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Cour fédérale

 

Federal Court

Date : 20131224


Dossier :

T-1494-12

 

Référence : 2013 CF 1287

Ottawa (Ontario), le 24 décembre 2013

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

ASPHALTE ABC RIVE-NORD INC.

 

Demanderesse

Et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Et

ROBERT & GILLES DEMERS INC.

Et

PAUL MIHALCEAN

 

Défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               La dispute au sujet de laquelle on demande à cette Cour de procéder à une adjudication est bien davantage entre Asphalte ABC Rive-Nord Inc. et Robert & Gilles Demers Inc. En effet, les deux autres défendeurs, Paul Mihalcean et le Procureur général du Canada ont un rôle secondaire. Monsieur Mihalcean est l’agent d’immeuble dont les services ont été retenus par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada aux fins de procéder à la vente de trois terrains. La demanderesse et le défendeur principal se disputent la propriété de ces terrains qui a fait l’objet d’une forme d’appel d’offres d’achat de la part de la défenderesse Procureur général du Canada, avec l’assistance de M. Mihalcean.

 

[2]               La demanderesse Asphalte ABC Rive-Nord Inc. [Asphalte ABC] conteste la décision de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada [TPSGC] en date du 18 juillet 2012 par laquelle fut acceptée une promesse d’achat bonifiée pour les trois terrains de la part de la défenderesse Robert et Gilles Demers Inc. [Demers Inc.].

 

[3]               Tout le débat dans cette affaire, en fin de compte, est relatif au moment où la promesse d’achat bonifiée de Demers Inc. aura été soumise. Comme on le verra, l’acompte de 10 pour 100 n’avait pas été présenté en même temps que les documents nécessaires à la promesse d’achat bonifiée de Demers Inc. Un chèque certifié pour un montant de 30 000 $, qui venait compléter l’acompte de 205 000 $ qui avait déjà été déposé, est arrivé quelques minutes après 14 h, le 12 juillet 2012. La question est de savoir si le délai pour le dépôt des offres bonifiées était à ce point impératif que le retard de quelques minutes invalide la bonification de la soumission de Demers Inc.

 

Les faits

[4]               Le 2 juin 2012, TPSGC a conclu un contrat de courtage avec M. Mihalcean pour la mise en vente de trois lots constituant des terrains qui peuvent être exploités comme sablière. Les intéressés devaient présenter une promesse d’achat et verser un acompte équivalant à 10 pour 100 du prix offert.

 

[5]               Une période de 30 jours était allouée pour permettre aux intéressés de se présenter avec des promesses d’achat. Trois promesses d’achat ont alors été enregistrées. La demanderesse en a fait une de l’ordre de 900 000 $, ce qui était le montant minimum requis aux termes de la mise en vente. Demers Inc. a pour sa part fait une promesse d’achat à hauteur de 2 050 000 $. Une troisième entreprise a fait une promesse d’achat mais son implication est négligeable et elle n’est pas impliquée dans le présent litige. Tant la demanderesse que Demers Inc. ont déposé les acomptes requis, soit 90 000 $ et 205 000 $. Il n’est pas contesté que ces promesses d’achat respectaient les conditions d’achat établies par TPSGC.

 

[6]               Le ou vers le 4 juillet 2012 (des lettres auraient été envoyées les 3 et 4 juillet, mais il n’y a aucun argument à en tirer), TPSGC a mis en place un processus de bonification des offres qui visait les trois entreprises qui avaient déjà déposé des promesses d’achat.

 

[7]               La documentation utilisée afin d’encadrer le processus choisi n’est pas abondante. Elle tient à une lettre envoyée aux trois soumissionnaires initiaux. La lettre indique que d’autres offres pour la propriété mise en vente avaient été reçues et que l’on donnait l’occasion aux soumissionnaires de bonifier leur offre. La lettre amende le texte de la promesse d’achat, texte qui était standard, pour y faire des ajouts qui ne sont pas pertinents à la présente demande.

 

[8]               Le paragraphe important pour nos fins se lit de la façon suivante :

Si vous le désirez, veuillez transmettre votre nouvelle proposition avant 14 h le 12  juillet 2012 à l’attention de monsieur Paul Mihalcean dont les coordonnées apparaissent plus bas. Cette nouvelle proposition devra être présentée par l’entremise d’une lettre signée par l’acquéreur. En accord avec les dispositions « PRIX » de la promesse d’achat, un nouveau chèque visé ou mandat bancaire fait à l’ordre du receveur général du Canada devra être joint afin de respecter l’acompte de 10 % du prix d’achat. Cette initiative vise uniquement à augmenter votre offre et n’annule pas votre promesse d’achat.

