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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20130923

Dossier : IMM-674-13

Référence : 2013 CF 971

Traduction française, non révisée

Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2013

En présence de madame la juge Strickland

 

 

ENTRE :

 

LOCHANDATH GOBURDHUN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un agent de Citoyenneté et Immigration Canada (l’agent) a rejeté la demande de visa de résident permanent du demandeur et conclu que, ayant fait de fausses déclarations, selon l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), le demandeur serait interdit de territoire au Canada pendant deux ans. La demande est présentée aux termes du paragraphe 72(1) de la LIPR.

 

Contexte

[2]               Le demandeur est un citoyen de l’île Maurice. Il a obtenu un visa d’études pour la période du 24 décembre 2006 au 31 janvier 2008. Il a fait renouveler ce visa pour couvrir la période du 4 janvier au 27 septembre 2008 et il a obtenu un permis de travail le 4 avril 2008 – également valide jusqu’au 27 septembre 2008 – qui allait lui permettre de travailler jusqu’à concurrence de 20 heures par semaine durant les sessions d’études et à temps plein durant les semaines de relâche inscrites au calendrier. Ce permis de travail est un permis de travail hors campus (PTHC) délivré par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC). Le visa d’étudiant a été renouvelé une autre fois pour couvrir la période du 15 septembre 2008 au 30 avril 2009, et un PTHC, valide jusqu’au 30 avril 2009, lui a été accordé aux mêmes conditions le 15 octobre 2008. Un dernier permis d’études et un PTHC lui ont été accordés le 24 avril 2009, et leur période de validité allait jusqu’au 16 mai 2012.

 

[3]               De janvier à décembre 2010, le demandeur a fréquenté le Northern Alberta Institute of Technology (NAIT) et a terminé avec succès un programme d’études à temps plein de technicien des eaux et des eaux usées. Pendant ses études, il a fait, de mai à septembre 2010, un stage à temps partiel chez IVIS Inc. selon les modalités du PTHC.

 

[4]               À la fin de ses études, le demandeur a travaillé à temps plein chez IVIS Inc. du 20 décembre 2010 à septembre 2012. Il n’était plus aux études et n’a obtenu un autre permis de travail que le 1er juin 2012.

 

[5]               Le 3 novembre 2011, le demandeur s’est vu refuser un visa de résident temporaire par le bureau de CIC de Los Angeles.

 

[6]               Le 1er juin 2012, le demandeur a obtenu un permis de travail valide jusqu’au 1er juin 2014 qui lui permettait de travailler chez IVIS Inc.

 

[7]               Le 11 octobre 2012, le demandeur a de nouveau demandé un visa de résident temporaire au bureau de CIC de Seattle. En réponse à la question [traduction] : « Vous a-t-on déjà refusé un visa ou un permis d’entrée de tout type, ou vous a-t-on déjà ordonné de quitter le Canada ou tout autre pays? », le demandeur a répondu par la négative et n’a pas avisé les autorités du refus de sa demande de visa de résident temporaire que le bureau de Los Angeles lui avait signifié le 3 novembre 2011.

 

[8]               Le 31 octobre 2012, l’agent a envoyé au demandeur une « lettre sur l’équité procédurale » soulignant que le demandeur avait omis de divulguer le fait qu’il s’était vu refuser un visa de résident temporaire par le bureau de Los Angeles. Cette lettre se lisait en partie comme suit :

[Traduction]

Il est difficile de ne pas conclure que votre défaut de divulguer, dans la demande que vous avez présentée à notre bureau, le fait que votre demande de visa de résident temporaire a déjà été rejetée constitue une tentative délibérée de dissimuler à la fois le refus et les motifs du refus. Les dossiers d’Immigration Canada ainsi que les renseignements et les éléments de preuve produits avec votre demande indiquent que vous avez travaillé à temps plein sans autorisation alors que vous aviez un permis de travail hors campus. Le dossier révèle que les autorités vous ont demandé de leur remettre le document et que vous avez refusé d’obtempérer. C’est la principale raison pour laquelle votre demande a été rejetée par le bureau de Los Angeles. Le fait que vous avez dissimulé ce renseignement aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi et du Règlement.

 

[9]               La lettre renvoyait aussi le demandeur à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR selon lequel un étranger est interdit de territoire pour fausses déclarations s’il fait, directement ou indirectement, une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Le demandeur a eu la possibilité de fournir une explication ou des preuves documentaires pour se défendre.

