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Date : 20131011

Dossier : T‑1555‑12

Référence : 2013 CF 1036

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 11 octobre 2013

En présence de Me Kevin R. Aalto, responsable de la gestion de l’instance

 

 

 

ENTRE :

PFIZER CANADA INC.

ET G.D. SEARLE & CO.

 

demanderesses

et

APOTEX INC.

ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente cause est l’illustration parfaite des raisons pour lesquelles, dans les procédures fondées sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement), il n’y a pas lieu de rendre une ordonnance inversant l’ordre de présentation de la preuve, sauf dans les circonstances les plus exceptionnelles. Une situation qui pourrait être qualifiée de circonstance exceptionnelle serait le consentement des avocats des parties respectives pour inverser cet ordre de présentation. Les parties sont maîtres de leur preuve et si elles souhaitent présenter des éléments sur une question plus tôt que ne l’exigent les Règles des Cours fédérales, elles devraient disposer de cette option dans la mesure où cette façon de procéder est justifiable et ne mène pas, par exemple, à des requêtes contestées visant le dépôt de contre‑preuves et de répliques aux contre‑preuves.

 

[2]               De manière générale, il semble que les ordonnances inversant l’ordre de présentation de la preuve ne permettent pas d’atteindre l’objectif de l’Instruction relative à la pratique en date du 7 décembre 2007, soit la simplification des procédures fondées sur le Règlement. L’Instruction relative à la pratique était censée esquisser des façons d’amorcer des discussions entre les parties permettant d’assurer une prise de décision sur le fond qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

 

[3]               La difficulté se pose tout particulièrement dans le contexte d’une inversion partielle de la présentation de la preuve qui, en l’espèce, a semé la zizanie. La demanderesse (Pfizer) a communiqué sa preuve factuelle à l’appui du brevet en cause, la défenderesse (Apotex) a ensuite communiqué sa preuve concernant la validité, puis Pfizer a communiqué sa preuve sur la validité. La zizanie s’est installée du fait que les experts de Pfizer se fondent maintenant sur un grand nombre d’études cliniques, de monographies et d’autres documents qui, d’après Apotex, sont des éléments de preuve factuelle qui auraient dû être signalés au moment de la communication de la preuve « factuelle ».

 

[4]               Ainsi, Apotex présente une requête à la Cour en vue de faire radier des parties importantes, dont des pièces, d’affidavits souscrits par trois experts et déposés pour le compte de Pfizer. Les éléments de preuve visés par la requête en radiation sont les éléments sur lesquels ces trois experts de Pfizer se fondent pour justifier leurs opinions. 

 

[5]               Les parties des affidavits visées par la requête en radiation sont nombreuses :

a)         M. Fennerty, affidavit souscrit le 2 août 2013, paragraphes 16, 17, 35, 36, 37 (la deuxième phrase), 39 (de la deuxième à la quatrième phrase), 40, 41 (la première phrase), 43, 44, 45, 46, 47, 48, 55 (l’avant‑dernière phrase), 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 105 (les deux dernières phrases), 112, 121 (la cinquième phrase), 163 (les deux dernières phrases), ainsi que les pièces D, E, F, G, I, J, M, N, O, P, R, T et V;

 

b)         M. Abramson, affidavit souscrit le 6 août 2013, paragraphes 14e), 86, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 120, 121, 122, 123, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 156 (la première phrase), 177, 179 (l’avant‑dernière phrase), 210 (les deux dernières phrases), 223, 224, 225, 227 (les renvois à l’article de Lancet 2013), 228, ainsi que les pièces D, E, F, G, H, L, M, Q, R, S, T, U, V, W, Y et BB;

 

c)         M. Tugwell, affidavit souscrit le 6 août 2013, paragraphe 17, 38 (l’avant‑dernière phrase), 44, 45, 46, 47, 48, 51, 65, 66, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 87, 88, 89, 90, 91, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 107, 108, 109, 110, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 117, 118, 119, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126, 127, 128, 129, 130, 131, 132, 133, 134, 135, 136, 173, 197, 198, 199, 200, 206, ainsi que les pièces G, H, I, J, O, P, U, V, W, X, Y, Z, AA, BB et CC.

 

[6]               Dans une large mesure, une radiation aussi importante de ces affidavits équivaudrait à une réécriture des affidavits.

 

Contexte

[7]               La présente demande a trait au médicament célécoxib et au brevet de Pfizer, soit le brevet 576. Le 3 juillet 2012, Apotex a déposé un avis d’allégation dans lequel elle indique que ses deux motifs principaux de contester la validité du brevet 576 étaient l’inutilité et l’absence de prédiction valable.

