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Date: 20140115

Dossier : IMM‑9603‑12

Référence : 2014 CF 44

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

XIN TONG HE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), visant la décision du 23 août 2012 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR ou la Commission) a rejeté la demande faite par le demandeur de se voir reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger, en application des articles 96 ou 97 de la Loi.

CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un citoyen de la République populaire de Chine qui est arrivé au Canada en juillet 2010 grâce à un passeur. Il a déposé une demande de statut de réfugié à son arrivée, affirmant avoir été persécuté dans la province du Fujian à cause de sa participation à une église‑maison chrétienne.

 

[3]               Le demandeur dit qu’il a été initié au christianisme par un ami en février 2007 et qu’il a commencé à fréquenter une petite église‑maison clandestine en mars 2007. Il dit que, le 1er juillet 2010, le Bureau de la sécurité publique (BSP) a effectué une descente à son église‑maison, mais qu’il a pu s’échapper, en compagnie d’autres membres, après avoir été averti par des membres de l’église qui faisaient le guet. Plutôt que de rentrer chez lui, le demandeur dit qu’il s’est caché dans la maison d’un parent et que, le jour suivant, il a fui vers la maison d’un ami dans une autre ville. Il ajoute que le BSP s’est rendu à son domicile le 2 juillet 2010 pour l’arrêter, que son ami et d’autres membres de l’église ont été arrêtés, et que le BSP s’est de nouveau rendu à son domicile le 9 juillet 2010 pour voir s’il s’y trouvait. Il a décidé de quitter la Chine, laissant sa femme et sa famille derrière lui, et il est arrivé au Canada le 25 juillet 2010. Il dit qu’il a par la suite appris que le BSP s’est de nouveau rendu à son domicile le 15 juillet 2010 et le 2 août 2010 pour voir s’il s’y trouvait, et que le BSP s’est rendu chez lui huit fois en tout, la dernière étant en février 2012.

 

[4]               La demande de statut de réfugié a été entendue le 9 février 2012, et la décision de rejeter la demande a été rendue le 23 août 2012.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[5]               La SPR a reconnu que le demandeur était un chrétien pratiquant en Chine et qu’il continuait d’être un chrétien pratiquant au Canada, mais elle n’a pas retenu les allégations selon lesquelles son église‑maison ait fait l’objet d’une descente, que des membres de l’église aient été arrêtés à la suite de cette descente, ou que le BSP ait continué de le chercher. La Commission a estimé que, selon toute probabilité, le demandeur pouvait retourner dans la province de Fujian et pratiquer sa religion librement. Ces conclusions reposent sur la preuve documentaire concernant les conditions auxquelles se heurtent les chrétiens dans la province de Fujian, que la SPR a retenue plutôt que le récit du demandeur à cet égard.

 

[6]               La SPR a constaté que, bien que les églises non agréées comme celle où se rendait le demandeur soient illégales, la preuve documentaire montre qu’il y a des millions de chrétiens en Chine qui fréquentent des églises clandestines illégales. La Commission a en outre constaté qu’il était constamment fait état de mauvais traitements et d’actes de harcèlement subis par les chrétiens dans plusieurs provinces de Chine, mais que le nombre total d’incidents avait baissé, et que les « depuis les quelques dernières années, les chrétiens en Chine disposent en général d’une plus grande liberté pour pratiquer leur religion et d’un plus large éventail de moyens pour exprimer leur foi » (motifs et décision [motifs], au paragraphe 23). La Commission a considéré des éléments de preuve selon lesquels [traduction] « le traitement réservé aux protestants membres d’églises non agréées peut varier selon l’endroit où ils vivent et la tolérance des autorités locales » et […] les représentants de l’État bénéficient d’une grande latitude dans l’interprétation de ce qui constitue [traduction] “une activité religieuse normale” » : Direction des recherches, Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Réponses aux demandes d’information (RDI), CHN103500.EF, citée dans les motifs au paragraphe 22.

 

[7]               La Commission a constaté qu’il n’y avait aucun rapport récent faisant état d’arrestations, de détentions et de fermetures d’églises dans la province du demandeur, Fujian. Il y a de nombreuses églises‑maisons non agréées à Fujian; certaines organisent des réunions dans les locaux du Mouvement patriotique des trois autonomies (MPTA), une église protestante reconnue par l’État. Selon la preuve documentaire, les chrétiens qui fréquentent en petits groupes les églises clandestines illégales du Fujian ne sont pas persécutés par le BSP.

