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Date : 20140120

Dossier : IMM‑11979‑12

 

Référence : 2014 CF 54

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 janvier 2014

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

ZOLTAN ADAM

KAROLINA GONCZI

EVA ADAM

KAROLINA ADAM

ZOLTAN ADAM

ARON ADAM

ADAM ADAM

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

(Rendus oralement à Toronto, le 18 décembre 2013)

 

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par un couple de Roms de la Hongrie et leurs cinq enfants. La décision négative rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) qui est contestée est datée du 14 septembre 2012. La Commission a rejeté la demande de statut de réfugiés au sens de la Convention et la demande d’asile au motif qu’elles n’étaient pas crédibles [la décision].

 

I. Contexte

[2]               Le demandeur principal, Zoltan Adam [Zoltan], est un citoyen de la Hongrie d’origine rom âgé de 43 ans. La conjointe de fait de Zoltan, Karolina Gonczi [Karolina], est âgée de 38 ans, et leurs cinq enfants sont âgés de 8 à 21 ans [les demandeurs].

 

[3]               Les demandeurs affirment que le 30 novembre 2009, un cocktail Molotov a été lancé dans leur maison (l’incendie criminel). Les attaquants ont bloqué la porte, de sorte que personne n’a pu sortir. Lorsque Zoltan et sa famille ont tenté de sortir par les fenêtres, les attaquants ont infligé plusieurs coups de couteau au bras de Zoltan. Ils ont également poussé Karolina au sol, dans les éclats de verre, et lui ont donné de nombreux coups de pied au ventre et à la tête. Quelqu’un a appelé les services d’urgence et les agresseurs ont quitté les lieux. Le service d’incendie s’est rendu sur place et a conclu que la cause de l’incendie était criminelle. La police a été appelée, mais elle ne s’est pas rendue au domicile et l’affaire n’a jamais fait l’objet d’une enquête.

 

[4]               Après l’incendie criminel, Zoltan et Karolina sont allés demander de l’aide au conseil de la minorité rom local. Ils se sont toutefois fait dire que le conseil ne pouvait pas leur offrir de protection et qu’il vaudrait mieux qu’ils quittent le pays.

 

[5]               Le 9 décembre 2009, Zoltan et sa famille se sont rendus à Vienne  où ils ont pris l’avion pour Toronto. Ils ont demandé l’asile à leur arrivée.

 

II. Le FRP des demandeurs

[6]               La Commission décrit l’exposé circonstancié initial du FRP comme suit au paragraphe 5 de la décision :

[5]        Dans l’exposé circonstancié initial de son FRP, le demandeur d’asile principal fait référence à un certain nombre de préoccupations qu’il avait par rapport à la discrimination dont sa famille et lui étaient victimes lorsqu’ils habitaient en Hongrie. Il parle de la haine raciale dont font l’objet les Roms en Hongrie et il affirme que sa famille et lui ont été la cible d’attaques verbales et physiques de la part de skinheads racistes et de la Garde hongroise, une organisation néonazie. Selon le demandeur d’asile principal, il est bien connu que la Garde hongroise assassine de manière brutale des citoyens hongrois d’origine rom, qu’elle lance des cocktails Molotov dans les maisons des Roms et que, somme toute, elle terrorise les Roms dans son pays. Les autorités et les forces policières en Hongrie n’ont pas été en mesure de protéger les demandeurs d’asile, et c’est pourquoi ces derniers sont venus au Canada, soit pour chercher à obtenir la protection du gouvernement du Canada en demandant l’asile à titre de réfugiés au sens de la Convention.

 

[6]        Dans l’exposé circonstancié modifié du FRP des demandeurs, dont le dépôt tardif a été accepté, le demandeur principal décrit pour la première fois une série d’attaques commises à l’encontre des demandeurs en Hongrie. L’exposé circonstancié modifié décrit les agressions verbales et physiques que des skinheads ont fait subir à la fille et aux autres enfants, de même que des incidents survenus à leurs écoles respectives ou chez le médecin. En outre, un des demandeurs d’asile mineurs, Adam Zoltan, a été victime d’un délit de fuite, commis par des néonazis en 2006. L’exposé circonstancié modifié du FRP du demandeur principal décrit également l’incendie criminel comme l’incident catalyseur qui a poussé la famille à quitter la Hongrie.