 

[10]           En guise de réponse, le demandeur a présenté une déclaration solennelle dans laquelle il fait valoir que le conseiller en immigration qui l’avait aidé à présenter sa demande avait commis une erreur d’écriture et que c’était pour cette raison qu’il avait répondu par la négative à la question « Vous a-t-on déjà refusé un visa ou un permis d’entrée de tout type, ou vous a-t-on déjà ordonné de quitter le Canada ou tout autre pays? » alors qu’il aurait dû répondre par l’affirmative. Il a déclaré que cette réponse n’avait pas été délibérée, qu’il n’avait jamais travaillé à plein temps sans autorisation pendant qu’il avait un PTHC valide et qu’aucun bureau d’immigration ne lui avait jamais demandé de restituer un document quelconque. Il a joint à cette déclaration tous les permis de travail et visas d’études qu’il avait jamais obtenus.

 

[11]           Le demandeur a également déposé une déclaration solennelle de M. Randy McDonald qui s’est identifié comme étant un adjoint administratif chez Canwrx Group Ltd., le bureau de conseillers en immigration qui, agissant comme son représentant, avait aidé le demandeur à remplir la demande de visa de résident temporaire du mois d’octobre 2012. M. McDonald a confirmé avoir commis l’erreur d’écriture susmentionnée.

 

[12]           Dans une lettre datée du 8 janvier 2013, l’agent a informé le demandeur qu’il ne remplissait pas les conditions requises pour obtenir un visa de résident temporaire.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

[13]      Dans sa lettre du 8 janvier 2013, l’agent a fait savoir au demandeur qu’à son avis, il ne satisfaisait pas aux exigences de la LIPR ni du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-22 (le RIPR), et qu’il devait par conséquent rejeter sa demande.

 

[13]           Ce refus a été entraîné par le fait que l’agent ne croyait pas que le demandeur allait quitter le Canada à la fin de son séjour à titre de résident temporaire étant donné qu’il avait contrevenu aux conditions d’entrée lors d’un séjour précédent et qu’il n’avait pas répondu véridiquement  à toutes les questions comme le prescrit le paragraphe 16(1) de la LIPR. Plus précisément, le demandeur avait nié s’être déjà fait refuser un visa alors que le bureau de CIC de Los Angeles lui en avait effectivement refusé un. En outre, le demandeur avait nié avoir travaillé sans autorisation alors que le dossier et les renseignements qu’il avait lui‑même fournis dans sa demande indiquaient clairement qu’il en était autrement. Dans sa lettre, l’agent signalait aussi que le demandeur n’avait pas l’autorisation de travailler au Canada une fois ses études au NAIT terminées. Comme l’agent avait conclu que le demandeur avait fait de fausses déclarations selon l’alinéa  40(1)a) de la LIPR, le demandeur était interdit d’asile au Canada pendant deux ans.

 

Droit et politique applicables

[14]           Les dispositions de la LIPR qui s’appliquent sont les suivantes :

PARTIE 1

IMMIGRATION AU CANADA

 

SECTION 1

FORMALITÉS ET SÉLECTION

 

Formalités

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

Obligation du

demandeur

 

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux

questions qui lui sont posées lors du contrôle,

 

 

 

 

[…]

 

Fausses déclarations

 

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

 

a) directement ou indirectement, faire une

présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence

sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente

loi;

 

[…]

 

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

 

a) l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi;

 

 

 

 

 

[…]

PART 1

IMMIGRATION TO CANADA

 

DIVISION 1 REQUIREMENTS AND SELECTION

 

Requirements

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

Obligation – answer truthfully

 

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

 

[…]

 

Misrepresentation

 

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

 

 

 

[…]

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of two years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; and

 

[…]

 

 

[15]           Les dispositions du RIPR qui s’appliquent sont les suivantes :

PARTIE 9

RÉSIDENTS TEMPORAIRES

 

SECTION 1

VISA DE RÉSIDENT TEMPORAIRE

 

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

 

a) l’étranger en a fait, conformément au présent règlement, la demande au titre de la catégorie des visiteurs, des travailleurs ou des étudiants;

 

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2;

 

c) il est titulaire d’un passeport ou autre document qui lui permet d’entrer dans le pays qui l’a délivré ou dans un autre pays;

 

d) il se conforme aux exigences applicables à cette catégorie;

 

e) il n’est pas interdit de territoire;

 

f) s’il est tenu de se soumettre à une visite médicale en application du paragraphe 16(2) de la Loi, il satisfait aux exigences prévues aux paragraphes 30(2) et (3).

 

PART 9

TEMPORARY RESIDENTS

 

 

DIVISION 1

TEMPORARY RESIDENT VISA

 

179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

 

(a) has applied in accordance with these Regulations for a temporary resident visa as a member of the visitor, worker or student class;

 

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2;

 

 

(c) holds a passport or other document that they may use to enter the country that issued it or another country;

 

 

(d) meets the requirements applicable to that class;

 

(e) is not inadmissible; and

 

 

(f) meets the requirements of subsections 30(2) and (3), if they must submit to a medical examination under paragraph 16(2)(b) of the Act.