 

[8]               La SPR a relevé qu’il y avait un rapport mentionnant la détention d’un membre du personnel d’une église protestante dans la province du Fujian et la fermeture de trois sites abritant des églises. Cependant, il n’est pas question de la détention ou de l’interrogatoire de paroissiens, y compris de personnes participant à des œuvres d’évangélisation. Le motif de l’arrestation et de la fermeture n’est pas clair, et le rapport ne dit pas non plus si la personne détenue a été libérée après son interrogatoire. La Commission a estimé qu’il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve concernant la persécution qu’auraient subies d’autres églises ou personnes dans la province du Fujian.

 

[9]               La Commission a aussi considéré des éléments de preuve démontrant que le statut des églises‑maisons n’est pas clair; les églises‑maisons ne sont ni interdites ni totalement approuvées et [traduction] « [d]ans la mesure où leurs membres évitent les affrontements avec leur voisinage et que la taille de leur congrégation reste en deçà d’un certain seuil (habituellement autour de 25 membres), les églises protestantes sont la plupart du temps tolérées » : UK Border Agency (ministère de l’Intérieur), passage cité dans les motifs, au paragraphe 28. Étant donné que le demandeur fréquentait une église‑maison protestante comptant 25 membres dans la province de Fujian, la Commission a estimé que, selon toute probabilité, les membres de cette église‑maison n’étaient pas persécutés par les autorités gouvernementales.

 

[10]           La SPR a considéré une lettre du président de la China Aid Association indiquant qu’il était [traduction] « naïf et erroné de supposer que les maisons‑églises peuvent exercer leurs activités sans risque ou problème dans [la] provinc[e] du Fujian » et que les incidents n’étaient possiblement pas tous déclarés en raison de la censure. Cependant, la Commission a constaté qu’il existait une quantité importante de renseignements concernant des régions de Chine beaucoup plus éloignées que Fujian, et qu’il était raisonnable de penser que si des groupes comme celui auquel appartient le demandeur avaient l’objet d’une descente, et que si des personnes avaient été emprisonnées dans cette province, il existerait une preuve documentaire à cet égard.

 

[11]           La preuve documentaire indique que le traitement des membres de l’église clandestine dépendait des autorités locales, qui ont le pouvoir législatif et les ressources nécessaires pour mettre en œuvre un large éventail de sanctions pénales et administratives contre les chrétiens clandestins. La preuve ne permettait pas de conclure que les représentants de l’État à Fujian cherchaient à persécuter les chrétiens protestants clandestins.

 

[12]           Tout en relevant les éléments de preuve démontrant qu’il était généralement interdit de se livrer au prosélytisme publiquement et que la réaction du gouvernement au prosélytisme variait d’un lieu à l’autre, la Commission a estimé que, selon les éléments de preuve fournis, le demandeur serait en mesure de répandre l’Évangile parmi ses amis et ses connaissances dans la province du Fujian sans problème s’il le souhaitait. Elle est arrivée aux mêmes conclusions pour ce qui concerne la capacité du demandeur d’intervenir sur le plan social par l’entremise d’un organisme confessionnel, renvoyant à des éléments de preuve témoignant de la nature de plus en plus transparente et publique des activités de tels groupes.

 

[13]           Se fondant sur la preuve, la Commission a estimé que l’église clandestine du demandeur n’avait pas fait l’objet d’une descente comme le demandeur l’a prétendu, que ses membres n’avaient pas été arrêtés et que le demandeur n’était pas été recherché par le BSP. Elle a conclu que, selon toute probabilité, « le demandeur d’asile pourrait pratiquer sa religion dans n’importe quelle église s’il devait retourner chez lui dans la province du Fujian, en Chine, et […] il n’existe pas de possibilité sérieuse qu’il soit persécuté pour cette raison ». En d’autres termes, le demandeur « pourrait retourner dans sa province de résidence en vue de pratiquer sa religion comme il l’entend ».

 

[14]           En conséquence, la SPR a statué que le demandeur n’avait pas la qualité de réfugié au sens de la Convention et de l’article 96 de la Loi ni la qualité de personne à protéger au sens de l’article 97.

