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Date : 20131018


Dossier :

T-290-13

 

Référence : 2013 CF 1051

Montréal (Québec), le 18 octobre 2013

En présence de Me Richard  Morneau, protonotaire

 

ENTRE :

DOMAINES PINNACLE INC.

 

demanderesse/défenderesse reconventionnelle

et

BEAM INC.

et

BEAM CANADA INC.

 

défenderesses/demanderesses reconventionnelles

 

et

WHITE ROCK DISTILLERIES INC.

 

défenderesse

et

JIM BEAM BRANDS CO.

 

demanderesse reconventionnelle

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Vu la lecture des dossiers déposés et l’audition des procureurs relativement à une requête de diverses corporations (ci-après collectivement le Groupe Constellation) afin que ledit groupe soit autorisé en vertu de la règle 109 des Règles des Cours fédérales (les règles) à intervenir, avec essentiellement tous les droits d’une partie, à l’action en concurrence déloyale pour délit de substitution entreprise par la demanderesse.

 

[2]               Cette dernière ainsi que les défenderesses et demanderesses reconventionnelles Beam Inc., Beam Canada Inc. et la demanderesse reconventionnelle Jim Beam Brands Co. (ci-après collectivement les défenderesses Beam) s’opposent à cette intervention.

 

[3]               La défenderesse White Rock Distilleries Inc. ne prend pas position sur la requête à l’étude.

 

[4]               Outre le présent dossier en Cour fédérale, la demanderesse est présentement impliquée devant d’autres instances dans différents litiges touchant la marque de commerce « Pinnacle » (parfois la Marque).

 

[5]               Le tableau ci-dessous donne un aperçu de l’ensemble de ces litiges et des parties y impliquées :

 

 

               No dossier

Parties

Recours

# 1

500-17-073133-129

(Cour supérieure)

 

Demanderesse c le Groupe Constellation

Homologation d’une transaction concernant une cession de droit touchant la Marque

# 2

500-17-075052-129

(Cour supérieure)

Demanderesse c Défenderesses Beam

Injonction pour empêcher l’utilisation de la Marque au Québec (suspendue en attendant une décision de la Cour fédérale)

# 3

2013 COMC 153

(Commission des oppositions des marques de commerce)

le Groupe Constellation c Demanderesse

Opposition à un enregistrement touchant la Marque

# 4

Présent dossier en Cour fédérale

T‑290‑13

Demanderesse c Défenderesses Beam et White Rock Distilleries Inc.

Recours en commercialisation trompeuse

 

[6]               En raison vraisemblablement du fait que la déclaration d’action initiale de la demanderesse ici en Cour fédérale contenait des allégations touchant les recours #1 et #3 identifiés ci-haut, le Groupe Constellation a déposé le 22 août 2013 un dossier de requête en intervention au présent dossier.

 

[7]               Toutefois, le 29 août 2013, la demanderesse a amendé sa déclaration d’action en retirant tous les allégués touchant les recours #1 et #3 (les allégations retirées).

 

[8]               Le Groupe Constellation a cependant maintenu sa requête en l’amendant pour tenir compte de ces modifications.

 

Analyse

[9]               La règle 109 se lit comme suit :

109. (1) La Cour peut, sur requête, autoriser toute personne à intervenir dans une instance.

 

(2) L’avis d’une requête présentée pour obtenir l’autorisation d’intervenir :

 

a) précise les nom et adresse de la personne qui désire intervenir et ceux de son avocat, le cas échéant;

 

 

b) explique de quelle manière la personne désire participer à l’instance et en quoi sa participation aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance.

 

(3) La Cour assortit l’autorisation d’intervenir de directives concernant :

 

a) la signification de documents;

 

b) le rôle de l’intervenant, notamment en ce qui concerne les dépens, les droits d’appel et toute autre question relative à la procédure à suivre.

 

[Je souligne.]

109. (1) The Court may, on motion, grant leave to any person to intervene in a proceeding.

 

(2) Notice of a motion under subsection (1) shall

 

 

(a) set out the full name and address of the proposed intervener and of any solicitor acting for the proposed intervener; and

 

(b) describe how the proposed intervener wishes to participate in the proceeding and how that participation will assist the determination of a factual or legal issue related to the proceeding.