 

 

[16]           CIC a également produit un document stratégique intitulé ENF 2 – Évaluation de l’interdiction de territoire, destiné à aider les bureaux de visas à évaluer les cas de fausses déclarations. Bien que ces lignes directrices ou guides opérationnels n’aient pas force de loi, ils sont reconnus par la Cour fédérale comme des documents précieux qui aident les agents d’immigration dans l’exercice de leurs fonctions (Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la protection civile) c Martinez‑Brito, 2012 CF 438, au paragraphe 46; Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1991] 2 RCS 817 [Baker]; Agraira c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la protection civile), 2013 CSC 36, au paragraphe 85).

 

[17]           On peut lire dans ENF 2 que les dispositions relatives aux fausses déclarations ont pour but de veiller à ce que les demandeurs donnent des renseignements honnêtes, complets et véridiques en tout point dans leurs demandes d’entrée au Canada (section 9.1), et que la personne qui, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important, qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi, est interdite de territoire au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Toute présentation erronée ou réticence sur des faits importants est définie comme une fausse déclaration directe et indirecte (section 9.2). Le document énonce également les principes qui s’appliquent à la pertinence et à l’importance et en donne des exemples (section 9.4), et traite aussi de cas où de fausses déclarations ont entraîné des erreurs dans l’application de la LIPR (section 9.5).

 

Questions à trancher

[18]           Je formulerais la question en litige comme suit : était-il raisonnable pour l’agent de conclure que le demandeur avait fait une fausse déclaration importante?

 

Norme de contrôle

[18]      La majorité de la Cour suprême a statué qu’« [i]l n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. » La cour de révision doit d’abord vérifier si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, aux paragraphes 57 et 62 [Dunsmuir]; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 53 [Khosa]).

 

[19]           La Cour fédérale a déjà statué que la norme de contrôle à appliquer lorsqu’un agent d’immigration a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que le demandeur a fait une fausse déclaration importante selon l’alinéa 40(1)a) de la LIPR est celle du caractère raisonnable. L’existence de fausses déclarations soulève une question mixte de fait et de droit, et la décision est par conséquent susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable (Oloumi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 428, au paragraphe 12 [Oloumi]; Karami c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 788, au paragraphe 14).

 

[20]           Lors de la révision d’une décision selon la norme du caractère raisonnable, la cour doit s’attacher « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47; Khosa, précité, au paragraphe 59).

 

Positions des parties

Le demandeur

[21]           Le demandeur soutient qu’il n’a pas fait de fausse déclaration et que même s’il en avait fait une, elle n’aurait pas été importante.

 

[22]           Le demandeur fait valoir qu’il a signalé l’erreur à l’attention du conseiller en immigration qui l’aidait et qu’il croyait que le conseiller allait la corriger avant de soumettre la demande. Il n’a pas été malhonnête et n’a pas sciemment donné de faux renseignements à propos de sa situation d’immigration. À l’époque où la demande a été présentée, il pensait raisonnablement et en toute honnêteté qu’il n’avait dissimulé aucune information importante. À cet égard, il invoque la décision Medel c Canada, [1990] ACF no 318 (CA)(QL) [Medel] et établit une distinction avec les décisions Oloumi, précitée, et Haque c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 315 [Haque] et les faits de l’espèce. Il affirme aussi avoir répondu à la lettre sur l’équité procédurale pour essayer d’expliquer l’erreur et avoir fourni des copies de ses visas d’études et permis de travail.

 

[23]           Par ailleurs, le demandeur fait valoir que l’information ne peut être considérée comme importante que si elle a une incidence sur le processus amorcé ou la décision finale (ENF 2; Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 166 [Ali]). En l’espèce, la question de savoir si on lui avait déjà refusé un visa n’avait pas d’incidence sur le processus parce que la demande était complète et pouvait être traitée sans égard à la réponse. Sa réponse ne remettait pas non en cause d’autres renseignements le concernant.  

 

Le défendeur

[24]           Le défendeur fait valoir que le défaut du demandeur de mentionner le rejet de sa précédente demande de visa de résident temporaire constitue une fausse déclaration importante.

 

[25]           Le défendeur se reporte aux exigences de la LIPR, du Règlement ainsi que de l’ENF 2 et conclut que l’agent a convenablement appliqué les dispositions prescrivant au demandeur de fournir des renseignements complets et véridiques. Le défaut de faire part aux autorités du rejet de sa précédente demande de visa de résident temporaire constitue un élément pertinent à considérer dans l’examen de la demande subséquente du demandeur, élément qui aurait pu occasionner une erreur dans l’application de la LIPR. Par conséquent, le défaut de communiquer ce fait rend le demandeur interdit de territoire en application de l’article 40 de la LIPR, et la décision est donc raisonnable. Le défendeur se fonde sur les jugements Oloumi et Haque, tous deux précités, pour appuyer sa position.