 

QUESTIONS

[15]           Dans le présent contrôle judiciaire, la question en litige est celle de savoir si la décision de la Commission, selon laquelle le demandeur n’est ni un réfugié au sens de la Convention et de l’article 96 de la Loi ni une personne à protéger au sens de l’article 97, est raisonnable.

 

NORME DE CONTRÔLE

[16]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a déclaré qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse relative à la norme de contrôle. Ainsi, lorsque la norme de contrôle qui s’applique à la question particulière dont la cour est saisie a été établie de manière satisfaisante par la jurisprudence, il est loisible à la cour chargée du contrôle de l’adopter. Ce n’est que dans les cas où cette recherche s’avère infructueuse, ou si la jurisprudence semble devenue incompatible avec l’évolution récente des principes de la common law en matière de contrôle judiciaire, que la cour chargée du contrôle doit entreprendre l’examen des quatre facteurs entrant en jeu dans l’analyse relative à la norme de contrôle : Agraira c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 48.

 

[17]           Le défendeur soutient que la présente affaire concerne l’interprétation et l’évaluation d’éléments de preuve qui sont du ressort de la Commission, qui commandent l’application de la norme de la décision raisonnable : He c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 525, aux paragraphes 6‑9; Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, au paragraphe 11. Je suis d’accord.

 

[18]           Il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux conclusions de la SPR concernant le risque et la crédibilité est celle de la décision raisonnable : Qiu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 605, au paragraphe 17; Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF); Wu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 929, au paragraphe 17. Enfin, la norme de contrôle applicable à toutes les conclusions de fait tirées par la SPR est celle de la décision raisonnable (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 53).

 

[19]           Lorsqu’une décision est examinée selon la norme de la décision raisonnable, l’analyse s’attache à « la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59. Autrement dit, la Cour ne doit intervenir que si la décision est déraisonnable, en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

[20]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

ARGUMENT

Demandeur

[21]           Le demandeur fait valoir que la Commission n’a pas tiré de conclusion en ce qui concerne sa crédibilité ou la véracité de son récit selon lequel son église a fait l’objet d’une descente et les membres de la congrégation ont ensuite été arrêtés. Étant donné que les conclusions de la Commission portant sur ces faits vont directement à l’encontre du récit du demandeur, ce dernier affirme que la Commission était tenue de tirer une conclusion explicite concernant sa crédibilité avant de rejeter sa demande. À l’appui de ce point de vue, il cite la décision Mei Hua Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 254 [Lin], où la Cour a affirmé ce qui suit :

[15]      Pour que la Commission puisse se fonder de façon juste sur la preuve générale portant sur la diminution du risque de persécution religieuse en Chine, il était essentiel qu’elle tire des conclusions précises au sujet de la véracité du récit de Mme Lin sur la descente policière à son église. Elle était tenue de le faire parce qu’elle devait examiner le risque général pour les chrétiens en Chine en fonction du profil particulier de Mme Lin, y compris ses antécédents avec les autorités. Il n’était pas suffisant pour la Commission de conclure que les cas de persécution de chrétiens sont maintenant rares, alors que les autorités dans la collectivité de Mme Lin avaient fait preuve de persécution, comme le démontrait leur comportement envers Mme Lin et les autres fidèles de son église. Elle pouvait personnellement faire face à un risque accru, ce qui distingue son cas de la norme statistique en Chine, et il était erroné de la part de la Commission de ne pas avoir tiré une conclusion déterminante à ce sujet […]

 

[22]           Le demandeur fait valoir que la preuve documentaire présentée à la Commission peut être conciliée avec le récit de sa situation en Chine, et que la Commission a commis une erreur de logique en rejetant son récit sans formuler une conclusion quant à sa crédibilité ou la véracité de son récit. Dans la décision Lin, la Cour a observé que, si la preuve documentaire de la situation dans le pays a révélé un niveau accru de tolérance vis‑à‑vis de la pratique de la vie chrétienne en Chine, elle a aussi démontré que l’approche était inégale et fondée sur l’attitude des autorités locales, certains chrétiens étant traités de façon extrêmement dure dans ce pays. La Cour a estimé qu’ « il s’agissait donc d’une erreur de la part de la Commission que de conclure que le récit de Mme Lin ne correspondait pas à la preuve documentaire de la situation dans le pays, parce qu’une partie de la preuve concordait avec son récit portant sur les risques » : Lin, précitée, au paragraphe 14. Le demandeur prétend que la même logique vaut en l’espèce : la preuve présentée à la Commission indique que le traitement des protestants non enregistrés varie en fonction du lieu et de la tolérance des autorités locales : voir Département d’État américain, International Religious Freedom Report 2010 : China (Includes Tibet, Hong Kong, Macau), 17 novembre 2010 [Religious Freedom Report 2010], dossier du demandeur, aux pages 142, 144‑145.

