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Date : 20131112

Dossier : IMM-12936-12

Référence : 2013 CF 1147

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 12 novembre 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

 

DAVINDER SINGH DEOL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande de résidence permanente de M. Deol aux termes du Programme des candidats du Manitoba à titre de travailleur qualifié a été rejetée parce qu’il a fait une fausse déclaration ou caché des faits importants se rapportant à son emploi qui auraient pu entraîner une erreur dans l’application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27, ce qui contrevient à l’alinéa 40(1)a).

 

[2]               M. Deol soutient qu’en rendant cette décision, l’agente a manqué à l’obligation d’équité procédurale en : 1) refusant une demande de prorogation de délai pour répondre à la lettre d’équité, 2) n’indiquant pas dans la lettre d’équité tous les faits soulevant des préoccupations relatives à la crédibilité, et 3) omettant de mener comme il se devait une enquête avant d’établir que le demandeur avait fait une fausse déclaration ou caché des éléments importants.

 

[3]               À mon avis, la seule question nécessitant l’attention de la Cour est celle de savoir si le fait que l’agente n’a pas accordé une prorogation de délai pour répondre à la lettre d’équité constituait un manquement à l’équité procédurale. À cet égard, la Cour a attiré l’attention des parties sur Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 1023, décision très récente du juge Roy, dans laquelle celui‑ci a estimé que le défaut d’accorder une prorogation de délai pour répondre à une lettre d’équité, selon les faits de l’espèce, constituait un manquement à l’équité procédurale.

 

[4]               Je conviens avec l’avocat du ministre que les faits sont importants. Ce ne sont pas tous les refus d’accorder une prorogation de délai qui constituent un manquement à l’équité procédurale. Cependant, les faits en l’espèce sont tels que je dois conclure que le refus constituait bel et bien un tel manquement.

 

[5]               Le 21 novembre 2011, une agente a téléphoné à l’employeur de M. Deol et, par la suite, a parlé à M. Deol. L’agente a relevé plusieurs incohérences dans les affirmations des deux hommes. Pour des raisons inexpliquées, aucune autre suite n’a été donnée à l’égard de la demande jusqu’au 13 août 2012, lorsqu’une lettre d’équité a été envoyée à M. Deol.

 

[6]               La lettre d’équité soulevait quatre questions. Deux des questions concernaient les incohérences entre ce que M. Deol et son employeur avaient dit à l’agente. La troisième se rapportait au défaut de M. Deol de produire un formulaire Recours aux services d’un représentant pour l’ « agent de voyage » qui l’avait aidé à faire sa demande, et la dernière, à des dépôts dans son compte bancaire qui semblaient supérieurs à son revenu. M. Deol avait 30 jours pour répondre à la lettre.

 

[7]               M. Deol, ou ses parents canadiens, a alors retenu les services d’un avocat canadien pour répondre en son nom. L’avocat a produit le 10 septembre 2012, soit au cours de la période de réponse initiale de 30 jours, un formulaire Recours aux services d’un représentant et a écrit pour demander une prorogation de 90 jours du délai pour répondre à la lettre :

[traduction]

Comme suite à votre [lettre d’équité], nous vous demandons une période supplémentaire de 90 jours pour fournir une réponse exhaustive aux préoccupations énoncées dans votre lettre dans l’intérêt de l’équité procédurale étant donné que notre cabinet vient tout juste d’être retenu. Nous avons envoyé une demande de communication pour avoir accès au dossier de M. Deol et aux notes informatiques s’y rapportant et attendons les documents en question qui nous aideront dans l’examen du dossier. Ainsi que vous le savez peut-être, le temps d’attente pour l’obtention des documents peut aller de 45 à 60 jours. [Non souligné dans l’original.]

 

[8]               Il faut conclure, d’après les affaires auxquelles les parties ont renvoyé, que le Ministère a pour politique de ne pas répondre à de telles demandes, à moins, peut‑être, qu’une prorogation de délai ne soit accordée. Si c’est bien la politique du Ministère, celle‑ci devrait peut‑être être revue. La simple politesse, sinon l’équité, devrait régir les interactions entre le Ministère et les demandeurs et leur avocat.