 

[8]               Le 16 août 2013, Pfizer a engagé la présente procédure fondée sur le Règlement. Dans le cadre de la présente demande, une des mesures de réparation que tente d’obtenir Pfizer est l’inversion de l’ordre de présentation de la preuve.

 

[9]               Comme pour toutes les autres procédures fondées sur le Règlement, la présente affaire fait l’objet d’une gestion de l’instance. En novembre 2012, une réunion de gestion de l’instance a été tenue, où les parties « dev[aie]nt » [il s’agit du verbe utiliser dans l’Instruction relative à la pratique en date du 7 décembre 2007] répondre à la question de savoir s’il est approprié d’inverser l’ordre dans lequel la preuve des parties est présentée et établir un calendrier pour la procédure. En ce qui concerne le calendrier, Apotex souhaitait obtenir une date d’audience consacrée conjointement à une autre demande visant le même brevet [la procédure Mylan], mais déposée avant la présente demande. Lors de la procédure Mylan, les parties ont convenu d’inverser l’ordre de présentation de la preuve. Toutefois, dans la présente affaire, Apotex s’opposait à toute inversion de l’ordre de présentation de la preuve et a vigoureusement défendu cette position à la réunion de gestion de l’instance tenue en novembre.

 

[10]           Pfizer a indiqué qu’elle allait donc présenter une requête en vue d’inverser l’ordre de présentation de la preuve. Une telle requête aurait pour but d’assurer une prise de décision qui soit juste et la plus expéditive et économique possible. Étant donné que la Cour ne pouvait proposer de date pour entendre une telle requête avant plusieurs mois, Apotex a accepté une inversion partielle de l’ordre de présentation de la preuve. Les parties ont convenu d’un calendrier qui prévoyait cette inversion partielle et qui envisageait une date d’audience consacrée conjointement à la procédure Mylan.

 

[11]           La Cour a donné une directive qui incluait le calendrier ainsi qu’il a été proposé par Pfizer et accepté par Apotex. Ainsi, Apotex s’attendait à recevoir la totalité de la preuve factuelle de Pfizer avant de présenter sa preuve concernant l’invalidité du brevet en mettant l’accent sur l’inutilité.

 

[12]           Le 15 janvier 2013, Pfizer a communiqué sa preuve « factuelle », qui était constituée des affidavits de Mme Manuela Berger [l’affidavit de Mme Berger] et de Mme Karen Seibert [l’affidavit de Mme Seibert]. L’affidavit de Mme Berger était le principal affidavit portant sur la question de l’inutilité. Il renferme des éléments de preuve factuelle se rapportant à trois études précises : CONDOR, GI REASONS et SUCCESS.

 

[13]           Par la suite, le 29 avril 2013, Apotex a communiqué sa preuve. Elle renfermait quatre affidavits d’experts, dont trois abordaient la question de l’inutilité soulevée dans l’avis d’allégation. Ces affidavits portaient sur les questions dans l’avis d’allégation et répondaient à la preuve factuelle dans l’affidavit de Mme Berger. Plusieurs des experts d’Apotex expriment leurs opinions sur les questions liées à l’utilité et, dans l’affidavit de l’un de ces experts, soit M. Flowers, figure l’affirmation suivante :

[traduction]

Les avocats d’Apotex m’ont avisé que l’affidavit de Mme Seibert renferme les renseignements factuels se rapportant au développement de l’objet du brevet 576, y compris le célécoxib, sur lesquels les demanderesses prévoient se fonder dans la présente procédure. [Paragraphe 33]

 

[14]           Le 6 août 2013, Pfizer a signifié cinq affidavits d’experts. Trois de ces affidavits abordaient la question de l’inutilité : soit ceux de MM. Fennerty, Tugwell et Abramson. Dans ces affidavits, il y a des renvois à 25 articles [la preuve contestée] qui ne sont jamais signalés dans l’affidavit de Mme Berger ou dans l’avis de demande. Un seul de ces renvois semble correspondre à une étude publiée après que Pfizer a communiqué sa première tranche de preuve : la méta‑analyse de Lancet 2013.

 

[15]           Pfizer reconnaît qu’en raison de la façon dont la preuve contestée a été présentée, Apotex devrait avoir un droit de réplique. Faisant preuve d’une magnanimité qui est plutôt rare dans ce genre de procédures, Pfizer a proposé une offre « irrévocable » en vue de régler la présente requête : la Cour pourrait accorder un droit de réplique à Apotex, avec certaines restrictions. Bien que ce geste magnanime permettrait dans une certaine mesure de mettre fin à la zizanie créée par l’inversion partielle, il ne constitue pas une solution complète. 

