Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140107


Dossier :

IMM-2849-13

 

Référence : 2014 CF 9

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

HEKMAT GURGUS

 

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

partie défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I. Au préalable

[1]               Le pouvoir de la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié de rouvrir une demande d’asile est très limité. Elle ne peut pas exercer sa fonction une seconde fois dans le même cas sans situation ou circonstances de violation de la justice naturelle (Longia c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 CF 288 (CA)).

 

II. Introduction

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], qui vise une décision de la SPR, datée le 5 avril 2013, selon laquelle la demande de réouverture du dossier de la demanderesse a été rejetée.

 

III. Faits

[3]               La demanderesse, madame Hekmat Gurgus, est une citoyenne d’Égypte. Elle est arrivée au Canada le 14 avril 2011, munie d’un visa de visiteur. Madame Gurgus est veuve depuis 2004 et elle a une fille et un fils qui habitent toujours l’Égypte sans aucun problème mentionné à leur égard.

 

[4]               Dès son arrivée, la demanderesse est allée vivre avec sa fille à Laval, Québec.

 

[5]               Le 18 avril 2011, avec l’aide de son avocat, Me Anthony Karkar, la demanderesse a complété une demande d’asile au Canada.

 

[6]               Le 19 juillet 2012, la demanderesse aurait eu une altercation avec sa fille et son gendre, et aurait été forcée de quitter leur résidence.

 

[7]               Le 4 septembre 2012, un Avis de changement d’adresse a été transmis à Citoyenneté et Immigration Canada [CIC]; mais, la SPR n’a pas été informée de ce changement d’adresse.

 

[8]               Le 21 septembre 2012, la SPR a transmis un Avis de convocation à la demanderesse à l’adresse de sa fille et à son avocat, les informant que l’audition de la demande d’asile aura lieu le 15 novembre 2012.

 

[9]               Le 15 novembre 2012, la demanderesse ne s’est pas présentée à l’audience. L’avocat de la demanderesse a informé la SPR à ce temps qu’il n’a pas pu rejoindre la demanderesse et que sa famille lui avait demandé de fermer son dossier, car elle retournait en Égypte.

 

[10]           Le même jour, la SPR a transmis un Avis de convocation – désistement d’une demande d’asile à la demanderesse à l’adresse de sa fille et son avocat, les informant qu’une nouvelle audience aurait lieu le 30 novembre 2012; ceci, afin de permettre à la demanderesse d’expliquer son absence avant que la SPR prononce le désistement de la demande.

 

[11]           Le 30 novembre 2012, la demanderesse ne s’est pas présentée à l’audience.

 

[12]           Le 4 décembre 2012, la SPR a transmis un Avis de décision – désistement de la demande d’asile à la demanderesse à l’adresse de sa fille et à son avocat.

 

[13]           Le 10 décembre 2012, une demande de réouverture du dossier a été présentée à la SPR.

 

[14]           Le 5 avril 2013, la SPR a rejeté la demande de réouverture.


IV. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[15]           Dans sa décision, la SPR a conclu qu’il n’y avait pas eu de manquement aux principes de justice naturelle et que la demanderesse était la seule responsable du résultat de sa demande de réouverture. Elle a spécifié que « la demandeure a fait son changement d’adresse auprès du ministre en date du 4 septembre 2012, mais a fait défaut de fournir son changement d’adresse par écrit à la SPR, tel que requis par la règle 4 » (au para 14).

 

[16]           La SPR a souligné que le pouvoir de la SPR de rouvrir une demande d’asile est très limité. La SPR ne peut pas exercer sa fonction une seconde fois dans le même cas sans situation ou circonstances de violation de la justice naturelle (Longia c Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 3 CF 288 (CA)).

 

IV. Point en litige

[17]           La décision de ne pas rouvrir la demande d’asile était-elle raisonnable?

 

V. Dispositions législatives pertinentes

[18]           L’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 [abrogé, DORS/2012-256, article 62] [Règles] s'applique en l'espèce :

Demande de réouverture d’une demande d’asile

 

55.      (1) Le demandeur d’asile ou le ministre peut demander à la Section de rouvrir toute demande d’asile qui a fait l’objet d’une décision ou d’un désistement.

 

Forme de la demande

 

(2) La demande est faite selon la règle 44.

 

Contenu de la demande faite par le demandeur d’asile

 

(3) Si la demande est faite par le demandeur d’asile, celui-ci y indique ses coordonnées et en transmet une copie au ministre.

 

 

Élément à considérer

 

(4) La Section accueille la demande sur preuve du manquement à un principe de justice naturelle.

Application to reopen a claim

 

 

55.      (1) A claimant or the Minister may make an application to the Division to reopen a claim for refugee protection that has been decided or abandoned.