 

[9]               Dans la décision visée par le contrôle, l’agente répond en ces termes à la demande de prorogation de délai :

[traduction]

Une demande de prorogation de 90 jours supplémentaires a été reçue par [sic] votre représentant autorisé; cependant, je ne crois pas qu’une prorogation pour la production de documents soit justifiée en l’espèce. [Non souligné dans l’original.]

 

[10]           L’agente a peut‑être raison quand elle dit qu’un demandeur ne devrait pas avoir besoin de plus de 30 jours pour [traduction] « produire des documents », mais ce n’est pas ce qui était demandé dans la lettre d’équité. Dans la lettre d’équité, l’agente, après avoir énoncé les préoccupations, a écrit : [traduction] « Je vous donne la possibilité de faire des commentaires sur la préoccupation susmentionnée ou de faire toute observation ou fournir toute explication par écrit ».  [Non souligné dans l’original.]

 

[11]           Étant donné que les préoccupations de l’agente tel qu’elles sont énoncées dans la lettre d’équité se rapportaient aux affirmations de M. Deol et de son employeur faites quelque huit mois auparavant, et étant donné que les services de l’avocat venaient juste d’être retenus, il n’est guère surprenant que l’avocat souhaitait savoir exactement ce qui avait été dit à l’agente. Si la lettre d’équité avait été envoyée quelques jours après la conversation, lorsque les faits étaient frais en mémoire, il aurait été probable qu’une prorogation de 90 jours aurait été superflue – une prorogation plus courte aurait été suffisante pour permettre à l’avocat dont les services venaient d’être retenus de se renseigner et de rédiger une réponse exhaustive. Je souscris entièrement à  l’observation du juge Roy dans Kaur, au paragraphe 20 :

J’estime que si, pour des raisons d’équité, la demanderesse doit être avisée de préoccupations certes légitimes, il faut par conséquent donner à celle‑ci la juste possibilité d’y répondre. Compte tenu des circonstances de la présente affaire, la précipitation du défendeur demeure inexpliquée, tout comme le fait qu’il n’a pas communiqué avec le représentant de la demanderesse en temps utile. La possibilité de présenter des observations ne peut être écartée au nom de l’efficience du processus décisionnel. Selon moi, la possibilité de présenter une réponse en bonne et due forme n’a pas été accordée en l’espèce.

 

[12]           Le fait que l’agente n’a pas consenti à quelque prorogation que ce soit était inéquitable sur le plan de la procédure dans les circonstances, et la décision doit être annulée.

 

[13]           Un autre agent doit examiner la demande et, à cet égard, M. Deol et son avocat doivent avoir la possibilité de dissiper les préoccupations déjà soulevées et toute autre nouvelle préoccupation découlant de la nouvelle évaluation.

 

[14]           L’avocat de M. Deol a proposé aux fins de certification la question de savoir s’il était juste de donner un délai de réponse en fonction de la date de la lettre d’équité, sachant qu’un certain temps s’écoulerait avant que le destinataire ne la reçoive. Je conviens avec l’avocat du ministre que la question proposée n’est pas de portée générale. De plus, étant donné le fondement de la décision en l’espèce, la question ne serait pas décisive dans un appel.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la demande est accordée, la décision datée du 4 octobre 2012 est annulée, la demande de résidence permanente de M. Deol aux termes du Programme des candidats du Manitoba à titre de travailleur qualifié doit être évaluée par un nouvel agent  conformément aux présents motifs, et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-12936-12

 

 

INTITULÉ :                                      DAVINDER SINGH DEOL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Winnipeg (Manitoba)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 5 novembre 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE  ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 12 novembre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

David H. Davis

 

 

POUR LE DEMANDEUR

Alexander Menticoglou

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAVIS IMMIGRATION LAW OFFICE

Avocats et notaire

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DEMANDEUR

WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 


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