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Date : 20131218

Dossier : T-1165-09

Référence : 2013 CF 1265

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

HOFFMAN-LA ROCHE LIMITED

 

demanderesse

 

et

 

APOTEX INC. ET
LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

défendeurs

 

et

 

ROCHE PALO ALTO LLC

 

défenderesse/

brevetée

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS

 

Bruce Preston – Officier taxateur

[1]               Dans les motifs du jugement et le jugement qu’elle a prononcés en date du 13 juillet 2011, la Cour a fait droit à la demande, avec dépens.

 

[2]               Le 8 avril 2013, la demanderesse [Roche] a déposé un mémoire de dépens à taxer. Pour faire suite aux directives datées du 26 avril et du 25 juin 2013, les parties ont déposé leurs observations concernant les dépens. Je procéderai donc à la taxation des dépens de la demanderesse.

 

[3]               Au paragraphe 34 des observations écrites de Roche, l’avocat soutient que les demandes fondées sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement sur les MBAC) sont intrinsèquement complexes et que les instances relatives aux brevets donnent généralement lieu à l’adjudication de dépens supérieurs du fait de leur grande complexité. À l’appui de cet argument, il invoque la décision Sanofi-Aventis Canada Inc c Novopharm Limitée, 2009 CF 1139 [Sanofi-Aventis] ainsi que la décision Novopharm Limited c Eli Lilly and Company, 2010 CF 1154. Il soutient de plus que, dans une instance fondée sur le Règlement sur les MBAC, la partie demanderesse est tenue de traiter de la totalité des allégations que la partie intimée a soulevées, ce qui requiert beaucoup de temps et d’efforts pour préparer les éléments de preuve et les arguments. Il fait valoir en conclusion qu’il ressort de ces facteurs que les dépens selon l’échelon supérieur de la colonne III que Roche demande sont éminemment raisonnables.

 

[4]               Au paragraphe 12 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient que, à moins d’une ordonnance contraire de la Cour, il y a lieu d’appliquer aux services à taxer le milieu de la fourchette de la colonne III du tableau du tarif B. À l’appui de cet argument, il invoque l’article 407 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 [les Règles des Cours fédérales]. Il soutient que Roche ne devrait pas avoir droit à des frais se situant à l’échelon supérieur de la colonne III juste parce qu’il s’agissait d’une affaire de brevet. Selon lui, Roche n’est pas parvenue à montrer pourquoi cette affaire particulière était d’une importance ou d’une complexité supérieure à la moyenne, au point de justifier une majoration des dépens. À l’appui de cet argument, il invoque la décision Merck & Co Inc c Apotex Inc, 2006 CF 631 [Merck & Co], la décision Ludco Enterprises Ltd c Canada, 2002 CAF 450, la décision Monsanto Canada Inc c Schmeiser, 2002 CFPI 439, l’arrêt Ratiopharm Inc c Wyeth and Wyeth Canada, 2007 CAF 361, l’arrêt Consorzio del Prosciutto di Parma c Maple Leaf Meats Inc, 2002 CAF 417 [Consorzio] de même que l’arrêt Apotex Inc c Merck & Co, 2008 CAF 371. Le dernier argument invoqué est que Roche n’a pas demandé à la Cour de rendre une directive spéciale concernant la majoration des dépens; il faut donc que la taxation soit établie selon le milieu de la fourchette de la colonne III.

 

[5]               Dans les observations écrites qu’il a présentées en réponse, l’avocat de Roche soutient que le niveau des dépens que prévoit la colonne III relève du pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur et qu’il est possible d’accorder un niveau différent pour chaque article réclamé. À l’appui de cet argument, il fait référence à la décision Bayer Healthcare AG c Sandoz Canada Incorporated, 2009 CF 691 [Bayer Healthcare] ainsi qu’à la décision Nature’s Path Foods Inc c Country Fresh Enterprises Inc, 2007 CF 116 [Nature’s Path Foods]. Il soutient également qu’il y a lieu de tenir compte de l’importance et de la complexité des questions en litige, aux termes de l’alinéa 400(3)c) des Règles des Cours fédérales, et que ces questions ne doivent pas être comparées à d’autres et, en outre, que les litiges en matière de brevets sont intrinsèquement complexes et que, de ce fait, dans ces derniers, les dépens sont souvent taxés selon la colonne IV. À l’appui de cet argument, il fait référence à la décision Consorzio , Eurocopter c Bell Helicopter Textron Canada Limitée, 2012 CF 842 [Eurocopter], à la décision Johnson & Johnson Inc c Boston Scientific Ltd, 2008 CF 817, ainsi qu’à d’autres. La dernière observation de Roche est que l’on a établi que l’affaire était d’une complexité supérieure à la moyenne, qu’Apotex avait cinq experts, ce qui avait nécessité la production de quatre rapports d’expert en réponse, et que le dossier de demande de Roche contenait 13 volumes et environ 3 500 pages.

 

[6]               L’article 407 des Règles des Cours fédérales prévoit :

Sauf ordonnance contraire de la Cour, les dépens partie-partie sont taxés en conformité avec la colonne III du tableau du tarif B.

 

[7]               Je ne vois rien dans le libellé de l’article 407 qui limite au milieu de la fourchette de la colonne III la taxation des services qui sont réclamés. De plus, il a été conclu à maintes reprises que chaque article est taxable en fonction des circonstances qui lui sont propres et qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser le même nombre d’unités pour chaque service rendu. (Voir : Bayer Healthcare, Nature’s Path Foods et Starlight c Canada, 2001 CFPI 999, au paragraphe 7). De plus, dans la décision Truehope Nutritional Support Limited c Canada (Procureur général), 2013 CF 1153 [Truehope], la question du barème est analysée en détail. Il a été conclu, au paragraphe 14 :

[traduction] La Cour n’ayant rendu aucune directive précise sur la fourchette de la colonne III, je conclus qu’à titre d’officier taxateur je puis déterminer le nombre d’unités à attribuer pour chaque service à taxer dans la fourchette toute entière de cette colonne, tout en reconnaissant qu’en général les services sont taxés au point médian, sauf dans les cas où les circonstances prescrivent que des dépens particuliers doivent être taxés à un niveau supérieur ou inférieur à ce point médian.

 

[8]               En conséquence, conformément à la décision Truehope, je conclus que, pour la taxation des dépens de Roche, je puis déterminer le nombre d’unités à attribuer pour chaque service à taxer dans la fourchette toute entière de la colonne III.

 

Les services à taxer

[9]               Roche demande sept unités au titre de l’article 1 pour la préparation de l’avis de demande qu’elle a déposé le 17 juillet 2009. Apotex n’a pas soulevé d’objection à l’égard de cet article en particulier, mais son objection concernant le barème des honoraires s’applique à cette demande. J’ai passé en revue l’avis de demande et les autres documents que Roche a déposés à l’appui de la demande et je conclus que sa demande est raisonnable dans les circonstances de l’espèce. J’accorde donc sept unités au titre de l’article 1.