 

Form of application

 

(2) The application must be made under rule 44.

 

Claimant’s application

 

 

(3) A claimant who makes an application must include the claimant’s contact information in the application and provide a copy of the application to the Minister.

 

Factor

 

(4) The Division must allow the application if it is established that there was a failure to observe a principle of natural justice.

 

VI. Norme de contrôle

[19]           La question de savoir s’il y a lieu de rouvrir une demande d’asile est une question mixte de fait et de droit, et doit être révisée selon la norme de la raisonnabilité (Yan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1270 au para 20; Orozco Hurtado  c Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 270, 324 FTR 192 au para 24-25).

 

VII. Analyse

[20]           Selon l’article 55 des Règles, la SPR ne peut rouvrir une demande d’asile que si un demandeur démontre qu’il y a eu un manquement aux principes de justice naturelle (Lakhani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 612; Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1153, 228 FTR 226). Par conséquent, lorsque la SPR conclut qu’un demandeur a eu droit à une audience équitable, il n'existe aucun motif justifiant la réouverture d’une demande d’asile.

 

[21]           Dans le présent cas, l’avocat de la demanderesse soumet au nom de la demanderesse que « les lacunes ayant conduit la SPR à prononcer le désistement et à rejeter la demande de réouverture » ne sont pas « le fruit de [sa] propre turpitude » et que la décision prise à l’encontre de sa cliente est en violation des principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Pourtant, l’avocat de la demanderesse ne spécifie aucunement en quoi la SPR aurait violé tels principes.

 

[22]           D’ailleurs, il ressort clairement de la preuve au dossier que la SPR a accordé suffisamment de chances pour justifier l’incapacité d'assister aux audiences fixées pour le 15 et 30 novembre 2012.

 

[23]           La Cour ne voit aucun manquement de justice naturelle dans cette affaire. En fait, la Cour est d’accord avec le défendeur à l’égard du résultat auquel la SPR est parvenue. Aucune attention n’a été portée à la demande d’asile après le déménagement. Comme le juge Sean Harrington l’a constaté dans l’arrêt Mendoza Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 924, la justice naturelle exige que chaque intervenant ait l’occasion de faire valoir la cause en question (au para 14) (voir également, Matondo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 416).

 

[24]           En l’espèce, la SPR n’a pas été informée du changement d’adresse, malgré l’indication claire de l’obligation de le faire sur le formulaire IMM-5292 au dépôt de la demande d’asile. Par contre, un changement d’adresse fut communiqué à CIC moins d’un mois après le déménagement allégué.

 

[25]           La Cour voit difficilement comment la nouvelle adresse a été communiquée à CIC, mais n’aurait pas été transmise également à la SPR. En lisant les faits au dossier attentivement à l’égard des évènements depuis que l’avocat de la demanderesse a eu le mandat de la demanderesse, c’est-à-dire, depuis avril 2011, la Cour fait remarquer que la demanderesse est néanmoins parvenue, d’une façon ou d’une autre, à obtenir l’Avis de décision transmis par la SPR, le 4 décembre 2012, même si cet avis a été envoyé à l’adresse de sa fille; l’adresse où elle allègue n’avoir reçu aucune correspondance de la SPR après son déménagement. La Cour, comme la SPR (elle-même), juge que ce fait demeure ambigu; les agissements à cet égard laissent la Cour avec des questions importantes au sujet de ce que l’avocat aurait eu comme informations, compte tenu de l’ensemble des évènements qui auraient eu lieu au foyer de la fille de la demanderesse au Canada et, également, ce qui aurait eu lieu entièrement en dehors du foyer de sa fille au Canada.

 

[26]           La Cour estime donc qu’il était tout à fait raisonnable pour la SPR de déterminer qu’il n’y avait pas eu de manquement à la justice naturelle. Cette conclusion fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 au para 47).

 

[27]           La Cour considère que la SPR a analysé la demande de réouverture de la demanderesse en conformité avec la nouvelle règle sur la réouverture de dossier à l’article 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256, ainsi que l’ancienne règle à l’article 55 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228. Bien que la SPR a seulement noté la règle à l’article 62 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256 dans sa décision, la règle à l’article 55 est identique à celle-ci. La Cour est donc satisfaite que la demande a été traitée de la même façon qu’elle l’aurait été si l’analyse avait été faite seulement en conformité avec l’ancienne règle.

 

VII. Conclusion

[28]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse sans aucune question d’importance générale à certifier.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-2849-13

 

INTITULÉ :

HEKMAT GURGUS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 19 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 7 janvier 2014

COMPARUTIONS :

Anthony Karkar

Pour la partie demanderesse

 

Margarita Tzavelakos

Pour la partie défenderesse

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anthony Karkar

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.