 

 

 

[9]               À la suite de cette offre de « bonification », Asphalte ABC et Demers Inc. ont choisi d’améliorer leur offre. Ainsi, Asphalte ABC a fait passer sa promesse d’achat de 900 000 $ à 2 260 000 $. Elle a donc joint à sa bonification un chèque de 136 000 $. Quant à Demers Inc., son offre a été bonifiée de 300 000 $, passant à 2 350 000 $. Un chèque pour la somme de 30 000 $ a aussi été préparé.

 

[10]           Asphalte ABC a pris rendez-vous avec M. Mihalcean pour le 12 juillet, à 13 h. C’est M. Mihalcean qui s’est rendu au bureau d’Asphalte ABC et qui a reçu l’offre d’achat bonifiée. Un rendez-vous avait également été pris avec Demers Inc. pour 13 h 30, le même jour. Cependant, ce rendez-vous était conclu pour avoir lieu à un bureau auquel M. Mihalcean peut avoir accès, à Saint-Jérôme, à quelques kilomètres des bureaux d’Asphalte ABC. Le bureau de Saint-Jérôme est aussi à une certaine distance des locaux occupés par Demers Inc.

 

[11]           Il semble que la première rencontre, celle de 13 h, ait pris un certain temps puisque M. Mihalcean, accompagné de son fils, a dû se rendre à toute vitesse à son bureau de Saint-Jérôme afin d’y arriver avant 14 h. Il y attendait M. Eric Demers, l’un des représentants de Demers Inc. qui était alors en possession de deux écrits. La promesse d’achat amendée, pour un montant de 2 350 000 $ et une résolution de la compagnie l’autorisant. Cependant, le chèque devant bonifier l’offre de Demers Inc. et qui en constituait un acompte n’est arrivé que quelques minutes après 14 h. Pour des raisons qui ont été difficilement expliquées, M. Robert Demers, un autre représentant de Demers Inc., aurait fait certifier un chèque pour la somme de 30 000 $ à 12 h 45 le 12 juillet, mais aurait choisi de prendre un déjeuner par ailleurs court avant de prendre la route pour Saint-Jérôme. Des problèmes de circulation expliqueraient pourquoi il n’a pu être présent à 14 h.

 

[12]           Il n’est pas contesté que M. Mihalcean a transmis les offres d’achat bonifiées de Asphalte ABC et Demers Inc. plus tard dans l’après-midi du 12 juillet. De fait, il semble que la transmission par télécopieur ait eu lieu vers 16 h. Le fait que le chèque de Demers Inc. ait été livré après 14 h n’a pas été mentionné à TPSGC. TPSGC a accepté l’offre de Demers Inc., celle dont le prix d’achat est le plus élevé, avec une différence de 90 000 $.

 

Recours

[13]           La demanderesse conteste la décision de TPSGC qui accepte l’offre de Demers Inc. Elle a choisi comme recours une demande de contrôle judiciaire qui se réclame des alinéas 18.1(4)b) et e) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c. F-7 (la Loi). Ces textes sont ainsi libellés :

  18.1 (4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l’office fédéral, selon le cas :

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

  18.1 (4)

 

 

[14]           Dès le départ, la théorie de la cause de la demanderesse incluait des allégations de malversation entre la défenderesse Demers Inc. et le défendeur Paul Mihalcean. Dans son avis de demande, la demanderesse alléguait au paragraphe 17 :

17.     Par surcroît, ABC a des motifs raisonnables de croire que Sablière (i.e. Demers Inc.) aurait pu être informée du montant de la promesse bonifiée par l’entremise de l’Agent ou de son fils.

 

 

 

[15]           D’ailleurs, l’affaire a été menée par la demanderesse pour tenter de prouver cette allégation. Les contre-interrogatoires sur affidavit ont porté dans une bonne mesure sur cette possibilité alléguée.

 

[16]           Non seulement les contre-interrogatoires sur affidavit n’ont pas fait avancer cette partie de la théorie de la cause, mais la demanderesse n’a pu parer la preuve au dossier selon laquelle le chèque certifié de 30 000 $, qui venait compléter l’acompte de 235 000 $ fait par Demers Inc., a été émis à 12 h 45, le 12 juillet 2012. Monsieur Mihalcean n’a pris connaissance de l’offre d’achat bonifiée de la demanderesse qu’entre 13 h et13 h 40, bien après que le chèque ait été émis. Il eut fallu une coordination entre M. Mihalcean et Demers Inc. pour ajuster l’offre d’achat et la préparation d’un chèque certifié après 13 h. Ce ne fut pas le cas puisque le chèque a été émis avant.