 

[23]           Le demandeur soutient que l’analyse de la Commission était axée à tort sur la province, même si la preuve démontre que ce sont les autorités locales, et non pas les autorités provinciales, qui s’en prennent le plus souvent aux membres non enregistrés des églises en Chine. La Commission a reconnu que le traitement des protestants non enregistrés pouvait varier en fonction du lieu et que les autorités locales avaient une grande marge de manœuvre. Les autorités de la collectivité du demandeur recouraient peut‑être davantage à la persécution. Il était donc nécessaire pour la Commission de tirer des conclusions portant précisément sur la véracité du récit du demandeur si son intention était de retenir la preuve générale d’un risque moindre de persécution en Chine pour rejeter la demande. De plus, à la lumière des éléments de preuve démontrant que des traitements extrêmement durs continuent d’être infligés aux chrétiens à la grandeur de la Chine, la conclusion de la Commission était déraisonnable.

 

[24]           En outre, des éléments de preuve indiquaient que les chrétiens sont persécutés dans la province du Fujian, à savoir qu’un membre du personnel de l’église de Fuzhou Lianjiang avait été arrêté et détenu et que trois lieux de réunion avaient été fermés, faits que la commission a reconnus dans ses motifs. Selon la preuve, les sites ont été [traduction] « scellés sans fondement juridique ou autorisation gouvernementale » : ChinaAid Association, Enlèvement et fermeture de bâtiments à Fujian, 19 octobre 2010, dossier du demandeur, à la page 137.

 

[25]           La conclusion de la Commission selon laquelle les églises non enregistrées doivent s’assurer de maintenir leur nombre d’adhérents sous un certain seuil constitue en elle‑même une preuve de persécution. La Commission a constaté que le statut des églises‑maisons n’est pas clair; elles ne sont ni interdites ni totalement approuvées, mais que ce sont surtout celles qui évitent toute confrontation avec les voisins et dont la congrégation ne dépasse pas une certaine taille (environ 25 personnes) qui sont tolérées. Cependant, la Cour a conclu dans Fosu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1994] ACF no 1813, au paragraphe 5, 90 FTR 182 (CF), ce qui suit :

[…] Il va de soi que le droit à la liberté de religion comprend aussi la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites. Comme corollaire de cet énoncé, il me semble que la persécution du fait de la religion peut prendre diverses formes telles que l’interdiction de célébrer le culte en public ou en privé, de donner ou de recevoir une instruction religieuse, ou la mise en œuvre de mesures discriminatoires graves envers des personnes du fait qu’elles pratiquent leur religion [note de bas de page omise].

 

[26]           La preuve démontre qu’il serait difficile pour le demandeur de joindre une congrégation de plus de 25 personnes s’il souhaitait le faire; il s’agit d’une interférence avec son droit de célébrer le culte en public ou en privé.

 

[27]           Le demandeur fait valoir que la Commission a interprété la preuve de façon erronée sur un certain nombre de points :

a.                   la Commission a conclu que le demandeur serait en mesure de répandre l’Évangile parmi ses amis et ses connaissances dans la province du Fujian s’il le souhaitait (motifs au paragraphe 31), mais la preuve documentaire a démontré que [traduction] « le prosélytisme en public, les lieux de culte non agréés ou le prosélytisme par des étrangers n’étaient pas autorisés » (Religious Freedom Report 2010, dossier du demandeur, à la page 139) et que le prosélytisme n’était autorisé que dans les lieux religieux approuvés par l’État (RDR, CHN103255.EF : Chine : information indiquant si le prosélytisme est légal en Chine, 27 octobre 2009, dossier du demandeur, à la page 177);

b.                  la Commission a indiqué que selon un élément de preuve les groupes non enregistrés pouvaient maintenant opérer ouvertement (motifs au paragraphe 32), mais le rapport auquel elle fait référence (Religious Freedom Report 2010) ne contient pas l’énoncé en question; le rapport ne concorde pas avec les conclusions de la Commission;

c.                   la Commission a affirmé que les groupes non enregistrés louaient des bureaux et faisaient du travail social; cependant, la preuve indique que les groupes non enregistrés ne sont pas autorisés à collecter ouvertement des fonds, à recruter des employés, à ouvrir des comptes bancaires ou à posséder des biens immobiliers. De plus, les groupes religieux non affiliés à une association religieuse et patriotique officielle ont du mal à s’enregistrer comme organisation non gouvernementale ou à faire du travail social : Religious Freedom Report 2010, dossier du demandeur, aux pages 142‑143.