 

[26]           Le défendeur fait valoir que le demandeur était au courant de l’existence de l’erreur dans sa demande et que, même s’il l’a portée à l’attention de son conseiller en immigration, il a lui‑même signé la demande et déclaré que ses réponses étaient véridiques. Il pouvait très bien voir à corriger cette erreur, il en était conscient et aurait pu et dû revoir la demande avant de la signer pour s’assurer que l’erreur avait été corrigée et que sa demande contenait des renseignements exacts. En conséquence, le demandeur ne peut maintenant prétendre qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté qu’il était convaincu de l’exactitude de ses réponses (Oloumi, précité, Khorasgani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1177, aux paragraphes 14-18). Le défendeur soutient que le demandeur a tort de se fonder sur le jugement Medel, précité.

 

[27]           Par ailleurs, en ce qui a trait à la lettre sur l’équité procédurale, le demandeur a déposé une déclaration solennelle selon laquelle il n’avait jamais exercé de travail à temps plein sans autorisation pendant qu’il était titulaire d’un PTHC et qu’aucun agent d’immigration ne lui avait jamais demandé de lui restituer le PTHC. L’agent a examiné le dossier et jugé que cette déclaration contredisait les renseignements figurant sur la demande du demandeur, le dossier de CIC ainsi que d’autres éléments de preuve. Par conséquent, l’agent était en droit de conclure que le demandeur avait continué d’être malhonnête; il a inféré chez le demandeur une habitude à fournir des renseignements inexacts en contravention de l’obligation de franchise que lui imposait la loi, ce qui a justifié sa décision.

 

Analyse

[28]           Dans le jugement Oloumi, précité, la juge Tremblay-Lamer énonce les principes généraux découlant du traitement par la Cour fédérale de l’article 40 de la LIPR; les voici résumés ci‑après ainsi que d’autres principes semblables tirés de la jurisprudence :

-          il convient d’interpréter l’alinéa 40(1)a) de manière large afin de faire ressortir l’objet qui le sous-tend : Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, au paragraphe 25 [Khan]);

 

-          l’article 40 est libellé de manière large en vue d’englober les fausses déclarations, même si elles ont été faites par une tierce partie, à l’insu du demandeur (Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 942, au paragraphe 35 [Jiang]; Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059, aux paragraphes 55 et 56 [Wang]);

 

-          l’exception à cette règle est assez étroite et ne s’applique qu’aux circonstances véritablement exceptionnelles où le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas une fausse déclaration sur un fait important et où il ne s’agissait pas d’un renseignement dont la connaissance échappait à sa volonté (Medel, précité);

 

-          l’article 40 a pour objectif de dissuader un demandeur de faire une fausse déclaration et de préserver l’intégrité du processus d’immigration. Pour atteindre cet objectif, le fardeau de vérifier l’intégralité et l’exactitude de la demande incombe au demandeur (Jiang, précité, au paragraphe 35;Wang, précité, aux paragraphes 55-56);

 

-          les demandeurs ont une obligation de franchise et doivent fournir des renseignements complets, fidèles et véridiques en tout point lorsqu’ils présentent une demande d’entrée au Canada (Bodine c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 848, au paragraphe 41; Baro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1299, au paragraphe 15);

 

-          le demandeur étant tenu responsable du contenu de la demande qu’il signe, on ne peut considérer qu’il croyait raisonnablement ne pas avoir présenté faussement un fait d’importance s’il a omis de revoir sa demande et de vérifier qu’elle était complète et exacte avant de la signer (Haque, précité, au paragraphe 16; Cao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 450, au paragraphe 31 [Cao]);

 

-          pour décider si une fausse déclaration est importante, il est nécessaire de tenir compte du libellé de la disposition ainsi que de l’objet qui la sous‑tend (Oloumi, précité, au paragraphe 22);

 

-          une fausse déclaration n’a pas à être décisive ou déterminante; il suffit qu’elle ait une incidence sur le processus amorcé (Oloumi, précité, au paragraphe 25);

 

-          un demandeur ne peut tirer parti du fait que la fausse déclaration a été mise au jour par les autorités d’immigration avant l’examen final de la demande. L’analyse de la notion de fait important ne se limite pas à un moment particulier dans le traitement de la demande (Haque, précité, aux paragraphes 12 et 17; Khan, précité, aux paragraphes 25, 27 et 29; Shahin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 423, au paragraphe 29 [Shahin]);

 

[29]           En l’espèce, le demandeur fait valoir qu’il ignorait l’existence de cette fausse déclaration qu’avait occasionnée l’erreur d’écriture que son conseiller en immigration avait omis de corriger. Le demandeur soutient qu’il a instruit le conseiller de modifier de « non » à « oui » la réponse à la question « Vous a-t-on déjà refusé un visa ou un permis d’entrée de tout type, ou vous a-t-on déjà ordonné de quitter le Canada ou tout autre pays? », mais que le conseiller ne l’a pas fait avant de présenter la demande.