 

[10]           Même si Apotex ne le conteste pas, il est signalé que Roche a présenté une demande au titre de l’article 2 pour la préparation du dossier de demande qu’elle a déposé le 13 septembre 2010. Cet article peut faire l’objet d’une demande pour la « préparation et [le] dépôt de toutes les défenses, réponses, demandes reconventionnelles et documents des intimés ». Il a été conclu qu’un officier taxateur, en l’absence d’observations, ne devrait pas abandonner sa position de neutralité, mais qu’il lui est impossible de faire droit aux articles qui débordent le cadre de ce que le jugement ou le tarif autorisent (voir : Dahl c Canada, 2007 CF 192, au paragraphe 2). Comme Roche est la demanderesse en l’espèce, et comme j’ai déjà autorisé une demande au titre de l’article 1, je conclus que Roche n’a pas droit à une demande au titre de l’article 2. C’est donc dire que la demande faite au titre de l’article 2 n’est pas accueillie.

 

[11]           Roche a présenté 11 demandes au titre de l’article 8 pour la préparation du contre‑interrogatoire des déposants de Roche et des déposants d’Apotex. Au paragraphe 55 des observations écrites de Roche, l’avocat soutient que, bien que la demanderesse reconnaisse qu’à défaut d’une directive de la Cour il est difficile d’adjuger les dépens liés au second avocat pour des questions préalables à l’audience, la présente affaire se prête bien à ces dépens du fait de sa complexité technique et du grand nombre de témoins. Il ajoute que des dépens pour un second avocat semblables ont été accordés dans des instances similaires et que la même norme devrait s’appliquer en l’espèce.

 

[12]           Au paragraphe 18 des observations écrites d’Apotex, l’avocat exprime l’avis que les articles 8 et 9 ne disent rien à propos du droit qu’a une partie de réclamer des honoraires pour plus d’un avocat. Il ajoute que le tarif envisage que la Cour rende une directive autorisant l’octroi d’honoraires pour la présence du second avocat à l’audience; il s’ensuit donc qu’il faudrait que la Cour rende une directive pour tous les dépens relatifs à un second avocat au titre des articles 8 et 9. Comme Roche n’a pas demandé de directive, la présence du second avocat ne devrait pas être admise dans le cadre d’une taxation des dépens. En ce qui concerne plus précisément l’article 8, l’avocat soutient que Roche réclame des honoraires pour la présence du second avocat à chaque contre‑interrogatoire, quelle que soit la partie à laquelle se rapporte le témoin interrogé.

 

[13]           Roche n’a pas réfuté les observations d’Apotex.

 

[14]           J’ai passé en revue le mémoire de dépens de Roche et je constate que même si cette dernière a indiqué que deux avocats se sont préparés pour chacun des contre‑interrogatoires, elle n’a présenté qu’une seule demande. Dans ces circonstances, j’estime ne pas avoir à examiner la question du second avocat. Cependant, compte tenu des observations d’Apotex concernant le barème des honoraires, je conclus qu’il est excessif de demander cinq unités pour la préparation des témoins de Roche. Je conçois qu’il est nécessaire de préparer les déposants, mais ce ne serait pas dans la même mesure que pour les déposants d’Apotex. Par conséquent, pour les déposants de Roche : Mark Cattral, Ronald Thisted, Wayne Anderson, Ronald Sawchuck, Anthony Allison et William Lee, j’accorde quatre unités pour chaque demande présentée au titre de l’article 8. Pour les cinq déposants d’Apotex : John Keana, Rita Alloway, Irving Johnson, Richard Borch et Edward Roberts, j’accorde cinq unités pour chaque demande présentée au titre de l’article 8.

 

[15]           Apotex a présenté des observations semblables au sujet du second avocat pour l’article 9, et Roche n’a pas présenté d’observations en réponse.

 

[16]           Comme cela a été le cas pour l’article 8, je conclus que même si l’avocat a indiqué que deux avocats étaient présents aux contre‑interrogatoires, il n’y a qu’une seule demande qui a été présentée. De plus, conformément à ce que j’ai décidé à propos de l’article 8, je conclus que, pour l’exécution des contre‑interrogatoires, le degré de complexité et d’effort en cause serait supérieur lors de l’interrogatoire des déposants d’Apotex qu’au moment du contre‑interrogatoire des déposants de Roche. Par conséquent, pour l’article 9, j’accorde deux unités par heure pour les déposants de Roche et trois unités par heure pour ceux d’Apotex. Comme Apotex ne s’est pas opposée au nombre d’heures demandées, ces heures sont accordées telles quelles.

 

[17]           Roche a présenté une demande au titre de l’article 15 pour la préparation d’observations écrites sur les dépens. Au paragraphe 21 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient que la Cour n’a pas demandé d’observations écrites sur les dépens. De plus, allègue-t-il, les observations ont été déposées dans le cadre de la taxation des dépens, et non dans celui de la demande sous-jacente.

 

[18]           En réfutation, au paragraphe 7 des observations écrites qu’elle a déposées en réponse, Roche soutient qu’Apotex n’a produit aucune jurisprudence indiquant qu’une demande présentée au titre de l’article 15 en rapport avec des observations sur les dépens est inadmissible. L’avocat soutient que l’article 15 autorise l’octroi de dépens pour la préparation d’un plaidoyer écrit à la demande ou avec la permission de la Cour, et que cette dernière a autorisé la présentation d’observations sur les dépens.

 

[19]           L’article 15 autorise la « préparation et [le] dépôt d’un plaidoyer écrit, à la demande ou avec la permission de la Cour ». Il a été décidé que les officiers taxateurs ne sont pas membres de la Cour (voir : Marshall c Canada, 2006 CF 1017, au paragraphe 6). Comme les observations écrites sur les dépens ont été produites à la suite d’une directive d’un officier taxateur, et non de la Cour, la demande que Roche a présentée au titre de l’article 15 n’est pas accordée.

 

[20]           Je signale que Roche a présenté une demande au titre de l’article 27 pour la préparation du mémoire de dépens. Je note également qu’aucune demande n’a été présentée au titre de l’article 26 pour la taxation des dépens. Comme Apotex ne s’est pas opposée à la demande, je ferai droit au nombre d’unités demandées, mais au titre de l’article 26.

 

[21]           Roche a présenté une demande de 2,5 unités au titre de l’article 28 pour les services d’un parajuriste. Au paragraphe 22 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient que si la demande concerne la préparation de l’affidavit présenté à l’appui des dépens, il ne faudrait pas l’accorder.

