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Date : 20131010


Dossier :

IMM-1613-13

 

Référence : 2013 CF 1022

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Roy

 

 

ENTRE :

SEGU NILABDEEN Mohamed Rizlan,

MOHAMMED RAFEEK Fathima Fowmida et

MOHAMED RIZLAN Fathima Reeha

 

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               ÉTANT DONNÉ la demande de contrôle judiciaire, faite en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission);

 

[2]               ÉTANT DONNÉ que ladite décision a été de rejeter la demande d’asile présentée en vertu des articles 96 et 97 de la Loi;

 

[3]               ÉTANT DONNÉ que les demandeurs ont soulevé les deux questions en litige distinctes suivantes :

(1) les services d’interprète fournis à l’audience de la Commission étaient-ils inadéquats au point d’avoir privé les demandeurs d’une audience équitable?

(2) la Commission a-t-elle fait erreur en concluant que les demandeurs n’étaient pas crédibles?

 

[4]               APRÈS avoir entendu les parties et examiné le dossier, j’en arrive à la conclusion que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Voici les motifs de ma décision.

 

[5]               Les demandeurs forment une famille de trois personnes arrivées au Canada en mai 2011. Le demandeur principal, Mohamed Rizlan Segu Nilabdeen, le père, a dit dans son témoignage relativement à sa demande d’asile que sa famille et lui‑même avaient besoin de la protection prévue aux articles 96 et 97 de la Loi. Il est inutile ici de revenir sur les faits de l’espèce sauf pour signaler que le demandeur principal (le demandeur) a prétendu que, en raison de ses activités politiques au Sri Lanka, et plus particulièrement de son appui au Parti de l’unité nationale [UNP], il a été victime d’actes de violence vers la fin de 2010 et au début de 2011. C’est après avoir été agressé une seconde fois, en février 2011, que lui et sa famille se sont enfuis au Canada, où leur demande de visa était déjà en traitement.

 

[6]               La Commission a été saisie de la question de savoir si le demandeur était crédible, comme les parties en avaient convenu et ainsi que la Commission l’a précisé dans sa décision, libellée comme suit au paragraphe 14 :

Avant l’interrogatoire, le conseil et moi avons convenu de mettre l’accent sur la question de la crédibilité en raison des nombreux rapports sur les droits de la personne qui ont été présentés en preuve et qui établissent que le Sri Lanka est un pays où des actes de violence à caractère politique pourraient vraisemblablement être commis contre un militant d’un parti de l’opposition, sans que cette personne puisse s’attendre à être protégée par la police.

 

 

 

[7]               À mon avis, les conclusions relatives à la crédibilité sont pertinentes et raisonnables.

 

[8]               Il semble que le demandeur a confondu les dates auxquelles les deux agressions se seraient produites. Était-ce en janvier ou plutôt en février 2011? Cette confusion n’entoure cependant que la seconde des deux agressions, celle qui a poussé les demandeurs à fuir leur pays deux mois plus tard. On se serait attendu à un souvenir plus précis d’un événement aussi déterminant.

 

[9]               Pour appuyer l’allégation selon laquelle il était un militant politique actif, le demandeur a prétendu qu’il était un agent de relations publiques pour l’UNP. Sans autre explication, il a déclaré dans sa demande de visa canadien qu’il n’avait jamais occupé une position d’autorité dans un parti politique. Que l’omission soit due à un oubli, comme il l’a déclaré, ne paraît pas plausible, surtout que sa demande d’asile reposait essentiellement sur son activité politique. Il semblerait aussi que le demandeur ait omis de décrire dans son exposé circonstancié du Formulaire de renseignements personnels [FRP] ce qu’il a allégué être des menaces très graves de la part de ses agresseurs. Là aussi, le demandeur a déclaré que c’était un oubli. Comme l’a signalé la Commission, le demandeur a signé le FRP quelque quatre mois après son arrivée au Canada. Beaucoup de temps s’est donc écoulé et il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que les renseignements figurant dans un document de cette importance soient justes, surtout lorsque le document n’a pas été rédigé dans la hâte.

 

[10]           Par ailleurs, le demandeur a produit une carte de membre du parti et une lettre de témoignage à l’appui de ses prétentions; les deux documents étaient censés avoir été signés par le même représentant du parti. Toutefois, lorsque la Commission a signalé au demandeur que les signatures sur ces documents étaient entièrement différentes, le demandeur a été incapable de l’expliquer. La Commission a également appris que le demandeur avait obtenu un visa du Royaume‑Uni en octobre 2003 sous un autre nom, ce que le demandeur n’avait pas mentionné en dépit du fait que le FPR indique clairement que l’information de ce type doit être communiquée. Le demandeur n’a pas contesté s’être servi de cette autre identité pour obtenir ce visa. Il s’est borné à dire qu’il voulait oublier cet épisode. De fait, il a déclaré qu’il ne s’était jamais vraiment rendu au Royaume-Uni, ce qui est étrange étant donné que ledit visa, qui arrivait à échéance en juin 2009, a été prolongé jusqu’en avril 2014. La preuve présentée à la Commission indique que les autorités britanniques accordent une prolongation lorsqu’ils ont la preuve que l’intéressé fait ses études dans le pays. Le demandeur n’a pas expliqué pourquoi le visa du Royaume-Uni avait été prolongé. Il serait certainement utile de clarifier et de comprendre les circonstances entourant l’obtention du visa du Royaume-Uni pour examiner et jauger la crédibilité du demandeur principal.

