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Date : 20140108


Dossier :

IMM-12827-12

 

Référence : 2014 CF 18

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2014

En présence de monsieur le juge Roy

 

 

ENTRE :

PETER GREENE

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent d’immigration (l’agent) le 27 novembre 2012. Le demandeur, M. Peter Greene, a demandé réparation aux termes de l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). Le paragraphe  25(1) prévoit :


 

  25. (1) Sous réserve du paragraphe (1.2), le ministre doit, sur demande d’un étranger se trouvant au Canada qui demande le statut de résident permanent et qui soit est interdit de territoire, soit ne se conforme pas à la présente loi, et peut, sur demande d’un étranger se trouvant hors du Canada qui demande un visa de résident permanent, étudier le cas de cet étranger; il peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des considérations d’ordre humanitaire relatives à l’étranger le justifient, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché.

 

 

  25. (1) Subject to subsection (1.2), the Minister must, on request of a foreign national in Canada who applies for permanent resident status and who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on request of a foreign national outside Canada who applies for a permanent resident visa, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligations of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to the foreign national, taking into account the best interests of a child directly affected.

 

 

[2]               En l’espèce, le demandeur est interdit de territoire en raison d’une déclaration de culpabilité (conduite avec facultés affaiblies) prononcée contre lui au Royaume-Uni il y a quelques années. Il est admissible à la réhabilitation des criminels en septembre 2015.

 

[3]               Le demandeur a épousé une citoyenne canadienne le 2 juillet 2011. Le couple est rentré au Canada peu après le mariage, qui au eu lieu en Irlande, et le demandeur souhaite obtenir le statut de résident permanent, dans la catégorie « des époux ou conjoints de fait au Canada ». Sa demande fondée sur l’article 25 de la Loi vise à lui permettre de faire sa demande de résidence permanente en dépit du fait qu’il n’est pas encore réadapté. Par conséquent, il est toujours interdit de territoire mais, vu les circonstances, il estime que l’interdiction de territoire devrait être levée pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

[4]               L’authenticité de la relation entre le demandeur et sa femme n’est pas contestée ici. L’agent s’est plutôt contenté d’affirmer qu’il n’était pas convaincu de l’existence de difficultés inhabituelles, injustes ou excessives en l’espèce. Les motifs sont énoncés plus en détail dans les notes du SMGC qui font partie du dossier du tribunal. Le paragraphe en question dit :

[traduction]

J’ai examiné le dossier et, plus particulièrement, les observations du représentant datées du 3 avril 2012, 24 mai 2012, 23 juillet 2012 et 6 septembre 2012. Les facteurs énoncés pour les motifs d’ordre humanitaire comprennent : – difficultés économiques si le sujet était obligé de quitter le Canada – établissement au Canada – liens étroits avec l’épouse canadienne – faibles risques pour le Canada si le demandeur est autorisé à rester. J’estime que l’information fournie ne permet pas d’établir qu’un refus entraînerait des difficultés inhabituelles, injustes et excessives. Le demandeur a été autorisé à entrer et à rester au Canada à la faveur d’un permis de résident temporaire. Il a reçu un permis de travail qui lui permet de subvenir à ses besoins et à ceux de son épouse. Il semble d’après l’information fournie par le représentant que la déclaration de culpabilité pour l’infraction de conduite avec facultés affaiblies au RU a été rendue le 16 septembre 2008, et que la sentence prononcée comprenait une interdiction de conduire un véhicule pendant 24 mois. La peine a été purgée le 16 septembre 2010, selon le représentant. Le sujet semble admissible à demander à la réadaptation des criminels le 16 septembre 2015. Jusqu’à cette date, il peut rester et travailler au Canada à la faveur des documents qui lui ont été délivrés. Sa situation n’est pas inhabituelle, injuste ou excessive. Les circonstances ayant entraîné la déclaration de culpabilité relevaient de son propre choix. La demande d’exemption aux termes de l’article 25 pour condamnation criminelle est par la présente refusée. Le sujet a été informé par lettre du refus et de l’obligation de renouveler ou prolonger son permis de résident temporaire et son permis de travail. Il semble que le demandeur soit à l’extérieur du Canada pour rendre visite à son père malade en Irlande. Je n’ai pas pu confirmer l’endroit où il se trouve.

