Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20140107


Dossier :

IMM-3579-13

 

Référence : 2014 CF 14

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 janvier 2014

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

ENTRE :

LOUIS RUTAGAYINTABAZA

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          Aperçu

[1]               M. Louis Rutagayintabaza est arrivé au Canada en 2012 en provenance du Rwanda. Il a demandé l’asile parce qu’il craignait d’être persécuté par des gens qu’il identifiait comme étant liés au génocide de 1994. Ces derniers avaient tué des membres de sa famille.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a reconnu que M. Rutagayintabaza avait fait l’objet de persécution, mais avait refusé d’accueillir sa demande d’asile parce qu’il concluait que M. Rutagayintabaza pouvait vivre en sécurité dans la ville de Remera, et ce, même si ses agents de persécution vivaient à Ndera, qui est située à tout juste quatre kilomètres de Remera.

 

[3]               M. Rutagayintabaza prétend que la Commission l’a traité de manière inéquitable en n’abordant pas de manière explicite la question de savoir si la ville de Remera constituait un refuge sûr pour lui (c.‑à‑d., disposait‑il d’une « possibilité de refuge intérieur » (PRI)) et en ne lui donnant pas la possibilité de présenter des observations en réponse à quant à cette question. De plus, il prétend que la Commission a déraisonnablement conclu qu’il avait une PRI viable à Remera. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner à un autre tribunal de la Commission de réexaminer sa demande d’asile.

 

[4]               Je ne peux conclure que M. Rutagayintabaza a été traité de manière inéquitable. Cependant, je conviens avec M. Rutagayintabaza que la conclusion de la Commission concernant l’existence d’une PRI était déraisonnable. La Commission a omis de tenir compte du témoignage de M. Rutagayintabaza selon lequel il estimait que sa sécurité était constamment à risque à Remera et qu’il ne pouvait s’y trouver un emploi.

II.                La première question – La Commission a-t-elle traité M. Rutagayintabaza de manière inéquitable?

 

[5]               M. Rutagayintabaza prétend que la Commission n’a pas apporté de précisions suffisantes pour expliquer en quoi la ville de Remera constituerait une PRI envisageable. Il admet qu’on a porté à son attention la question de la PRI, autant avant l’audience que pendant celle‑ci. Cependant, il prétend que la Commission ne lui a pas expressément demandé s’il pouvait vivre en sécurité à Remera.

 

[6]               Lorsque la Commission lui a posé, au cours de l’audience, des questions concernant sa sécurité, M. Rutagayintabaza a affirmé qu’en 2006, sa famille avait déménagé de Ndera à Remera, qui est une banlieue de Kigali, après avoir reçu des menaces de leurs voisins. La famille est restée dans cette ville jusqu’en mars 2007. Ils avaient, pendant cette période, éviter les voisins qui leur avaient proféré des menaces. M. Rutagayintabaza était resté à Remera après que le reste de sa famille eut quitté le Rwanda pour s’établir au Canada et il avait travaillé à Kigali jusqu’en 2009. Il continuait d’éviter ses voisins, mais il les avait vus lorsqu’il s’était présenté à une instance des tribunaux Gacaca à Kigali. Plus tard cette année‑là, lorsqu’il était retourné à Ndera, ses voisins avaient recommencé à lui proférer des menaces.

 

[7]               M. Rutagayintabaza était retourné à Remera en 2010. L’année suivante, il était allé au Ouganda pour se chercher du travail. Au cours de cette période, il avait occasionnellement vu ses agents de persécution, mais il évitait d’entrer en contact avec eux, en raison de sa crainte. Il était retourné à Remera une fois de plus en 2011. Il continuait d’éviter les gens qui lui avaient proféré des menaces, parce qu’ils croyaient que ceux‑ci voulaient toujours le tuer.

 

[8]               La Commission a demandé à M. Rutagayintabaza s’il pouvait vivre à Remera dans l’éventualité où ses voisins ne lui occasionneraient pas d’autres problèmes. M. Rutagayintabaza n’est pas d’accord avec la prémisse selon laquelle ses agents de persécutions le laisseraient tranquille. De plus, il a affirmé qu’il ne serait pas capable de se trouver un emploi à Remera.

[9]               L’avocat de M. Rutagayintabaza, dans les observations qu’il a formulées à la Commission, a fait ressortir que le Rwanda est un petit pays, ce qui limite le recours à la PRI pour les personnes dans la situation de M. Rutagayintabaza.

 

[10]           À mon avis, la Commission n’a pas agi de manière inéquitable en l’espèce lorsqu’elle a examiné la question de savoir si la ville de Remera constituait un refuge sûr où pourrait vivre M. Rutagayintabaza. Ce dernier savait lors de l’audience que la question de l’existence d’une PRI viable constituait une question en litige et on lui avait expressément posé des questions au sujet de ses expériences antérieures à Remera. Il ne pouvait pas avoir été pris par surprise en raison du fait que la Commission se soit penchée sur cette possibilité.

 

III.       La deuxième question en litige – La décision de la Commission était-elle déraisonnable?

[11]           M. Rutagayintabaza prétend que la conclusion de la Commission selon laquelle il pouvait vivre en sécurité à Remera était déraisonnable. Il a constamment affirmé que, lorsqu’il vivait à Remera, il se sentait contraint de prendre les mesures pour éviter ses voisins agressifs, qu’il avait en tout temps une crainte de ceux‑ci et qu’il avait de la difficulté à se trouver un emploi.

[12]           Je conviens avec M. Rutagayintabaza que la décision de la Commission était déraisonnable. Bien que M. Rutagayintabaza ait passé une période considérable à Remera sans aucun incident, il a mentionné à maintes reprises à la Commission qu’il était constamment en état de crainte lorsqu’il y vivait et qu’il prenait des mesures pour éviter ses agents de persécutions, lesquels résidaient tout près. De plus, il avait manifestement des problèmes à obtenir un emploi à Remera.

[13]           Par conséquent, je ne peux pas conclure que la conclusion de l’agent selon laquelle M. Rutagayintabaza avait une PRI viable à Remera constitue une issue justifiable au regard des faits et du droit. Il s’agissait d’une conclusion déraisonnable.

 

IV.       Conclusion et décision

[14]           Bien que je sois convaincu que la Commission a traité M. Rutagayintabaza de manière équitable, je juge que la conclusion de la Commission selon laquelle M. Rutagayintabaza pouvait vivre en sécurité à Remera était déraisonnable. La Commission a omis de tenir compte de la preuve démontrant qu’il vivait dans une crainte constante de ses voisins et qu’il ne pouvait pas se trouver un emploi. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. Aucune des parties n’a proposé une question grave de portée générale aux fins de la certification, et aucune question n’est énoncée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-3579-13

 

INTITULÉ :

LOUIS RUTAGAYINTABAZA

c

LE MININSITRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Winnipeg (Manitoba)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 2 DÉCEMBRE 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

                                                           

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 7 JANVIER 2014

COMPARUTIONS :

David Matas

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Alexander Menticoglou

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

David Matas

Avocat

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.