 

[30]           Comme nous l’avons déjà mentionné, l’alinéa 40(1)a) doit être interprété de façon large afin d’inclure les fausses déclarations faites par une autre partie à l’insu du demandeur (Jiang, précité, au paragraphe 35; Cao, précité, au paragraphe 31; Haque, précité, au paragraphe 15;Wang, précité, aux paragraphes 55 et 56; Shahin, précité, au paragraphe 26).

 

[31]           Bien qu’on fasse exception à ce principe lorsqu’un demandeur peut montrer qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté qu’il ne cachait pas de renseignement important (Medel, précité), cette exception est plutôt limitée. Ainsi que l’a déclaré la juge dans le jugement Oloumi, précité :

[35]           Même si elle est souvent citée, l’« exception » dont il est question dans l’extrait qui précède est peu appliquée. L’affaire dont elle tire son origine, Medel, précitée, mettait en cause un ensemble inusité de faits : la demanderesse était parrainée par son époux, mais, à son insu, l’époux avait retiré son parrainage. Les fonctionnaires canadiens avaient ensuite induit la demanderesse en erreur en lui demandant de renvoyer le visa qui, disaient-ils, contenait une erreur. Ils avaient laissé entendre qu’il lui serait renvoyé, après avoir été rectifié. La demanderesse avait demandé à des membres de sa famille qui parlaient l’anglais d’examiner le visa et, après que ceux-ci lui avaient assuré qu’il ne contenait aucune erreur, elle s’en était servie pour entrer au Canada. La Commission d’appel de l’immigration a conclu qu’elle était une personne décrite à l’alinéa 27(1)e) de l’ancienne Loi sur l’immigration de 1976, SC 1976-77, c 52 [aujourd’hui LRC 1985, c I‑2], c’est-à-dire qu’elle avait « obtenu le droit d’établissement […] par des moyens frauduleux ou irréguliers ». Cette conclusion a été infirmée par la Cour d’appel fédérale parce que la demanderesse « croyait raisonnablement » qu’elle ne cachait pas de renseignements connexes à son admission.

 

[36]           Quand on la considère dans son contexte factuel, l’exception formulée dans l’arrêt Medel est donc assez étroite. Comme l’a fait remarquer le juge MacKay en faisant une distinction entre cette affaire-là et celle dont il était saisi, soit Mohammed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1997 CanLII 5084 (FC), [1997] 3 CF 299 :

 

41        On peut également établir une distinction entre les faits de la présente espèce et ceux de l’affaire Medel, au motif que le renseignement que le requérant n’a pas communiqué n’était pas un renseignement dont il n’était véritablement et subjectivement pas au courant. En l’espèce, le requérant savait bien qu’il était marié. Et il ne s’agissait pas, comme dans l’affaire Medel, d’un renseignement dont la connaissance échappait à sa volonté. Il ne s’agissait pas d’un renseignement qu’on lui avait dissimulé ou au sujet duquel il avait été induit en erreur par les fonctionnaires de l’ambassade. La présumée ignorance du requérant en ce qui concerne l’obligation de signaler un tel changement important survenu dans son état matrimonial et son incapacité de communiquer ce renseignement à son arrivée à un agent d’immigration ne constituent pas, selon moi, une “ignorance subjective” de renseignements importants au sens de l’arrêt Medel.

 

Par ailleurs, je souligne qu’il y avait dans Medel un facteur déterminant : la demanderesse croyait raisonnablement qu’elle ne cachait pas de renseignements aux autorités canadiennes. Par contraste, en l’espèce, les demandeurs n’ont pas agi de manière raisonnable – le demandeur principal n’a pas examiné sa demande pour s’assurer de son exactitude.

 

[32]           Dans l’affaire Haque, précitée, les demandeurs ont aussi soutenu que leurs fausses déclarations n’étaient pas délibérées et ils ont voulu faire porter le blâme au consultant qui aurait mal rempli la demande. Le juge Mosley a rejeté cet argument et déclaré ceci :

[15]      […] mais il a signé cette demande, et il ne peut être libéré de sa responsabilité personnelle de veiller à ce que les renseignements fournis soient exacts et complets. Le juge Mainville a succinctement exprimé ce principe au paragraphe 31 de la décision Cao, précitée :

 

La demanderesse principale a signé sa demande de résidence temporaire et elle doit donc être tenue personnellement responsable des renseignements qui y sont fournis. C’est aussi simple que cela.