 

[17]           La demanderesse n’a pas été en mesure d’expliquer en quoi il y aurait eu en l’espèce fraude ou faux témoignages. Nous sommes en face d’allégations non prouvées qui, de prime abord, sont directement contredites par la pièce essentielle, le chèque certifié, qui porte l’heure de son émission bien avant la rencontre qui aurait permis, aux dires mêmes de la demanderesse, de transmettre l’information vitale à Demers Inc.

[18]           L’heure d’émission, si elle est fausse, aurait certes participé de la preuve d’une fraude. Mais elle n’a pas été contestée. Il n’y a devant cette Cour aucune preuve de faux témoignage. Les allégations qui participent de la fraude n’ont pas été prouvées, loin de là. Il en découle que toute la théorie de la cause impliquant des malversations entre 13 h et 13 h 45 doit être complètement mise de côté.

 

[19]           Reste l’autre argument fondé sur l’alinéa 18.1(4)b) de la Loi. Il s’agit de déterminer si le processus choisi par TPSGC est tel que toute dérogation, aussi minime soit-elle, au moment de la réception des offres d’achat bonifiées, fixé à 14 h le 12 juillet 2012, disqualifie la bonification et ne laisse alors en place que la promesse d’achat initiale.

 

[20]           À mon avis, il s’agit là de la seule question à laquelle la Cour doive répondre. Les allégations selon lesquelles la demanderesse a cherché à retenir l’agent d’immeuble aussi longtemps que possible entre 13 h et 14 h n’ont aucune importance. Les excès de vitesse de celui-ci (et de son fils) pour se rendre à leur rendez-vous sont aussi inutiles au débat. Les raisons qui expliquent le retard du porteur du chèque, Robert Demers, sont aussi sans utilité à la résolution du débat.

 

[21]           Ce qui importe est qu’il est convenu que le chèque certifié, qui complète la bonification de l’offre d’achat de Demers Inc., n’est arrivé que vers 14 h 05 ou 14 h 10. Ce défaut disqualifie-t-il la bonification de Demers Inc.?

 

 

 

Arguments

[22]           La demanderesse fait un argument simple. Elle prétend que le processus mis en place par TPSGC, qui s’apparente à un appel d’offres s’il n’en est pas un, fait en sorte que le caractère procédural ainsi créé l’obligeait à accepter la promesse d’achat conforme aux conditions impératives. Il ne saurait y avoir de déviation. En l’espèce, le chèque de 30 000 $, qui constituait une partie essentielle de la bonification, a été soumis en retard. C’est fatal dit la demanderesse.

 

[23]           La demanderesse a fait un exposé détaillé pour soumettre que :

a)      il s’agit bel et bien d’un appel d’offres puisque le processus choisi rencontre les conditions dans M.J.B. Entreprises Ltd. c Construction de défense (1951) Ltée, [1999] 1 RCS 619 [MJB Entreprises];

b)      la jurisprudence de la Cour suprême du Canada établit l’existence des deux contrats (contrat A et contrat B) en matière d’appel d’offres, si bien qu’une offre conforme à l’appel d’offres peut donner naissance à des obligations juridiques. Comme il est dit dans La Reine (Ont.) c Ron Engineering, [1981] 1 RCS 111 : « (L)a condition principale du contrat A est l’irrévocabilité de l’offre, et la condition qui en découle est l’obligation pour les deux parties de former un autre contrat (le contrat B) dès l’acceptation de la soumission »;

c)      cette théorie des contrats A et B a été reçue au Québec dans la mesure de sa compatibilité avec le droit civil du Québec (Mercier c Raby, 2008 QCCA 1830 [Mercier]). Il peut s’agir d’un cadre commode pour examiner les actes juridiques qui constituent l’appel d’offres;

d)     la demanderesse soutient que, de toute manière, même sans la théorie des contrats A et B, on en arrive au même résultat en utilisant les seules règles de l’offre et de l’acceptation en droit civil.

[24]           Appliquant la théorie des contrats A et B, la demanderesse souligne avec justesse l’obligation implicite du décideur de traiter les soumissionnaires de façon équitable (Martel Building Ltd. c Canada, 2000 CSC 60; [2000] 2 RCS 860 [Martel Building]). Il en découle que seules les offres conformes peuvent être considérées.

 

[25]           Aux yeux de la demanderesse, l’obligation d’agir équitablement avec tous les soumissionnaires, qui implique que ne peuvent être considérées que les offres conformes, se mute en une obligation de rejeter une soumission dont l’un des éléments n’a pas été déposé avant l’heure précise prévue à l’offre de bonification faite par TPSGC dans sa lettre du 4 juillet 2012.