 

           

 

III. Questions en litige

[7]               La question principale à trancher est celle de savoir si la conclusion défavorable tirée par la Commission quant à la crédibilité est raisonnable.

 

IV. Analyse

[8]               La décision reposait sur les problèmes suivants relevés dans le témoignage livré par le demandeur principal.

a)         Le refus d’accorder les soins médicaux de base

Dans son témoignage de vive voix, le demandeur principal a d’abord nié qu’il avait tenté d’obtenir des soins médicaux après l’incendie criminel. Le demandeur principal a modifié son témoignage par la suite et affirmé que lui et sa famille avaient tenté de consulter un médecin et qu’on le leur avait refusé. Cependant, l’exposé circonstancié modifié du FRP ne corrobore pas le témoignage modifié. Il n’y est pas mentionné que, après l’incendie criminel, la famille a tenté d’obtenir de l’aide d’un médecin, mais s’est vu refuser les soins. La modification du témoignage et l’omission dans l’exposé circonstancié modifié du FRP n’ont pas été convenablement expliquées.

b)         L’avis de la police

Dans son témoignage de vive voix, le demandeur principal a déclaré que même si un voisin avait appelé la police, celle‑ci ne s’était pas rendue sur les lieux de l’incendie criminel, n’avait pas pris de déposition ni mené d’enquête. Cela dit, le demandeur principal a également affirmé que la police avait mis en doute la conclusion des pompiers selon laquelle la cause de l’incendie était criminelle. À la question de savoir comment la police avait pu contester la conclusion si elle n’avait pas mené d’enquête, aucune explication convenable n’a été donnée.

c)         Les cocktails Molotov

Le FRP modifié ne mentionne pas qu’un second cocktail Molotov a été lancé dans la maison, ce que le demandeur principal a pourtant déclaré dans son témoignage. Il a plus tard admis que cela n’était que pure spéculation de sa part.

d)         La blessure causée au demandeur principal

Dans l’exposé circonstancié modifié du FRP, le demandeur principal a déclaré qu’il avait reçu « de nombreux » coups de couteau tandis qu’il essayait de sortir par une fenêtre pour fuir l’incendie. Toutefois, dans son témoignage de vive voix, il a déclaré avoir reçu un seul coup de couteau en tentant de fuir par la porte. 

e)         La blessure causée à l’épouse

Dans l’exposé circonstancié modifié du FRP, il est écrit que l’épouse du demandeur principal a été poussée au sol, dans les éclats de verre, et a reçu des coups de pied au ventre et à la tête. Or, dans le témoignage de vive voix, le demandeur principal avait déclaré qu’elle avait été blessée parce qu’elle avait été poussée dans une porte vitrée. Il n’a été aucunement mention des coups. 

f)          L’accident du fils

Le demandeur principal a affirmé que, en 2008, Adam Adam avait été poursuivi par quatre néonazis en voiture qui ont foncé sur lui, et il s’est retrouvé avec un bras cassé et des blessures à la tête. Le demandeur principal a appelé l’ambulance à plusieurs reprises et a également appelé la police. L’ambulance n’est pas arrivée et la police a refusé de se présenter, apparemment parce que les demandeurs étaient Roms. Le demandeur principal a déclaré dans son témoignage que son frère Attilla avait tenté d’obtenir des documents médicaux prouvant que le garçon avait reçu des soins, mais qu’on lui avait refusé ces documents parce qu’il n’était pas le père d’Adam. Un courriel déposé en preuve a confirmé ces tentatives. Le courriel a toutefois été rejeté au motif qu’il était frauduleux parce qu’aucun des documents produits par les demandeurs ne mentionnait que le demandeur principal avait un frère nommé Attilla, et parce qu’il n’y avait aucune mention, sur le courriel, de la date, de l’heure, du destinataire ou de l’adresse ni d’aucun autre renseignement qui figure généralement sur un courriel authentique.