 

(3) In granting a motion under subsection (1), the Court shall give directions regarding

 

(a) the service of documents; and

 

(b) the role of the intervener, including costs, rights of appeal and any other matters relating to the procedure to be followed by the intervener.

 

[Emphasis added.]

 

[10]           Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (Division du transport aérien) c Lignes aériennes Canadien International Ltée, [2000] ACF no 220 (l’arrêt CUPE), la Cour d’appel fédérale a rappelé aux paragraphes 8 et 9 les facteurs pertinents devant servir à l’évaluation de toute demande d’intervention :

 

8          On peut raisonnablement présumer que pour accorder l’autorisation d’intervenir, la juge des requêtes a dû considérer les facteurs suivants, qui ont été énoncés à la fois par les appelantes et par l’AFPC comme étant pertinents en l’instance :

 

                                                          i.                   La personne qui se propose d’intervenir est-elle directement touchée par l’issue du litige?

 

                                                        ii.                   Y a-t-il une question qui est de la compétence des tribunaux ainsi qu’un véritable intérêt public?

 

                                                      iii.                   S’agit-il d’un cas où il semble n’y avoir aucun autre moyen raisonnable ou efficace de soumettre la question à la Cour?

 

                                                      iv.                   La position de la personne qui se propose d’intervenir est-elle défendue adéquatement par l’une des parties au litige?

 

                                                        v.                   L’intérêt de la justice sera-t-il mieux servi si l’intervention demandée est autorisée?

 

                                                      vi.                   La Cour peut-elle entendre l’affaire et statuer sur le fond sans autoriser l’intervention?

 

9          La juge devait aussi avoir eu à l’esprit l’article 109 des Règles de la Cour fédérale de 1998, plus spécifiquement son paragraphe 2, qui fait que l’AFPC devait expliquer, dans sa requête, comment sa participation » … aidera à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapport à l’instance ».

 

[Note de bas de page omise.]

 

[11]           Il y a lieu au départ d’établir que même si l’on admettait pour fins de discussion que les allégations retirées de la déclaration d’action initiale pouvaient présenter un certain intérêt pour les fins recherchées par le Groupe Constellation, il n’en demeure que ces allégations ne sont plus en existence et que la Cour doit regarder le litige présent entre la demanderesse et les défenderesses Beam tel qu’il se présente à l’analyse des actes de procédure entre ces parties.

 

[12]           Cet aspect est pertinent puisque l’on sait que tout intervenant doit prendre le litige tel qu’il se trouve entre les parties déjà au dossier. En effet, tel qu’il est rappelé comme suit dans l’arrêt Maurice c Canada (Minister of Indian Affairs and Northern Development) (2000), 183 FTR 45, au paragraphe 11, un intervenant ne peut chercher par ce statut à soulever des aspects non déjà soulevés par les parties existantes :

 

[11]      Il est bien établi qu”un intervenant doit prendre les actes de procédure et le dossier tels qu”ils sont. Bien qu”il puisse apporter à l”instance de nouvelles opinions et une connaissance particulière à une instance, l”intervenant ne peut pas introduire de nouvelles questions litigieuses (Bande indienne Yale c. Bande indienne Aitchelitz (1998), 151 F.T.R. 36 (protonotaire). Je suis persuadée que l”avocat du demandeur est pleinement conscient du rôle que les intervenants peuvent jouer, et que le demandeur ne cherchera pas à étendre la portée de la demande, ce que, d”ailleurs, il ne peut pas faire en toute hypothèse.

 

[13]           Or, tel que le souligne les défenderesses Beam au paragraphe 29 de leurs représentations écrites, le présent dossier en Cour fédérale est circonscrit aux aspects suivants :

 

29.       The only factual and legal issues raised by the Amended Statement of Claim are therefore whether goodwill attaches to the Plaintiff’s DOMAINE PINNACLE & DESSIN unregistered trade-mark, whether the Defendants have made misrepresentations to the public through their use of the PINNACLE trade-mark in association with vodka or gin and, in the affirmative, whether the Plaintiff has suffered damages as a result.

