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Date : 20130318

Dossier : IMM‑5835‑12

Référence : 2013 CF 279

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 mars 2013

En présence de madame la juge Snider

 

 

ENTRE :

 

AHMAD WALI WAZIRI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Ahmad Wali Waziri, est un citoyen de l’Afghanistan. Il y a plus de vingt ans, il a quitté son pays d’origine pour se rendre au Pakistan d’abord, puis aux États‑Unis. Il a vécu aux États‑Unis pendant l’essentiel de cette période, et il est arrivé au Canada en 2011 après le rejet de sa demande d’asile. Il a ensuite demandé l’asile au Canada, alléguant qu’il était exposé à une menace en raison a) de la relation qu’il avait avec une femme avant de quitter son pays d’origine et b) de problèmes qu’il avait avec les moudjahidines en Afghanistan.

 

[2]               Dans une décision rendue le 17 mai 2012, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en application, respectivement, de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). En bref, la Commission a rejeté la demande du demandeur parce qu’il n’y avait « aucun élément de preuve convaincant, crédible ou digne de foi » pour corroborer le témoignage du demandeur selon lequel il avait été ciblé en Afghanistan.

 

[3]               Le demandeur demande l’annulation de la décision de la Commission pour les raisons suivantes :

 

1.                  la Commission a commis une erreur en n’accordant pas au demandeur le bénéfice de la présomption de véracité;

 

2.                  la Commission a commis une erreur en appliquant le mauvais critère dans l’appréciation de ce en quoi consiste la persécution au sens de l’article 96 de la LIPR.

 

[4]               Dans la première question qu’il soulève, le demandeur conteste la conclusion de la Commission sur la crédibilité; cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La Commission a rendu une décision qui sera maintenue si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

 

[5]               La seconde question soulevée par le demandeur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

 

[6]               L’un des principaux problèmes que posent les prétentions du demandeur est qu’il n’a étayé ses allégations d’absolument aucun élément de preuve. Les documents qu’on se serait attendu à voir n’ont pas été présentés à la Commission. Par exemple, le demandeur affirme que la mort de son père en Afghanistan montrait que les agents de persécution étaient toujours à sa recherche. Toutefois, il n’avait pas un seul document relatif au décès de son père. De plus, le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve sur sa relation avec une femme en Afghanistan et sur les membres de la famille de la femme qui auraient constitué une menace pour lui. Enfin, même si l’avocat à l’audience a déclaré que les marques de torture sur le corps du demandeur et sa dépression avaient influé sur sa façon de témoigner, aucun élément de preuve d’ordre médical n’a été produit.

 

[7]               Le demandeur n’a également fourni à la Commission aucun document relatif à sa demande d’asile aux États‑Unis ou à une demande de parrainage subséquente par une femme qu’il avait rencontrée et épousée (et dont il a divorcé) aux États‑Unis. L’omission de produire ces documents est pertinente à mon sens. Leur absence a soulevé d’importants doutes quant à la crédibilité pour la Commission. Qu’est‑ce que le demandeur essayait de cacher?

 

[8]               Au contraire de ce qu’affirme le demandeur, son témoignage et ses éléments de preuve n’étaient pas entièrement clairs et cohérents. La Commission a constaté que le demandeur n’avait pas témoigné avec franchise, ce que corrobore la lecture de la transcription. Le demandeur a aussi omis de modifier son Formulaire de renseignements personnels pour y ajouter une mention concernant le décès de son père, un élément central de sa demande d’asile.

 

[9]               Compte tenu de l’insuffisance des documents et du témoignage imprécis du demandeur, la conclusion de la Commission selon laquelle le récit du demandeur n’était pas crédible est raisonnable.

 

[10]           Le deuxième argument du demandeur est que le critère d’appréciation du risque au sens de l’article 96 était trop élevé. À l’appui de cette affirmation, le demandeur attire l’attention sur la formulation de plusieurs passages de la décision où la Commission semble exiger du demandeur qu’il montre l’existence d’une persécution selon la prépondérance des probabilités. Par exemple, au paragraphe 7, la Commission affirme ce qui suit :

Je conclus que le demandeur d’asile n’a pas qualité de réfugié au sens de la Convention, car aucun élément de preuve crédible ou digne de foi ne démontre que la famille de [S.] le prendra pour cible s’il retourne en Afghanistan.

 

[11]           Au paragraphe 18, la Commission déclare ce qui suit :

Il incombe au demandeur d’asile de démontrer qu’il serait pris pour cible par les agents de préjudice.

 

[12]           Et au paragraphe 24, la Commission fait la remarque suivante :

J’estime qu’il n’y aucun élément de preuve convaincant, crédible ou digne de foi qui me permette de conclure que le demandeur d’asile serait pris pour cible s’il retournait en Afghanistan.

 

[13]           Pour évaluer une demande fondée sur l’article 96 de la LIPR, la Commission doit examiner deux questions :

 

1.                  Questions de fait : Le demandeur a‑t‑il prouvé les faits allégués à l’appui de sa demande selon la prépondérance des probabilités?

 

2.                  Crainte fondée : À supposer que les faits allégués soient vrais, selon la prépondérance des probabilités, ces faits établissent‑ils qu’il existe plus qu’une simple possibilité de persécution?

 

(Voir par exemple Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680, à la page 683, 57 DLR (4th) 153 (CA); Ponniah c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 132 NR 32 aux paragraphes 6 à 9, 13 Imm LR (2d) 241 (CAF).)

 

[14]           Dans les exemples précités, la Commission s’exprime d’une façon qui laisse penser qu’une norme erronée a été appliquée. Toutefois, ceci ne tient pas compte de la réalité de la décision.

 

[15]           Dans ces circonstances particulières, la Commission n’a pas commis d’erreur. La Commission s’est concentrée à juste titre sur son évaluation du récit du demandeur, plutôt que sur le fardeau qui incombe au demandeur d’établir le bien‑fondé de sa crainte. La Commission n’a relevé aucun élément de preuve crédible montrant l’existence d’un risque. Ainsi, selon les mots de la juge Layden‑Stevenson, le fait d’examiner si le demandeur a établi qu’il existait plus qu’une simple possibilité de persécution revêt un caractère « théorique » (Brovina c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, au paragraphe 11, 254 FTR 244). La question du fardeau de la preuve ne se posait pas en l’espèce; considérer que la Commission était tenue d’en faire explicitement état reviendrait à faire une lecture déraisonnablement minutieuse de la décision sans égard au contexte (Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, aux paragraphes 14 à 16, [2011] 3 RCS 708). Par conséquent, le critère juridique applicable au titre de l’article 96 ne changerait rien aux conclusions de la Commission en l’espèce.

 

[16]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question à certifier.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Myra‑Belle Béala De Guise

 

 


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5835‑12

 

INTITULÉ :                                      AMHAD WALI WAZIRI c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 mars 2013

 

COMPARUTIONS :

 

J. Randal Montgomery

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Amy King

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rodney L.H. Wolf

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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