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Date : 20130930

Dossier : T‑948‑12

Référence : 2013 CF 1001

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 30 septembre 2013

En présence de monsieur le juge Roy

 

ENTRE :

F. HOFFMANN‑LA ROCHE AG

 

demanderesse

 

et

 

LE COMMISSAIRE AUX BREVETS
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande plutôt étrange par laquelle la demanderesse cherche à obtenir une [traduction] « ordonnance aux termes de l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales et d’autres dispositions de cette loi que la Cour pourrait juger pertinentes, ainsi que du paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets ».

 

[2]               Il est difficile de savoir en quoi les seuls article 20 et paragraphe 53(2) peuvent s’avérer utiles dans les circonstances. L’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, attribue à la Cour une compétence dans le domaine de la propriété intellectuelle, notamment pour ce qui est des brevets, qui est exclusive dans certains cas et concurrente dans d’autres. Cette disposition ne traite pas des mesures de réparation ni de la manière de les obtenir. Quant à l’article 53 de la Loi sur les brevets, LRC 1985, c P‑4, il ne fournit pas non plus de recours procédural. Il s’agit d’un article de fond puisqu’il concerne les circonstances dans lesquelles un brevet est nul, en prévoyant des exceptions. La demanderesse invoque le paragraphe 53(2) seulement. La disposition prévoit :

PROCÉDURES JUDICIAIRES RELATIVES AUX BREVETS

 

Nul en certains cas, ou valide en partie seulement

 

  53. (1) Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

 

Exception

 

  (2) S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais. Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

 

 

 

Copies du jugement

 

  (3) Le breveté transmet au Bureau des brevets deux copies authentiques de ce jugement. Une copie en est enregistrée et conservée dans les archives du Bureau, et l’autre est jointe au brevet et y est incorporée au moyen d’un renvoi.

 

LEGAL PROCEEDINGS IN RESPECT OF PATENTS

 

Void in certain cases, or valid only for parts

 

  53. (1) A patent is void if any material allegation in the petition of the applicant in respect of the patent is untrue, or if the specification and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, and the omission or addition is wilfully made for the purpose of misleading.

 

 

 

Exception

 

  (2) Where it appears to a court that the omission or addition referred to in subsection (1) was an involuntary error and it is proved that the patentee is entitled to the remainder of his patent, the court shall render a judgment in accordance with the facts, and shall determine the costs, and the patent shall be held valid for that part of the invention described to which the patentee is so found to be entitled.

 

Copies of judgment

 

  (3) Two office copies of the judgment rendered under subsection (1) shall be furnished to the Patent Office by the patentee, one of which shall be registered and remain of record in the Office and the other attached to the patent and made a part of it by a reference thereto.

 

 

[3]               La manière dont la demanderesse a présenté l’affaire me paraît significative. Il ne s’agit pas en l’espèce d’une action en invalidation (article 60 de la Loi sur les brevets) ou en contrefaçon (article 54 de la Loi sur les brevets) où la validité du brevet serait débattue entre des parties dont les intérêts divergent.

 

[4]               En fait, F. Hoffmann‑La Roche AG, la demanderesse, présente une demande qui semble être sui generis, basée non pas sur l’article 53, mais sur le seul paragraphe 53(2). Nul ne prétend que son brevet est invalide, aucune partie dont les intérêts sont opposés ne conteste sa position concernant la nature de l’erreur qu’elle affirme avoir commise dans son propre brevet ou n’avance d’allégations à l’encontre de celui‑ci. La demanderesse veut obtenir, en guise de réparation, un [traduction] « jugement déclaratoire modifiant la page 2 de la divulgation du brevet canadien no 2 103 324 […] » (le brevet 324) ou un [traduction] « jugement déclaratoire radiant une partie de la divulgation à la page 2 du brevet canadien no 2 103 324 […] ».