 

[26]           La demanderesse invoque aussi la théorie des attentes légitimes du droit administratif. Cet argument me semble être le cousin germain du précédent. Il veut que lorsque l’État fédéral décide d’un processus formel, il doit s’y tenir et les parties auront une attente légitime que tel sera le cas. Le pouvoir discrétionnaire est circonscrit par le processus dont le décideur s’est doté.

 

[27]           La défenderesse principale, Demers Inc., convient que la théorie des contrats A et B trouve application dans ce cas. Le caractère moins formel de la procédure adoptée ne change pas la qualité intrinsèque du mécanisme : il y avait appel d’offres auquel Demers Inc. a répondu.

 

[28]           Mais l’irrégularité dont il est question ici, un retard à déposer un élément de la bonification d’à peine quelques minutes, alors que l’intention de bonifier était claire bien avant, ne saurait être fatale. Pour Demers Inc., l’obligation de traiter les soumissionnaires sur un pied d’égalité et de manière équitable n’empêche en rien de recevoir un chèque bonifiant une offre, qui ne porte aucun préjudice au processus d’adjudication.

 

[29]           De plus, la défenderesse principale invoque des autorités, dont en particulier R.P.M. Tech inc. c Gaspé (Ville), J.E. 2004-1072, REJB 2004-60675 (CA) [RPM Tech inc.], qui appuient sa prétention que toute non-conformité n’est pas fatale.

 

[30]           Puisque l’irrégularité, un délai de 5 à 10 minutes, n’a porté préjudice ni aux autres soumissionnaires, ni au processus, il n’y a pas place à intervention dit Demers Inc.

 

[31]           Quant aux autres défendeurs, leur participation est minime. Le défendeur Paul Milhacean, quoiqu’il admette ne pas avoir prévenu TPSGC que le chèque d’acompte était arrivé avec quelques minutes de retard, prétend que son rôle était mineur et qu’il n’était en rien un décideur. TPSGC ne prend parti pour quiconque. Le Procureur général refuse de dire si sa décision de conclure la vente avec Demers Inc. aurait été différente si TPSGC avait su que le chèque était arrivé en retard. Enfin, le Procureur général ne maintient pas que le processus choisi, plutôt inhabituel, ne constitue pas un appel d’offres; il prétend plutôt qu’il peut s’agir d’un appel d’offres, mais il n’a pas la rigueur à laquelle on nous a habitués. C’est ce qui serait entendu par le paragraphe 18 de son mémoire des faits et du droit lorsqu’on qualifie le processus de promesse d’achat comme n’étant « pas un appel d’offres formel ».

 

 

 

Question en litige

[32]           Tout compte fait, la question à trancher est celle liée au retard à déposer le second chèque d’acompte. Demers Inc. avait une offre irrévocable faite à hauteur de 2 050 000 $ pour les trois terrains mis en vente au prix initial de 900 000 $. L’acompte de 205 000 $ était acquis. La bonification de 300 000 $, qui inclurait le chèque d’acompte de 30 000 $, n’a pas été complétée avant quelques minutes après 14 h, le 12 juillet 2012. Cette irrégularité est-elle mineure?

 

[33]           Si elle est mineure, la décision de TPSGC de choisir le soumissionnaire ayant offert le meilleur prix est inattaquable. La promesse d’achat la plus élevée a déjà été choisie et il n’y aurait pas d’irrégularité qui mérite que la décision soit changée.

 

[34]           Si cette irrégularité n’est pas mineure, se pose alors le problème de déterminer le remède approprié. Le paragraphe 18.1(3) de la Loi permettrait de retourner l’affaire au décideur, TPSGC, pour qu’il choisisse. Par ailleurs, les parties sont unanimes qu’elles préféreraient que cette cour fournisse des paramètres guidant le décideur dans le but d’éviter de recommencer le même litige sur la base que, n’ayant pas été prévenu du retard à l’arrivée du second chèque d’acompte, une décision nouvelle doit être rendue. Ainsi, si l’irrégularité est fatale, la seule comparaison serait entre la promesse d’achat initiale de Demers Inc. et la promesse bonifiée de Asphalte ABC, une différence de 210 000 $ en faveur de Asphalte ABC. Puisque la seule différence entre les promesses serait le moment de l’achat on peut penser que Asphalte ABC aurait été désignée gagnante.

 

 

 

Norme de contrôle

[35]           Les parties ne s’entendent pas sur la norme de contrôle qui doit présider en l’espèce. Pour la demanderesse, il n’est pas surprenant qu’elle favorise la norme de la décision correcte. La défenderesse principale croit au contraire que la norme de la décision raisonnable trouve application.

