Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140108


Dossier :

T-2263-12

 

Référence : 2014 CF 15

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2014

En présence de monsieur le juge O'Reilly

 

ENTRE :

JOHN WAYNE LUTY

 

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          Aperçu

[1]               Monsieur John Wayne Luty est un agent des services frontaliers de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Il est aussi co-président du comité de santé et de sécurité au travail à l’aéroport international Pearson.

 

[2]               En 2012, M. Luty a soulevé des questions quant au fait que les membres du comité qui assistaient à des réunions en dehors de leurs heures de travail régulières n’étaient pas rémunérés pour les heures supplémentaires. Selon lui, les membres avaient droit à un salaire majoré en vertu de la convention collective et du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2.

 

[3]               Un agent de santé et de sécurité au travail a examiné la plainte de M. Luty et l’a rejetée.  Monsieur Luty prétend que la décision de l’agent était déraisonnable et il demande à la Cour de l’annuler et d’ordonner qu’un autre agent procède à un autre examen de sa plainte. Je conviens avec M. Luty que la décision de l’agent était déraisonnable. Cependant, je ne peux pas ordonner à un autre agent de traiter la plainte parce qu’elle devrait plutôt faire l’objet d’un grief en vertu de la convention collective. Deux questions sont en litige :

 

1.         La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

2.         Quelle est la réparation appropriée?

II.        Le cadre juridique

[4]               Aux termes du Code canadien du travail, les membres du comité peuvent consacrer, sur leurs heures de travail, le temps nécessaire pour assister aux réunions (par. 135.1(10) – voir annexe pour toutes les dispositions invoquées). Le membre doit être rémunéré au taux régulier ou majoré selon ce que prévoit la convention collective (par. 135.1(11)).

 

[5]               Les préoccupations relatives à la santé ou à la sécurité peuvent être portées à l’attention d’un agent de santé et de sécurité. Il est possible d’interjeter appel des instructions de l’agent à un agent d’appel (par. 146(1)).

 

[6]               Aux termes de la convention collective, un employé peut déposer un grief relatif au salaire et à l’indemnisation. La convention prévoit des mécanismes pour régler les différends, y compris le renvoi d’un grief à un arbitre. Elle prévoit expressément que les griefs relatifs à la Directive sur la santé et la sécurité au travail, qui porte sur les comités et la rémunération de leurs membres, devraient être déposés en vertu de la convention et de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, LC 2003, c 22, art. 208 et 209.

 

III.       Première question – La décision de l’agent était-elle déraisonnable?

[7]               Monsieur Luty était préoccupé par la rémunération des heures supplémentaires des membres du comité. En réponse, l’agent a indiqué que les déplacements nécessaires pour aller aux réunions doivent être autorisés et que les membres peuvent consacrer, durant leurs heures de travail régulières, le temps nécessaire pour assister à ces réunions. Monsieur Luty n’avait pas soulevé la question du déplacement. L’agent n’a pas du tout abordé la question qu’avait soulevée M. Luty — l’indemnisation pour la présence aux réunions tenues en dehors des heures de travail régulières.

 

[8]               À mon avis, la décision de l’agent comportait clairement des lacunes. Elle était incohérente et ne répondait d’aucune façon à la plainte de M. Luty.

 

[9]               Cependant, à la décharge de l’agent, il s’agit d’une affaire dont il n’aurait jamais dû être saisi. L’agent de santé et de sécurité a un rôle très particulier en vertu de la partie II du Code canadien du travail, laquelle est intitulée « Santé et sécurité au travail » :

 

  • Enquêter sur les plaintes relatives à la sécurité au travail (par. 127.1(9), 129(1));
  • Donner des instructions relativement aux contraventions à la parte II (par. 145(1), 129(6), 145(2.1));
  • Décider s’il y a un danger au travail (par. 129(4), 145(2));
  • Exempter les employeurs de constituer des comités de santé et de sécurité (al. 135(6)a));
  • Enquêter sur les décès qui surviennent dans le lieu de travail (par. 242(4));
  • Faire des inspections des lieux de travail (par. 141.1(1)).

 

[10]           En l’espèce, la plainte de M. Luty échappait au mandat de l’agent.