 

 

 

[5]               Il me semble que la seule question en litige en l’espèce est celle de savoir si la décision rendue par l’agent est raisonnable dans les circonstances. Le demandeur a fait valoir l’argument selon lequel l’insuffisance des motifs énoncés représente à elle seule une raison pour la Cour d’intervenir. Cependant, ce type d’argument, à mon avis, ne peut plus être invoqué depuis la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708 [Newfoundland and Labrador Nurses’ Union]. J’estime que la Cour a écarté définitivement cet argument. La Cour a affirmé au paragraphe 14 :

[14]      Je ne suis pas d’avis que, considéré dans son ensemble, l’arrêt Dunsmuir signifie que l’« insuffisance » des motifs permet à elle seule de casser une décision, ou que les cours de révision doivent effectuer deux analyses distinctes, l’une portant sur les motifs et l’autre, sur le résultat […]. Il s’agit d’un exercice plus global : les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles.

 

 

 

[6]               Il n’incombe certainement pas aux instances décisionnelles de motiver dans les moindres détails leurs décisions. Il me semble, toutefois, que le critère qui s’applique figure à la fin du paragraphe 16 dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union:

[16]      [...] En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

 

 

[7]               Je ne veux pas me substituer à l’instance décisionnelle en rendant une conclusion selon laquelle le demandeur aurait dû bénéficier de l’article 25 de la Loi. Cependant, je dois être convaincu que la décision rendue appartient aux issues possibles acceptables. En l’espèce, j’ai tenté d’étoffer les motifs afin de comprendre la décision rendue.

 

[8]               Le mieux qu’on puisse faire est de dire que l’instance décisionnelle a énuméré les arguments soulevés par le demandeur et décidé de juger ceux‑ci insuffisants étant donné que le demandeur avait déjà un permis de résident temporaire. Comme nous le savons, ce type de permis est très aléatoire. Il peut être révoqué, et son renouvellement est toujours tributaire d’une décision discrétionnaire. Selon le paragraphe 24(1) de la Loi :

  24. (1) Devient résident temporaire l’étranger, dont l’agent estime qu’il est interdit de territoire ou ne se conforme pas à la présente loi, à qui il délivre, s’il estime que les circonstances le justifient, un permis de séjour temporaire – titre révocable en tout temps.

 

  24. (1) A foreign national who, in the opinion of an officer, is inadmissible or does not meet the requirements of this Act becomes a temporary resident if an officer is of the opinion that it is justified in the circumstances and issues a temporary resident permit, which may be cancelled at any time.

 

 

[9]               Rien n’indique dans la décision en quoi un tel permis peut se substituer à la réparation prévue à l’article 25. En fait, l’incertitude même découlant de la délivrance du permis de résident temporaire ne peut pas remplacer la réparation prévue à l’article 25, qui est, évidemment, plus permanente.

 

[10]           La compétence de l’agent consistait à décider si les motifs d’ordre humanitaire invoqués par le demandeur étaient suffisants pour justifier une réparation aux termes de l’article 25 de la Loi. En choisissant une réparation temporaire, l’agent n’a pas exercé la compétence que lui confère la Loi. À tout le moins, l’agent n’a pas expliqué en quoi les motifs étaient insuffisants. Les motifs énoncés et l’issue ne montrent pas que la décision appartient aux issues possibles acceptables.

 

[11]           Je n’ai pas l’intention de donner à penser que l’agent aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur en l’espèce. La décision lui revenait. Toutefois, le droit veut que je comprenne les raisons pour lesquelles la réparation n’a pas été accordée, et le simple fait d’indiquer qu’une réparation temporaire, qui est en soi très aléatoire, représente un substitut adéquat ne répond pas, à mon avis, au critère. Le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 25 n’a pas été exercé. Je n’ai rien trouvé dans les motifs énoncés par l’agent qui me permette d’établir si le refus appartient aux issues possibles acceptables.

 

[12]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent du 27 novembre 2012 est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision. Les parties ont convenu qu’il n’y avait pas de question à certifier. J’en conviens aussi.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue par l’agent d’immigration de Citoyenneté et Immigration Canada le 27 novembre 2012 est annulée, et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il tienne une nouvelle audience et rende une nouvelle décision.

 

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-12827-12

 

INTITULÉ :

PETER GREENE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 18 DÉCEMBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 8 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

Shoshana T. Green

Hilete Stein

 

Jane Stewart

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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