 

[16]           On a fait valoir lors de la plaidoirie qu’il s’agissait seulement d’une directive de la Cour se rapportant au calendrier, et non d’une ordonnance formelle, si bien que son effet n’était pas le même; à mon avis, ce n’est pas le cas. Il se peut que le manquement à une ordonnance ouvre la voie à une gamme plus variée de mesures de réparation, mais les directives de la Cour ont néanmoins tout le poids d’une décision judiciaire et ne sont pas de simples suggestions concernant la façon dont une affaire devrait se dérouler : il s’agit des attentes de la Cour au sujet du déroulement de l’affaire.

 

[17]           Relativement à la présente requête, les parties ont déposé de nombreux documents, dont les divers longs affidavits en cause et l’affidavit d’un avocat qui explique son interprétation du sens de l’expression « preuve factuelle » dans le contexte d’une procédure fondée sur le Règlement. Il a fait l’objet d’un long contre‑interrogatoire. En raison de la règle générale selon laquelle un avocat ne doit pas comparaître à titre de conseiller juridique et de témoin dans la même affaire, et étant donné qu’Apotex a soulevé ce problème, un conseiller juridique externe a été embauché par Pfizer pour débattre la présente requête.

 

La thèse d’Apotex

[18]           Apotex fonde sa thèse sur ce qui suit :

Ces affaires complexes de propriété intellectuelle, où les enjeux sont extrêmement élevés, sont soumises à des règles de procédure qui visent à assurer l’équité et l’efficacité du procès, ainsi que la communication intégrale et opportune des éléments de preuve. La non‑divulgation, le manque d’éclaircissements ou l’inaction délibérée pour des raisons d’ordre stratégique, comme cela a été le cas en l’espèce selon la protonotaire et la juge de la Cour fédérale, démontrent un manque de respect à l’égard des règles applicables et de leur objet. Ceux qui ne respectent pas les règles et leur objet ne peuvent guère s’attendre à ce que les tribunaux leur fassent bon visage lorsqu’ils leur demandent d’exercer en leur faveur le pouvoir discrétionnaire que les règles leur confèrent.

 

[Bristol‑Myers Squibb Co. c. Apotex Inc., 2011 CAF 34, le juge Stratas, au paragraphe 37]

 

[19]           Dans cette optique, Apotex fait valoir que Pfizer a déjà pris des décisions concernant sa preuve « factuelle » et qu’on ne devrait pas maintenant la laisser présenter sa preuve en deux temps en l’autorisant à produire de nouveaux éléments de preuve « factuelle » sous le prétexte de soumettre une preuve sous forme d’opinion. Il y a un préjudice évident si une partie présente sa preuve en deux temps. Une partie est tenue de présenter ses meilleurs arguments dès la première occasion [voir, par exemple, Merck‑Frosst‑Schering Pharma GP v. Canada (Minister of Health), 2009 FC 914, au paragraphe 25].

 

[20]           De plus, selon Apotex, étant donné que la preuve contestée ne respecte pas l’intention formulée par la Cour dans sa directive concernant l’inversion de l’ordre de présentation de la preuve, Apotex n’a pas à prouver de préjudice. En fait, la preuve de Pfizer ne se limite pas à répondre à la preuve d’Apotex, mais présente plutôt pour la première fois la preuve contestée. Étant donné qu’il y a un préjudice évident, je conviens qu’Apotex n’a pas à démontrer le préjudice subi au moyen d’éléments de preuve dans le cadre de la présente requête. 

 

[21]           Apotex soutient que le dépôt de la preuve contestée contrevient à la directive de la Cour. Toutefois, il semble y avoir une profonde divergence d’avis entre les avocats concernant le sens de preuve « factuelle ». Par conséquent, on ne peut affirmer sans l’ombre d’un doute que la preuve contestée contrevient à la directive de la Cour.