 

[5]               L’intérêt déclaré des défendeurs en l’espèce, le commissaire aux brevets et le procureur général du Canada, se limite à la possibilité de recourir au paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets aux circonstances de la présente affaire. Ils n’ont pas d’opinion sur l’erreur alléguée. Nul ne soutient que l’erreur reconnue par la demanderesse justifie de déclarer nul le brevet 324. Si cet argument existe, il n’a pas été présenté à la Cour. C’est dans ce sens que les défendeurs font valoir que ce recours au paragraphe 53(2) deviendrait un moyen ex parte si la Cour adoptait l’interprétation qu’en propose la demanderesse.

 

[6]               Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la demande ne peut être accueillie au seul motif – auquel la Cour devra se borner ‑ que la demanderesse n’a pas satisfait aux exigences minimales de l’article 53 de la Loi sur les brevets. Je ferai ensuite des observations plus générales sur l’usage proposé de cette disposition.

 

Les faits

[7]               Je me limiterai aux faits directement pertinents pour la demande actuellement soumise à la Cour. Qu’il suffise de dire que la validité du brevet 324 a déjà été contestée, mais que ce n’est plus le cas (Hoffmann‑La Roche Limited c Teva Canada Limited et Le ministre de la Santé et F. Hoffmann‑La Roche AG, dossier no T‑1381‑11, ordonnance d’interdiction délivrée sur consentement le 3 avril 2012).

 

[8]               Le brevet 324 s’intitule 5’‑DÉSOXY‑5‑FLUOROCYTIDINES SUBSTITUÉES PAR UN GROUPEMENT N‑OXYCARBONYLE. Il revendique des composés ayant des effets antitumoraux ainsi que des procédés relatifs à leur fabrication.

 

[9]               Le brevet 324 a été déposé le 17 novembre 1993, et expirera donc le 17 novembre 2013 (article 44 de la Loi sur les brevets). La difficulté se rapporte à un paragraphe du brevet 324 que nous reproduisons intégralement :

[traduction]

Le brevet américain no 4 966 891 décrit des précurseurs du 5‑FU améliorés pour ce qui est de l’efficacité de la bioconversion et de la toxicité susmentionnées. Ils sont convertis en 5’‑désoxy‑5‑fluorocytidine (5’‑DFCR) par des acylamidases, en 5’‑désoxy‑5‑fluorouridine (5’‑DFUR) par la cytidine‑déaminase, et ensuite en 5‑FU par un nucléotide phosphorylase de pyrimidine in vivo principalement localisé dans le foie, l’intestin grêle et les tissus tumoraux. Dans le cadre d’études poussées sur les profils pharmacocinétiques des précurseurs du 5‑FU, plus particulièrement les dérivés de N4‑(substitué par un groupement oxycarbonyle)‑5’‑désoxy‑5‑fluorocytidine, les inventeurs ont découvert que certains précurseurs particuliers sont sélectivement convertis en 5’‑DFCR par l’iso‑enzyme acylamidase surtout présente dans le foie, mais pas dans les autres organes humains, et permettent une plus grande amélioration des profils pharmacocinétiques comparativement aux autres composés testés. Les autres études fondées sur les résultats susmentionnés ont permis aux inventeurs de la présente invention d’établir que les dérivés particuliers de N4‑(substitué par un groupement oxycarbonyle)‑5’‑désoxy‑5‑fluorocytidine (ci‑après appelés N4‑(substitué par un groupement oxycarbonyle)‑5’‑DFCR) représentés par la formule générale (I) indiquée ci‑dessus ont entraîné une amélioration sélective des profils pharmacocinétiques chez des singes, c.‑à‑d. des concentrations maximales (Cmax) de 5’‑DFUR 4 à 7 fois plus élevées et une surface sous la courbe (SSC) de 5’DFUR 4 fois plus importante dans le sang que les autres composés, et une toxicité intestinale inférieure, et ainsi complété la présente invention.

 

J’ai souligné les termes que la demanderesse juge problématiques.

 

[10]           La demanderesse s’inquiète qu’on puisse alléguer que le brevet 324 exagère l’utilité promise de tous les composés revendiqués.