 

[33]           Les faits de l’espèce sont aussi très semblables à ceux de l’affaire Diwalpitiye c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 885 [Diwalpitiye]. Dans cette affaire, le demandeur avait indiqué sur son formulaire de demande qu’il n’avait jamais demandé, ni ne s’était vu refuser, le statut d’immigrant au Canada. Lorsque l’agent le lui a signalé, le répondant a expliqué qu’il avait auparavant présenté une demande de visa de résident temporaire qui avait été refusée, mais qu’une demande subséquente avait été approuvée. Lorsqu’il a reconnu l’erreur qu’il avait commise en remplissant son formulaire de demande, il a expliqué qu’il s’agissait simplement d’une omission et a demandé que sa demande soit traitée. Le juge Rennie a estimé que le demandeur n’avait pas convaincu la Cour qu’il était déraisonnable de conclure qu’il s’agissait d’une fausse déclaration importante.

 

[34]           À mon avis, le demandeur en l’espèce a clairement fait une fausse déclaration en omettant d’indiquer que le bureau de CIC de Los Angeles avait refusé de lui délivrer un visa de résident temporaire en octobre 2012. Il était conscient de l’existence de cette erreur dans sa demande et il lui incombait de veiller à ce que sa demande soit exacte et véridique au moment de la présenter. Toutefois, il n’a pas corrigé la demande avant de la présenter. Par ailleurs, le fait qu’une demande précédente avait été refusée, la présence de l’erreur d’écriture dans sa demande ainsi que le fait qu’elle n’avait pas été corrigée étaient tous des éléments dont la connaissance n’échappait pas à sa volonté. Le demandeur n’a par conséquent pas pu montrer qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté qu’il ne dissimulait pas des renseignements importants. Cette situation ne relève pas de l’exception étroite dont il est question dans Medel, précité. Il était raisonnable que l’agent conclue que le demandeur n’avait pas répondu véridiquement à toutes les questions du formulaire de demande comme l’exige le paragraphe 16(1) de la LIPR et qu’il avait fait une fausse déclaration relativement à ce fait.

 

[35]           Il ne reste donc plus que la question de savoir si cette fausse déclaration était importante.  

 

[36]           L’alinéa 40(1)a) de la LIPR dispose qu’un étranger est interdit de territoire pour fausses déclarations s’il fait, directement ou indirectement, une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou s’il manifeste une réticence sur ce fait, qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. L’ENF 2 donne comme exemple d’une fausse déclaration le cas d’un demandeur qui omet de signaler qu’il a déjà demandé un visa d’entrée au Canada.

 

[37]           Comme nous l’avons déjà mentionné, pour décider si une fausse déclaration est importante, il faut tenir compte du libellé de la disposition et de son objectif sous‑jacent. Pour être importante, une fausse déclaration n’a pas à être décisive ou déterminante. Elle est importante si elle a une incidence sur le processus. Par son libellé, l’article 40 dispose que la fausse déclaration ne doit pas forcément entraîner une erreur, il suffit qu’elle risque d’en entraîner une (LIPR, alinéa 40(1)a); Oloumi, précité, aux paragraphes 22 et 25; Haque, précité, au paragraphe 11; Mai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la protection civile), 2011 CF 101, au paragraphe 18; Nazim c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 471)).

 

[38]           Dans l’affaire Haque, précitée, le demandeur a omis de signaler qu’il avait déjà vécu et étudié aux États-Unis et il a omis ou faussement présenté des renseignements relatifs à son lieu de résidence, à ses études et à ses emplois. L’agent qui a pris la décision a découvert cette omission lors de l’examen des dossiers de CIC. Le tribunal a jugé que les renseignements non communiqués étaient importants pour l’issue de la demande car, sans eux, un visa aurait été délivré au demandeur sans qu’aient été obtenues des États‑Unis les attestations de police et de bonne conduite requises, ce qui aurait ainsi empêché la tenue d’une enquête et entraîné une erreur dans l’application de la LIPR.

 

[39]           Dans l’affaire Oloumi, précitée, les résultats frauduleux d’un examen de connaissance de la langue anglaise ont été fournis dans le cadre d’une demande de résidence permanente présentée dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Le tribunal a maintenu que la fausse déclaration était importante parce que les travailleurs qualifiés au fédéral doivent faire preuve de leurs compétences linguistiques pour être admis. Le document frauduleux a occasionné une erreur dans l’application de la LIPR parce qu’un décideur aurait pu s’y fier pour conclure que le demandeur avait fait preuve de ses compétences linguistiques.

 

[40]           En l’espèce, le défendeur fait valoir que l’agent aurait pu choisir de ne pas entreprendre le processus d’enquête et de vérification requis et croire à tort que le demandeur remplissait toutes les exigences de la LIPR s’il s’était fié à la réponse négative qu’avait donnée le demandeur au sujet d’un précédent refus de visa. La fausse déclaration était donc importante, car elle aurait eu une incidence sur le processus amorcé.

 

[41]           Selon moi, la fausse déclaration en l’espèce était importante.