 

[22]           Dans les observations écrites déposées en réponse, l’avocat de Roche soutient que Mme McIntomny - la parajuriste - a aidé à préparer le projet de mémoire de dépens, de même que le dossier de demande et la jurisprudence. À l’appui de la demande, l’avocat fait référence à la décision Air Canada c Canada (Ministre des Transports), [2000] ACF no 101 [Air Canada], au paragraphe 15.

 

[23]           Conformément à la décision rendue dans Air Canada, je conclus que « la partie ayant le droit d’être indemnisée ne pourra recouvrer un montant au titre de l’avocat responsable et d’un autre pour l’auxiliaire, compte tenu des restrictions imposées par l’article G28 ». Je conclus donc que les services que la parajuriste a fournis ne peuvent pas être retenus, car Roche a déjà présenté une demande concernant les services fournis au titre de l’article 1 pour le dossier de demande ainsi qu’au titre de l’article 27 (rectifié pour l’article 26) pour le projet de mémoire de dépens. La demande présentée au titre de l’article 28 n’est donc pas accordée.

 

[24]           Pour le reste des services à taxer que Roche demande, Apotex n’a formulé aucune objection, à part le barème des dépens demandé dans le mémoire. J’ai passé en revue le nombre d’unités demandées au titre des articles 4, 10, 11, 13a), 13b) et 14a) et je conclus que dans les circonstances de l’espèce les demandes sont raisonnables. En conséquence, les articles 4, 10, 11, 13a), 13b) et 14a) sont accordés tels quels.

 

Les débours

[25]           Avant de traiter des débours particuliers que les parties ont demandés, Apotex a soulevé la question du caractère suffisant des preuves que Roche a présentées à l’appui de ses débours. L’avocat d’Apotex soutient qu’aux termes du paragraphe 1(4) du tarif B des Règles des Cours fédérales, aucuns débours, à l’exception des droits payés au greffe de la Cour fédérale, ne sont taxés ou acceptés, sauf s’ils sont raisonnables et que la preuve en soit fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation. Ensuite, au paragraphe 26 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient :

[traduction] […] le fait que Roche n’ait pas confirmé que les débours demandés lui ont été facturés et qu’il était raisonnable de les engager devrait empêcher que Roche obtienne le recouvrement intégral des dépenses demandées. Roche a mis l’officier taxateur dans la situation où ce dernier ne dispose que d’un « projet » de mémoire de dépens, assorti de documents à l’appui choisis. Apotex est d’avis que, dans ces circonstances, il est nécessaire d’agir avec prudence afin d’éviter de causer un préjudice quelconque à Apotex.

 

[26]           En réponse, l’avocat de Roche soutient que l’affidavit d’Erin McIntomny est plus que suffisant pour ce qui est de satisfaire aux exigences du paragraphe 1(4) du tarif B, car il établit que les débours ont été engagés par la partie et qu’ils sont payables par elle. Ensuite, au paragraphe 12, il ajoute :

[traduction] […] la preuve de Mcintomny constitue une preuve suffisante à première vue de ces débours. À défaut d’une preuve contraire, il faut considérer que cette preuve est véridique et qu’elle est déterminante quant à l’existence de ces débours. Cette preuve et, partant, la crédibilité de Mme McIntomny ne peuvent pas être attaquées sans que l’on conteste les preuves en contre‑interrogatoire. De ce fait, puisque Apotex a décidé de ne pas contre‑interroger Mme McIntomny, la preuve suffisante à première vue qui est énoncée dans son affidavit suffit pour satisfaire à l’exigence du paragraphe 1(4), à savoir que les débours ont été engagés par Roche ou sont payables par elle.

 

À l’appui de ce qui précède, l’avocat invoque la décision Abbott Laboratories c Canada (Santé), 2008 CF 693, au paragraphe 5. Il soutient de plus que pour les débours, tels que les frais relatifs aux photocopies, il n’est pas nécessaire de produire des factures en vue d’établir une preuve suffisante à première vue.

 

[27]           L’avocat de Roche fait aussi valoir que la question du caractère raisonnable relève de la compétence de l’officier taxateur et que l’affidavit d’Erin McIntomny constitue un fondement suffisant pour la taxation des débours demandés. Il ajoute que pour les débours ordinaires, comme les frais relatifs aux photocopies, pour lesquels aucune facture n’a été fournie, un officier taxateur est mal placé pour constater et évaluer le caractère raisonnable d’une dépense donnée.

 

[28]           J’ai passé en revue l’affidavit d’Erin McIntomny et je conclus qu’il ressort de la preuve fournie que les débours ont été payés par Roche ou sont à payer par elle. Cependant, les débours pour lesquels aucune facture n’a été produite me préoccupent. Au paragraphe 14 de son affidavit, Mme McIntomny laisse entendre :

[traduction] J’ai déterminé la valeur des frais relatifs à Quicklaw et à Westlaw, ainsi que des frais de messagerie, de huissier, de photocopie (à l’interne et à l’externe), de reliure, d’antériorité, de télécopie et d’interurbain en examinant, dans notre système de comptabilité, le montant total qui a été facturé au client pour chaque type de débours.

 

[29]           Même si cela peut suffire pour établir une preuve suffisante à première vue que les débours ont bel et bien été engagés, dans des circonstances comme les présentes, où il existe une requête pour laquelle aucuns dépens n’ont été adjugés, je n’ai en main aucune preuve que les débours se rapportant à cette requête ont été soustraits des débours demandés. De plus, comme Roche a demandé des honoraires pour cette requête, cela m’amène à conclure que les débours relatifs à la requête sont inclus dans le mémoire de dépens. Dans cette optique, je me fonde sur la décision Halford c Seed Hawk Inc, 2006 CF 422 [Halford], au paragraphe 160, où l’officier taxateur a conclu :

[…] Même si elle comporte de nombreuses factures, etc., la preuve n’a rien absolu. Moins l’officier taxateur dispose d’éléments de preuve, plus la partie qui réclame des dépens est liée par l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’officier taxateur qu’il lui incombe d’exercer avec prudence, sans perdre de vue l’austérité qui devrait présider à la taxation des dépens, afin d’éviter de causer un préjudice à la partie condamnée aux dépens. […]

 

(Voir aussi : Nature's Path Foods, au paragraphe 23). Par conséquent, pour taxer les débours à l’égard desquels aucune facture n’a été fournie, j’exercerai mon pouvoir discrétionnaire afin d’éviter qu’Apotex ne subisse un préjudice quelconque à cause de dépens qui peuvent avoir pris naissance en rapport avec la requête de Roche pour que la présente affaire soit soumise à une gestion spéciale.