 

[36]           À mon avis, il s’agit ici d’un faux problème. Ayant déjà disposé de l’argument invoqué aux termes de l’alinéa 18.1(4)e) de la Loi (agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages), il ne reste qu’une question en litige, comme je l’ai décrite aux paragraphes 20 et 21. Si l’irrégularité dont il est question n’est pas mineure, et il est établi que TPSGC n’a pas été prévenu de l’irrégularité, on voit mal comment la décision prise pourrait être raisonnable. La déférence inhérente à la norme de la décision raisonnable qu’invoque Demers Inc. n’aiderait pas la cause de la défenderesse principale. Ce qui importe est de déterminer la gravité de l’irrégularité. Si l’état du droit est que l’irrégularité mineure peut être ignorée, la décision de TPSGC doit être maintenue.

 

[37]           C’est pourquoi, il ne m’apparaît pas utile de répondre à la question de la norme de contrôle en l’espèce. Qu’elle soit la norme de la décision correcte ou celle de la décision raisonnable, le résultat est le même. J’ajoute que la décision récente dans McLean c British Columbia Securities Commission, 2013 CSC 67, tend à renforcer la préférence donnée de façon générale à la norme de la raisonnabilité.

 

[38]           Que l’on se réclame de la théorie des contrats A et B, qui participe bien davantage du droit des contrats, ou des attentes raisonnables du droit administratif, dans l’un et l’autre cas l’erreur mineure ne saurait entacher la décision prise. S’il est vrai que la question doit être envisagée sous l’angle du droit administratif vu le recours choisi, les deux approches mènent à mon avis au même résultat.

 

Compétence

[39]           La question de la compétence de cette Cour pour trancher cette affaire devrait se poser d’emblée. Les parties s’entendent pour conclure que juridiction existe en vertu de l’article 18.1 de la Loi. Mais, comme on le sait, une juridiction ne peut être conférée de consentement.

 

[40]           Il suffit pour nos fins, à mon avis, de référer à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Gestion Complexe Cousineau (1989) Inc. c Canada (ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux), [1995] 2 CF 694, [Gestion Complexe Cousineau] pour se satisfaire que cette affaire puisse être entendue.

 

Analyse

[41]           L’irrégularité dont il est question est mineure. À ce titre, la décision prise par TPSGC d’octroyer le contrat à Demers Inc. n’était pas déraisonnable. Elle n’était pas incorrecte non plus puisque l’irrégularité mineure n’emporte pas le rejet automatique dans un cas comme le nôtre où le processus se voulait informel, était informel et a été accepté comme tel par les participants. Une irrégularité mineure n’empêche pas de considérer une soumission et elle ne contrevient certes pas aux attentes raisonnables. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

[42]           Il n’est pas inutile de revenir sur les faits saillants de cette affaire pour bien situer le contexte :

-          le processus choisi par TPSGC était informel, même s’il est acquis que le processus a certaines caractéristiques d’un appel d’offres;

-          les promesses d’achat en réponse à une invitation étaient irrévocables. Des trois soumissions, Asphalte ABC a fait une soumission au prix plancher de 900 000 $ (acompte de 90 000 $) alors que Demers Inc. y est allé d’une promesse d’achat de 2 050 000 $ (acompte de 205 000 $);

-          Asphalte ABC a bonifié son offre de 1,36 millions de dollars, portant sa promesse d’achat à 2,26 millions de dollars; Demers Inc. a ajouté 300 000 $ pour avoir une promesse d’achat de 2,35 millions de dollars;

-          le chèque certifié de la demanderesse a été reçu par l’agent d’immeuble avant 14 h, le 12 juillet 2012, puisqu’il est allé en prendre possession à la place d’affaires de Asphalte ABC. L’intention de Demers Inc. de bonifier son offre avant 14 h est bien claire. L’un de ses représentants était au rendez-vous pour y déposer sa promesse d’achat. Cependant le chèque d’acompte, quoique visé avant 13 h, est arrivé entre les mains de l’agent peu après 14 h;

-          les promesses d’achat ont été envoyées par l’agent d’immeuble au représentant de TPSGC plus tard le 12 juillet, soit autour de 16 h. TPSGC n’a pas été prévenu du retard à présenter le chèque et a choisi la promesse d’achat la plus élevée, soit celle de Demers Inc.;

-          puisque aucune preuve de malversation n’a été établie, et que les prétentions de la demanderesse au regard de l’alinéa 18.1(4)e) de la Loi ne sont pas retenues, doit-on considérer le seul retard à compléter l’acompte comme étant fatal? 

 

[43]           À mon avis, tant le processus suivi en l’espèce que la jurisprudence, qui assouplit les règles en matière de soumission lorsque les irrégularités sont mineures, militent en faveur d’une réponse négative à la question posée.