 

[42]           L’agent ne précise pas la procédure d’enquête et de vérification que la fausse déclaration aurait empêché d’amorcer. Toutefois, l’article 9.5 de l’ENF 2 dispose que les agents doivent être convaincus que le demandeur remplit les exigences de la LIPR et qu’il n’est pas interdit de territoire. Pour prendre ces décisions, l’agent décide quelles procédures sont requises, notamment investigation, entrevues et vérifications. Certaines procédures sont requises par la Loi, d’autres sont de nature administrative. Étant donné la discrétion conférée à l’agent, le manque de précision n’entache pas la décision de nullité, bien qu’il eût été préférable que l’agent soit plus précis. Quoi qu’il en soit, si l’agent s’était fié uniquement à la demande qui ne faisait pas état d’un refus de visa antérieur, une erreur dans l’application de la LIPR aurait été commise puisque l’agent aurait délivré un visa au demandeur.  

 

[43]           Je ne peux pas non plus accepter les observations qu’a faites le demandeur lorsqu’il a comparu devant moi et selon lesquelles, parce que CIC a accès à tous ses antécédents en matière d’immigration, la réponse incorrecte qui figure dans sa demande n’a pas d’importance. Il a fait observer que la réponse incorrecte n’a pas eu d’incidence sur le processus parce que l’erreur a été découverte par CIC avant qu’une décision soit rendue. Ce raisonnement va à l’encontre de l’objectif, de l’esprit et de la lettre de la LIPR selon lesquels les demandeurs de visas de résident temporaire doivent répondre à toutes les questions avec honnêteté. Tout manquement à cet égard peut entraîner l’interdiction de territoire au Canada si la fausse déclaration entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Peu importe que CIC ait la capacité de découvrir ou découvre la fausse déclaration. Ce qui compte, c’est que la fausse déclaration aurait entraîné ou risquait d’entraîner une telle erreur. En conséquence, les demandeurs qui font de fausses déclarations dans le cadre de leurs demandes en espérant ne pas se faire prendre ou, s’ils le sont, en espérant échapper à une sanction en raison du manque d’importance du renseignement non communiqué, le font à leurs risques et périls.

 

[44]           Dans sa réponse à la lettre sur l’équité procédurale, le demandeur n’a pas non plus rectifié sa fausse déclaration. À cet égard, le juge Mosley a fait remarquer ceci dans la décision Haque, précitée : « la Cour n’a pas retenu l’argument selon lequel l’alinéa 40(1)a) ne s’applique pas lorsque la fausse déclaration est corrigée : Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 512, par. 25, 27 et 29 ».

 

[45]           Lorsqu’il a comparu devant moi, le demandeur a également fait valoir que, étant donné qu’il avait obtenu un permis de travail entre le moment où sa demande de résident temporaire a été refusée par le bureau de Los Angeles et le moment où son autre demande a été refusée par celui de Seattle, le premier refus a perdu toute importance puisque les autorités de l’immigration avaient accueilli sa demande subséquente. Je ne souscris pas à ce raisonnement. Tout d’abord, les demandes rejetées étaient toutes deux des demandes de visa de résident temporaire, et le permis de travail faisait l’objet d’une demande distincte. Ensuite, nous ne savons pas si les agents ont demandé au demandeur de signaler le refus de visa de résident temporaire lorsqu’il a présenté sa demande de permis de travail, ni si le demandeur l’a fait, étant donné que ni le demandeur ni le défendeur n’ont produit de preuve à cet égard. Et enfin, comme la question posée sur le formulaire de demande de résidence temporaire visait à savoir si le demandeur s’était déjà fait refuser un quelconque type de visa, il incombait au demandeur de signaler tout refus antérieur sans égard à son obtention subséquente du permis de travail. 

 

[46]           En plus d’avoir omis de signaler le refus de visa, en contravention de l’obligation de franchise que lui imposait la loi, le demandeur a affirmé dans sa déclaration solennelle qu’il n’avait jamais occupé un emploi à temps plein sans autorisation pendant qu’il possédait un PTHC valide. Cependant, cette déclaration contredit la pièce A accompagnant sa demande du 11 octobre 2012 et la lettre du 7 septembre 2011 émanant d’IVIS Inc., où il est mentionné que le demandeur a commencé à travailler à temps plein le 20 décembre 2012 chez IVIS Inc. après avoir terminé ses études au NAIT. Cela signifie que, du 20 décembre 2010 au 1er juin 2012, date à laquelle il a obtenu un permis de travail, il travaillait à plein temps alors qu’il n’était plus aux études et qu’il ne possédait qu’un PTHC, contrevenant ainsi aux conditions de sa première entrée au Canada. En conséquence, la conclusion de l’agent selon laquelle il ne croyait pas que le demandeur allait quitter le Canada à la fin de son séjour à titre de résident temporaire en se fondant sur la contravention antérieure était raisonnable.

