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Date : 20131112


Dossier :

IMM-9157-12

 

Référence : 2013 CF 1143

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 12 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Annis

 

ENTRE :

BOJURIE JORDANO

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Madame Jordano souhaitait parrainer sa mère au titre de la catégorie du regroupement de la famille au sens du paragraphe 117(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement]. Dans des circonstances normales, elle aurait pu le faire en application de l’alinéa 117(1)c) du Règlement. Toutefois, une nouvelle instruction (Citoyenneté et Immigration Canada, Bulletin opérationnel 350 – le 4 novembre 2011; Quatrième série d’instructions ministérielles : moratoire temporaire sur les demandes de parrainage de parents et de grands‑parents au titre de la catégorie du regroupement familial, adresse en ligne : http://www.cic.gc.ca/francais/ressources/guides/bulletins/2011/bo350.asp) publiée en conformité de l’article 87.3 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], et dont la validité n’est pas en cause en l’espèce, a eu pour effet d’imposer un moratoire à l’acceptation aux fins de traitement de nouvelles demandes de parrainage de parents (alinéa 117(1)c)) et de grands‑parents (alinéa 117(1)d)).

 

[2]               Comprenant que la demande de parrainage de sa mère ne serait pas traitée au titre de l’alinéa 117(1)c), la demanderesse a préféré présenter sa demande au titre de l’alinéa 117(1)h).  Elle a reçu une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada [CIC] l’informant de ce que sa demande lui était retournée en raison de la suspension temporaire du traitement des demandes de parrainage de parents et de grands‑parents.

 

[3]               S’agissant de la catégorie du regroupement familial prévue au paragraphe 117(1), l’alinéa 117(1)d) du Règlement permet de faire des demandes de parrainage à des personnes qui n’ont pas de parents, comme des orphelins ou des personnes qui n’ont pas les liens habituels décrits dans d’autres alinéas du paragraphe 117(1) tels des conjoints, des enfants à charge, des parents ou des grands‑parents.

 

[4]               Normalement, les demandes ne peuvent être présentées au titre de l’alinéa 117(1)h) s’il est possible de parrainer des membres de la famille en vertu de l’alinéa 117(1)c) parce que selon le sous-alinéa 117(1)h)(ii), il n’y a pas lieu de recourir à cette disposition si la personne est susceptible de voir sa demande  « par ailleurs parrainée par le répondant »  au Canada. Dans la mesure où la demanderesse pouvait normalement parrainer sa mère au titre de l’alinéa 117(1)c), il lui était impossible de la parrainer au titre de l’alinéa 117(1)h).

 

[5]               Cependant, la demanderesse fait valoir qu’elle ne pouvait parrainer sa mère en raison de l’instruction ministérielle qui a mis un frein au traitement de la demande de sa mère au titre de l’alinéa 117(1)c). Le défendeur n’est pas d’avis que le moratoire visant les demandes de parrainage présentées au titre de l’alinéa 117(1)c) rend la demanderesse admissible à présenter une demande au titre de l’alinéa 117(1)h).

 

[6]               Cette question se résume donc à savoir si l’instruction ministérielle a une incidence sur l’interprétation de l’alinéa 117(1)h). Le paragraphe 117(1) se lit comme suit :

 (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu’ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

 

a) son époux, conjoint de fait ou partenaire conjugal;

 

 

b) ses enfants à charge;

 

 

cses parents;

 

 

d) les parents de l’un ou l’autre de ses parents;

 

e) [Abrogé, DORS/2005-61, art. 3]

 

f) s’ils sont âgés de moins de dix-huit ans, si leurs parents sont décédés et s’ils n’ont pas d’époux ni de conjoint de fait :

 

 

(i) les enfants de l’un ou l’autre des parents du répondant,

 

(ii) les enfants des enfants de l’un ou l’autre de ses parents,

 

(iii) les enfants de ses enfants;