 

[44]           D’abord, TPSGC concède d’emblée que son processus n’était pas formel, comme ce peut l’être pour la concession d’ouvrages. En l’espèce, ce sont trois terrains qui sont vendus avec peu de précision à leur égard, sans aucune garantie, et certainement rien qui puisse ressembler à des plans et devis, avec soumissions scellées devant être ouvertes à une date et heure fixes sous peine de rejet. En fin de compte, le seul élément qui différencie les offres d’achat est le prix.

 

[45]           Il est évident que la demanderesse a eu des soupçons au sujet de la possibilité qu’un concurrent connaisse le montant de son offre et puisse manœuvrer pour obtenir les terrains pour un prix légèrement supérieur. Ces allégations, qui n’ont jamais été retirées, ont en quelque sorte coloré les débats. Mais aucune preuve n’a été offerte pour étayer ces soupçons. Au contraire, la preuve non contredite est que le chèque de Demers Inc. a été visé avant 13 h, heure à laquelle la demanderesse a rencontré l’agent d’immeuble. Il s’ensuit que Asphalte ABC n’a subi aucun préjudice du court retard à déposer le chèque par Demers Inc.

 

[46]           Qu’en est-il de l’échéancier? Le délai de 14 h, le 12 juillet, est-il de rigueur au point où il ne peut y avoir quelque écart que ce soit?

 

[47]           Le processus mis en place par le vendeur était de toute évidence un processus pour mettre aux enchères un bien donné. Mais, contrairement aux appels d’offres traditionnels où c’est l’État qui se porte acquéreur de biens et services, la rigueur du processus en l’espèce n’y est pas. Le Procureur général en a convenu.

 

[48]           À mon avis, même si nous sommes en matière contractuelle, il existe un élément public à la décision de concéder un contrat qui permet la révision judiciaire, plutôt qu’une autre forme de recours. En notre espèce, le processus choisi par le vendeur a-t-il créé une attente telle que la demanderesse puisse se plaindre valablement du retard à déposer le chèque certifié qui devait compléter la bonification permise? Y a-t-il obligation de passer contrat avec Asphalte ABC parce qu’une irrégularité disqualifie la bonification d’un concurrent? Ce qui fait l’objet du contrôle judiciaire est la légalité de la décision d’accepter la promesse d’achat de Demers Inc. Le langage utilisé était-il si précis que TPSGC était lié inextricablement, pour paraphraser le juge d’appel Décary dans Gestion Complexe Cousineau?

 

[49]           Je ne puis me résoudre à voir dans la promesse d’achat et l’offre de bonification de la promesse d’achat du 4 juillet 2012 la rigueur que voudrait leur donner Asphalte ABC. Le processus était informel, le gouvernement cherchait à maximiser le produit de la vente au bénéfice des contribuables et l’intention de Demers Inc. de bonifier son offre d’achat était manifeste et ne s’est jamais dédite. L’arrivée du chèque peu après 14 h, mais presque deux heures avant que les promesses d’achat ne soient envoyées à TPSGC, ne me semble pas être du type d’irrégularité qui entache d’illégalité la décision d’accepter cette promesse d’achat. Asphalte ABC n’a subi aucun préjudice. Elle n’a que présenté une promesse d’achat inférieure de 90 000 $ à celle de Demers Inc.

 

[50]           Nous n’avons pas devant nous le genre de conditions de rigueur, exprimées comme telles, dans le cas d’appels d’offres très circonscrits. Les soumissions n’étaient aucunement horodatées comme certains processus le requièrent. On pourrait voir, par exemple, des textes qui stipulent que « [L]es règles relatives à la conformité des offres doivent faire état des cas qui entraînent automatiquement le rejet de l’offre, notamment : 5. Le non-respect de l’endroit, de la date et de l’heure limites fixé pour la réception des offres » (LRQ, c A-6, r 5.001 et c A-6.01, r 0.03, tel que reproduit dans Construction DJL inc. c PGQ, 2006 QCCS 5290, 2006 RJQ 2753. Règlement sur les contrats d’approvisionnement, de construction et de services des ministères et organismes publics.) Ce n’était pas le cas en l’espèce.

 

[51]           Il ne faut pas perdre de vue le principe fondamental dans ce genre d’affaires. Ce qui importe, c’est que les contractants soient traités également, que l’un ne soit désavantagé par rapport à un autre. On ne peut passer outre aux irrégularités majeures.