 

Les témoins experts

[30]           Roche a présenté des demandes concernant quatre témoins experts : le Dr Cattral, ainsi que MM. Thisted, Anderson et Sawchuk. Comme Apotex n’a pas contesté les montants demandés pour le Dr Cattral et M. Thisted, ces montants sont autorisés tels quels, soit 8 166,66 $ et 10 156,04 $, respectivement.

 

[31]           Pour ce qui est de MM. Anderson et Sawchuk, au paragraphe 41 des observations principales de Roche l’avocat fait valoir que la Cour s’est fondée sur la preuve selon laquelle l’« art antérieur » allait à l’encontre de l’invention, tel que présenté par MM. Anderson et Sawchuk.

 

[32]           À partir du paragraphe 28 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient que Roche ne devrait pas recouvrer la totalité des débours liés à MM. Anderson et Sawchuk. Il soutient que M. Anderson a facturé la somme de 8 000 $ pour 16 heures en rapport avec son contre‑interrogatoire, qui n’a duré que trois heures et demie. À l’appui de cet argument, l’avocat se reporte à la pièce « D » jointe à l’affidavit de Lisa Ebdon, souscrit le 31 mai 2013. L’avocat soutient ensuite que les montants demandés pour MM. Anderson et Sawchuk dépassent de beaucoup ceux qui ont été facturés pour le Dr Cattral et M. Thisted et que, même s’il était loisible à Roche de retenir les services de n’importe quel expert, il est nécessaire que cette dernière justifie le caractère raisonnable des services de MM. Anderson et Sawchuk, lesquels ont facturé environ neuf fois le montant que le Dr Cattral et M. Thisted ont demandé. Il soutient que la Cour n’a pas laissé entendre que le témoignage d’un expert était plus complexe ou important que les autres et que, de ce fait, il faudrait nettement réduire les honoraires d’expert de MM. Anderson et Shawchuk.

 

[33]           En guise de réponse, l’avocat de Roche soutient qu’Apotex n’a produit aucune preuve indiquant que les montants demandés pour MM. Anderson et Sawchuk sont déraisonnables. Ensuite, au paragraphe 18 des observations en réponse de Roche, l’avocat indique :

[traduction] […] MM. Anderson et Sawchuk étaient les principaux experts de Roche dans cette affaire. Ainsi qu’il est indiqué à l’annexe « B » jointe aux motifs du juge O’Reilly, MM. Anderson et Sawchuk ont tous deux fait part de leur opinion sur chacune des principales questions en litige de l’instance : l’évidence, l’utilité et l’interprétation. Par contraste, il a été signalé que M. Thisted a déposé un affidavit où ce dernier se « limite » à une analyse statistique de l’un des exemples du brevet, et où il réfute aussi les critiques soulevées à l’égard de l’étroite question des données figurant dans le brevet que certains des experts d’Apotex ont fournies. Il est signalé aussi que l’affidavit du Dr Cattral a été d’une portée « limitée »; dans son cas, son opinion s’est limitée à l’utilisation de médicaments comme celui qui était en litige, et à leurs effets, ainsi qu’à des commentaires sur les essais et les données figurant dans le brevet. Contrairement à MM. Anderson et Sawchuk, ni M. Thisted ni le Dr Cattral n’ont été tenus d’examiner la totalité des documents présentés dans le cadre de l’AC d’Apotex et, au vu de ces volumineux documents, de donner leur opinion sur les questions en litige fondamentales de l’affaire.

 

[34]           L’avocat de Roche soutient par ailleurs que les factures relatives à MM. Anderson et Sawchuk font état du temps considérable qu’ils ont passé à examiner l’art antérieur. Il soutient également que la Cour a fait des commentaires sur les examens de l’art antérieur que MM. Anderson et Sawchuk ont faits et qu’elle a explicitement mis en contraste leurs examens avec ceux des experts d’Apotex. Quant à l’importance relative des experts de Roche, l’avocat soutient que la Cour a fait référence à MM. Anderson et Sawchuk à quatre et à cinq reprises, respectivement, et qu’elle a cité le Dr Cattral et M. Thisted à deux reprises chacun.

 

[35]           J’ai passé en revue les motifs du jugement et le jugement de la Cour, y compris l’annexe « B  », et je conclus que les questions dont MM. Anderson et Sawchuk ont traité étaient de nature plus générale et que la Cour a fait référence à leur témoignage plus souvent que dans le cas du Dr Cattral ou de M. Thisted. De plus, j’ai passé en revue les affidavits et les factures des experts et je conclus que, comme l’a fait valoir l’avocat de Roche, l’examen de l’art antérieur et la préparation des affidavits de MM. Anderson et Sawchuk ont pris un temps considérable. De plus, la seule observation d’Apotex qui conteste un aspect particulier du montant demandé a trait au contre-interrogatoire de M. Anderson. À cet égard, je conclus que le montant demandé pour le contre‑interrogatoire de M. Anderson est déraisonnable; surtout si l’on considère que Roche a demandé pour ce dernier des débours d’un montant de 7 750 $ pour une durée de 15,5 heures, la veille du contre‑interrogatoire, ainsi que pour son déplacement et sa rencontre avec les avocats. Dans ces circonstances, je ne suis pas disposé à accorder la somme de 8 000 $ que l’on demande pour le contre‑interrogatoire de M. Anderson, mais j’accorderai une durée de quatre heures, à raison de 500 $ l’heure, pour le contre‑interrogatoire qu’il a subi le 8 juin 2010.

 

[36]           Je conclus qu’à l’exception du montant demandé pour le contre‑interrogatoire de M. Anderson, les montants demandés sont raisonnables. De ce fait, le montant indiqué pour M. Sawchuk est accordé tel quel, soit à hauteur de 63 975,46 $, et le montant demandé pour M. Anderson est accordé à hauteur de 84 056,18 $, pour tenir compte de la réduction relative à son contre‑interrogatoire.

 

Les consultants techniques

[37]           Roche a présenté des demandes concernant MM. Eugui, Williams III et Pankiewicz. L’avocat de Roche soutient que ces experts ont fourni une aide technique en raison de la complexité et de la nature technique de l’instance. Il soutient que les dépens relatifs à des experts non appelés à témoigner peuvent être taxés si ces experts ne sont pas manifestement superflus. À l’appui de cet argument, l’avocat invoque la décision Merck & Co c Apotex Inc, 2002 CFPI 842, au paragraphe 29, la décision Mercury Launch & Tug Ltd c Texada Quarrying Ltd, 2009 CF 331 [Mercury Launch], au paragraphe 41, et la décision Fournier Pharma Inc c Canada (Santé), 2009 CF 1004 [Fournier Pharma], au paragraphe 28. À l’appui de l’argument selon lequel est « justifiable toute assistance fournie par un expert dans son domaine de spécialité », l’avocat se reporte à la décision Adir c Apotex Inc, 2008 CF 1070 [Adir], au paragraphe 21. Enfin, il ajoute que MM. Eugui, Williams III et Pankiewicz ont fourni une opinion d’expert et ont prêté assistance dans des secteurs dépassant la spécialisation des avocats et qu’il ne faudrait pas les exclure de tout recouvrement au stade de la taxation.

