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Date : 20140107


Dossier :

IMM-2896-13

 

Référence : 2014 CF 7

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

KADIO GUY RAYMOND ANDRÉ KOFFI

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I. Au préalable

[1]               Il est bien établi par la jurisprudence de cette Cour qu’il n’existe aucun critère particulier, ni même un ensemble de critères, pour déterminer si un mariage est authentique ou non aux termes de l’article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [Règlement] (Ouk c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 891 au para 13; Zheng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 432 au para 23; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1490 au para 20). En effet, le poids relatif à accorder à chacun des facteurs appartient exclusivement à l’agente des visas sur les faits mêmes pour s’assurer de la logique inhérente du récit du demandeur selon ses propres indices; donc, ce qui émane des références propres au demandeur lui-même, c’est-a-dire, l’encyclopédie des références, un dictionnaire de termes et une galerie des portraits du dossier du demandeur en plus d’une évaluation pour conclure si une harmonie règne entre les faits mêmes au dossier ou plutôt une cacophonie (Keo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1456 au para 24; Zheng, ci-dessus).

 

II. Introduction

[2]               Le demandeur sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR ], le contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas, en date du 3 avril 2013, qui lui a refusé le statut de résident permanent au motif qu’il ne faisait pas partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada décrite à l’alinéa 124a) du Règlement.

 

III. Faits

[3]               Le demandeur, monsieur Kadio Guy Raymond André Koffi, est citoyen de la Côte d’Ivoire. Il est arrivé au Canada avec le statut de résident temporaire à titre d’étudiant, valide jusqu’au 31 mars 2011.

 

[4]               Le 4 février 2010, le demandeur a rencontré sa conjointe, madame Imelda Palida Kalibi-Desmarais, lors d’une fête chez un ami.

 

[5]               Le demandeur et sa conjointe auraient commencé une relation après cette date et auraient voyagé en Tunisie ensemble en juillet 2010.

 

[6]               Le demandeur a déposé une demande de prolongation de son statut de résident temporaire le 14 avril 2011, soit deux semaines après l’expiration de son visa.

 

[7]               Le 25 juin 2011, le demandeur et sa conjointe se sont mariés.

 

[8]               Le 29 juillet 2011, la demande de prolongation du demandeur a été rejetée parce qu’il n’avait pas fourni un certificat d’acceptation [CAQ] du Québec.

 

[9]               Le 1er août 2011, le demandeur et sa conjointe ont commencé à faire vie commune, partageant un logement avec le cousin du demandeur.

 

[10]           Le 26 octobre 2011, le demandeur a déposé une demande de résidence permanente dans la catégorie des époux ou conjoints de fait du Canada, accompagnée d’une demande de parrainage.

 

[11]           Le 3 avril 2013, l’agente a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur, n’étant pas satisfaite de la bonne foi du mariage entre le demandeur et sa conjointe.

 

IV. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[12]           Dans sa décision, l’agente a conclu que les éléments de preuve présentés par le demandeur étaient insuffisants pour établir que son mariage à madame Kalibi-Desmarais était de bonne foi.

 

[13]           L’agente s’est fondée sur les facteurs suivants pour conclure que le mariage du demandeur n’était pas authentique :

a.       Le demandeur a fourni un certificat de la police de la Côte d’Ivoire spécifiant qu’il était « célibataire » trois mois après son mariage a eu lieu;

b.      Le couple vit en colocation avec d’autres personnes depuis qu’ils ont commencé leur cohabitation, malgré le fait que le demandeur profite du soutien financier de sa mère et sa conjointe travaille à temps plein;

c.       Lors de son entrevue, le demandeur ne se souvenait pas si sa conjointe avait rencontré sa mère lors de leur voyage ensemble en Tunisie, et ses explications étaient confuses et évasives;

d.      Le mariage du demandeur et sa conjointe a eu lieu sans leurs parents et leurs explications pour cette absence étaient floues, confuses et improbables;

e.       Lors de son entrevue, le demandeur a menti à l’agente en voulant faire croire qu’il avait payé des amendes à la Cour municipale de Montréal alors que ce n’était pas le cas;

f.       Le demandeur serait venu au Canada pour entreprendre des études universitaires, mais a toutefois échoué tous ses cours lors de sa première session en raison d’absence, et a obtenu de résultats similaires lors de sa deuxième session;

g.      Le demandeur a déposé une demande de prolongation de statut sans fournir un CAQ valide, malgré le fait qu’il avait déjà eu à faire une demande pour un CAQ lors de son permis d’étude initial;

h.      Le demandeur s’est marié avec sa conjointe moins de 3 mois après l’expiration de son statut au Canada;

i.        Le demandeur a enfreint à la LIPR en étudiant au Canada malgré son absence de statut.

 

V. Point en litige

[14]           L’agente a-t-elle commis une erreur en concluant que le mariage du demandeur n’était pas authentique?

 

VI. Dispositions législatives pertinentes

[15]           Les dispositions pertinentes suivantes du Règlement sont applicables :

Mauvaise foi

 

4.      (1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas :

 

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

 

b) n’est pas authentique.

 

 

Qualité

 

124. Fait partie de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

 

a) il est l’époux ou le conjoint de fait d’un répondant et vit avec ce répondant au Canada;

 

b) il détient le statut de résident temporaire au Canada;

 

c) une demande de parrainage a été déposée à son égard.

Bad faith

 

4.      (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

 

 

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

 

(b) is not genuine.