 

[22]           De plus, Apotex demande à la Cour de tirer des conclusions défavorables contre Pfizer à la lumière de ce qui s’est produit durant le contre‑interrogatoire sur l’affidavit produit pour le compte de Pfizer à l’appui de la requête. Il y a eu une longue joute oratoire durant le contre‑interrogatoire sur ce qui constitue ou non un « fait ». La thèse générale de Pfizer était la suivante : c’est l’expert qui se fonde sur une étude particulière pour justifier son opinion, si bien que ce n’est pas Pfizer qui se fonde sur le fait, mais l’expert. À mon avis, ce n’est que du sophisme. En voici un exemple :

[traduction]

Q.                    À l’appui de l’affirmation selon laquelle le célécoxib est effectivement utile, votre client a‑t‑il l’intention de se fonder sur l’étude signalée à la colonne 2 de l’annexe A des observations d’Apotex, c’est‑à‑dire l’étude Emery?

 

R.                    À l’appui de l’opinion de l’expert selon laquelle le célécoxib est effectivement utile.

 

Q.                    Bien. Document 3, Goldstein. Pfizer a‑t‑elle l’intention de se fonder sur le fait que l’étude réalisée et décrite par M. Goldstein a été – en fait – réalisée et que les résultats obtenus ont été – en fait – obtenus?

 

R.                    Je pense que je décrirais les choses d’une façon légèrement différente, Me Brodkin. Toutes les études énumérées ici appuient l’opinion de l’expert au sujet de l’utilité du célécoxib.

 

Q.                    Reconnaissez‑vous que les études elles‑mêmes sont des faits?

 

Me Mason :      Cette question est inappropriée.

 

Me Brodkin :   Pourquoi?

 

Me Mason :      Ce qu’il reconnaît ou pas n’est pas pertinent.

 

MBrodkin :    Ah bon, et ce qui à son avis est un fait ou n’est pas un fait est tout aussi dépourvu de pertinence?

 

MMason :      Non. Ce qu’il reconnaît ou ne reconnaît pas n’est pas pertinent. Il ne s’agit pas d’une question appropriée. Si vous reformulez votre phrase, je serai heureux de le laisser répondre.

 

Me Brodkin :   Je pense que la question était tout à fait correcte, mais l’objection est notée.

 

Q.                            Est‑ce que l’étude réalisée par M. Goldstein à l’annexe A, ligne 3, constitue un fait?

 

R.                    Me posez‑vous une question abstraite, celle de savoir si M. Goldstein a réalisé une étude ou non?

 

Q.                    S’agit‑il d’un fait?

 

R.                    S’agit‑il d’un fait? Eh bien –

 

Q.                    M. Goldstein a réalisé une étude, est‑ce qu’il s’agit d’un fait?

 

R.                    Si M. Goldstein a réalisé une étude ou n’a pas réalisé d’étude?

 

Q.                    Oui?

 

R.                    Oui, ce n’est pas la sorte de faits que nous croyions devoir inclure dans notre preuve factuelle parce que c’est le type de faits qui appuient l’opinion de l’expert.

 

Q.                    Est‑ce que les résultats obtenus par M. Goldstein constituent un fait?

 

R.                    Même réponse.

 

[23]           La transcription regorge de tels échanges où les parties semblent jouer au chat et à la souris. Il y a également des échanges interminables entre les avocats concernant la portée et le bien‑fondé des questions. De plus, le contre‑interrogatoire est ponctué d’échanges incisifs entre les avocats et entre les avocats et le témoin concernant le calendrier de communication de la preuve dans la procédure Mylan. Étant donné les dates auxquelles les affidavits des experts de Pfizer ont été transmis dans l’affaire Mylan, il fallait que Pfizer soit au fait d’une grande partie de la preuve contestée et au courant que les experts avaient l’intention d’utiliser la preuve contestée lorsque les affidavits d’expert de Pfizer ont été communiqués à Apotex dans le cadre de la présente procédure. 

 

[24]           À l’audience sur la requête, l’avocat d’Apotex a présenté un sommaire des points abordés lors du contre‑interrogatoire pour démontrer que les efforts en vue d’obtenir de l’information pertinente durant le contre‑interrogatoire ont été contrecarrés par le défaut de la part du témoin de faire des recherches, de se conformer aux assignations à comparaître et de se renseigner correctement. Apotex soulève vingt‑deux points distincts pour démontrer comment Pfizer a brouillé le processus et omis de répondre adéquatement aux questions et de respecter l’assignation à comparaître.

 

[25]           Il est décevant que la présente cause ait généré ce genre d’inconduite. Cela découle en grande partie de deux interprétations rivales chez les avocats de l’étendue de la preuve « factuelle ». Il ne fait aucun doute qu’il y a des faits faisant partie de la preuve contestée dont Pfizer était au courant au moment où elle a communiqué sa preuve « factuelle ». Les divergences entre les avocats ont trait à la façon de catégoriser ces faits.