 

[11]           De son point de vue, la difficulté tient à une abréviation.

 

[12]           Cette abréviation anglaise est « viz. » [traduite par « c.‑à‑d. » dans le texte français ci-dessus]. Le Black’s Law Dictionary, 7e édition, confirme qu’elle se rapporte au mot latin videlicet, qui signifie [traduction] « à savoir; c’est‑à‑dire ». Le Canadian Oxford Dictionary précise qu’elle sert généralement à introduire un éclaircissement ou une explication. L’usage de l’abréviation « viz. » peut donc laisser entendre que la mention [traduction] « des concentrations maximales (Cmax) de 5’‑DFUR 4 à 7 fois plus élevées et une surface sous la courbe (SSC) de 5’DFUR 4 fois plus importante dans le sang que les autres composés » signifie que les composés brevetés présentent ce genre d’améliorations.

 

[13]           La demanderesse reconnaît que l’expression « viz. » est inexacte si elle est comprise au sens de [traduction] « à savoir, c’est‑à‑dire ». Au mieux, s’il fallait employer une abréviation latine, il aurait été préférable que ce soit « e.g. » [« p. ex. » en français] qui est l’abréviation de exempli gratia, ou [traduction] « par exemple ». Cela ne veut pas dire que les composés n’ont pas de meilleurs profils pharmacocinétiques que le candidat commercial précédent, la galocitabine, puisque c’est le cas en vérité et que certains ont démontré le genre d’améliorations indiquées après l’abréviation « viz. » [« c.‑à‑d. » dans la traduction ci-dessus]. Le seul problème est qu’ils n’atteignent pas tous ce plateau. Seule une partie d’entre eux était associée à [traduction] « des concentrations maximales (Cmax) de 5’‑DFUR 4 à 7 fois plus élevées et une surface sous la courbe (SSC) de 5’DFUR 4 fois plus importante dans le sang que les autres composés ».

 

[14]           En fait, le même document divulguait avec exactitude les profils pharmacocinétiques chez les singes. La demanderesse fait valoir, de manière convaincante en l’absence d’un contre‑argument, que les données dont la divulgation est exacte ne justifient tout simplement pas l’usage de l’abréviation « viz. » [« c.‑à‑d. » dans le texte français ci-dessus]. Les personnes versées en sciences s’appuieraient évidemment sur les données et non sur une affirmation inattentive. Bref, l’emploi de l’expression « viz. » était fautif, car elle exagère la portée de la phrase. Or, comme le soutient la demanderesse, cette erreur est manifestement involontaire puisque les données qu’elle a présentées n’étayent pas cette assertion.

 

[15]           Comme je l’ai déjà souligné, les défendeurs n’ont pas pris position sur les faits liés à la présente demande. Ils se contentent de faire valoir que la demanderesse ne peut invoquer le paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets.

 

Arguments

[16]           La demanderesse concède que l’élément qui a motivé la présente demande se trouve en partie dans un paragraphe de la décision que la Cour a rendue dans Ratiopharm Inc. c Pfizer Ltd, 2009 CF 711, 350 FTR 250 [Ratiopharm]. Ce paragraphe est le suivant :

[201]    Cet effort de se distancier de la rédaction du brevet pour faire porter le blâme sur une stagiaire peu compétente en chimie et aujourd’hui introuvable donne l’impression à la Cour que Pfizer savait que le brevet tel que rédigé posait problème. Cela étant, Pfizer n’a entrepris aucune démarche dans le but de corriger la situation, à part opposer une défense vigoureuse à la présente action.