 

 

Member

 

124. A foreign national is a member of the spouse or common-law partner in Canada class if they

 

 

(a) are the spouse or common-law partner of a sponsor and cohabit with that sponsor in Canada;

 

(b) have temporary resident status in Canada; and

 

 

(c) are the subject of a sponsorship application.

 

 

VII. Norme de contrôle

[16]           La question de savoir si une relation est authentique ou si elle vise l’acquisition d’un statut sous le régime de la LIPR est une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (Keo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1456 au para 8; Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 417 au para 14; Ma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 509 au para 32).

 

[17]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, la Cour suprême du Canada a affirmé que la norme de la raisonnabilité « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (au para 47).


VIII. Position des parties

[18]           Le demandeur fait valoir que l’agente a tiré des conclusions manifestement capricieuses, arbitraires et déraisonnables en prenant en compte des éléments non pertinents dans l’évaluation de l’authenticité de son mariage à sa conjointe, tel que son casier judiciaire indiquant qu’il était « célibataire » 3 mois après son mariage, sa malhonnêteté envers l’agente concernant ses amendes non payées et son non-respect du Règlement en étudiant sans permis. Le demandeur prétend également que l’agente a commis une erreur en donnant un poids important au fait que sa mère ne pouvait pas assister à son mariage et en doutant du voyage du couple en Tunisie.

 

[19]           Le défendeur soutient que, vu l’ensemble de la preuve au dossier, il était raisonnable pour l’agente de conclure que le mariage entre le demandeur et sa conjointe visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR.

 

IX. Analyse

[20]           Il est bien établi par la jurisprudence de cette Cour qu’il n’existe aucun critère particulier, ni même un ensemble de critères, pour déterminer si un mariage est authentique ou non aux termes de l’article 4 du Règlement (Ouk, ci-dessus; Zheng ci-dessus; Khan, ci-dessus). En effet, le poids relatif à accorder à chacun des facteurs appartient exclusivement à l’agente des visas sur les faits pour s’assurer de la logique inhérente du récit du demandeur selon l’encyclopédie des références, un dictionnaire de terme et une galerie des portraits du dossier même en plus d’une évaluation pour conclure si une harmonie règne entre les faits au dossier ou plutôt une cacophonie (Keo ci-dessus; Zheng, ci-dessus).

 

[21]           En l’espèce, la Cour juge qu’il n’était pas déraisonnable de la part de l’agente de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté de son obligation de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que son mariage était authentique ou qu’il ne visait pas principalement l'acquisition d'un statut ou d'un privilège aux termes de la LIPR.

 

[22]           Contrairement à ce que soumet le demandeur, la Cour estime que tous les facteurs pris en considération par l’agente étaient pertinents. Il était entièrement loisible à l’agente de donner un poids important à l’état civil noté dans le dossier judiciaire du demandeur, ainsi que sa malhonnêteté concernant ses amendes impayées et son non-respect du Règlement. Compte tenu des incohérences et des lacunes sérieuses dans l’histoire du demandeur, la Cour est d’accord avec le défendeur que ces éléments étaient matériels dans le cadre de sa demande de résidence permanente.

 

[23]           Il ressort clairement de la décision que l’agente a considéré de nombreux facteurs défavorables (et non seulement ceux-ci-dessus) et qu’elle est arrivée à sa décision en concluant que ces facteurs défavorables l’emportaient sur les facteurs favorables dans la demande. Le demandeur n’a pas démontré en quoi l’agente a erré dans son analyse.

 

[24]           La Cour estime que la preuve au dossier appuie tout à fait l’évaluation faite par l’agente et justifie ses doutes. En fait, avec respect, il y avait peu d’éléments de preuve devant elle qui pouvaient laisser penser que le mariage était authentique.

 

[25]           En ce qui a trait aux prétentions du demandeur que l’agente a erré en donnant un poids démesuré au fait que sa mère ne pouvait pas assister à son mariage et en doutant de son voyage en Tunisie, la Cour estime que ces arguments sont mal fondés. Étant donné le manque de preuve documentaire au dossier et les explications insuffisantes du demandeur et sa conjointe lors de leur témoignage, la Cour estime que l’agente a tiré des conclusions raisonnables sur ces facteurs.

 

[26]           Comme le défendeur l’a souligné au paragraphe 4 dans son mémoire, au paragraphe 4, le demandeur ne peut pas demander l’intervention de la Cour simplement parce qu’il est en désaccord avec l’évaluation de la preuve par l’agente (Said c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1245; Tai c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 248 au para 49). Ce n’est pas le rôle de la Cour d’apprécier à nouveau la preuve qui était devant l’agente et d’arriver à une différente conclusion (Donkor c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 141).

 

[27]           Dans l’ensemble, la Cour juge que la décision contestée appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, ci-dessus, au para 47). L’agente a tenu compte de tous les éléments de preuve et elle a conclu, à juste titre, que les nombreuses incohérences au dossier n’avaient pas été expliquées de façon satisfaisante et, donc, elle ne pouvait pas se satisfaire que la demande avait été déposée de bonne foi.

 

X. Conclusion

[28]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur sans aucune question d’importance générale à certifier.

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-2896-13

 

INTITULÉ :

KADIO GUY RAYMOND ANDRÉ KOFFI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 17 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 7 janvier 2014

COMPARUTIONS :

Sangaré Salif

Pour le demandeur

 

Guillaume Bigaouette

Pour le défendeur

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sangaré Salif

Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

 

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