 

[38]           L’avocat d’Apotex soutient que, en règle générale, une partie ne peut pas recouvrer les dépens associés à des témoins experts qui ne témoignent pas à l’audience. À l’appui de cet argument, il fait référence à la décision Adir, aux paragraphes 5 à 9, à la décision Eurocopter, au paragraphe 54, à la décision Apotex Inc c Wellcome Foundation Ltd, [1998] A.C.F. no 1736 [Apotex c Wellcome], au paragraphe 63, confirmée par [2001] A.C.F. no 37, de même qu’à la décision Sanofi-Aventis, confirmée par 2012 CAF 26, au paragraphe 18. Il soutient par ailleurs qu’il n’existe aucune preuve quant à la nécessité ou au caractère raisonnable des honoraires demandés pour l’assistance que ces personnes n’ayant pas témoigné ont fournie aux avocats. De plus, selon l’avocat, il n’y a eu aucune circonstance à ce point inusitée que la Cour devrait s’écarter de la règle générale et faire droit aux dépens relatifs à ces experts qui n’ont pas témoigné. Enfin, il ajoute que l’inclusion de ces témoins experts dépasserait la limite de cinq experts par instance que prévoit l’article 7 de la Loi sur la preuve au Canada, LRC 1985, c C‑5 [la Loi sur la preuve au Canada].

 

[39]           Dans les observations écrites que Roche a déposées en réponse, l’avocat soutient que dans la décision Sanofi-Aventis la Cour a refusé d’accorder des dépens pour des experts qui n’avaient pas comparu au procès, mais qu’elle en avait accordé pour des experts scientifiques qui avaient aidé les avocats « à examiner et à comprendre les rapports d’autres experts, à se préparer au contre‑interrogatoire des experts de la partie adverse et, le cas échéant, à se préparer à la communication de documents ». Il soutient que ce même principe est énoncé dans la décision Eurocopter. Il ajoute que toutes les autres affaires qu’Apotex a mentionnées ont trait à des actions dans le cadre desquelles d’éventuels témoins experts au procès n’ont pas été appelés à témoigner et qu’Apotex ne cite aucune affaire relative à des demandes fondées sur le Règlement sur les MBAC dans lesquelles les honoraires relatifs aux consultants techniques ont été refusés. De plus, pour ce qui est de la nécessité et du caractère raisonnable, l’avocat soutient que les paragraphes 6 à 9 de l’affidavit de McIntomny portent sur les travaux que ces consultants techniques ont accomplis ainsi que sur l’aide qu’ils ont fournie. Il ajoute que l’argument d’Apotex concernant l’article 7 de la Loi sur la preuve du Canada qualifie à tort MM. Eugui, Williams III et Pankiewicz d’experts, alors que le rôle qu’ils ont joué a été celui de consultants techniques. Enfin, l’avocat de Roche allègue que même si l’on considérait les consultants techniques comme des experts, Apotex a appliqué le mauvais critère juridique et considère la question de manière rétrospective, plutôt que de se demander si les débours étaient des frais raisonnables qu’il fallait engager à l’époque.

 

[40]           L’avocat de Roche a affirmé que les honoraires relatifs aux experts scientifiques qui aident les avocats à examiner et à comprendre les rapports d’autres experts, à se préparer au contre‑interrogatoire des experts de la partie adverse et, le cas échéant, à se préparer à la communication de documents peuvent être recouvrés dans le cadre d’une taxation de dépens. À l’appui de cet argument, il a fait référence aux décisions Eurocopter et Sanofi-Aventis. Au paragraphe 54 d’Eurocopter, la Cour a statué :

Il est de jurisprudence constante que, en principe, les honoraires des experts de la partie gagnante qui ont comparu à l’instruction ou qui ont aidé les avocats dans l’examen et l’interprétation des opinions d’experts sont justifiées et devraient être recouvrés : Sanofi II, précitée, paragraphes 17 et 18; et Adir, précitée, paragraphes 21 et 22

 

[41]           Pour arriver à cette décision, la Cour s’est fondée sur les décisions Sanofi-Aventis et Adir. Aux paragraphes 17 et 18 de Sanofi-Aventis, la Cour a statué :

Novopharm demande le recouvrement de la totalité des honoraires et autres frais afférents à tous les experts, quils aient ou non comparu à linstruction. Il ne fait aucun doute que devrait être permis le recouvrement des honoraires des experts qui ont comparu à linstruction. Dans lexposé des motifs du 29 juin 2009, jai fait observer que les témoignages des experts se chevauchaient dans une certaine mesure. Après réexamen et mûre réflexion, jestime que tous les experts ont aidé la Cour. Cependant, je ne suis pas prête à adjuger de dépens au titre dexperts qui nont pas comparu à linstruction.

 

Je suis également disposée à permettre le recouvrement de frais au titre des services des experts qui ont aidé les avocats à examiner et à comprendre les rapports dautres experts, à se préparer au contre‑interrogatoire des experts de la partie adverse et, le cas échéant, à se préparer à la communication de documents. Les frais relatifs à la présence à linstruction ne peuvent être recouvrés que si lexpert était présent pour entendre le témoignage dun expert de la partie adverse, dont le rapport et le témoignage répondaient à son propre rapport dexpert ou concernaient des questions examinées dans celui‑ci. [Non souligné dans l’original.]

 

[42]           Aux paragraphes 21 et 22 d’Adir, la Cour a statué :

Je ne suis pas disposée à limiter le remboursement des honoraires des experts comme me le demande Apotex. J’estime justifiable toute assistance fournie par un expert dans son domaine de spécialité. Cette aide comprend le fait d’aider les avocats à examiner et à comprendre les rapports d’expert de la partie adverse, de même qu’à se préparer au contre-interrogatoire. La participation des avocats sera nécessaire tant que les experts ne pourront pas s’interroger ouvertement entre eux sur leurs rapports lors de l’instruction de l’instance. Et ce n'est qu'en ayant recours à l'aide des experts que les avocats pourront agir valablement à titre d'intermédiaires. Il y a lieu d’accorder le recouvrement des honoraires raisonnables réclamés par les experts qui se sont présentés au procès pour offrir ce service.

 

Le remboursement des honoraires d’experts qui n’ont pas témoigné au procès pose davantage problème. J’ignore à combien d’experts on a fait appel ou si leurs rapports intéressaient les questions en litige. Je n’autoriserai pas le recouvrement des honoraires d’experts qui n’ont pas été appelés à témoigner au procès. [Non souligné dans l’original.]