 

[17]           L’argument paraît se résumer à ceci : si le breveté peut se faire reprocher de ne pas avoir pris des mesures pour corriger une erreur qui lui était connue, il doit y avoir alors moyen de trouver dans la loi une disposition l’autorisant à le faire. La demanderesse n’est pas sans ignorer que la Cour faisait observer dans la décision rendue en appel dans l’affaire Ratiopharm que la défense fondée sur le paragraphe 53(2) « se limite aux circonstances particulières de la présente affaire : elle n’a que peu de valeur, si même elle en a, en tant que précédent » (2010 CAF 204). La demanderesse maintient néanmoins qu’elle doit faire preuve de prudence et qu’il doit y avoir un moyen pour elle de prendre l’initiative.

 

[18]           Ses préoccupations semblent avivées par l’évolution de la jurisprudence ayant trait à la promesse du brevet, où la demanderesse voit une source d’incertitude que pourrait régler son interprétation du paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets.

 

[19]           Le paragraphe 53(2) est présenté comme une disposition qui pourrait être interprétée de manière à fournir un recours lorsque le breveté a simplement fait une erreur. La demanderesse estime qu’il a pour objet [traduction] « d’autoriser » la Cour « à corriger un brevet contenant une erreur involontaire afin de s’assurer que celui‑ci soit considéré comme valide aux fins de l’invention à l’égard de laquelle il a été établi que le breveté avait des droits » (paragraphe 45, mémoire des faits et du droit de la demanderesse). Nul n’est besoin d’une procédure contradictoire, soutient la demanderesse. Elle peut demander à être autorisée à radier certains termes du brevet, sans que celui‑ci ne soit contesté. Aucun précédent n’est cité à l’appui de cette prétention. 

 

[20]           Deux recours s’offrent au breveté qui souhaite modifier un brevet : la redélivrance (article 47 de la Loi sur les brevets) et la renonciation à des éléments du brevet que le breveté ne prétend pas retenir au titre du brevet (article 48 de la Loi sur les brevets). Si l’on se rapporte à l’article 8 de la Loi sur les brevets, la correction d’une erreur d’écriture ne paraît pas être le recours que la demanderesse devrait sérieusement envisager. Les articles 47 et 48 prévoient :

REDÉLIVRANCE DE BREVETS

 

Délivrance de brevets nouveaux ou rectifiés

 

  47. (1) Lorsqu’un brevet est jugé défectueux ou inopérant à cause d’une description et spécification insuffisante, ou parce que le breveté a revendiqué plus ou moins qu’il n’avait droit de revendiquer à titre d’invention nouvelle, mais qu’il apparaît en même temps que l’erreur a été commise par inadvertance, accident ou méprise, sans intention de frauder ou de tromper, le commissaire peut, si le breveté abandonne ce brevet dans un délai de quatre ans à compter de la date du brevet, et après acquittement d’une taxe réglementaire additionnelle, faire délivrer au breveté un nouveau brevet, conforme à une description et spécification rectifiée par le breveté, pour la même invention et pour la partie restant alors à courir de la période pour laquelle le brevet original a été accordé.

 

Effet du nouveau brevet

 

  (2) Un tel abandon ne prend effet qu’au moment de la délivrance du nouveau brevet, et ce nouveau brevet, ainsi que la description et spécification rectifiée, a le même effet en droit, dans l’instruction de toute action engagée par la suite pour tout motif survenu subséquemment, que si cette description et spécification rectifiée avait été originalement déposée dans sa forme corrigée, avant la délivrance du brevet original. Dans la mesure où les revendications du brevet original et du brevet redélivré sont identiques, un tel abandon n’atteint aucune instance pendante au moment de la redélivrance, ni n’annule aucun motif d’instance alors existant, et le brevet redélivré, dans la mesure où ses revendications sont identiques à celles du brevet original, constitue une continuation du brevet original et est maintenu en vigueur sans interruption depuis la date du brevet original.

 

Brevets distincts pour éléments distincts

 

  (3) Le commissaire peut accueillir des demandes distinctes et faire délivrer des brevets pour des éléments distincts et séparés de l’invention brevetée, sur versement de la taxe à payer pour la redélivrance de chacun de ces brevets redélivrés.