 

[11]           Mon collègue le juge Donald J. Rennie a fait un résumé très utile des principes régissant l’appréciation de la crédibilité des demandeurs d’asile dans sa décision Cooper c Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2012 CF 118, au paragraphe 4. Mentionnons seulement que, selon moi, les invraisemblances et les incohérences relevées dans le témoignage du demandeur justifient une conclusion défavorable quant à sa crédibilité. La Commission n’a pas fait du témoignage un examen que l’on pourrait qualifier de microscopique et qui a donné lieu à des conclusions accessoires ou hors de propos. Les incohérences et contradictions n’étaient ni mineures ni accessoires, et leur effet cumulatif peut, selon moi, justifier une conclusion générale de non‑crédibilité. Ces conclusions sont à mon avis raisonnables en l’espèce.

 

[12]           Quant à la qualité des services d’interprétation, les demandeurs ont raison de faire valoir que la norme applicable en l’espèce est celle qui est décrite dans l’arrêt Mohammadian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 4 CF 85 (CAF). L’interprétation fournie aux demandeurs doit être continue, fidèle, compétente, impartiale et concomitante. De plus, les demandeurs n’ont pas à prouver qu’ils ont subi un préjudice réel. En revanche, il est aussi bien établi que l’interprétation n’a pas à être parfaite. Les extraits qui suivent de la décision rendue par la Cour d’appel dans l’affaire Mohammadian ont rapport à la décision qui doit être prise en l’espèce :

[17] […] Si la plainte tardive que l'appelant a présentée au sujet de la qualité de l'interprétation était accueillie, il deviendrait encore plus difficile pour la section du statut d'accomplir les tâches importantes qui lui sont confiées lorsqu'il s'agit d'entendre les revendications et de rendre une décision en temps opportun. La section du statut doit chaque année régler un nombre croissant de revendications qui, dans bien des cas, sont présentées par des individus dont la langue maternelle n'est ni l'une ni l'autre des langues officielles du Canada. L'intérêt de l'individu en cause et celui du public exigent certainement que la revendication soit traitée le plus tôt possible. Or, il n'est pas dans l'intérêt de l'individu ni du public de retarder inutilement le processus de reconnaissance du statut de réfugié, à condition que des garanties acceptables soient fournies afin d'empêcher la violation du droit prévu à l'article 14.

 

 

Plus loin, au paragraphe 19, la Cour conclut comme suit :

 

[…] Lorsque sa conduite, au cours de la troisième séance et pendant un certain temps par la suite, est appréciée compte tenu du fait qu'il avait sans aucun doute connaissance de son droit, il est difficile d'interpréter cette conduite comme étant autre chose qu'une indication claire que la qualité de l'interprétation satisfaisait l'appelant lors de l'audience elle-même. Par conséquent, à mon avis, le juge Pelletier n'a pas commis d'erreur en statuant que l'appelant avait renoncé au droit qu'il possédait en vertu de l'article 14 de la Charte du fait qu'il ne s'était pas opposé à la qualité de l'interprétation dès qu'il avait eu la possibilité de le faire au cours de l'audition de sa revendication.

 

 

[13]           Après examen de la preuve présentée en l’espèce, je suis persuadé que les circonstances de l’affaire Mohammadian sont semblables à celles de la présente affaire. En effet, le demandeur a allégué posséder une connaissance pratique de la langue anglaise. Les préoccupations soulevées à l’égard du premier interprète ont été traitées sans détour par la Commission, qui a appelé un autre interprète. Le demandeur a déclaré qu’il comprenait le nouvel interprète en réponse à une question précise de la Commission. Les préoccupations ont été réglées à mesure qu’elles ont été soulevées à l’audience, vraisemblablement à la satisfaction du des demandeurs. Personne ne s’est plaint durant l’audience.

 

[14]           J’ai moi-même revu la transcription de l’audience et, autant que je sache, elle m’a paru continue, fidèle, compétente, impartiale et concomitante, sans être parfaite. À plusieurs occasions, l’interprète, qui était au téléphone, a dû interrompre les échanges et demander que certaines phrases soient répétées. Ce n’est pas étonnant. La plupart des difficultés qui sont survenues étaient attribuables au fait que l’interprète se servait d’un téléphone et au fait que les participants semblaient parfois oublier qu’ils avaient affaire à un interprète. Fort heureusement, l’interprète a bien fait son travail et a fourni des services adéquats. Ma lecture de la transcription m’a confirmé qu’aucun élément d’importance n’a été perdu. De plus, le demandeur n’a pas soulevé d’objections quant à l’interprétation. Mais il la conteste maintenant ex post facto, prétextant des interruptions dans l’interprétation. Cela ne suffit pas pour conclure que le droit à une interprétation compétente a été enfreint.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire est en conséquence rejetée. Les parties conviennent qu’il n’y a aucune question à certifier. Je suis du même avis.

 

 

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question ne doit être certifiée.

 

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Marie-Michèle Chidiac, trad.a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-1613-13

 

INTITULÉ :

SEGU NILABDEEN Mohamed Rizlan

MOHAMMED RAFEEK Fathima Fowmida

MOHAMED RIZLAN Fathima Reeha

c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                        vancouver (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                        LE 9 sEPTEMBRE 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 10 OCTOBRE 2013

COMPARUTIONS :

Ghulam Murtaza

 

Krysta Cochrane

 

POUR LES DEMANDEURS

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

GMS Law Corporation

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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