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Date : 20131113

Dossier : IMM‑9494‑12

Référence : 2013 CF 1134

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

MOHAMMAD JAVAD KHOSHNAVAZ

 

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I. Aperçu

[1]               La Cour a affirmé à maintes reprises que l’obligation d’équité exige seulement la communication de l’information nécessaire pour que le demandeur ait une occasion valable de présenter ses arguments pleinement et équitablement et de corriger les malentendus, les inexactitudes, les erreurs ou les omissions (Dasent c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 CF 720; Nadarasa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1112, au paragraphe 25; Pizarro Gutierrez c Canada (Citoyenneté Immigration), 2013 CF 623). Comme la Cour l’a mentionné dans Rukmangatham c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, 247 FTR 147, cette obligation ne va pas jusqu’à exiger que l’agent des visas fournisse au demandeur un « résultat intermédiaire » des lacunes que comporte sa demande (au paragraphe 23 de cette décision; voir également Hsieh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1524, aux paragraphes 2 et 12, et Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, [2012] 3 RCS 405, au paragraphe 3).

 

II. Introduction

[2]               Le demandeur demande le contrôle judiciaire du refus d’un agent d’immigration de traiter sa demande de résidence permanente à titre de personne de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) [la demande de RP].

 

III. L’instance

[3]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], en vue de soumettre à un contrôle judiciaire la décision de l’agent datée du 9 juillet 2012.

 

IV. Le contexte

[4]               Le demandeur, M. Mohammad Javad Khoshnavaz, est un citoyen de l’Iran né en 1981.

 

[5]               Le demandeur a obtenu une maîtrise en géophysique de l’Université islamique Azad en 2009.

 

[6]               Le 28 juillet 2010, le demandeur a présenté une demande de visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié.

 

[7]               Le demandeur a indiqué dans sa demande qu’il travaillait en qualité de géophysicien pour la société Farayand Sazan Energy Consulting Engineers Co. [Farayand] depuis 2005. Il a expliqué qu’il a travaillé pour Farayand à temps partiel de janvier 2005 à janvier 2007, puis à temps plein de janvier 2007 à juillet 2010.

 

[8]               Le demandeur a aussi fait son service militaire obligatoire en Iran de 2007 à 2009.

 

[9]               Le 21 février 2012, l’agent a envoyé une lettre au demandeur afin de lui demander de fournir une preuve de ses antécédents professionnels des dix dernières années en produisant un relevé confirmant ses cotisations à un régime de sécurité sociale de l’Organisation de la sécurité sociale (OSS) d’Iran.

 

[10]           Le 19 mars 2012, le représentant du demandeur a répondu à cette demande en transmettant une lettre de la société Farayand expliquant que [traduction] « [s]elon les modalités de son contrat, il [le demandeur] n’est pas tenu de payer des cotisations d’assurance » (dossier certifié du tribunal [DCT], à la page 13).

 

[11]           L’agent a rejeté cette explication. Le 3 avril 2012, il a envoyé une autre lettre au demandeur dans laquelle il indiquait qu’il n’était toujours pas convaincu que les références professionnelles que celui‑ci avait fournies étaient authentiques ou qu’il possédait l’expérience professionnelle qu’il disait avoir acquise à titre de géophysicien. L’agent donnait au demandeur un délai additionnel de 30 jours pour dissiper ses doutes concernant son expérience professionnelle.

 

[12]           Le 30 avril 2012, le demandeur a répondu à l’agent par lettre indiquant ce qui suit :

[traduction] Veuillez noter que, comme le confirme la lettre de la société pour laquelle le demandeur travaille qui est jointe à la présente, ce dernier n’est pas tenu de verser des cotisations au titre de la sécurité sociale. En Iran, les entités publiques ont cette obligation à l’égard de leurs employés. Les sociétés privées, comme celle pour laquelle le demandeur travaille, peuvent quant à elles choisir de s’inscrire ou non à la sécurité sociale. Dans le cas qui nous intéresse, le demandeur n’a pas à payer de cotisations de sécurité sociale, de sorte que, comme elle n’existe pas, il ne peut pas vous fournir la preuve que vous demandez.

 

(DCT, à la page 7).

 

[13]           Le 9 juillet 2012, l’agent a déterminé que la demande de RP du demandeur n’était pas recevable.

 

V. La décision faisant l’objet du contrôle

[14]           Dans sa décision, l’agent a indiqué que, selon l’information fournie par l’OSS, [traduction] « tous les salariés doivent verser des cotisations à la sécurité sociale » en Iran.

 

[15]           Comme il ne disposait pas d’une preuve démontrant que le demandeur avait versé ces cotisations, l’agent a affirmé qu’il n’était pas en mesure de conclure que le demandeur avait travaillé pour la société Farayand.

