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Date : 20131119

Dossier : IMM‑3349‑13

Référence : 2013 CF 1176

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

MANAV JALOTA

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          INTRODUCTION

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision ayant pour effet de rejeter la demande de rétablissement de statut de résident temporaire présentée par M. Jalota en qualité d’étudiant.

La demande de rétablissement de statut a été rejetée parce que l’agent n’était pas convaincu a) que le demandeur était véritablement un résident temporaire et un étudiant, b) qu’il possédait des fonds suffisants, c) qu’il quitterait le Canada à la fin de la période d’études autorisée et d) que les stages de son programme d’alternance travail‑études satisfaisaient à certains critères particuliers.

 

II.        CONTEXTE

[2]               Le demandeur est originaire de l’Inde et a obtenu un permis d’études valide jusqu’au 31 décembre 2012.

 

[3]               À son arrivée au Canada en janvier 2011, le demandeur a commencé ses études dans un collège, a changé d’établissement par la suite et a changé encore une troisième fois. Tous ces changements sont autorisés au titre de son permis d’études.

 

[4]               En septembre 2012, le demandeur a demandé une prorogation de la durée de son permis. L’agent a rejeté sa demande parce qu’il était d’avis que le demandeur n’était pas un étudiant de bonne foi, ce qu’il a déclaré en termes très catégoriques :

[traduction]

Vous avez présenté avec votre demande des documents qui manquent de crédibilité, ce qui a miné la crédibilité globale de votre demande.

[5]               Il s’agit là d’un élément crucial de toute l’affaire car l’agent ne précise pas en quoi les documents manquaient de crédibilité. Toutefois, la conclusion relative à la crédibilité s’inscrit dans le dossier de rétablissement du statut (elle figurait dans le dossier du tribunal avec les autres documents dont disposait l’agent sur la question du rétablissement).

 

[6]               En janvier 2013, le demandeur a voulu faire rétablir son statut. Il s’est conformé à la Liste de contrôle des documents – Étudiants, de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC]. Ce document est divisé en trois parties : la première concerne « Tous les requérants », la deuxième porte sur les « Permis d’études » et la troisième sur le « Rétablissement du statut de résident temporaire ».

 

[7]               Dans la partie de la Liste de contrôle portant sur le rétablissement du statut, CIC demande qu’on lui fournisse les documents suivants :

1.                  photocopie de pages du passeport (également exigé dans la partie sur les permis d’études);

2.                  photocopie du document d’immigration actuel;

3.                  documents relatifs à la perte du statut.

 

[8]               À la lettre accompagnant sa demande de rétablissement du statut, le demandeur a joint des relevés de notes et de présence. Il a également signalé qu’il disposait de fonds nécessaires pour tout le semestre et a offert d’en fournir des preuves.

 

[9]               La demande de rétablissement du statut a été rejetée pour les raisons déjà mentionnées.

 

[10]           Dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC], l’agent a inscrit ainsi ses préoccupations :

                     défaut de fournir la preuve de fonds suffisants;

                     défaut de fournir les relevés de notes d’études antérieures;

                     interruption des études entre août 2011 et janvier 2012;

                     défaut d’inclure, dans la lettre d’acceptation officielle par l’établissement, certains détails pertinents au programme stages‑études.

Rien dans ces observations ne traite du défaut de quitter le Canada à la fin de la période visée par le permis d’études.

 

[11]           Le défendeur concède que l’agent a manqué à l’équité procédurale en ne demandant pas les relevés de notes d’études antérieures et en fondant sa décision sur le défaut du demandeur de produire ces relevés de notes.

 

[12]           Le défendeur fait valoir qu’en dépit du manquement à l’équité procédurale, la décision est raisonnable vu l’absence de données sur la situation financière. Le défendeur voudrait faire de cette absence de renseignements financiers un motif distinct pour justifier une décision qui n’aurait autrement aucune valeur.

 

III.       ANALYSE

[13]           Il est bien établi qu’un manquement à la justice naturelle constitue une erreur de droit et de compétence qui donne lieu à l’annulation de la décision dans son intégralité. Les circonstances où un manquement ne se solderait pas par ce résultat sont très restreintes et exceptionnelles, comme c’est le cas lorsque le manquement n’a pas influé sur l’issue (Lahocsinszky c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 275, 129 ACWS (3d) 769).

 

[14]           En l’espèce, l’une des conclusions prises à l’encontre du demandeur a découlé du manquement à l’équité procédurale. On ne saurait dire ici que le manquement n’a pas influé sur le résultat. Nous n’avons pas affaire ici à un cas où il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire pour nouvel examen parce que le résultat est inévitable (Mobil Oil Canada Ltd c Office Canada – Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202).

