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Cour fédérale

 

Federal Court

Date: 20131129

Dossier : T-290-13

Référence : 2013 CF 1199

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Roy

 

ENTRE :

DOMAINES PINNACLE INC.

Demanderesse/

Défenderesse reconventionnelle

 

et

 

 

BEAM INC.

et

BEAM CANADA INC.

Défenderesses/

Demanderesses reconventionnelles

 

et

 

WHITE ROCK DISTILLERIES, INC.

Défenderesse

 

et

 

JIM BEAM BRANDS CO.

Demanderesse reconventionnelle

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Marques Constellation Quebec Inc., Constellation Brands Canada Inc., Franciscan Vineyards Inc. et Constellation Brands Inc. proposent d’intervenir dans le litige opposant les parties apparaissant à l’intitulé. Telle intervention requiert autorisation de la Cour en vertu de la Règle 109 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles).

 

[2]               Monsieur le protonotaire Morneau rendait une ordonnance le 18 octobre dernier en vertu de laquelle il rejetait la demande de diverses corporations, auxquelles il sera fait référence collectivement comme étant le « Groupe Constellation », afin d’intervenir, avec essentiellement tous les droits d’une partie, à l’action intentée par Domaines Pinnacle Inc. contre les défenderesses Beam Inc. et Beam Canada Inc., de même que White Rock Distilleries, Inc. Le Groupe Constellation en appelle de ce refus aux termes de la Règle 51 des Règles.

 

[3]               Beam Inc., Beam Canada Inc. et la demanderesse reconventionnelle Jim Beam Brands Co. (ci-après collectivement présentées comme « Beam ») s’objectent fermement à l’intervention du Groupe Constellation, comme le fait d’ailleurs la demanderesse Domaines Pinnacle Inc. White Rock Distilleries, Inc. n’a pas pris position sur cette question devant le protonotaire et ne l’a pas fait davantage devant cette Cour. Puisque je partage l’avis du protonotaire, je me dois de rejeter cet appel.

 

[4]               De nombreux recours judiciaires ont présentement cours entre Domaines Pinnacle Inc. et le Groupe Constellation. Le protonotaire Morneau y a référé dans ses Motifs de l’ordonnance. Je ne crois pas qu’il soit absolument nécessaire pour disposer de la présente demande en intervention d’y référer. Que l’on sache seulement que ces débats ont un dénominateur commun et tournent tous, d’une manière ou d’une autre, autour des marques de commerce utilisées par la demanderesse et le Groupe Constellation. Mais là s’arrête l’aspect communal.

[5]               À mon sens, la requête en intervention en vertu de la règle 109 des Règles doit être examinée en fonction de l’action qui a été entreprise. Il s’agit là du point de départ. C’est l’alinéa 109(2)b) des Règles qui trouve application. Il se lit ainsi :

  109. (2) L’avis d’une requête présentée pour obtenir l’autorisation d’intervenir :

b) explique de quelle manière la personne désire participer à l’instance et en quoi sa participation aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance.

 

  109. (2) Notice of a motion under subsection (1) shall

(b) describe how the proposed intervener wishes to participate in the proceeding and how that participation will assist the determination of a factual or legal issue related to the proceeding.

 

 

[6]               Comme on le verra, les questions qui sont maintenant devant la Cour sont circonscrites, et elles sont circonscrites à la plainte que fait la demanderesse contre les activités commerciales des défenderesses. Ce litige n’a pas la portée que veut lui donner les intervenantes proposées.

 

[7]               Ainsi, avec égards, je ne crois pas que les intervenantes proposées, le Groupe Constellation, aient réussi à expliquer en quoi leur participation aidera (“will assist”) à la prise d’une décision. De fait, tout bien considéré, le Groupe Constellation plaide davantage, pour ses intérêts, que sa présence est nécessaire pour assurer l’instruction complète et le règlement des questions en litige dans la présente affaire. Il s’agit là du test que l’on retrouve à la règle 104 des Règles.

 

[8]               Mais dans l’un et l’autre cas, que ce soit la règle 109 ou la règle 104, encore faut-il que les intervenantes proposées ait quelque chose à offrir qui puisse avoir à faire au litige entre les parties. Ici, tant Domaines Pinnacle Inc. que Beam s’entendent pour dire que la présence du Groupe Constellation ne portera aucune assistance. J’en conviens.