 

[28]           Le fait qu’il n’y ait pas plus de témoignages de persécution à Fujian ne signifie pas nécessairement que les chrétiens à Fujian sont libres de pratiquer leur religion. La Cour a conclu dans la décision Zhang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1198, au paragraphe 19, qu’en se concentrant sur le nombre d’arrestations pour juger de la possibilité de persécution la Commission a commis une erreur, notamment sur le plan de l’interprétation :

[…] Le nombre d’arrestations de chrétiens clandestins en Chine peut révéler la possibilité pour les membres de l’église de demeurer clandestins et de cacher leurs activités aux autorités. Cependant, le fait que les chrétiens clandestins sont en mesure de cacher leurs activités et d’éviter d’être détectés n’est pas pertinent pour trancher la question de savoir s’ils font l’objet de persécution en raison de leur religion et s’ils ne sont pas en mesure de pratiquer librement leur religion, conformément à leur croyance fondamentale.

 

[29]           Le demandeur soutient que le même raisonnement peut être appliqué à la présente affaire.

 

Défendeur

[30]           Le défendeur fait valoir que le demandeur n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve crédibles et fiables à l’appui de sa demande de statut de réfugié, que son récit était en contradiction avec la preuve documentaire concernant la persécution dans sa province d’origine du Fujian et qu’il n’a pas été établi que la Commission a commis une erreur d’analyse ou de principe. En conséquence, la décision était raisonnable.

 

[31]           La Commission a reconnu que le demandeur était chrétien, mais elle a conclu que son église‑maison n’avait pas fait l’objet d’une descente. La Commission a préféré la preuve documentaire sur ce point au récit du demandeur. Le défendeur a fait valoir qu’il lui était loisible de le faire et qu’elle n’avait pas l’obligation de tirer une conclusion expresse quant à la crédibilité : Yu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 310, au paragraphe 33 [Yu]; Wei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 854, au paragraphe 52 [Wei]; He c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 665, aux paragraphes 27‑32. La Commission a expliqué pourquoi elle a préféré la preuve documentaire en faisant état des caractéristiques du groupe du demandeur et du fait qu’elle répondait à un certain profil – une petite église de 25 membres dans la province du Fujian – un type d’église, qui, selon la preuve, était dans une large mesure tolérée par les autorités.

 

[32]           Pour l’essentiel, le demandeur conteste le poids donné à la preuve, et il demande à la Cour de revoir l’évaluation qu’en a faite la Commission. Cependant, la question du poids qu’il convient d’accorder à des éléments de preuve ne constitue pas un motif de contrôle judiciaire (He, précitée, au paragraphe 33; Brar c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] ACF no 346 (CAF)). N’est pas non plus un motif justifiant le contrôle judiciaire le fait que plus d’une conclusion raisonnable puisse probablement être tirée de la preuve : Dunsmuir, précité, au paragraphe 47.

 

[33]           Selon le défendeur, la Commission a conclu, de manière raisonnable, que le BSP n’avait pas fait une descente à l’église clandestine du demandeur essentiellement parce que le groupe du demandeur n’a pas le profil des groupes qui sont ciblés. La Commission a relevé l’existence de comptes rendus d’actes de persécution à l’endroit des églises‑maisons en Chine, mais elle a conclu que ceux‑ci avaient eu lieu en dehors de la province du demandeur. On ne rapporte qu’un cas de détention touchant un membre du personnel d’une église dans la province de Fujian, et l’affaire n’a pas donné lieu à l’arrestation ou même à l’interrogatoire des paroissiens. En d’autres termes, la Commission a considéré la situation particulière du demandeur et elle a conclu, de manière raisonnable, que le groupe n’avait pas fait l’objet d’une descente.