 

[9]               La Commission a conclu qu’il n’y avait pas eu d’incendie criminel et que l’ensemble de la demande d’asile des demandeurs était frauduleuse. La Commission a déclaré ce qui suit :

Selon l’article d’Amnesty International cité précédemment, « Attacks against Roma in Hungary: January 2008‑July 2011 » [attaques contre des Roms en Hongrie : janvier 2008‑juillet 2011], il ne fait aucun doute que des incidents similaires ont fait l’objet d’enquêtes par la police de la Hongrie et que plusieurs suspects ont été arrêtés et jugés, ou sont en attente de leur procès. Le tribunal fait observer qu’il n’est ni raisonnable ni vraisemblable que la destruction totale de la maison du demandeur d’asile principal soit passée sous silence dans cet article, étant donné que l’article énumère des incidents similaires survenus précisément à cette époque. Le tribunal fait également remarquer que, bien que le demandeur d’asile principal ait déclaré avoir vendu sa maison pour obtenir l’argent nécessaire à l’achat des billets d’avion pour le Canada, il n’a fourni aucun élément de preuve attestant l’existence même de cette maison ou le fait qu’il avait été propriétaire d’une structure complètement rasée par les flammes.

 

[…]

 

Pour tous les motifs susmentionnés, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’est ni raisonnable ni vraisemblable que la police ne se soit pas rendue sur le lieu du prétendu incident criminel et qu’elle n’ait pas non plus enquêté sur cette affaire, étant donné que les pompiers avaient eux‑mêmes déclaré qu’il s’agissait d’un incendie criminel. Compte tenu du témoignage de vive voix à ce sujet, de la preuve documentaire portant sur des événements similaires ayant été signalés et des facteurs susmentionnés, le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage du demandeur d’asile principal relatif au refus de la police hongroise d’apporter son aide ou de mener une enquête n’est ni crédible ni vraisemblable. Le tribunal conclut en outre, à la lumière des conclusions défavorables quant à la crédibilité tirées ci‑dessus, que le demandeur d’asile principal a fabriqué de toutes pièces ce récit afin de donner du poids à une demande d’asile frauduleuse.

 

 

[10]           À mon avis, toutes les conclusions tirées au sujet de la crédibilité étaient raisonnables.

 

Autres questions

[11]           Les demandeurs me demandent d’évaluer de nouveau la preuve portant sur les conditions dans le pays en cause et de conclure que la Commission a agi de façon déraisonnable en concluant que les Roms bénéficient d’une protection de l’État adéquate et font l’objet de discrimination, mais pas de persécution. Toutefois, on n’a attiré mon attention sur aucun document que la Commission aurait omis de mentionner qui aurait été à ce point décisif qu’il aurait justifié une conclusion selon laquelle ces décisions sont déraisonnables.

 

[12]           En outre, il est reproché à la Commission de n’avoir pas effectué d’analyse distincte fondée sur l’article 97. Cependant, j’estime que l’analyse est adéquate même si elle apparaît sous l’en‑tête « Protection de l’État ». De plus, une conclusion relative à l’application de l’article 97 est précisément tirée au paragraphe 48 de la décision.

 

Certification

[13]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.


 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que, pour les motifs susmentionnés, la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                            IMM‑11979‑12

 

INTITULÉ :

ZOLTAN ADAM, KAROLINA GONCZI, EVA ADAM,

KAROLINA ADAM, ZOLTAN ADAM, ARON ADAM,

ADAM ADAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 18 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

                                                            LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 20 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

Joseph S. Farkas

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Michael Butterfield

 

POUR LE RÉPONDANT

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph S. Farkas

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE RÉPONDANT

 

 

 

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