 

[9]               Cette Cour doit évidemment prendre l’action dans sa forme amendée. Dans sa forme originale, il eut été peut-être possible de prétendre que Groupe Constellation avait non seulement un intérêt quelconque mais que sa présence aurait pu assister le tribunal. Mais tel n’est plus le cas.

 

[10]           L’action intentée par Domaines Pinnacle Inc. en est une aux paramètres étroits. Ces paramètres en sont déterminés et limités par les conclusions qui sont recherchées. Je reproduis ici les paragraphes 42, 43 et 44 du Statement of Claim tel qu’amendé le 29 août 2013 :

H) CONCLUSION

 

42.     The Plaintiff submits that there is confusion between the “Domaine Pinnacle” trade-mark and the “Pinnacle” trade-mark;

 

43.     The Plaintiff submits that the Defendants actions aforesaid constitutes (sic) unfair competition and an act of infringement of its unregistered trade-mark contrary to sections 7b) and 7c) of the Trade-marks Act;

 

44.     For these reasons, the Plaintiff asks this Court to order the Defendants to immediately cease to, directly or indirectly, offer for sale, market, advertise or publicize, distribute and/or sell, any of its PINNACLE vodkas or other alcoholic products in Canada or to otherwise infringe the Plaintiff’s trade-mark “Domaine Pinnacle”;

 

 

 

[11]           Les remèdes recherchés sont de la même nature et, en plus, la demanderesse demande que les défenderesses « disgorge these profits to the Plaintiff ». Le litige tel qu’engagé est exclusivement entre les parties qui sont parfaitement au faîte des faits et du droit. Il ne s’agit donc que d’une action prise par une demanderesse qui prétend que l’achalandage qu’elle a créé grâce à la marque de commerce qu’elle utilise depuis un certain temps profite indûment à une entreprise qui veut commercialiser un produit, de la vodka et éventuellement du gin, en utilisant la marque PINNACLE. Ce dont il s’agit c’est de la confusion, tel qu’allégué par Domaines Pinnacle Inc. de sa marque « Domaine Pinnacle » avec celle qu’utilise Beam. Comme le dit expressément Domaines Pinnacle Inc. au paragraphe 35 de son Amended Statement of Claim :

35.     As will be more fully described below, there is actual and likelihood of confusion between Defendants’ “Pinnacle” branded vodkas, and Plaintiff’s “Domaine Pinnacle” branded alcoholic products;

 

 

 

[12]           Ce dont il est question ici est de l’utilisation de la marque de commerce par Domaines Pinnacle Inc. pour développer un achalandage, pas de son enregistrement. Ce sera son fardeau, au procès, que de démontrer que tel achalandage a été créé, que le public a été trompé par ce qui aura été démontré comme étant une représentation trompeuse et que des dommages qui peuvent être quantifiés, qu’ils soient actuels ou possibles, ont été subis.

 

[13]           L’action entreprise en l’espèce est fondée sur les paragraphes 7b) et 7c) de la Loi sur les marques de commerce, LRC (1985), ch T-13. Cela n’a rien à voir avec l’enregistrement de la marque de commerce réclamé par Domaines Pinnacle Inc. qui donne un privilège particulier à celui qui en est le détenteur. Il s’agit là, à mon avis, d’un recours judiciaire très ciblé et qui n’implique en aucune façon le Groupe Constellation. L’opposition du Groupe Constellation devant le Registraire des marques de commerce a d’ailleurs échoué le 16 septembre 2013 et l’affaire a été portée devant cette Cour. Cela n’a rien à voir non plus avec des procédures en homologation d’une entente alléguée entre la demanderesse et les intervenantes proposées. Domaines Pinnacle Inc., la demanderesse, ne se réclame que de la confusion qui est créée, dit-elle, par Beam and White Rock Distilleries, Inc. lorsqu’ils commercialisent leur vodka en utilisant le mot « Pinnacle ». Ce sera au juge du procès de déterminer s’il y a telle confusion et s’il y a « passing off ». Je reproduis les paragraphes en question de la Loi sur les marques de commerce pour en faciliter la consultation :