 

[43]           En faisant référence à ces décisions, il est clair que la Cour, dans la décision Eurocopter, envisageait que les experts ayant assisté « les avocats dans l’examen et l’interprétation des opinions d’experts » seraient les mêmes que ceux qui ont ensuite comparu à l’instruction pour traiter de questions figurant dans leur propre rapport. Tirer une conclusion différente serait incompatible avec les décisions Sanofi-Aventis et Adir, où la Cour a conclu qu’elle n’était « pas prête à adjuger de dépens au titre d’experts qui n’ont pas comparu à l’instruction ».

 

[44]           À ce stade-ci, il est important de signaler qu’il a été conclu que, dans les situations où l’on entend appeler un expert, mais que, à cause des circonstances de l’affaire en question, cet expert n’est pas appelé en fin de compte à témoigner, les honoraires d’experts, y compris le fait d’aider les avocats à examiner et à comprendre les opinions d’autres experts, peuvent être autorisés. (Voir : Merck & Co, au paragraphe 40, Mercury Launch, aux paragraphes 17 et 41, et Fournier Pharma, aux paragraphes 9 et 28)

 

[45]           Dans cette optique, je conclus que l’interprétation que fait l’avocat de Roche est viciée à cause d’une erreur d’interprétation des mots  « experts […] qui ont comparu à l’instruction ou qui ont aidé les avocats » (non souligné dans l’original). L’avocat de Roche a jugé que cela laissait entendre que les frais d’experts étaient recouvrables si le service fourni correspondait à l’une ou l’autre des situations mentionnées. Contrairement à cette interprétation, je conclus que l’emploi de la conjonction « ou » vise la situation mentionnée plus tôt, dans laquelle une partie entendait appeler un expert et ce dernier n’a pas été appelé en fin de compte à témoigner, mais les services fournis avant l’audience sont admissibles. De plus, si la Cour avait utilisé la conjonction « et » dans Eurocopter, cela aurait donné lieu à la situation dans laquelle un expert serait obligé de comparaître au procès et d’aider les avocats pour qu’il soit justifié de recouvrer les dépens. Cela aurait créé une situation par trop restrictive, ne concordant pas avec la jurisprudence (voir la décision Apotex c Wellcome (précitée)).

 

[46]           Compte tenu de ce qui précède, l’avocat de Roche n’a présenté aucune preuve indiquant qu’il était prévu d’appeler MM. Eugui, Williams III ou Pankiewicz à titre de témoins experts. Il n’existe aucune preuve que l’un quelconque des consultants techniques a préparé un affidavit, ni qu’il était envisagé que ces trois hommes établissent un affidavit d’expert. Dans ces circonstances, je conclus que les demandes relatives à MM. Eugui, Williams III et Pankiewicz ne satisfont pas aux exigences énoncées dans les décisions Eurocopter, Sanofi-Aventis et Adir. De ce fait, les demandes relatives à ces trois personnes ne sont pas accordées.

 

M. Allison et M. Lee

[47]           Pour ce qui est de MM. Allison et Lee, l’avocat de Roche soutient qu’en raison du nombre et de la complexité des questions en litige, il était justifié de retenir leurs services et d’utiliser leur expertise à l’appui de la demande. Au paragraphe 42 des observations écrites principales de Roche, l’avocat soutient :

[traduction] […] au moment d’analyser si l’intention était évidente, le juge du procès s’est fondé […] sur la preuve factuelle que deux des coinventeurs ont fournie. Plus précisément, M. Lee a montré qu’il avait fallu faire de longs efforts pour arriver à l’invention, dont des recherches sur plus d’une centaine d’analogues d’AMP. Dans le même ordre d’idées, les travaux de M. Allison ont été cités, et le juge O’Reilly a fait remarquer que le processus suivi pour arriver à l’invention avait duré plus de cinq ans.

 

[48]           Au paragraphe 39 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient que les demandes relatives à MM. Allison et Lee sont injustifiées, car ces deux spécialistes n’ont pas été présentés en tant que témoins experts, mais plutôt en tant que témoins de fait, pour parler de la présumée invention en litige. Il ajoute que les dépens associés à ces deux spécialistes à titre de témoins de fait devraient être réduits à zéro ou, à tout le moins, à un taux symbolique afin de tenir compte des déboursés raisonnables facturés par les témoins.

 

[49]           Dans les observations écrites que Roche a déposées en réponse, l’avocat soutient que les dépens relatifs aux témoins de fait sont recouvrables et que MM. Allison et Lee ont fourni une expertise qui s’est révélée utile au juge pour conclure que l’invention n’était pas évidente. Il ajoute que MM. Allison et Lee étaient les personnes les mieux placées pour fournir une preuve sur la mise au point de l’invention et que leurs dépens devraient être recouvrables. À l’appui de cet argument, l’avocat fait référence à la décision Wenzel Downhole Toold Ltd c National-Oilwell Canada Ltd, 2011 CF 1323 [Wenzel], au paragraphe 218.

 

[50]           Il est évident que Roche présente des demandes pour M. Allison et M. Lee en tant que témoins de fait. Dans la décision Wenzel, la Cour a statué :

Les demandeurs soutiennent que les défendeurs ne devraient pas se voir accorder les frais de leur témoin expert, M. Finnie, et de leur témoin des faits, M. Kanak. Je ne suis pas d’accord. L’expertise de M. Finnie dans le domaine des médias numériques a été utile pour établir la genèse du palier 3103, une question qui était, dans une large mesure, essentielle à mes conclusions en l’espèce. La preuve factuelle de M. Kanak portait sur une question en litige. Même si la preuve de M. Kanak n’était pas nécessaire au bout du compte, les parties ne pouvaient pas le savoir lorsqu’il a comparu pour témoigner. Eu égard aux circonstances, les frais applicables de ces deux témoins devraient être recouvrables.

 

[51]           Bien qu’il soit évident que, dans la décision Wenzel, la Cour a exercé son pouvoir discrétionnaire en autorisant des dépens pour un témoin de fait, les officiers taxateurs ne sont pas membres de la Cour. Dans la décision Balisky c. Canada [2004] A.C.F. no 536, au paragraphe 6, l’officier taxateur déclare :

Le paragraphe 400(1), qui confère à la Cour entière discrétion pour l'adjudication des dépens, signifie que les ordonnances et les jugements doivent contenir des instructions apparentes quant aux dépens adjugés. Compte tenu de l'article 3 et du paragraphe 5(1) de la Loi sur les Cours fédérales qui définissent la Cour et de l'article 2 des Règles de la Cour fédérale (1998) qui donne la définition d'un officier taxateur, l'absence d'exercice de ce pouvoir discrétionnaire par la Cour me laisse sans compétence pour procéder à la taxation des dépens en vertu de l'article 405 des Règles.