 

[16]           En conséquence, l’agent a déterminé que le demandeur n’avait pas produit suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il satisfaisait aux exigences relatives à l’expérience professionnelle prévues au paragraphe 75(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le Règlement], et il a refusé de traiter la demande de RP.

 

VI. Les questions en litige

[17]           (1)  L’agent a‑t‑il contrevenu aux règles d’équité procédurale en ne révélant pas au demandeur qu’il avait consulté une preuve extrinsèque?

(2)  L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne prenant pas en considération certains éléments de preuve relatifs aux antécédents professionnels du demandeur?

 

VII. Les dispositions législatives pertinentes

[18]           Les dispositions suivantes de la LIPR sont pertinentes :

Visa et documents

 

 

11.      (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

Immigration économique

 

12.      (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

 

Application before entering Canada

 

11.      (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

Economic immigration

 

12.      (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

[19]           Les dispositions suivantes du Règlement sont pertinentes :

Catégorie

 

75.      (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

 

 

Qualité

 

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

a) il a accumulé, de façon continue, au moins une année d’expérience de travail à temps plein ou l’équivalent temps plein pour un travail à temps partiel, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de sa demande de visa de résident permanent, dans la profession principale visée par sa demande appartenant au genre de compétence 0 Gestion ou aux niveaux de compétence A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions, exception faite des professions d’accès limité;

 

 

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

 

 

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles;

 

d) il a fourni les résultats d’une évaluation de sa compétence en français ou en anglais — datant de moins de deux ans au moment où la demande est faite — faite par une institution ou organisation désignée en vertu du paragraphe 74(3), et il a obtenu, pour chacune des quatre habiletés langagières, au moins le niveau de compétence applicable établi par le ministre en vertu du paragraphe 74(1);

 

 

e) il a soumis l’un des documents suivants :

 

(i) son diplôme canadien,

 

 

 

(ii) son diplôme, certificat ou attestation étranger ainsi que l’attestation d’équivalence, datant de moins de cinq ans au moment où la demande est faite.

 

 

[...]

 

Exigences

 

(3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

Class

 

75.      (1) For the purposes of subsection 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

 

 

 

Skilled workers

 

(2) A foreign national is a skilled worker if

 

 

(a) within the 10 years before the date on which their application for a permanent resident visa is made, they have accumulated, over a continuous period, at least one year of full‑time work experience, or the equivalent in part‑time work, in the occupation identified by the foreign national in their application as their primary occupation, other than a restricted occupation, that is listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification;

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties;

 

(d) they have submitted the results of an evaluation — by an organization or institution designated under subsection 74(3) and which must be less than two years old on the date on which their application is made — of their proficiency in either English or French indicating that they have met or exceeded the applicable language proficiency threshold fixed by the Minister under subsection 74(1) for each of the four language skill areas; and

 

(e) they have submitted one of the following:

 

(i) their Canadian educational credential, or

 

(ii) their foreign diploma, certificate or credential and the equivalency assessment, which assessment must be less than five years old on the date on which their application is made.

 

...

 

Minimal requirements

 

(3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

 

VIII. La thèse des parties

[20]           Le demandeur soutient que l’agent a contrevenu aux règles de justice naturelle en ne révélant pas qu’il avait consulté une preuve extrinsèque, à savoir le site Web de l’OSS, pour conclure que sa demande de RP n’était pas recevable. Il fait valoir que, comme il n’a pas été mis au courant de cette preuve extrinsèque, il n’a pas eu la possibilité de dissiper les doutes de l’agent concernant l’authenticité de ses références professionnelles.

 

[21]           Le demandeur affirme que, contrairement à ce que l’agent croyait, ce ne sont pas tous les employés en Iran qui sont tenus de verser des cotisations à l’OSS. Il est possible d’être un employé contractuel d’une société privée sans avoir l’obligation de verser des cotisations à l’OSS. Le demandeur soutient en conséquence que l’agent a mal compris le régime de sécurité sociale en place en Iran.

 

[22]           De plus, le demandeur fait valoir que l’agent a omis de tenir compte de la lettre de son employeur (la société Farayand) dans laquelle celui‑ci expliquait que le demandeur était un employé contractuel et que, en conséquence, il n’avait pas à payer des cotisations au titre de la sécurité sociale (DCT, à la page 13). Selon le demandeur, le fait que le décideur n’a pas mentionné cet élément de preuve dans sa décision montre qu’il ne l’a pas pris en considération.