 

[26]           Somme toute, j’estime que certains des reproches formulés par Apotex sont bien fondés. La question à laquelle il faut répondre est celle de savoir quelle est la réparation appropriée – une question examinée de manière plus détaillée ci‑après.

 

La thèse de Pfizer

[27]           Pfizer soutient que, d’après son interprétation de la directive de la Cour et de l’inversion partielle de l’ordre de présentation de la preuve, c’était la preuve factuelle interne de Pfizer qu’il fallait communiquer. Pfizer soutient aussi qu’il serait impossible de fournir toutes les sources auxquelles les experts pourraient faire renvoi pour appuyer leurs opinions.

 

[28]           Selon les observations écrites de Pfizer, Pfizer [traduction] « croyait que le terme “preuve factuelle” dans le calendrier convenu faisait renvoi à la preuve des témoins des faits que Pfizer comptait appeler et que la “preuve autre que factuelle” faisait renvoi à la preuve des témoins experts que Pfizer comptait appeler » [paragraphe 16]. Selon Pfizer, cela est conforme à la démarche dans les ordonnances inversant partiellement l’ordre de présentation de la preuve et permet à la partie défenderesse de prendre connaissance de faits auxquels elle n’aurait pas eu accès.

 

[29]           Pfizer soutient également que si elle avait compris qu’Apotex s’attendait à obtenir toute la documentation accessible au public se rapportant au célécoxib à laquelle ses experts pourraient faire renvoi, elle n’aurait pas proposé l’inversion de la présentation de la preuve. En vertu de l’article 3 du Code de déontologie régissant les témoins experts [Annexe de l’article 52.2 des Règles des Cours fédérales], un rapport d’expert doit comprendre : gles motifs de chacune des opinions exprimées; et hles ouvrages ou les documents expressément invoqués à l’appui des opinions.

 

[30]           L’affidavit à l’appui de la thèse de Pfizer explique comme suit pourquoi cette dernière n’a pas communiqué l’information se rapportant à la preuve contestée sur laquelle se fondaient ses témoins experts :

[traduction]

[…] le demandeur n’est pas mieux placé qu’un défendeur pour relever et communiquer la documentation accessible au public, les lignes directrices professionnelles, les rapports ou l’expérience professionnelle qui appuient l’opinion d’un expert. D’après mon expérience (et dans la présente affaire, en ce qui concerne la preuve d’expert de la demanderesse), ce sont les experts eux‑mêmes qui trouvent ce genre de renseignements pour étayer leur opinion. En fait, c’est précisément ce genre de renseignements scientifiques accessibles au public sur lesquels les témoins experts se fondent pour étayer leurs opinions et qu’ils sont tenus de joindre en vertu du Code de déontologie régissant les témoins experts. [Paragraphe 8]

 

[31]           En ce qui a trait à cette observation, il est certainement vrai qu’il serait impossible pour les avocats d’être au fait de toute la documentation accessible au public sur laquelle un expert pourrait se fonder pour étayer ses opinions. Toutefois, dans la présente affaire, les avocats de Pfizer étaient bien renseignés au sujet de la documentation sur laquelle se fonderaient leurs experts. Il convient particulièrement de souligner que, durant le contre‑interrogatoire, il a été reconnu que la préparation des affidavits pour la procédure Mylan était bien avancée au moment où Pfizer a communiqué la première tranche de sa preuve dans la présente affaire.

 

[32]           Pfizer soutient également que la preuve contestée en cause est à la fois admissible et pertinente, et que la Cour devrait avoir à sa disposition un dossier complet à l’audience, et non le dossier tronqué qui découlerait de la radiation de la preuve contestée. Pfizer soutient qu’une telle radiation lui causerait un préjudice énorme. Il ne fait aucun doute que la preuve contestée est pertinente et admissible. Mais là n’est pas la question. La question qui se pose est celle de savoir si Pfizer a présenté sa preuve en deux temps et causé à Apotex un préjudice tel qu’il faille radier la preuve contestée.

 

[33]           Dans ce qui semble être une volte‑face, Pfizer soutient aussi que la démarche d’Apotex est irréaliste. Pfizer fait renvoi à l’arrêt Graat c. La Reine, [1982] 2 RCS 819, à la page 835, dans lequel la Cour suprême a affirmé que « la distinction fondée sur l’opposition précaire, et même souvent fausse, entre un fait et une opinion a peu ou pas d’avantages. La distinction entre un fait et une opinion n’est pas nette ». Pfizer soutient que les « faits » et les « opinions » s’entrecroisent dans les paragraphes de la preuve contestée. On peine à imaginer comment l’inversion partielle de la présentation de la preuve pourrait mener à une simplification de la procédure et permettre à Apotex d’avoir une meilleure idée de ce qu’elle devait prouver. Une telle ordonnance ouvre la porte au dépôt de contre‑preuves et même au dépôt de répliques aux contre‑preuves.