 

[52]           En l’espèce, la Cour n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire pour adjuger des dépens en faveur de témoins des faits, comme cela a été le cas dans l’affaire Wenzel. De plus, dans Halford, au paragraphe 103, il a été conclu :

Je reconnais toutefois qu’il y a eu un changement de situation qui a débouché sur la participation de ces témoins des faits, respectés pour leurs connaissances spécialisées dans ce domaine particulier, et qui a fait de la préparation de leur témoignage potentiel une mesure prudente et pertinente. Je suis absolument convaincu que s’il n’avait pas persuadé ces personnes de témoigner en payant leur temps, l’avocat des défendeurs Seed Hawk n’aurait pas réussi à les faire venir dans notre pays. Cela dit, indépendamment de ce que je pense être mon opinion sur l’étendue de ma compétence ou de mon pouvoir discrétionnaire suivant divers précédents, ou malgré la disposition réparatrice prévue à l’article 12 de la Loi d’interprétation, j’estime que les dispositions des tarifs qui ont été invoquées devant moi me permettent de passer outre à l’application et aux limites du paragraphe 3(1) du tarif A concernant les témoins des faits, c’est-à-dire en autorisant les dépenses, contractuelles ou autres, relatives au temps qu’ils ont consacré à l’affaire. De plus, ma décision de limiter ces dépenses aux frais qui sont accordés aux témoins (l’allocation du Manitoba) n’a pas été influencée par ce que certains pourraient considérer comme une façon de leur part de profiter des circonstances; c’est tout simplement que cette question ne relève pas de ma compétence.

 

[53]           Conformément à la décision Halford, je conclus que le montant maximal qu’autorise le paragraphe 3(1) du tarif A des Règles des Cours fédérales est celui qu’autorise le tarif A des Règles de procédure civile de la province de l’Ontario, soit 50 $ par jour de présence nécessaire à l’audience, plus des frais de déplacement raisonnables. Cependant, étant donné que MM. Allison et Lee ont produit une preuve par affidavit et n’ont pas comparu à l’audience pour témoigner de vive voix devant la Cour, je conclus qu’il m’est impossible de faire droit à l’un quelconque des débours demandés pour les services qu’ils ont fournis. De ce fait, les demandes relatives à MM. Allison et Lee ne sont pas accordées.

 

[54]           Roche a réclamé la somme de 87 100,31 $ au titre des frais de déplacement. À l’appui de cette demande, l’avocat de Roche soutient qu’il faudrait faire droit aux frais de déplacement qui s’appliquent au second avocat en raison du volume et de la complexité technique du travail que l’instance a représentés. Apotex ne dit rien à propos des frais de déplacement du second avocat, mais son avocat est d’avis qu’il faudrait rejeter les demandes relatives aux boissons alcoolisées, aux films loués dans les chambres d’hôtel, au café dans les aéroports, aux voitures de location et aux places de stationnement lors des déplacements, ainsi qu’aux repas somptueux justifiés par un simple reçu de carte de crédit, sans ventilation aucune de leur contenu.

 

[55]           Il est signalé qu’Apotex n’a contesté aucun des déplacements que les avocats ont effectués, ni le fait qu’ils étaient deux. Pour ce qui est des observations d’Apotex, j’ai passé en revue les reçus pour frais de déplacement inclus dans l’affidavit d’Erin McIntomny et je conclus qu’il est arrivé à plusieurs reprises que l’on inclue des boissons alcoolisées dans les repas. J’ai également trouvé plusieurs reçus concernant des [traduction] « repas somptueux » qui ne comportaient aucune ventilation de leur contenu. De plus, il n’existe aucune preuve concernant les personnes qui étaient présentes aux repas. Ce fait est préoccupant, car il a été conclu que les frais de déplacement et de repas des clients ne sont pas recouvrables (voir : Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd, 2006 CF 1333, au paragraphe 24, Allied Signal Inc. c. Dopont Canada Inc. (1998), 81 C.P.R. (3rd) 129, au paragraphe 111, ainsi que Bayer AG c Novopharm Ltd, 2009 CF 1230, aux paragraphes 77 et 78). Comme on ne peut pas demander le recouvrement des frais liés aux boissons alcoolisées et aux déplacements des clients et que les éléments de preuve que Roche a fournis manquent de détails, je me reporte à l’arrêt Merck & Co c Apotex Inc, 2008 CAF 371, au paragraphe 14, où la Cour d’appel a conclu :

Compte tenu de la documentation limitée dont disposent les officiers taxateurs, la question de savoir quelles dépenses sont raisonnables est souvent tranchée sommairement, ce qui laisse forcément aux officiers taxateurs une large marge d’appréciation discrétionnaire. Tout comme les officiers dans d’autres décisions récentes, l’officier taxateur dans une affaire complexe comme celle-ci, où des sommes très importantes sont en jeu, a pleinement motivé sa décision sur la base d’un examen minutieux de la preuve dont il disposait et des principes généraux du droit applicable.

 

Au vu des éléments de preuve qui m’ont été soumis, et conformément à l’approche qui a été suivie dans les décisions Merck & Co, Nature’s Path Foods et Halford, il est raisonnable selon moi de réduire le montant réclamé au titre des déplacements de façon à ne pas rembourser des dépenses qui ne sont pas réclamées à juste titre ou que la preuve n’étaye pas. De ce fait, pour les motifs qui précèdent, le montant réclamé au titre des déplacements est accordé à hauteur de 84 500 $.

 

[56]           Quant aux débours restants, il est utile selon moi de réitérer ici le paragraphe 14 de l’affidavit d’Erin McIntomny :

[traduction] J’ai déterminé la valeur des frais relatifs à Quicklaw et à Westlaw, ainsi que des frais de messagerie, de huissier, de photocopie (à l’interne et à l’externe), de reliure, d’antériorité, de télécopie et d’interurbain en examinant, dans notre système de comptabilité, le montant total qui a été facturé au client pour chaque type de débours.

 

[57]           Au paragraphe 42 des observations écrites d’Apotex, l’avocat soutient :

[traduction] Roche sollicite le remboursement de la somme de 21 852,26 $ pour des photocopies, des transcriptions, des télécopies, des huissiers, des frais d’interurbain, des frais de reliure et des frais de services informatiques. Roche n’a fourni aucune preuve concernant l’objet de ces frais ou la raison pour laquelle ils ont été engagés. Roche n’a produit aucune facture (et encore moins une explication) pour l’ensemble de ces frais. Fait surprenant, Roche a décidé de ne pas produire de factures en preuve, même pour les éléments pour lesquels il devrait y avoir un reçu. À défaut de tout document justificatif permettant d’établir que ces frais ont bel et bien été engagés et payés par Roche, et à défaut de toute preuve de la nécessité et du caractère raisonnable de ces frais, les demandes de cette nature ne devraient pas être retenues.