 

RENONCIATIONS

 

Cas de renonciation

 

 

  48. (1) Le breveté peut, en acquittant la taxe réglementaire, renoncer à tel des éléments qu’il ne prétend pas retenir au titre du brevet, ou d’une cession de celui‑ci, si, par erreur, accident ou inadvertance, et sans intention de frauder ou tromper le public, dans l’un ou l’autre des cas suivants :

 

a) il a donné trop d’étendue à son mémoire descriptif, en revendiquant plus que la chose dont lui‑même, ou son mandataire, est l’inventeur;

 

b) il s’est représenté dans le mémoire descriptif, ou a représenté son mandataire, comme étant l’inventeur d’un élément matériel ou substantiel de l’invention brevetée, alors qu’il n’en était pas l’inventeur et qu’il n’y avait aucun droit.

 

 

 

 

 

 

 

Forme et attestation de la renonciation

 

  (2) L’acte de renonciation est déposé selon les modalités réglementaires, notamment de forme.

 

  (3) [Abrogé, 1993, ch. 15, art. 44]

 

Sans effet sur les actions pendantes

 

  (4) Dans toute action pendante au moment où elle est faite, aucune renonciation n’a d’effet, sauf à l’égard de la négligence ou du retard inexcusable à la faire.

 

Décès du breveté

 

  (5) Si le breveté original meurt, ou s’il cède son brevet, la faculté qu’il avait de faire une renonciation passe à ses représentants légaux, et chacun d’eux peut exercer cette faculté.

 

Effet de la renonciation

 

  (6) Après la renonciation, le brevet est considéré comme valide quant à tel élément matériel et substantiel de l’invention, nettement distinct des autres éléments de l’invention qui avaient été indûment revendiqués, auquel il n’a pas été renoncé et qui constitue véritablement l’invention de l’auteur de la renonciation, et celui‑ci est admis à soutenir en conséquence une action ou poursuite à l’égard de cet élément.

 

REISSUE OF PATENTS

 

Issue of new or amended patents

 

  47. (1) Whenever any patent is deemed defective or inoperative by reason of insufficient description and specification, or by reason of the patentee’s claiming more or less than he had a right to claim as new, but at the same time it appears that the error arose from inadvertence, accident or mistake, without any fraudulent or deceptive intention, the Commissioner may, on the surrender of the patent within four years from its date and the payment of a further prescribed fee, cause a new patent, in accordance with an amended description and specification made by the patentee, to be issued to him for the same invention for the then unexpired term for which the original patent was granted.

 

 

 

Effect of new patent

 

  (2) The surrender referred to in subsection (1) takes effect only on the issue of the new patent, and the new patent and the amended description and specification have the same effect in law, on the trial of any action thereafter commenced for any cause subsequently accruing, as if the amended description and specification had been originally filed in their corrected form before the issue of the original patent, but, in so far as the claims of the original and reissued patents are identical, the surrender does not affect any action pending at the time of reissue or abate any cause of action then existing, and the reissued patent to the extent that its claims are identical with the original patent constitutes a continuation thereof and has effect continuously from the date of the original patent.

 

 

Separate patents for separate parts

 

  (3) The Commissioner may entertain separate applications and cause patents to be issued for distinct and separate parts of the invention patented, on payment of the fee for a reissue for each of the reissued patents.

 

 

DISCLAIMERS

 

Patentee may disclaim anything included in patent by mistake

 

  48. (1) Whenever, by any mistake, accident or inadvertence, and without any wilful intent to defraud or mislead the public, a patentee has

 

 

 

 

 

(a) made a specification too broad, claiming more than that of which the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor, or

 

(b) in the specification, claimed that the patentee or the person through whom the patentee claims was the inventor of any material or substantial part of the invention patented of which the patentee was not the inventor, and to which the patentee had no lawful right,

 

the patentee may, on payment of a prescribed fee, make a disclaimer of such parts as the patentee does not claim to hold by virtue of the patent or the assignment thereof.

 

Form and attestation of disclaimer

 

  (2) A disclaimer shall be filed in the prescribed form and manner.