 

[23]           Pour sa part, le défendeur soutient que l’agent n’a pas manqué à l’équité procédurale en ne révélant pas qu’il avait consulté une preuve extrinsèque. Il fait valoir que l’agent a fait part à plusieurs reprises au demandeur de ses doutes concernant ses antécédents professionnels et que le demandeur était parfaitement au courant des préoccupations de l’agent concernant l’absence de preuve relative aux cotisations à l’OSS (Nagulathas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1159).

 

[24]           Le défendeur soutient également que l’agent n’était pas tenu de mentionner tous les éléments de preuve dans sa décision, notamment la déclaration du demandeur selon laquelle il est un employé contractuel et que de ce fait il n’a pas l’obligation de verser des cotisations à l’OSS (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708).

 

[25]           Le défendeur fait valoir en outre que l’agent ne disposait pas de la preuve présentée par le demandeur par affidavit et que cette preuve ne peut pas servir à démontrer que le demandeur satisfaisait aux exigences de la LIPR et du Règlement (Roberts c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 518; Pacheco Silva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733; Nehme c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 64, 245 FTR 139).

 

IX. Analyse

La norme de contrôle

[26]           La première question soulevée par le demandeur est une question de droit susceptible de contrôle suivant la norme de la décision correcte. La question de la privation de la possibilité de dissiper les doutes d’un agent constitue une question d’équité procédurale, qui est nécessairement susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Hara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 263, 341 FTR 278, aux paragraphes 16‑17). En conséquence, aucune déférence n’est démontrée à l’égard du décideur (Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, au paragraphe 23; Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 RCF 392, au paragraphe 53).

 

[27]           En revanche, les questions relatives à l’admissibilité d’un demandeur à la résidence permanente à titre de travailleur qualifié sont fondées sur des conclusions de fait discrétionnaires, de sorte qu’elles sont assujetties à la norme de contrôle du caractère raisonnable (Samuel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 223, aux paragraphes 26‑27; Senadheera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 704, 412 FTR 286, au paragraphe 6).

 

[28]           Lorsqu’elle procède au contrôle judiciaire de la décision d’un agent selon la norme du caractère raisonnable, la Cour ne doit intervenir que si ce dernier est parvenu à une conclusion qui n’est pas justifiable, transparente et intelligible et qui n’appartient pas aux issues acceptables compte tenu de la preuve dont il disposait (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 59).

 

La question préliminaire

[29]           Le dossier du demandeur qui a été présenté à la Cour renferme un affidavit de celui‑ci contenant de l’information qui ne faisait pas partie du dossier devant l’agent. En conséquence, la Cour partage l’avis du défendeur selon lequel cette information saurait être prise en compte dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision de l’agent (Lemiecha (Tuteur d’instance) c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 72 FTR 49, 24 Imm LR (2d) 95; Vong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1480, 306 FTR 175; Dezameau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 559, 369 FTR 151).

 

(1)   L’agent a‑t‑il contrevenu aux règles d’équité procédurale en ne révélant pas au demandeur qu’il avait consulté une preuve extrinsèque?

 

[30]           Dans Rukmangathan, précitée, la Cour a statué que l’équité procédurale exige que « le demandeur ait la possibilité de répondre aux éléments de preuve extrinsèques sur lesquels l’agente des visas s’est fondée et qu’il soit informé des préoccupations que l’agente a à cet égard » (au paragraphe 22) (il est aussi fait référence à Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25). L’obligation d’équité procédurale qui s’applique dans le contexte des demandes de visa n’est cependant pas des plus stricte (Farooq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 164), en particulier lorsque les doutes de l’agent concernent directement des exigences de la LIPR ou du Règlement, comme c’est le cas en l’espèce (Obeta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1542, au paragraphe 25).

 

[31]           La Cour a affirmé à maintes reprises que l’obligation d’équité exige seulement que soit communiquée l’information nécessaire pour fournir au demandeur une occasion valable de présenter ses arguments pleinement et équitablement et de corriger les malentendus, les inexactitudes, les erreurs ou les omissions (Dasent, précitée; Nadarasa, précitée, au paragraphe 25; Pizarro Gutierrez, précitée). Comme la Cour l’a dit dans Rukmangatham, précitée, cette obligation ne va pas jusqu’à exiger que l’agent des visas fournisse au demandeur un « résultat intermédiaire » ou compte rendu des lacunes que comporte sa demande (au paragraphe 23 de cette décision; voir également Hsieh, précitée, aux paragraphes 2 et 12, et Construction Labour Relations, précitée, au paragraphe 3).

 

[32]           Le demandeur a l’obligation de présenter une demande qui « non seulement est complète, mais aussi pertinente, convaincante et sans ambiguïté » (Obeta, précitée, au paragraphe 25). Un agent des visas n’est nullement tenu de clarifier une demande incomplète (Sharma c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786, au paragraphe 8).