 

[47]           Il y a lieu de noter, toutefois, que l’affirmation de l’agent voulant que le demandeur avait refusé d’obtempérer lorsqu’on lui avait demandé de restituer son PTHC et que c’était là la principale raison du rejet de la demande qu’il avait présentée au bureau de Los Angeles n’est pas étayée par le Dossier certifié du tribunal.

 

[48]           Le défendeur a déposé l’affidavit de Mme Leah Gabretensae, superviseure de l’unité des admissions de CIC, produit en réponse à la demande du défendeur. L’affidavit est accompagné d’un courriel du 12 juillet 2013, à titre de pièce, adressé par Mme Gabretensae au conseil du défendeur confirmant qu’elle avait parlé à Rachel, sans préciser le nom de famille, chez Norquest, qui lui avait confirmé que le demandeur avait été inscrit à cet établissement de 2007 jusqu’au 24 avril 2009 et qu’il avait suivi des cours de perfectionnement dans l’intention de s’inscrire au programme de formation pratique en soins infirmiers. Il n’a plus fréquenté cet établissement à compter d’avril 2009. Un autre courriel daté du 13 juillet 2013 adressé par Mme Kathy Galloway à Mme Gabretensae et au conseil du défendeur était annexé comme pièce justificative à l’affidavit et signalait que, après avoir vérifié ses dossiers, le NAIT l’avait informée que le demandeur avait commencé ses études à cet établissement en janvier 2010 et qu’il avait terminé avec mention un programme de technicien en eaux et en eaux usées en décembre 2010. L’affidavit précise aussi que [traduction] « le représentant de l’établissement d’enseignement postsecondaire où le demandeur était inscrit à l’époque [lorsque le PTHC du 24 avril 2009 a été délivré] aurait informé le demandeur de ce qu’il devait restituer le permis de travail au bureau de CIC le plus proche dès qu’il ne réunirait plus les conditions d’admissibilité ». L’auteur de l’affidavit précise que l’affidavit visait à faire obstacle à la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

 

[49]           Il semble que l’affidavit avait pour objet d’étoffer le Dossier certifié de la cour qui ne contenait aucun document étayant la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur avait refusé de restituer son PTHC après que CIC le lui eut demandé, ni expliquant la raison pour laquelle le demandeur ne remplissait plus les conditions de son PTHC un peu avant le 1er février 2012, date d’une inscription dans le SMGC confirmant cette situation, même s’il fréquentait le NAIT à temps plein. L’affidavit présenté en preuve quant aux responsabilités générales du représentant de l’établissement postsecondaire à l’égard des PTHC, y compris celle d’informer les étudiants des conditions dans lesquelles ils devaient restituer le permis, ne prouve en rien que le demandeur avait refusé d’obtempérer lorsqu’on lui avait demandé de restituer son PTHC. En outre, il est bien établi en droit que les seuls nouveaux éléments de preuve autorisés dans le cadre d’un contrôle judiciaire doivent uniquement permettre de régler des questions d’équité procédurale ou de compétence, et que ces exceptions ne s’appliquent pas en l’espèce (Oloumi, précité, au paragraphe 10; Alabadleh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 716, au paragraphe 6; Albajjali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 660, au paragraphe 12).

 

[50]           Toutefois, même en l’absence d’une preuve attestant que le demandeur a refusé de restituer son PTHC lorsqu’on le lui a demandé et que c’était là la principale raison pour laquelle le bureau de Los Angeles a refusé de lui accorder un visa, il y avait, comme nous l’avons déjà mentionné, suffisamment d’éléments de preuve au dossier dont disposait l’agent pour appuyer le fait que le demandeur travaillait à temps plein, du 20 décembre 2010 au 1er juin 2012, alors qu’il ne possédait qu’un PTHC après avoir terminé ses études au NAIT.

 

[51]           Le demandeur avait déjà enfreint les conditions de son entrée au Canada à une autre occasion en travaillant à temps plein sans autorisation et sa déclaration solennelle renfermait une fausse déclaration. Il a également fait une fausse déclaration en ne signalant pas qu’une précédente demande de visa de résident temporaire lui avait été refusée. Selon moi, ces deux fausses déclarations sont importantes. Par conséquent, la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur ne quitterait probablement pas le Canada à la fin de son séjour à titre de résident temporaire et qu’il avait fait des fausses déclarations importantes au sens de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR était raisonnable et défendable au vu des faits et du droit.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de portée générale à certifier n’a été proposée et aucune ne se pose.

 

 

« Cecily Y. Strickland »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-674-13

 

INTITULÉ :                                      GOBURDHUN c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 août 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge STRICKLAND

 

DATE :                                              Le 23 septembre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ranbir S. Thind

 

POUR LE DEMANDEUR

Anna Kuranicheva

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ranbir Thind & Associates

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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