 

IV.       Deuxième question – Quelle est la réparation appropriée?

[11]           Bien que la décision de l’agent soit clairement déraisonnable, il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvel examen; un agent de santé et de sécurité n’a aucune compétence sur l’objet de la plainte de M. Luty. Ce dernier doit recourir à la procédure de règlement des griefs prévue dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, le Code canadien du travail et la convention collective.

 

V.        Conclusion et dispositif

[12]           J’accueillerais la présente demande de contrôle judiciaire en partie. La décision faisant l’objet du contrôle était déraisonnable et doit être annulée. Toutefois, il n’y a pas lieu de renvoyer l’affaire à un autre agent pour nouvel examen. Les préoccupations de M. Luty devraient faire l’objet d’un grief, et non d’une plainte à l’agent de santé et de sécurité. Vu le succès mitigé obtenu dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE  que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie;

2.                  La décision faisant l’objet du contrôle est annulée;

3.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Borduas


Annexe

 

Code canadien du travail, LRC (1985), c L-2

 

Temps nécessaire à l’exercice des fonctions

  135.1(10) Les membres du comité peuvent consacrer, sur leurs heures de travail, le temps nécessaire :

 

a) à l’exercice de leurs fonctions au comité, notamment pour assister aux réunions;

 

b) aux fins de préparation et de déplacement, dans la mesure autorisée par les deux présidents.

 

Droit au salaire

  135.1(11) Pour le total des heures qu’il consacre à ces activités, l’employé a le droit d’être rémunéré par l’employeur au taux régulier ou majoré selon ce que prévoit la convention collective ou, à défaut, la politique de l’employeur.

 

 

 

 

Enquête

  146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut :

 

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

 

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

 

 

 

 

 

Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (LC 2003, ch 22, art 2)

 

Droit du fonctionnaire

  208. (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu’il s’estime lésé :

 

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

 

(i) soit de toute disposition d’une loi ou d’un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l’employeur concernant les conditions d’emploi,

 

(ii) soit de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d’emploi.

 

Réserve

(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

Réserve

(3) Par dérogation au paragraphe (2), le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel relativement au droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

 

Réserve

(4) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur l’interprétation ou l’application à son égard de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale qu’à condition d’avoir obtenu l’approbation de l’agent négociateur de l’unité de négociation à laquelle s’applique la convention collective ou la décision arbitrale et d’être représenté par cet agent.

 

Réserve

(5) Le fonctionnaire qui choisit, pour une question donnée, de se prévaloir de la procédure de plainte instituée par une ligne directrice de l’employeur ne peut présenter de grief individuel à l’égard de cette question sous le régime de la présente loi si la ligne directrice prévoit expressément cette impossibilité.

 

 

 

Réserve

(6) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel portant sur une mesure prise en vertu d’une instruction, d’une directive ou d’un règlement établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

 

Force probante absolue du décret

(7) Pour l’application du paragraphe (6), tout décret du gouverneur en conseil constitue une preuve concluante de ce qui y est énoncé au sujet des instructions, directives ou règlements établis par le gouvernement du Canada, ou au nom de celui-ci, dans l’intérêt de la sécurité du pays ou de tout État allié ou associé au Canada.

 

 

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

209. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, le fonctionnaire peut renvoyer à l’arbitrage tout grief individuel portant sur :

 

 

a) soit l’interprétation ou l’application, à son égard, de toute disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) soit une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la rétrogradation, la suspension ou une sanction pécuniaire;

 

c) soit, s’il est un fonctionnaire de l’administration publique centrale :

 

(i) la rétrogradation ou le licenciement imposé sous le régime soit de l’alinéa 12(1)d) de la Loi sur la gestion des finances publiques pour rendement insuffisant, soit de l’alinéa 12(1)e) de cette loi pour toute raison autre que l’insuffisance du rendement, un manquement à la discipline ou une inconduite,

 

(ii) la mutation sous le régime de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique sans son consentement alors que celui-ci était nécessaire;

 

d) soit la rétrogradation ou le licenciement imposé pour toute raison autre qu’un manquement à la discipline ou une inconduite, s’il est un fonctionnaire d’un organisme distinct désigné au titre du paragraphe (3).

 

Application de l’alinéa (1)a)

  (2) Pour que le fonctionnaire puisse renvoyer à l’arbitrage un grief individuel du type visé à l’alinéa (1)a), il faut que son agent négociateur accepte de le représenter dans la procédure d’arbitrage.