 

[34]           Pfizer fait également valoir que la radiation d’affidavits est une mesure exceptionnelle. Cette fois aussi, elle dit vrai. La mesure s’applique dans des causes où les affidavits sont scandaleux, abusifs ou manifestement dénués de pertinence. La jurisprudence de la Cour veut que les affidavits ne soient radiés que dans des situations exceptionnelles. Dans Merck & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1511, la juge Elizabeth Heneghan a fait renvoi à la décision d’un juge qui avait rejeté une requête en radiation d’affidavits, « invoquant la jurisprudence de la Cour qui indique clairement qu’il est inopportun de présenter une requête interlocutoire en radiation d’affidavits et que la question de l’admissibilité de la preuve doit être laissée au juge saisi de la demande » [au paragraphe 6; voir aussi Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc. 2005 CAF 50, au paragraphe 16; et Proctor & Gamble c. Canada (Ministre de la Santé), 2009 CF 113].

 

[35]           Enfin, il y a la question du préjudice à l’endroit de Pfizer. Pfizer soutient que la radiation de la preuve contestée porterait grandement atteinte à son droit de démontrer l’utilité de son brevet. Le dossier présenté au juge instruisant l’affaire serait incomplet étant donné que les experts se sont fondés sur des documents accessibles au public – des documents auxquels Apotex a également accès et auxquels celle‑ci aurait pu faire renvoi (mais a choisi de ne pas faire renvoi) dans sa preuve contestant l’utilité du brevet.

 

Décision

[36]           En fin de compte, la présente requête a trait à la réparation appropriée à la suite de la zizanie provoquée par l’inversion partielle de la présentation de la preuve, acceptée par Apotex. Des malentendus concernant ce qui constitue ou non une preuve « factuelle » sous‑tendent les thèses des parties. D’où ma conclusion que la présente affaire a trait en fait à la réparation appropriée, et non à l’admissibilité de la preuve. 

 

[37]           La réparation proposée par Pfizer est la suivante : la plainte d’Apotex peut être réglée en lui permettant de déposer une contre‑preuve. Ainsi, tel qu’il a été signalé, Pfizer a signifié une offre « irrévocable » à Apotex autorisant cette dernière à déposer une contre‑preuve.

 

[38]           La réparation demandée par Apotex est la radiation intégrale de la preuve contestée.

 

[39]           Apotex soutient fermement qu’il s’agit d’une cause où il convient d’appliquer l’opinion du juge Stratas et de radier la preuve contestée. Toutefois, il faut examiner le contexte dans lequel le juge Stratas a décidé de ne pas autoriser la modification demandée dans l’affaire Bristol‑Myers. Il ne s’agissait pas d’une procédure fondée sur le Règlement, mais d’une poursuite en contrefaçon ou en invalidité qui était en instance de plus de dix ans. Les circonstances qui ont mené à ce résultat draconien se sont produites à cause du contexte factuel de cette affaire. Au paragraphe 34, le juge Stratas fait les observations suivantes :

Depuis environ 10 ans, Apotex s’est comportée comme si l’absence de prédiction valable et l’inutilité générale de la néfazodone et de ses sels n’étaient pas vraiment en cause. Si ces questions avaient effectivement été en litige, elles auraient été, au cours de cette dizaine d’années, évoquées utilement, sinon régulièrement, du moins à l’occasion. Or, ces questions n’ont été soulevées ni lors des interrogatoires préalables, ni dans les mémoires relatifs à la conférence préparatoire. Ce n’est que maintenant, tellement tardivement – des années après l’échange des mémoires relatifs à la conférence préparatoire – et sans que l’on puisse faire état de faits ou de circonstances nouveaux et importants, qu’Apotex demande à Bristol‑Myers des affidavits de documents plus complets, se lançant dans ce que la protonotaire a appelé un [traduction] « interrogatoire à l’aveuglette » sur [traduction] « les tenants et les aboutissants de la mise au point de la néfazodone ». Enfin, comme l’a également constaté la protonotaire, à la veille du procès, Apotex ne parvient toujours pas à exposer de manière suffisamment précise ces prétendues « véritables questions en litige ». [Paragraphe 34]