 

[52]           La jurisprudence et la doctrine au Québec déterminent le caractère mineur ou majeur d’une irrégularité en fonction de l’atteinte faite au principe de l’égalité des soumissionnaires. Dans RPM Tech inc., ci-dessus, la Cour d’appel du Québec écrivait :

[27]     Certes, la Ville jouit d’une certaine latitude dans l’analyse de la conformité des soumissions. Ainsi, il faut éviter de l’astreindre à un formalisme qui battrait en brèche les avantages du recours aux soumissions publiques. En revanche, cette latitude ne l’autorise pas à accepter une soumission qui comporte une irrégularité majeure de nature à saper les règles énoncées précédemment et que le législateur a privilégiées. Autrement dit, la faculté reconnue à la ville d’accepter des soumissions qui comportent des irrégularités mineures, ne s’étend pas aux irrégularités majeures, à l’égard desquelles la Ville n’a aucune discrétion, et qui doivent, sous peine de nullité, entraîner le rejet de la soumission :

La municipalité doit avoir la latitude nécessaire afin que le contrat soit accordé en fonction du meilleur intérêt des contribuables. Comme les tribunaux l’ont déjà souligné : « Il existe une obligation non pas envers le plus bas soumissionnaire, mais envers le trésor public qui ne doit jamais être tenu de payer, sans une bonne raison, un prix plus élevé que nécessaire. » Si un doute se présente sur la conformité d’une soumission, il faut favoriser l’offre comportant le meilleur prix pour la municipalité. Mais dans la recherche de cet objectif, la municipalité ne doit pas affecter les principes de l’appel d’offres en faisant preuve de favoritisme et en rompant l’égalité entre les soumissionnaires. En d’autres termes, une municipalité peut faire preuve d’une certaine souplesse dans l’examen du cahier des charges et des soumissions, mais pas au point de causer un préjudice à certains soumissionnaires. C’est pourquoi la jurisprudence distingue entre les irrégularités mineures qui ne portent pas atteinte aux objectifs de l’appel d'offres et celles qui touchent les objectifs fondamentaux du processus d’adjudication par voie de soumissions. La discrétion municipale ne peut s’exercer que pour la première catégorie d’irrégularités.

 

Lorsqu’il s’agit d’une irrégularité majeure qui met en cause les principes qui sont à la base du processus d’adjudication des contrats municipaux par voie de demande de soumissions, la municipalité ne peut permettre aucune correction et doit refuser la soumission en la jugeant non conforme. Bref, une municipalité ne peut mettre de côté une exigence essentielle de l’appel d’offres. (Citations volontairement omises)

 

[Les soulignements sont dans le texte de la Cour d’appel et il s’agit d’un extrait tiré de Jean Hétu, Yvon Duplessis et Dennis Pakenham, Droit municipal, Principes généraux et contentieux, Longueuil, Hébert Denault, 1998, p. 870-871.]

 

 

[28]     Pour qualifier une irrégularité de mineure ou de majeure, le facteur déterminant est celui de l’égalité des soumissionnaires. L’irrégularité ne doit pas avoir d’effet sur le prix de la soumission; elle ne doit pas avoir rompu l’équilibre entre les soumissionnaires, l’un des principes directeurs en matière d’adjudication de contrat par voie de soumissions publiques :

 

Le souci d’assurer l’égalité entre les soumissionnaires et de ne pas favoriser injustement l’un d’entre eux constitue souvent l’élément déterminant en ce qui concerne la qualification d’une irrégularité comme secondaire ou accessoire ou comme portant sur un élément essentiel : il ne faut pas que l’omission ou l’erreur commise ait un effet sur le prix de la soumission ou sur une exigence de fond contenue à l’appel d’offres. (Citations volontairement omises)

 

[Tiré de André Langlois, L’adjudication des contrats municipaux par voie de soumissions, Cowansville, Éditions Yvon Blais inc., 1989, p. 90.]

 

 

 

[53]           Cela constitue à mon sens un guide utile. Non seulement le contribuable y voit son intérêt favorisé par la promesse d’achat la plus élevée comme devant être retenue, mais l’irrégularité est mineure puisqu’elle ne porte aucunement atteinte au principe de l’égalité des « soumissionnaires », en l’espèce ceux qui ont fait une promesse d’achat bonifiée qui a été transmise vers 16 h, le 12 juillet 2012. Il n’y a eu aucun effet sur le prix offert puisque le texte de la promesse d’achat était sans équivoque : le montant total offert en promesse d’achat était de 2 350 000 $ et il était entre les mains de l’agent avant 14 h.

 

[54]           La demanderesse a fait grand état de l’obligation de traiter les soumissionnaires équitablement et ainsi de n’accepter que des offres conformes. Outre que l’arrêt Martel Building, supra, dont se réclame la demanderesse traite de faits bien différents de ceux de la présente affaire, on ne peut douter que ces principes d’équité trouvent application. Mais les soumissionnaires ont été traités équitablement.