 

[33]           En l’espèce, la Cour ne peut souscrire à la thèse du demandeur selon laquelle la décision devrait être infirmée en raison d’un présumé manquement à la justice naturelle. Comme il ressort clairement du dossier, le demandeur a été expressément informé des doutes de l’agent concernant ses cotisations à l’OSS. L’agent a exprimé ses doutes dans la lettre qu’il a adressée au demandeur le 3 avril (DCT, à la page 9).

 

[34]           Dans sa lettre, l’agent a également fait part de son intention de rejeter la demande s’il ne recevait pas un élément de preuve additionnel corroborant les références professionnelles du demandeur. Ce dernier n’a toutefois rien fait pour dissiper les doutes de l’agent. Dans sa lettre de réponse datée du 30 avril 2012 (DCT, à la page 7), il a simplement indiqué qu’il n’était pas tenu de verser des cotisations à la sécurité sociale parce qu’il était un employé contractuel d’une société privée et que, en conséquence, il ne pouvait pas démontrer que des cotisations avaient été versées à l’OSS. Le demandeur n’a produit aucun élément de preuve au soutien de cette proposition et n’a pas tenté de fournir une autre preuve corroborant ses références professionnelles.

 

[35]           Selon la Cour, il ne fait aucun doute que le demandeur connaissait, ou aurait dû connaître, précisément les aspects qui préoccupaient l’agent compte tenu de la lettre qu’il lui a fait parvenir. De plus, dans les circonstances, la Cour estime que le fait de consulter le site Web de l’OSS n’a pas donné naissance à une obligation d’équité exigeant qu’il en informe le demandeur. L’information tirée du site par l’agent était accessible au public. Il pouvait donc être raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur connaisse cette information, d’autant plus qu’il travaille en Iran et qu’il se conforme apparemment aux lois iraniennes du travail.

 

[36]           De même, le demandeur aurait dû raisonnablement s’attendre à ce qu’un agent diligent s’informe au sujet des règles relatives aux cotisations à l’OSS après avoir été informé, sans preuve à l’appui, que le demandeur n’était pas tenu de payer ces cotisations.

 

[37]           Comme la Cour l’a rappelé dans Adetunji c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 708 :

[38]      Il s’agit de savoir, non pas si le demandeur avait accès au document attaqué, mais plutôt s’il avait accès aux renseignements contenus dans ce document et s’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’il connaisse les renseignements en question (voir Jiminez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1078 (disponible sur CanLII), aux paragraphes 17 à 19; Stephenson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 932 (disponible sur CanLII), aux paragraphes 38 et 39) […] [Non souligné dans l’original.]

 

[38]           Compte tenu des faits en l’espèce, la Cour ne considère pas que l’agent a manqué à l’équité procédurale en ne révélant pas au demandeur qu’il avait consulté le site Web de l’OSS pour prendre la décision faisant l’objet du présent contrôle.

 

(2)   L’agent a‑t‑il commis une erreur en ne prenant pas en considération un élément de preuve relatif aux antécédents professionnels du demandeur?

 

[39]           Il est évident en l’espèce que le demandeur ne souscrit pas à l’appréciation de la preuve effectuée par l’agent. Il n’a toutefois pas démontré que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle.

 

[40]           Contrairement à ce que le demandeur allègue, l’agent a expressément mentionné qu’il avait pris la lettre du demandeur du 30 avril 2012 en considération pour parvenir à sa décision. Il a toutefois indiqué que cette lettre n’avait pas dissipé ses doutes.

 

[41]           Il incombait à l’agent d’apprécier cet élément de preuve et de tirer les conclusions défavorables qui étaient étayées par celle‑ci (Antrobus c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 3). Il n’appartient pas à la Cour de le faire à nouveau et de substituer sa décision à celle de l’agent (Cepeda‑Gutierrez c Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (1998), 157 FTR 35).

 

[42]           La Cour conclut que la preuve au dossier étaye raisonnablement la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur n’a pas produit une preuve satisfaisante pour établir qu’il possédait de l’expérience à titre de géophysicien.

 

[43]           En conséquence, la Cour n’estime pas que son intervention est justifiée (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47).

 

X. Conclusion

[44]           Pour tous les motifs exposés ci‑dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. L’affaire ne soulève aucune question de portée générale devant être certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑9494‑12

 

INTITULÉ :                                                  MOHAMMAD JAVAD KHOSHNAVAZ c
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 4 novembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 13 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Naseem Mithoowani

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Teresa Ramnarine

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman et associés

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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