 

[58]           En guise de réponse, au paragraphe 16 des observations écrites que Roche a déposées en réponse, l’avocat soutient que les frais relatifs aux photocopies, aux transcriptions, aux télécopies, aux huissiers, aux frais d’interurbain, aux frais de reliure et aux frais des services informatiques sont raisonnables et caractéristiques dans un litige complexe en matière de brevets. Il soutient que dans une affaire de cette nature il ne faudrait pas rejeter les débours relatifs à des dépenses courantes.

 

[59]           Pour ce qui est de la demande relative aux transcriptions, j’ai passé en revue l’affidavit d’Erin McIntomny et j’ai pu confirmer que Roche a fourni des factures pour toutes les transcriptions réclamées, sauf deux. Cependant, j’ai examiné le dossier de demande de Roche et j’ai pu confirmer que les transcriptions pour lesquelles aucune facture n’avait été fournie étaient incluses dans le dossier. De ce fait, la demande relative aux transcriptions est accordée telle quelle, soit la somme de 6 086,55 $.

 

[60]           Roche réclame la somme de 1 288,86 $ pour des frais lies à Quicklaw et à Westlaw. La seule preuve fournie est la déclaration faite au paragraphe 14 de l’affidavit d’Erin McIntomny. L’avocat n’a pas fourni de copie d’un imprimé du système comptable auquel fait référence Mme McIntomny. Dans la décision Truehope Nutritional Support Ltd c Canada (Procureur général), 2013 CF 1153, à partir du paragraphe 122, figure une analyse détaillée de la jurisprudence relative aux recherches faites par voie électronique. Au paragraphe 124, cette analyse se termine par les commentaires suivants :

[traduction] Il semble ressortir de la jurisprudence présentée une tendance à restreindre ou à supprimer les sommes allouées pour les recherches informatiques faites par voie électronique. Même si les tribunaux ont relevé des circonstances dans lesquelles on peut considérer que ce type de recherches fait partie des frais généraux et n’est pas un débours nécessaire à inclure dans une taxation entre parties, je conclus qu’il y a encore des situations dans lesquelles il peut s’agir d’une demande justifiable. Comme il a été conclu dans Aram Systems Ltd c Novatel Inc (précitée), je considère que les débours qui sont faits dans le cadre de recherches juridiques par voie électronique sont semblables à ceux que l’on faits pour des travaux de photocopie. Cependant, conformément à Janssen Inc c Teva (précitée), je conclus qu’il est également nécessaire de prouver que les recherches sont pertinentes. De plus, étant donné que les frais relatifs aux recherches menées par voie électronique peuvent s’accumuler, il est essentiel de justifier les frais de cette nature que l’on réclame.

 

Ensuite, au paragraphe 128 de la décision Truehope, la Cour conclut qu’étant donné que les intimés n’avaient pas fourni de preuves de pertinence et de nécessité, les recherches faites par voie électronique n’étaient pas admissibles. Dans le même ordre d’idées, étant donné que Roche n’a pas fourni de preuves, il est impossible d’arriver à une conclusion au sujet de la pertinence ou de la nécessité des recherches faites par voie électronique. Cela étant, les frais liés à Quicklaw et à Westlaw qui sont réclamés ne sont pas accordés.

 

[61]           Quant aux frais de messageries, de huissier, de reliure, de télécopie et d’interurbain, on ne m’a soumis aucune preuve, hormis le paragraphe 14 de l’affidavit d’Erin McIntomny. Il est donc impossible d’arriver à une conclusion sur la nécessité de ces frais, car il n’existe aucune preuve au sujet de l’étape de l’instance à laquelle ces frais se rapportent. Je conclus qu’il ne suffit pas de dire tout simplement que ces frais ont été engagés, car il y a des étapes pour lesquelles aucuns frais n’ont été accordés. En revanche, même si Roche n’a fourni aucun détail sur ces débours, il ressort clairement du dossier de la Cour que l’on aurait engagé des dépenses au cours du litige. Je ferai donc droit aux frais de messagerie, de huissier, de reliure, de télécopie et d’interurbain, à hauteur d’un montant forfaitaire total de 500 $.

 

[62]           Roche réclame la somme de 12 296,65 $ pour des photocopies produites à l’interne, c’est-à-dire au cabinet d’avocats, ainsi que la somme de 3 611,27 $ pour des photocopies produites par un fournisseur externe. Aucune justification ou facture n’a été fournie à cet égard, mais j’ai passé en revue le dossier de la Cour et il est évident qu’il a fallu effectuer une grande quantité de travaux de photocopie au cours de l’instance. Conformément aux décisions Merck & Co et Nature’s Path Foods, le montant demandé au titre des photocopies est accordé, soit un montant total de 10 000 $.

 

[63]           Comme les sommes demandées pour les services de sténographie judiciaire, les frais de greffe et l’art antérieur n’ont fait l’objet d’aucune opposition, ils sont accordés tels quels.

 

[64]           La dernière observation d’Apotex a trait à la TVH. Au paragraphe 43 des observations écrites, l’avocat soutient que la TVH ne devrait s’appliquer qu’aux services à taxer après le mois de juillet 2010, soit la date d’entrée en vigueur de la TVH. Roche ne formule aucune observation à ce sujet.

 

[65]           J’ai confirmé que la TVH est entrée en vigueur en juillet 2010; de ce fait, la demande de Roche concernant la TVH sera rajustée en ce sens.

 

[66]           Enfin, étant donné qu’Apotex n’a formulé aucune observation quant aux intérêts postérieurs au jugement, ces derniers sont accordés comme Roche le demande, depuis la date du jugement jusqu’à la date du paiement.


Pour les motifs qui précèdent, le mémoire de dépens de Roche est taxé et accordé au montant de 302 177,96 $, plus des intérêts postérieurs au jugement au taux de 5 %, depuis le 13 juillet 2011 jusqu’à la date du paiement. Un certificat de taxation sera délivré.

 

 

« Bruce Preston »

Officier taxateur

 

Toronto (Ontario)

Le 18 décembre 2013

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T-1165-09

 

INTITULÉ :                                                  HOFFMANN-LA ROCHE LIMITED
c APOTEX INC. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ
c ROCHE PALO ALTO LLC

 

TAXATION SUR DOSSIER SANS COMPARUTION PERSONNELLE DES PARTIES

 

LIEU DE TAXATION :                              Toronto (Ontario)

 

MOTIFS :                                                      Bruce Preston, officier taxateur

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 18 décembre 2013

 

COMPARUTIONS :

Anthony Creber/

John Norman/

Alexander Gloor

 

H. B. Radomski/

David E. Lederman

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE
APOTEX INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling LaFleur Hendrson LLP

Ottawa (Ontario)

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE
APOTEX INC.

 

 

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