 

Désignation

  (3) Le gouverneur en conseil peut par décret désigner, pour l’application de l’alinéa (1)d), tout organisme distinct.

Canada Labour Code, RSC 1985, c L-2

 

Time required for duties

  135.1(10) The members of a committee are entitled to take the time required, during their regular working hours,

 

(a) to attend meetings or to perform any of their other functions; and

 

(b) for the purposes of preparation and travel, as authorized by both chairpersons of the committee.

 

Payment of wages

  135.1(11) A committee member shall be compensated by the employer for the functions described in paragraphs (10)(a) and (b), whether performed during or outside the member’s regular working hours, at the member’s regular rate of pay or premium rate of pay, as specified in the collective agreement or, if there is no collective agreement, in accordance with the employer’s policy.

 

Inquiry

  146.1 (1) If an appeal is brought under subsection 129(7) or section 146, the appeals officer shall, in a summary way and without delay, inquire into the circumstances of the decision or direction, as the case may be, and the reasons for it and may

 

(a) vary, rescind or confirm the decision or direction; and

 

(b) issue any direction that the appeals officer considers appropriate under subsection 145(2) or (2.1).

 

 

 

 

 

Public Service Labour Relations Act, SC 2003, c 22, ss 208, 209)

 

Right of employee

  208. (1) Subject to subsections (2) to (7), an employee is entitled to present an individual grievance if he or she feels aggrieved

 

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

 

(i) a provision of a statute or regulation, or of a direction or other instrument made or issued by the employer, that deals with terms and conditions of employment, or

 

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award; or

 

(b) as a result of any occurrence or matter affecting his or her terms and conditions of employment.

 

Limitation

(2) An employee may not present an individual grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any Act of Parliament, other than the Canadian Human Rights Act.

 

Limitation

(3) Despite subsection (2), an employee may not present an individual grievance in respect of the right to equal pay for work of equal value.

 

 

 

Limitation

(4) An employee may not present an individual grievance relating to the interpretation or application, in respect of the employee, of a provision of a collective agreement or an arbitral award unless the employee has the approval of and is represented by the bargaining agent for the bargaining unit to which the collective agreement or arbitral award applies.

 

 

Limitation

(5) An employee who, in respect of any matter, avails himself or herself of a complaint procedure established by a policy of the employer may not present an individual grievance in respect of that matter if the policy expressly provides that an employee who avails himself or herself of the complaint procedure is precluded from presenting an individual grievance under this Act.

 

Limitation

(6) An employee may not present an individual grievance relating to any action taken under any instruction, direction or regulation given or made by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

Order to be conclusive proof

(7) For the purposes of subsection (6), an order made by the Governor in Council is conclusive proof of the matters stated in the order in relation to the giving or making of an instruction, a direction or a regulation by or on behalf of the Government of Canada in the interest of the safety or security of Canada or any state allied or associated with Canada.

 

Reference to adjudication

  209. (1) An employee may refer to adjudication an individual grievance that has been presented up to and including the final level in the grievance process and that has not been dealt with to the employee’s satisfaction if the grievance is related to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award;

 

(b) a disciplinary action resulting in termination, demotion, suspension or financial penalty;

 

 

(c) in the case of an employee in the core public administration,

 

(i) demotion or termination under paragraph 12(1)(d) of the Financial Administration Act for unsatisfactory performance or under paragraph 12(1)(e) of that Act for any other reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct, or

 

 

 

(ii) deployment under the Public Service Employment Act without the employee’s consent where consent is required; or

 

 

(d) in the case of an employee of a separate agency designated under subsection (3), demotion or termination for any reason that does not relate to a breach of discipline or misconduct.

 

 

Application of paragraph (1)(a)

  (2) Before referring an individual grievance related to matters referred to in paragraph (1)(a), the employee must obtain the approval of his or her bargaining agent to represent him or her in the adjudication proceedings.

 

Designation

  (3) The Governor in Council may, by order, designate any separate agency for the purposes of paragraph (1)(d).

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-2263-12

 

INTITULÉ :

JOHN WAYNE LUTY c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 25 SEPTEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 8 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

John Wayne Luty

 

POUR LE DEMANDEUR -

NON REPRÉSENTÉ PAR UN AVOCAT

 

Gillian Patterson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Wayne Luty

Oakville (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR –

NON REPRÉSENTÉ PAR UN AVOCAT

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.