 

[40]           Il ajoute au paragraphe 38 :

Le résultat est en l’espèce encore plus clair si l’on applique le précepte énoncé dans l’arrêt Merck, précité, selon lequel, selon l’arrêt Canderel, le fardeau de preuve est plus lourd lorsque « les modifications en cause […] auraient pour conséquence un changement radical de la nature des questions en litige ». Compte tenu de l’interprétation que la protonotaire a donnée des modifications apportées en 2004 par Apotex, à savoir qu’elles concernent uniquement les effets sur le foie, et compte tenu de l’analyse qui précède, les modifications proposées auraient effectivement pour conséquence un changement radical de la nature des questions en litige.

 

[41]           La question déterminante dans l’arrêt Bristol Myers était les circonstances exceptionnelles, si bien qu’il y a lieu d’établir une distinction entre cet arrêt et la présente procédure fondée sur le Règlement. 

 

[42]           Somme toute, la présente procédure en ce moment, étant donné que les contre‑interrogatoires sont prévus pour novembre 2013 et que l’audience doit se tenir en mars 2014, est dans un état très insatisfaisant.

 

[43]           Les deux réparations proposées se trouvent aux dernières extrémités du spectre. Après avoir réfléchi aux réparations demandées, j’estime qu’il existe un terrain d’entente qui éliminerait le préjudice et permettrait à Apotex de répondre de manière exhaustive aux éléments de la preuve contestée qui ne sont pas radiés. Bien que la présente affaire ne soit pas loin de satisfaire au critère des circonstances exceptionnelles, il est possible de façonner une réparation qui tienne compte du fait que la Cour a approuvé les circonstances qui ont mené à l’état actuel des choses.

 

[44]           Certains des avis exprimés dans les affidavits d’experts de Pfizer sont critiques envers les experts d’Apotex. Il y a des remarques telles que les suivantes : [traduction] « Il est surprenant que les témoins d’Apotex n’aient pas fait état de cette méta‑analyse. De plus, ils n’ont pas abordé les lignes directrices canadiennes et américaines sur le traitement aux AINS à long terme et l’importance de la gastroprotection qui, elles aussi, appuient cette conclusion » [Fennerty, paragraphe 17]; « et je trouve surprenant qu’aucun des témoins d’Apotex n’ait examiné cette publication » [Fennerty, paragraphe 40]. De même, du paragraphe 113 à la première phrase du paragraphe 116 de l’affidavit de M. Fennerty, il y a des remarques qui sont critiques envers les experts d’Apotex. Tous ces passages de l’affidavit de M. Fennerty seront radiés.

 

[45]           L’affidavit de M. Abramson renferme aussi des reproches envers Apotex pour ne pas avoir abordé certains documents signalés pour la première fois dans les affidavits de Pfizer; par exemple, au paragraphe 89 et en particulier au paragraphe 138 : [traduction] « Un chercheur qui examine cette question serait certainement au courant de la méta‑analyse de Cochrane et la prendrait en considération, et j’ai été surpris que les experts d’Apotex ne l’aient pas fait quand ils ont examiné la question de savoir si le célécoxib a nettement moins d’effets secondaires nuisibles que AINS non sélectifs. » Les paragraphes 153 et 154 de même que la dernière moitié du paragraphe 156 qui commence par  [traduction] « [a]insi » sont de la même nature. Tous ces passages de l’affidavit de M. Abramson sont radiés.

 

[46]           L’affidavit de M. Tugwell comporte des critiques similaires à l’endroit des experts d’Apotex. Par exemple, au paragraphe 73, M. Tugwell fait part des réflexions suivantes :

[traduction]

73.       Entre parenthèses, je trouve curieux que les témoins d’Apotex aient choisi de ne pas passer en revue ces deux études, mais qu'ils aient plutôt décidé de critiquer l’étude CONDOR principalement en raison d’éléments de sa conception qui étaient basés sur les résultats de ces deux études (M. Chan est un des coauteurs de l’étude CONDOR). À mon avis, les témoins d’Apotex n’examinent pas l’essai CONDOR dans son contexte approprié et, ce faisant, diminuent injustement l’importance de ses résultats.

 

[47]           La situation est effectivement curieuse, car Apotex n’avait reçu aucune indication qu’il y aurait des renvois aux études sur lesquelles M. Tugwell fonde ses opinions. Dans les circonstances de l’espèce, il ne suffit pas de dire : « C’est dommage, Apotex aurait dû être au courant de toutes ces études et aurait dû les aborder. » Les paragraphes 85, 86 et 173 sont également critiques envers Apotex. Par conséquent, ces paragraphes, ainsi que le paragraphe 73, seront radiés.