 

[55]           La demanderesse convient qu’une irrégularité mineure peut être ignorée. Mais elle prétend que l’irrégularité ici est majeure. À l’appui de sa thèse, elle offre le paragraphe suivant tiré de Mercier, précité, qui vient des motifs du juge dissident :

[57]     Il existe une multitude de possibilités d’inadvertances de ce type : par exemple le fait d’oublier de faire viser le chèque représentant la garantie de soumission, d’y inscrire le montant de 1 000 $ au lieu de 10 000 $ ou même de produire un cautionnement de soumission sur lequel la signature est manquante. Je ne puis me convaincre qu’il soit possible de permettre ainsi à un des soumissionnaires, à l’insu des autres, de remédier à une telle inadvertance après le moment fixé pour l’ouverture des soumissions sans manquer au principe de l’égalité entre tous les soumissionnaires, et ce, au seul motif que l’on ne pouvait alors savoir quels seraient les prix soumis dans les autres soumissions non encore ouvertes.

                                                            (Références omises.)

 

 

Non seulement nous cite-t-on la dissidence, mais le passage commente des inadvertances auxquelles on voudrait remédier après le moment fixé pour l’ouverture des soumissions. Rien de comparable à la situation sous étude. Quant à moi, je suis plutôt conforté par la décision de la majorité dans cette affaire qui a déclaré mineur le fait que la soumission n’était pas signée, cela étant le résultat d’un imbroglio. La majorité ne pouvait voir en quoi les autres soumissionnaires auraient subi un préjudice, malgré la nécessité créée aux appels d’offres que les soumissions soient signées.

 

[56]           Ensuite, la demanderesse se réclame d’un passage tiré de Canadian Law of Competitive Bidding and Procurement de Anne C. McNeely, Aurora, Canada Law Book, 2010. Je reproduis le paragraphe :

Under Contract « A », there are no exceptions to a rule that a late bid is a materially non-compliant bid which cannot be accepted by a bid calling party. Allowing a material correction or amendment to a bid after bid closing, an indirect way of allowing a late bid, or indirectly allowing one by allowing bid repair, derives from two things. First, to allow a late bid is to unfairly allow the bidder involved more time to finalize a bid than was provided to other bidders. Second, and this goes to a core concern about the bidding process itself, to allow a late bid or bid repair is to allow a change to be made in a bid at a time when the bids of others are known or at risk of becoming known.

 

 

Je vois mal en quoi ce paragraphe avance la cause de la demanderesse. Non seulement la soumission, en notre espèce, n’a pas été corrigée ou amendée, mais nos faits ne correspondent nullement aux deux principes invoqués. Demers Inc. avait complété sa promesse d’achat avant 14 h et ne profitait ainsi d’aucun avantage. L’arrivée du chèque ne changeait en aucune manière la soumission à la lumière des promesses d’autres soumissionnaires.

 

[57]           La jurisprudence répertoriée dans Terrassement St-Louis inc. c Municipalité de St-Honoré, 2009 QCCQ 13798, me convainc encore davantage que l’irrégularité dont il est ici question est mineure. L’égalité entre les soumissionnaires n’a jamais été rompue.

 

[58]           La légalité de l’acceptation de la promesse d’achat faite par Demers Inc. ayant été révisée, je conclus que TPSGC était en droit de l’accepter. Il en découle que la demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens au profit seulement de Robert & Gilles Demers Inc. Il n’y a pas d’adjudication de dépens dans le cas des deux autres défendeurs, le Procureur général du Canada et Paul Mihalcean.

 

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-1494-12

 

INTITULÉ :

ASPHALTE ABC RIVE-NORD INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et ROBERT & GILLES DEMERS INC. et PAUL MIHALCEAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 3 décembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE ROY

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 24 DÉCEMBRE 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Me Caroline Dion

 

Me Antoine Lippé

 

 

Me André L. Monty et

M. Francis Gervais

 

Me Yves Tourangeau

Pour lA DEMANDERESSE

 

POUR LE Défendeur

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

POUR LE DÉFENDEUR

ROBERT & GILLES DEMERS INC.

 

POUR LE DÉFENDEUR

PAUL MIHALCEAN

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake Cassels & Graydon S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Montréal (Québec)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

Deveau, Bourgeois, Gagné, Hébert & Associés S.E.N.C.R.L.

Laval (Québec)

 

Gilbert Simard Tremblay

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

Pour LE DÉFENDEUR

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

POUR LE DÉFENDEUR

ROBERT & GILLES DEMERS INC.

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

PAUL MIHALCEAN

 

 

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