 

g) la personne âgée de moins de dix-huit ans que le répondant veut adopter au Canada, si les conditions suivantes sont réunies :

 

(i) l’adoption ne vise pas principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi,

 

(ii) s’il s’agit d’une adoption internationale et que le pays où la personne réside et la province de destination sont parties à la Convention sur l’adoption, les autorités compétentes de ce pays et celles de cette province ont déclaré, par écrit, qu’elles estimaient que l’adoption était conforme à cette convention,

 

(iii) s’il s’agit d’une adoption internationale et que le pays où la personne réside ou la province de destination n’est pas partie à la Convention sur l’adoption :

 

 

(A) la personne a été placée en vue de son adoption dans ce pays ou peut par ailleurs y être légitimement adoptée et rien n’indique que l’adoption projetée a pour objet la traite de l’enfant ou la réalisation d’un gain indu au sens de cette convention,

 

 

 

 

(B) les autorités compétentes de la province de destination ont déclaré, par écrit, qu’elles ne s’opposaient pas à l’adoption;

 

htout autre membre de sa parenté, sans égard à son âge, à défaut d’époux, de conjoint de fait, de partenaire conjugal, d’enfant, de parents, de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de membre de sa famille qui est l’enfant d’un enfant de l’un ou l’autre de ses parents, de parents de l’un ou l’autre de ses parents ou de membre de sa famille qui est l’enfant de l’un ou l’autre des parents de l’un ou l’autre de ses parents, qui est :

 

(i) soit un citoyen canadien, un Indien ou un résident permanent,

 

(ii)  soit une personne susceptible de voir sa demande d’entrée et de séjour au Canada à titre de résident permanent par ailleurs parrainée par le répondant.

 

[Non souligné dans l’original.]

 (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

 

 

(a) the sponsor's spouse, common-law partner or conjugal partner;

 

(b) a dependent child of the sponsor;

 

(cthe sponsor's mother or father;

 

(d) the mother or father of the sponsor's mother or father;

 

(e) [Repealed, SOR/2005-61, s. 3]

 

(f) a person whose parents are deceased, who is under 18 years of age, who is not a spouse or common-law partner and who is

 

(i) a child of the sponsor's mother or father,

 

 

(ii) a child of a child of the sponsor's mother or father, or

 

(iii) a child of the sponsor's child;

 

(g) a person under 18 years of age whom the sponsor intends to adopt in Canada if

 

 

 

(i) the adoption is not being entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act,

 

(ii) where the adoption is an international adoption and the country in which the person resides and their province of intended destination are parties to the Hague Convention on Adoption, the competent authority of the country and of the province have approved the adoption in writing as conforming to that Convention, and

 

(iii) where the adoption is an international adoption and either the country in which the person resides or the person's province of intended destination is not a party to the Hague Convention on Adoption

 

(A) the person has been placed for adoption in the country in which they reside or is otherwise legally available in that country for adoption and there is no evidence that the intended adoption is for the purpose of child trafficking or undue gain within the meaning of the Hague Convention on Adoption, and

 

(B) the competent authority of the person's province of intended destination has stated in writing that it does not object to the adoption; or

 

(ha relative of the sponsor, regardless of age, if the sponsor does not have a spouse, a common-law partner, a conjugal partner, a child, a mother or father, a relative who is a child of that mother or father, a relative who is a child of a child of that mother or father, a mother or father of that mother or father or a relative who is a child of the mother or father of that mother or father

 

 

 

(i) who is a Canadian citizen, Indian or permanent resident, or

 

(ii)  whose application to enter and remain in Canada as a permanent resident the sponsor may otherwise sponsor.

 

 

 

[Emphasis added]

 

[7]               Dans la mesure où il n’y a pas lieu de faire preuve de déférence à l’égard de CIC dans l’interprétation des dispositions législatives, seule question soulevée en l’espèce, la norme de contrôle qui s’applique est celle de la décision correcte.