 

[15]           En conséquence, pour ce motif seulement, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

[16]           Toutefois, il importe de tenir compte de l’allégation du défendeur selon laquelle l’absence de renseignements financiers a porté un coup fatal à la demande de rétablissement du statut et que la décision devrait par conséquent être maintenue.

 

[17]           Selon sa propre liste de contrôle, le défendeur ne demande pas que des renseignements financiers proprement dits soient présentés pour appuyer une demande de rétablissement de statut, mais les exige pour les demandes de permis d’études. Pour faire rétablir le statut, il faut d’abord et avant tout produire des documents relatifs à la perte du statut. Si le défendeur avait souhaité disposer de documents financiers ou autres, il les aurait inscrits dans la Liste de contrôle ou en aurait fait la demande expresse. Le défendeur doit porter le blâme de toute confusion à cet égard, d’autant plus que le fait de communiquer à la population un document trompeur constitue en soi un manquement à l’équité procédurale (Lim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 657, 272 FTR 293).

 

[18]           Ce manquement devient encore plus flagrant parce que le demandeur a confirmé qu’il disposait de moyens financiers et qu’il a informé le défendeur de ce qu’il était disposé à fournir des preuves si on le lui demandait. On ne saurait prétendre que l’article 182 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, exige, dans le cas d’une demande de rétablissement de statut, que le demandeur satisfasse aux exigences initiales de sa période de séjour. En l’espèce, le demandeur satisfaisait aux exigences initiales à l’époque de sa première demande, la preuve figurait au dossier et rien n’indiquait que les circonstances avaient changé.

 

[19]           Le principal problème ici est soulevé par la nécessité de produire des documents relatifs à la perte du statut, ainsi qu’il est précisé dans la Liste de contrôle, et il importe de déterminer la cause de la perte du statut.

 

[20]           Il n’est pas clair au vu de la décision rejetant la demande de prorogation de la période du permis, la cause de la perte de statut, en quoi les documents du demandeur posaient problème. Il est injuste de ne pas informer une partie en quoi ses documents seraient entachés d’incrédibilité. Malheureusement, en l’espèce, le demandeur n’a pas demandé d’explications.

 

[21]           Cependant, comme la demande a été rejetée en raison des doutes entourant l’authenticité de sa qualité d’étudiant et non en raison de l’insuffisance de fonds, il est raisonnable de conclure que la perte de statut de résident avait à voir avec la qualité d’étudiant et non avec les ressources financières. Il était donc raisonnable que le demandeur soulève ces points dans sa demande de rétablissement, comme il l’a fait.

 

[22]           Il incombe au défendeur de donner les raisons de la perte du statut d’une manière suffisamment détaillée pour que le demandeur puisse s’attaquer à ces raisons dans le cadre d’une mesure de réparation qu’il serait susceptible de demander.

 

[23]           Le défendeur concède que, à cet égard, il a manqué à l’équité procédurale en ne demandant pas les notes d’études antérieures. Mais le problème est plus profond. L’injustice intrinsèque se trouve dans les raisons du refus de la prorogation, refus qui a par la suite rendu impossible de faire droit à la demande de rétablissement.

 

[24]           L’aspect financier sur lequel se fonde le défendeur constitue nouveau motif; il ne s’agit pas du motif de la perte initiale du statut.

 

[25]           On manque à l’équité procédurale si on se fonde sur des motifs non cités dans la décision originale sans informer le demandeur de ce que sa capacité d’assurer sa subsistance est devenue la question du litige, tout comme on manque à l’équité procédurale si on n’informe pas le demandeur de la nécessité de produire des notes de cours antérieurs (ce que reconnaît le défendeur à juste titre).

 

[26]           Ces manquements à l’équité procédurale sont d’autres motifs d’annuler la décision rejetant la demande de rétablissement.

 

[27]           Enfin, le défendeur n’a présenté aucune raison de conclure que le demandeur ne quitterait pas le Canada. Il ne suffit pas de simplement d’énumérer les divers motifs de rejeter la demande, comme si on cochait divers éléments d’une liste, sans expliquer la conclusion.

 

[28]           On peut en conclure globalement que l’allégation selon laquelle le demandeur manquait de crédibilité en raison des problèmes que soulevaient ces documents semble avoir influé sur l’issue de la présente affaire. Si les documents ne répondaient pas aux exigences du défendeur, ce dernier aurait dû expliquer ses exigences. Les affirmations non étayées ne constituent pas des « raisons ».

 

IV.       CONCLUSION

[29]           La présente demande de contrôle judiciaire est accordée, la décision est infirmée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

[30]           Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.

 

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision est infirmée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvelle décision.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie‑Michèle Chidiac, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3349‑13

 

INTITULÉ :                                                  MANAV JALOTA c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 14 novembre 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 19 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laura Best

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Adam Taylor

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Embarkation Law Group

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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