dans les cas antérieurs où des membres s’étaient livrés à des actes de violence familiale, il n’y avait pas suffisamment de circonstances atténuantes justifiant l’imposition d’une peine moins sévère.

 

 

[72]           Le commissaire avait le pouvoir discrétionnaire de conclure qu’il y avait des facteurs aggravants suffisants pour infliger une peine sévère au demandeur. Comme la Cour d’appel fédérale l’a dit dans l’arrêt Gill c Canada (Procureur général), 2007 CAF 305, 370 NR 257, « les conclusions de conduite scandaleuse et celles ayant trait aux sanctions à imposer sont principalement de nature factuelle et discrétionnaire » (au paragraphe 14).

 

[73]           Comme le défendeur l’a mentionné, la politique des mesures disciplinaires progressives étaye la décision du commissaire de sanctionner le demandeur en le rétrogradant.

 

[74]           Je souligne que le paragraphe 45.12(3) de la Loi prévoit les peines suivantes qui peuvent être infligées, par ordre croissant de sévérité : la solde du membre pourrait être confisquée pour une période maximale de dix jours de travail, sa rétrogradation pourrait être recommandée, on pourrait lui ordonner de démissionner ou il pourrait être congédié. Étant donné que le demandeur avait été condamné dans le passé à la confiscation de sa solde, la mesure disciplinaire suivante était la rétrogradation. Cette peine aurait pu être infligée pour l’incident des moufles ou pour l’incident du bureau, ou pour les deux incidents.

 

[75]           Je ne suis pas d’accord avec le demandeur lorsqu’il affirme que la décision du commissaire est inéquitable si on la compare à d’autres décisions. Le demandeur fait référence à plusieurs décisions rendues par des comités d’arbitrage, où des membres ont fait l’objet de réprimandes et ont vu leur solde être confisquée pour une inconduite équivalant à de l’insubordination ou à une conduite scandaleuse. Or, lorsqu’on examine de façon approfondie ces décisions – qui sont fondées sur des faits différents de ceux de l’espèce – on constate qu’elles ne permettent pas de conclure que la peine infligée au demandeur est déraisonnable à cause de l’absence de parité.

 

[76]           Par exemple, il est possible de faire une distinction entre le présent cas et l’affaire The Appropriate Officer of “D” Division and Cst. Blanchette (2007), 1 AD (4th) 254, parce que le comité d’arbitrage a conclu dans cette affaire que [traduction] « le problème médical grave [du gendarme] au moment de l’inconduite incite fortement à faire preuve de clémence et de compassion » et que le gendarme avait présenté ses excuses peu de temps après la dispute et reconnu sa responsabilité en participant au processus de règlement rapide.

 

[77]           Dans l’affaire The Appropriate Officer of “E” Division and Cpl. Perhar (2012), 11 AD (4th) 231, le membre avait fait des remarques inappropriées et choquantes à caractère sexuel à son travail au cours d’une période de sept ou huit mois. Contrairement à ce qui s’est passé dans le cas du demandeur en l’espèce, le comité d’arbitrage a infligé la peine suggérée par les deux parties. Même si l’inconduite était très grave, les faits étaient différents. De plus, le comité d’arbitrage a mentionné que constituait un facteur atténuant important le fait que le membre avait reconnu son inconduite et qu’il avait le soutien de ses pairs et un dossier disciplinaire sans tache.

 

[78]           L’affaire The Appropriate Officer of “F” Division and Insp. Sabean (2009), 5 AD (4th) 107, peut paraître ressembler davantage à celle dont la Cour est actuellement saisie, car elle concernait un membre à qui avaient été imposées quatre mesures disciplinaires similaires dans le passé et qui avait employé un langage grossier, provocateur et non professionnel au cours d’une arrestation. Toutefois, l’inconduite antérieure était moins grave que l’agression du prisonnier commise par le demandeur en l’espèce. De plus, les parties avaient produit un exposé conjoint des faits et une suggestion conjointe concernant la peine. Le comité d’arbitrage a accepté la suggestion et a fait remarquer que, n’eût été du soutien de l’officier compétent, il aurait infligé une peine plus sévère. Il a ajouté que le membre était un très grand travailleur, qu’il avait des principes, qu’il était dévoué à la GRC et que ses supérieurs avaient fait des commentaires très favorables à son endroit.

 

[79]           Dans l’affaire The Appropriate Officer of “K” Division and S.S. Ray (2011), 10 AD (4th) 237, un membre avait reçu une peine relativement à des allégations de conduite scandaleuse – il avait causé une blessure mineure à sa femme en l’empoignant, il l’avait retenue pour l’empêcher de partir et il avait entreposé une arme à feu de manière négligente. Contrairement à ce qui s’est passé dans le cas du demandeur en l’espèce, les parties ont suggéré conjointement une peine, que le comité d’arbitrage a acceptée. Ce dernier a fait remarquer qu’il y avait des facteurs atténuants et favorables au membre, notamment le fait qu’il avait immédiatement présenté des excuses à sa femme, qu’il avait présenté des [traduction] « excuses sincères à la GRC » et qu’il avait le soutien de son supérieur immédiat et la confiance du commandant divisionnaire.

 

[80]           En conclusion, il ne fait aucun doute que la rétrogradation est une peine sévère, mais il ne s’agit pas de la plus sévère du barème de peines qui s’applique dans le cadre d’un modèle de mesures disciplinaires progressives. En outre, elle est justifiée eu égard à l’examen minutieux que le commissaire a fait de la conduite du demandeur et des facteurs aggravants et atténuants, notamment les antécédents du demandeur en matière disciplinaire.

 

[81]           Comme il a été mentionné précédemment, le juge Rennie a dit, dans la décision Elhatton 2013, que le commissaire dispose de compétences spéciales et connaît les conditions dont dépend le maintien de l’intégrité de la GRC. La Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard de sa décision. Celle‑ci fait comprendre clairement que la conduite du demandeur ne reflète pas le modèle de services de police que la GRC s’efforce d’atteindre et le commissaire explique dans ses motifs pourquoi il arrive à cette conclusion.


JUGEMENT

 

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Catherine M. Kane »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T‑723‑13

 

INTITULÉ :

SHAWN P. ELHATTON c

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et L’OFFICIER COMPÉTENT DE LA DIVISION J DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 27 NOVEMBRE 2013

 

motifs du jugement

et jugement :                            la juge kane

 

DATE DES MOTIFS :

                                                            Le 21 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

William R. Gilmour

Christine Wiseman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Shelley C. Quinn

Jacqueline Wilson

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gilmour Barristers

Avocats

Brampton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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