 

[8]               À cet égard, la demanderesse s’est arrêtée aux mots « sa demande » du sous‑alinéa 117(1)h)(ii) et cherche en à faire une interprétation littérale, soutenant que le moratoire sur les demandes fait d’elle le répondant d’un parent qui ne vit pas encore au Canada et qui ne peut présenter une demande pour y entrer.

 

[9]               Je rejette l’interprétation que fait la demanderesse de cette disposition pour trois raisons. Tout d’abord, les termes utilisés à l’alinéa 117(1)h) doivent être interprétés en fonction de l’objet et de l’intention recherchés par le législateur. Cette disposition vise les personnes qui n’ont pas de parenté au Canada et pour qui il est impossible de parrainer des membres de leur famille au titre d’une autre disposition. Il serait contraire à l’objet de cette disposition – qui ne devait aucunement s’appliquer à elles – de viser aussi les personnes qui ont déjà des parents au Canada ou qui peuvent parrainer des parents au titre d’une autre disposition.

 

[10]           Ensuite, un moratoire ministériel temporaire destiné à surmonter les contraintes administratives et les exigences en matière de traitement que crée une disposition législative – et que l’on ne prétend pas avoir pour effet de modifier la disposition ou de changer l’objet que le législateur a voulu lui donner – ne peut avoir pour effet de changer la catégorie de répondants où se classe la demanderesse. Si sans le moratoire administratif, la disposition doit être interprétée comme excluant la mère de la demanderesse parce qu’elle peut être parrainée au titre de l’alinéa 117(1)c), la mesure administrative relative à l’application de la disposition ne modifiera pas cette interprétation.

 

[11]           Enfin, si pareille interprétation de l’alinéa 117(1)h) était possible, elle saperait l’objet de l’article 87.3 de la LIPR. Dans la décision Tabingo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 377, le juge Rennie a tenu compte de l’application de l’article 87.3 de la LIPR aux demandes présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés du volet fédéral à l’égard desquelles avaient été accumulés d’importants arriérés. Il a précisé ceci au paragraphe 8 de ces motifs :

[8]        Afin de régler ce problème, la LIPR a été modifiée en février 2008 par l’ajout de l’article 87.3. Cette disposition autorisait le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) à prendre des instructions ministérielles concernant l’ordre de priorité dans lequel les demandes seraient traitées, et elle éliminait l’obligation de traiter chaque demande reçue. Les instructions ministérielles prévoyaient un triage des demandes selon des critères d’admissibilité révisés, notamment la mise en place de catégories de demandeurs et de quotas.

 

[12]           L’un des objectifs de l’instruction ministérielle qui concerne l’espèce était, comme l’annonçait le gouvernement dans un communiqué, « de réduire encore davantage l’actuel arriéré de 165 000 demandes de parents et de grands-parents ». (Voir Citoyenneté et Immigration Canada, Communiqué – Le gouvernement du Canada réduit l’arriéré et le temps d’attente pour la réunification familiale – Phase I du Plan d’action pour accélérer la réunification familiale (4 novembre 2011), en ligne à l’adresse  http://www.cic.gc.ca/francais/ministere/media/communiques/2011/2011-11-04.asp.) Interpréter l’effet d’une mesure administrative d’une manière qui exacerberait le problème que la mesure est censée résoudre constituerait une application abusive aussi bien de l’alinéa 117(1)h) du Règlement que de l’article 87.3 de la LIPR.

 

[13]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande est rejetée;

2.         Aucune question de portée générale n’a été proposée aux fins de certification.

 

 

 

« Peter Annis »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

IMM-9157-12

 

INTITULÉ :

BOJURIE JORDANO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 17 OCTOBRE 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                                                                            LE JUGE ANNIS

 

DATE :

                                                            lE 12 NOVEMBRE 2013

COMPARUTIONS :

Mary Keyork

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Monmi Goswami

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mary Keyork Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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