 

[34]           De plus, il est raisonnable pour la Commission d’avoir accordé plus de poids au « silence de la preuve documentaire » concernant la situation des chrétiens à Fujian qu’au récit du demandeur pour conclure que le demandeur serait en mesure de pratiquer sa foi en Chine. La Cour a par le passé statué que le témoignage sous serment d’un demandeur pouvait être réfuté si la preuve documentaire ne fait pas mention de ce à quoi on devrait normalement s’attendre : Adu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1995 CarswellNat 2559, 53 ACWS (3e éd.) 158 (CAF); Yu, précitée, au paragraphe 25. En l’espèce, la Commission s’attendait, raisonnablement, à pouvoir s’appuyer sur des éléments de preuve convaincants confirmant l’allégation selon laquelle des descentes ont lieu dans des églises‑maisons protestantes et des paroissiens sont emprisonnés dans la province du Fujian; or, de tels éléments de preuve ne lui ont pas été présentés.

 

[35]           Selon le défendeur, la Commission a raisonnablement conclu que le demandeur pourrait pratiquer sa religion librement à Fujian. La Commission a constaté que la situation variait d’un endroit à l’autre pour ce qui concerne la possibilité de faire du prosélytisme. Elle a aussi constaté que l’arrestation signalée dans la province de Fujian ne concernait pas des paroissiens, ni même des personnes qui faisaient du prosélytisme, et qu’elle avait des preuves de l’existence de campagnes d’évangélisation en plein air autorisées par le gouvernement local. Il était loisible à la Commission de préférer la preuve documentaire au récit du demandeur concernant sa capacité de pratiquer sa religion librement à Fujian : Dehghani‑Ashkezari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 809, aux paragraphes 22‑23.

 

[36]           Il était du devoir de la Commission de soupeser les éléments de preuve parfois contradictoires et de déterminer s’il existait plus qu’une simple possibilité que le demandeur soit persécuté pour un motif énoncé dans la Convention ou, selon toute probabilité, qu’il ait la qualité de personne à protéger en application de l’article 97 de la Loi : Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 636, aux paragraphes 23‑25. Il s’agit exactement de ce que la Commission a fait, et il n’a pas été établi que son raisonnement est erroné.

 

Réplique du demandeur

[37]           Le demandeur soutient que les décisions Yu et He, précitées, invoquées par le défendeur à l’appui de la proposition selon laquelle la Commission était autorisée à préférer la preuve documentaire au récit du demandeur sans tirer une conclusion explicite quant à sa crédibilité, doivent être distingués ici. Dans ces affaires, la Commission a fait mention d’éléments de preuve remettant en question les éléments de preuve fournis par les demandeurs. Dans la présente affaire, le dossier contenait des éléments de preuve qui pouvaient être conciliés avec ceux que le demandeur a fournis en ce qui concerne la répression et la persécution des chrétiens. Comme dans la décision Lin, précitée, le fait pour la Commission de tirer les conclusions qu’elle a tirées alors que les éléments de preuve fournis par le demandeur pouvaient être conciliés avec la preuve documentaire constituait une erreur de logique.

 

[38]           Selon le demandeur, la décision Wei, précitée, doit aussi être distinguée parce que, dans cette affaire, la Commission a tiré des conclusions expresses concernant la crédibilité du demandeur, ce que n’a pas fait la Commission en l’espèce.

 

[39]           Le demandeur soutient également qu’il ne demande pas à la Cour d’évaluer à nouveau la preuve. Il affirme plutôt que la Commission a commis une erreur en concluant implicitement que la preuve fournie par le demandeur concernant la situation en Chine ne pouvait être conciliée avec la preuve documentaire, alors que, en réalité, elle pouvait l’être.

 

[40]           Le demandeur fait valoir que la conclusion de la Commission selon laquelle il pouvait pratiquer librement sa religion à Fujian, y compris faire du prosélytisme, n’est tout simplement pas cohérente avec la preuve. Il dit qu’il est permis de se demander si la Commission a examiné la preuve documentaire, en particulier à la lumière de la citation erronée relevée ci‑dessus. Le demandeur soutient que la Commission n’a pas tenu compte de la preuve sur la question de la libre pratique de la foi chrétienne à Fujian, ou qu’elle n’en a pas tenu compte ou l’a mal interprétée.