 

[14]           À l’intérieur de ce cadre qui implique uniquement les parties déjà présentes au dossier, la Cour, à l’instar des parties qui s’opposent à la requête à l’étude, ne peut voir comment concrètement le Groupe Constellation peut – contrairement et au-delà des parties déjà impliquées ‑ venir aider à la prise d’une décision sur toute question de fait et de droit se rapportant à l’instance (paragraphe 109(2) des règles).

 

[15]           D’autre part, l’implication du Groupe Constellation dans les litiges #1 et #3 (voir paragraphe [5], supra) est non pertinente pour les fins de la présente instance, et les risques de décisions contradictoires avec le présent litige sont absents, et ce, sur la base des représentations écrites suivantes contenues aux paragraphes 37 et 46 des défenderesses Beam :

 

37.       Moreover, as this is an action in passing off based on an unregistered trade-mark, it is irrelevant whether the Plaintiff is entitled to the registration of its DOMAINE PINNACLE & DESSIN trade-mark which is being opposed [litige #3] or whether it is the owner of Canadian Trade-mark Registration No. TMA683,119 for the trade-mark PINNACLES on the basis of the alleged assignment [litige #1].

46.       There are therefore currently three distinct proceedings in front of three distinct tribunals for the determination of three distinct issues. It is impossible that these tribunals reach contradictory conclusions.

 

[16]           Ainsi la Cour en vient à la conclusion que le Groupe Constellation ne rencontre pas l’un ou l’autre des facteurs de l’arrêt CUPE et le cadre du paragraphe 2 de la règle 109.

 

[17]           De façon plus particulière, quant à l’intérêt de la justice, la Cour retient que la vaste majorité des interrogatoires au préalable a déjà été complétée, et que l’ampleur de l’intervention du Groupe Constellation risquerait fort d’alourdir le dossier. De façon vraisemblable, le procès déjà fixé pour une durée de cinq (5) jours serait allongé et devrait être fixé à nouveau à une date ultérieure si le Groupe Constellation était autorisé à intervenir.

 

[18]           Pour ces motifs, la requête du Groupe Constellation est rejetée, le tout avec dépens en faveur de la demanderesse et des défenderesses Beam.

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête du Groupe Constellation soit rejetée, le tout avec dépens en faveur de la demanderesse et des défenderesses Beam.

 

 

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

T-290-13

 

INTITULÉ :

DOMAINES PINNACLE INC.

c

BEAM INC. et BEAM CANADA INC.

et

WHITE ROCK DISTILLERIES INC.

et

JIM BEAM BRANDS CO.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 15 OCTOBRE 2013

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

                                                            LE PROTONOTAIRE MORNEAU

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 18 octobre 2013

COMPARUTIONS :

Magali Fournier

 

pour lA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

François Guay

 

pour leS DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

BEAM INC. et BEAM CANADA INC.

et

POUR LA DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE JIM BEAM BRANDS CO.

 

Mortimer Freiheit

 

et

 

Bruno Barrette

Assal Ghomeshi

POUR LES INTERVENANTES PROPOSÉES

MARQUES CONSTELLATION QUEBEC INC.,

CONSTELLATIONS BRANDS CANADA INC.,

FRANCISCAN VINEYARDS INC.

et CONSTELLATION BRANDS INC.

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brouillette & Associés, s.e.n.c.r.l.

Montréal (Québec)

 

pour lA DEMANDERESSE/

DÉFENDERESSE RECONVENTIONNELLE

 

Smart & Biggar

Montréal (Québec)

 

pour leS DÉFENDERESSES/

DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES

BEAM INC. et BEAM CANADA INC.

et

POUR LA DEMANDERESSE RECONVENTIONNELLE JIM BEAM BRANDS CO.

 

Gowling Lafleur Henderson LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

WHITE ROCK DISTILLERIES INC.

 

Freiheit Legal Inc.

Montréal (Québec)

 

et

 

Barrette Legal Inc.

Montréal (Québec)

 

POUR LES INTERVENANTES PROPOSÉES

MARQUES CONSTELLATION QUEBEC INC.,

CONSTELLATIONS BRANDS CANADA INC.,

FRANCISCAN VINEYARDS INC.

et CONSTELLATION BRANDS INC.

 

 

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