  7. Nul ne peut :

[…]

b) appeler l’attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu’il a commencé à y appeler ainsi l’attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d’un autre;

c) faire passer d’autres marchandises ou services pour ceux qui sont commandés ou demandés;

 

  7. No person shall

[…]

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;

(c) pass off other wares or services as and for those ordered or requested;

 

 

 

[14]           Les intervenantes proposées n’ont pas convaincu le protonotaire Morneau de l’assistance qu’elles pourraient fournir au tribunal si on leur permettait de se joindre au débat. Tel était leur fardeau. Je ne suis pas davantage convaincu. L’action entreprise entre les parties en est une ciblée qui implique uniquement la marque de Domaines Pinnacle Inc. C’est de cette confusion et de ce « passing off » dont il est exclusivement question.

 

[15]           Groupe Constellation a fait grand état à l’audience du paragraphe 36 du Amended Statement of Claim. Il se lit ainsi :

36.     The Plaintiff has a common law right to the exclusive use of any brand comprising the word “Pinnacle” in association with ciders and spirits;

 

 

 

[16]           À mon sens, les paramètres de l’action intentée se trouvent ailleurs qu’au paragraphe 36. Ils sont aux paragraphes 42 à 44 que j’ai d’ailleurs déjà reproduits. Les éléments essentiels de l’action intentée sont ceux que j’ai décrits au paragraphe 12. La demanderesse n’a pas contesté cette question et a endossé l’argumentaire présenté par Beam. Ainsi, la demanderesse et les défenderesses sont d’accord.

[17]           Je conclus donc que l’appel de l’ordonnance rendue par le protonotaire Morneau le 18 octobre dernier doit être rejeté. À mon sens, il ne fait pas de doute que les intervenantes proposées ne peuvent assister la Cour et, de toute façon, cette démonstration de leur part n’a pas été faite ni dans leurs représentations écrites ni lors de la plaidoirie, par ailleurs bien articulée de ses avocats.

 

[18]           Les parties ont convenu qu’elles pourront faire des observations sur la question des dépens par écrit. Je compte recevoir ces représentations pas plus tard que dix (10) jours après l’émission de la présente ordonnance et des motifs qui la soutiennent.


 

ORDONNANCE

 

La requête en appel de l’ordonnance rendue par Me Richard Morneau le 18 octobre 2013 en vertu de laquelle il rejetait la demande de diverses corporations afin d’intervenir, avec essentiellement tous les droits d’une partie, à l’action intentée par Domaines Pinnacle Inc. contre les défenderesses Beam Inc., Beam Canada Inc. et White Rock Distilleries, Inc., est rejetée.

 

Les parties ont convenu qu’elles pourront faire des observations sur la question des dépens par écrit dans les dix (10) jours après l’émission de la présente ordonnance.

 

 

 

                                                                                                                    « Yvan Roy »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-290-13

 

INTITULÉ :                                      DOMAINES PINNACLE INC. c. BEAM INC. et BEAM CANADA INC. et WHITE ROCK DISTILLERIES, INC. et JIM BEAM BRANDS CO.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 novembre 2013

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 29 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rachid Benmokrane

 

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

François Guay

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES BEAM INC. et BEAM CANADA INC.

et

POUR LA DEMANDERESSE RECONVEN-TIONNELLE JIM BEAM BRANDS CO.

 

Mortimer Freiheit

et

Bruno Barrette

 

POUR LES INTERVENANTES PROPOSÉES MARQUES CONSTELLATION QUEBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., FRANCISCAN VINEYARDS INC.

et CONSTELLATION BRANDS INC.

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Brouillette & Associés, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

POUR LES DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES BEAM INC. et BEAM CANADA INC.

et

POUR LA DEMANDERESSE RECONVEN-

TIONNELLE JIM BEAM BRANDS CO.

 

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

WHITE ROCK DISTILLERIES, INC.

 

 

Freiheit Legal Inc.

Montréal (Québec)

 

et

 

Barrette Legal Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LES INTERVENANTES PROPOSÉES MARQUES CONSTELLATION QUEBEC INC., CONSTELLATION BRANDS CANADA INC., FRANCISCAN VINEYARDS INC.

et CONSTELLATION BRANDS INC.

 

 

 

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