 

ANALYSE

[41]           La présente demande soulève des questions dont la Cour a été saisie à de nombreuses occasions. Le demandeur a présenté ce qui est maintenant considéré comme un exposé générique relatif à la persécution religieuse en Chine. La SPR a rejeté cet exposé, comme elle l’a fait à plusieurs reprises, parce que la preuve documentaire relative à Fujian ne fait état d’aucune persécution physique des chrétiens pratiquants qui appartiennent à de petites églises‑maisons, telles que celle qu’a décrite le demandeur. Après un examen approfondi des documents sur Fujian, la SPR a conclu que « l’église clandestine fréquentée par le demandeur d’asile n’a pas fait l’objet d’une descente comme il le prétend, que les membres de cette église n’ont pas été arrêtés et qu’il n’est pas recherché par des agents du PSB ». La SPR répète cette conclusion au paragraphe 38 de la décision lorsqu’elle affirme ce qui suit :

Après avoir pris en considération tous les éléments de preuve et les observations du conseil, le tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, l’église fréquentée par le demandeur d’asile n’a pas fait l’objet d’une descente, que les autres membres n’ont pas été arrêtés ni détenus, et que le demandeur d’asile n’est pas recherché par le PSB en raison de ses activités religieuses. […]

 

Cet aspect de la décision est conforme aux décisions Nen Mei Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (4 février 2010), IMM‑5425‑08, et Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 222.

 

[42]           Il n’y a aucune conclusion explicite quant à la crédibilité, mais comme il appert de ce qui précède la SPR a clairement conclu qu’elle ne pouvait ajouter foi aux allégations de persécution passée formulées par le demandeur. Comme dans la décision Yu, précitée, dans laquelle il a été conclu que la preuve documentaire était plus solide et devait l’emporter, la SPR n’a pas eu besoin de tirer une conclusion explicite quant à la crédibilité étant donné qu’elle a manifestement tiré une telle conclusion indirectement.

 

[43]           Le raisonnement qui sous‑tend une telle décision se dégage de nombreuses affaires et tient à ce qui suit :

a.       il revient au demandeur de prouver qu’il est exposé à un risque de persécution;

b.      il faut prêter foi au témoignage par affidavit ou autre du demandeur sauf s’il existe des motifs de douter de sa véracité : Dias Pinzon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1138, au paragraphe 5; Konya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 975;

c.       l’existence d’éléments de preuve fiables de la situation dans le pays qui ne corroborent pas le récit du demandeur peut être un motif suffisant pour douter de la véracité de son récit;

d.      dans ce cas, des preuves corroborantes sont nécessaires pour démontrer que les événements se sont produits comme l’allègue le demandeur, en dépit du fait que le récit du demandeur va à l’encontre du schéma général révélé par la preuve portant sur la situation au pays;

e.       le fait que les événements décrits par le demandeur ne correspondent pas à la tendance générale qui se dégage pour la région ne signifie pas qu’ils n’ont pas eu lieu, ou que le demandeur ne court pas un risque. Cela signifie plutôt que la SPR est en droit de compter qu’elle pourra s’appuyer sur des preuves corroborantes pour donner foi au récit du demandeur : Konya, précitée, au paragraphe 18;

f.       en l’espèce, le demandeur n’a pas fourni suffisamment d’éléments de preuve corroborants fiables pour dissiper les doutes soulevés par les éléments de preuve démontrant la situation dans le pays. La Commission a conclu que, selon toute probabilité, les événements n’ont pas eu lieu comme le demandeur l’a prétendu; il s’agit d’une conclusion raisonnable au vu des éléments de preuve.

 

[44]           La conclusion de la SPR sur l’incapacité du demandeur à établir la persécution passée est raisonnable. La Cour d’appel fédérale a jugé que le témoignage sous serment du demandeur d’asile pouvait être réfuté lorsque la preuve documentaire ne mentionne pas un fait qu’on pourrait normalement s’attendre à y retrouver : Adu, précitée, au paragraphe 1. Dans la présente affaire, la SPR a examiné les éléments de preuve présentés, reconnu les problèmes rencontrés par les chrétiens dans certaines régions et expliqué comment toute mention du Fujian dans les éléments de preuve pouvait être distinguée du cas du demandeur. La SPR a conclu que, compte tenu des renseignements disponibles sur des régions de Chine plus éloignées que Fujian, si des groupes comme le groupe du demandeur faisaient l’objet d’une descente et si des personnes étaient emprisonnées à Fujian, de nombreux éléments de preuve en feraient état. Je ne peux pas dire que ces conclusions sont déraisonnables d’une façon ou d’une autre.