 

[48]           Le reste des affidavits n’est pas radié. Si j’ai omis de relever dans ces volumineux affidavits d’autres renvois critiques envers les experts d’Apotex et leur omission d’aborder tout élément de la preuve contestée (ainsi qu’elle est relevée dans le tableau joint aux observations écrites d’Apotex), il faut les porter à l’attention de la Cour qui décidera s’il y a lieu de les radier.

 

[49]           L’autre partie de la réparation se rattache à la question des dépens. À mon avis, une grande partie de la zizanie qui s’est produite découle de la demande initiale de Pfizer visant l’inversion complète de la présentation de la preuve, qui n’a entraîné qu’une inversion partielle. L’offre « irrévocable » proposée en vue de régler la présente requête ne constitue pas une solution complète au problème causé. Pfizer n’a pas droit à ses dépens. En fait, je suis d’avis qu’Apotex a droit à des dépens d’indemnisation substantielle dans le cadre de la présente requête. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant, des observations écrites sur la question du montant, d’une longueur maximale de trois pages, pourront m’être soumises dans les 15 jours suivant la date de la présente décision.

 

[50]           De plus, Apotex devrait être indemnisée pour les dépens raisonnables additionnels encourus pour la préparation des affidavits présentés en contre‑preuve. Apotex doit communiquer de nouveau avec ces experts afin d’examiner la documentation additionnelle avec eux. Il ne suffit pas d’affirmer qu’Apotex aurait été contrainte de le faire de toute manière s’il n’y avait pas eu d’inversion. Par conséquent, Apotex devrait également recouvrer ses frais de justice et ses dépenses (p. ex., les frais de voyage, le cas échéant, pour rencontrer les experts, etc.) se rapportant aux affidavits présentés en contre‑preuve (mais pas les frais versés aux experts). Ces dépens sont adjugés quelle que soit l’issue de la cause et pourraient faire l’objet d’une taxation par un officier taxateur si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant.


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.                  Les paragraphes 17, 40 et 113 jusqu’à la première phrase du paragraphe 116 de l’affidavit de M. Fennerty, souscrit le 2 août 2013, sont radiés sans autorisation de les modifier.

 

2.                  Les paragraphes 89, 138, 153 et 154 de même que la dernière moitié du paragraphe 156 qui commence par le mot [traduction] « Ainsi » [« This », dans le texte anglais] de l’affidavit de M. Abramson, souscrit le 6 août 2013, sont radiés sans autorisation de les modifier.

 

3.                  Les paragraphes 73, 85, 86 et 173 de l’affidavit de M. Tugwell, souscrit le 6 août 2013, sont radiés sans autorisation de les modifier.

 

4.                  Apotex est autorisée à signifier des affidavits en réponse aux parties de la preuve contestée qui n’ont pas été radiées.

 

5.                  Pfizer doit payer les dépens d’Apotex sur une base d’indemnisation substantielle. Si les parties ne peuvent s’entendre sur le montant, elles peuvent soumettre des observations écrites à la Cour dans les 15 jours suivant la date de la présente ordonnance, la longueur maximale de ces observations étant de trois pages (exclusion faite du projet de mémoire de frais).

 

6.                  Pfizer doit payer à Apotex les frais de justice et les débours raisonnables encourus par Apotex en vue de préparer et de signifier les affidavits en réponse aux éléments de la preuve contestée qui ne sont pas radiés. Ces frais et débours n’incluent pas les frais versés aux experts.

 

7.                  Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant des frais et débours visés au paragraphe 6, les dépens feront l’objet d’une taxation.

 

8.                  Les parties poursuivront la présente procédure conformément au calendrier établi dans la directive que la Cour a précédemment donnée.

 

 

« Kevin R. Aalto »

Responsable de la gestion de l’instance

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1555‑12

 

INTITULÉ :                                                  PFIZER CANADA INC. ET G.D. SEARLE & CO. c
APOTEX INC. ET LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 septembre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  MAÎTRE AALTO

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 11 octobre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Steve Mason

Grant Worden

Yael Bienenstock

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Andrew Brodkin

Jaro Mazzola

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Torys LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

 

Goodmans LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE,

APOTEX INC.

 

Ministère de la Justice du Canada

Section du contentieux des affaires civiles

Bureau régional de l’Ontario

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

 

 

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