 

[45]           À mon avis, il est seulement possible de mettre en question l’analyse prospective de la SPR et sa conclusion au paragraphe 38 de la décision, à savoir que « le tribunal conclut que le demandeur d’asile pourrait retourner dans sa province de résidence en vue de pratiquer sa religion comme il l’entend ».

 

[46]           Le demandeur fait valoir que la SPR reconnaît au paragraphe 22 de la décision qu’il existe des preuves que [traduction] « le traitement réservé aux protestants membres d’églises non agréées peut varier selon l’endroit où ils vivent et la tolérance des autorités locales. […] les représentants de l’État bénéficient d’une grande latitude dans l’interprétation de ce qui constitue [traduction] “une activité religieuse normale”. » Cependant, de mon point de vue, cela ne réfute pas les conclusions générales de la SPR, selon lesquelles il n’existe pas d’éléments de preuve démontrant que des actes de persécution sont commis dans la province, et il semble prévaloir une plus grande indulgence à Fujian.

 

[47]           Le demandeur pose la question suivante : [traduction] « Et si le demandeur voulait joindre une congrégation qui compte déjà 25 membres »? Aucun élément de preuve ne démontre que le demandeur voulait joindre une congrégation plus grande ou que l’exercice de ses droits religieux serait contrecarré ou restreint s’il devait reprendre ses pratiques religieuses dans son église. La question du demandeur est hypothétique. Le demandeur n’a pas été persécuté par le passé parce qu’il voulait joindre une congrégation plus grande, et aucun élément de preuve ne démontre qu’il voudrait le faire s’il devait retourner à Fujian. La SPR a expressément conclu que le demandeur était chrétien et qu’il avait fréquenté une église‑maison. Aucun élément de preuve convaincant ne suggère qu’il ne pourrait pas retourner à Fujian et pratiquer sa religion comme il l’a toujours fait. Il ne s’est pas plaint qu’il a été empêché de faire du prosélytisme ou du travail social. Ces questions sont maintenant soulevées pour attaquer de façon hypothétique la décision, mais comme la SPR le souligne il n’existe tout simplement pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que le demandeur ne pourrait pas retourner « dans sa province de résidence en vue de pratiquer sa religion comme il l’entend ».

 

[48]           La SPR aborde la question de la liberté de faire du prosélytisme au paragraphe 31 de la décision et conclut que « le demandeur d’asile pouvait parler de l’Évangile à ses amis et à ses connaissances dans la province du Fujian, s’il le souhaitait ». Cette conclusion repose sur l’examen d’éléments de preuve qui semblent suggérer que la réponse du gouvernement au prosélytisme public varie d’une unité administrative à l’autre. Cependant, la preuve semble démontrer que, généralement, le prosélytisme est toléré dans la mesure où il n’est pas pratiqué en public; à certains endroits, même l’évangélisation en plein air est autorisée. La preuve fournit des éléments intelligibles et suffisants pour étayer la conclusion de la SPR.

 

[49]           En ce qui concerne les activités d’assistance sociale, la SPR conclut que « les éléments de preuve fiables et dignes de foi dont il a été saisi ne suffisent pas à établir que le demandeur d’asile ne pouvait pas participer à des activités d’assistance sociale ». Ayant examiné les éléments de preuve en question, je peux voir qu’il est possible d’être en désaccord avec cette conclusion, mais je ne peux pas dire qu’elle n’appartient pas aux issues possibles acceptables qui peuvent se justifier au regard des faits et du droit.

 

[50]           Tout compte fait, je suis incapable de trouver une erreur susceptible de contrôle dans la décision. En définitive, la SPR a procédé à un exercice de mise en balance des éléments de preuve. Il est possible de ne pas être d’accord avec ses conclusions, mais je ne crois pas qu’il soit possible de dire que la décision était déraisonnable.

 

[51]           Les avocats conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier, et la Cour est du même avis.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE comme suit :

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Il n’y a pas de question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑9603‑12

 

INTITULÉ :                                      XIN TONG HE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE :                                              Le 15 janvier 2014

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart Kaminker

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Aleksandra Lipska

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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