 

 

  (3) [Repealed, 1993, c. 15, s. 44]

 

Pending suits not affected

 

  (4) No disclaimer affects any action pending at the time when it is made, unless there is unreasonable neglect or delay in making it.

 

 

Death of patentee

 

  (5) In case of the death of an original patentee or of his having assigned the patent, a like right to disclaim vests in his legal representatives, any of whom may exercise it.

 

Effect of disclaimer

 

  (6) A patent shall, after disclaimer as provided in this section, be deemed to be valid for such material and substantial part of the invention, definitely distinguished from other parts thereof claimed without right, as is not disclaimed and is truly the invention of the disclaimant, and the disclaimant is entitled to maintain an action or suit in respect of that part accordingly.

 

 

[21]           La demanderesse soutient qu’aucun de ces recours ne lui est ouvert. La redélivrance n’est possible que pendant les quatre premières années suivant la date de délivrance du brevet. Elle refuse de se prévaloir de la disposition sur la renonciation pour la raison suivante : [traduction] « Le dépôt d’une renonciation qui n’épargnerait que les composés augmentant la Cmax de 4 à 7 fois et la SSC de 4 fois reviendrait à abandonner tous les composés hormis les meilleurs, même s’ils sont tous nouveaux, utiles et non évidents. Une renonciation priverait les inventeurs des fruits de leur labeur et les empêcherait de revendiquer ce qu’ils ont inventé de bonne foi. » (Paragraphe 72, mémoire des faits et du droit de la demanderesse.)

 

[22]           La demanderesse affirme essentiellement qu’un recours lui est interdit parce qu’il est assujetti à un délai. Elle n’explique pas cependant comment un recours que la loi lui refuse en raison d’un délai peut se transformer en un recours exempt de délai. La seule différence possible est que l’un est autorisé par le commissaire aux brevets et l’autre par la Cour, quoique le critère prévu au paragraphe 53(2) soit essentiellement le même que celui de l’article 47. Quant au recours relatif à la renonciation, il est tenu pour trop drastique.

 

[23]           Au bout du compte, la demanderesse fait reposer ses arguments sur un paragraphe. Comme les textes législatifs doivent être censés apporter une solution de droit (article 12 de la Loi d’interprétation, LRC 1985, c I‑21), elle semble faire valoir qu’elle peut invoquer le paragraphe 53(2) pour corriger l’erreur commise il y a de nombreuses années vu que la Loi sur les brevets ne lui permet aucun recours.

 

[24]           Les défendeurs contestent l’usage que la demanderesse entend faire du paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets. Ils soutiennent que cette disposition a pour seul objet d’offrir au breveté un moyen de défense là où le brevet risque d’être déclaré nul. Toute autre interprétation viderait de son sens la limite de quatre ans relative à la redélivrance. L’interprétation proposée du paragraphe 53(2) crée un moyen ex parte permettant aux brevetés de modifier la portée de leur brevet là où rien de tel n’est prévu. Non seulement l’interprétation juste de l’article 53 interdit‑elle totalement celle que la demanderesse avance pour le paragraphe 53(2), mais le régime complet de la Loi sur les brevets s’y oppose.

 

L’analyse

[25]           L’article 53 de la Loi sur les brevets doit être le point de départ de l’analyse. La demanderesse veut insister sur le paragraphe 53(2) dont elle prétend que l’objet est d’autoriser à corriger un brevet qui contient une erreur involontaire. Je suis, avec égards, en désaccord.

 

[26]           La simple lecture de l’article 53 au complet tend fortement à indiquer que le paragraphe (2) et le paragraphe (1) doivent être lus ensemble. L’un ne peut être séparé de l’autre. La référence au paragraphe (1) dans le paragraphe (2) de la version anglaise indique bien que l’exception peut entrer en jeu lorsqu’un brevet risque d’être déclaré nul.

 

[27]           L’article 53 fait partie de notre droit depuis au moins 1872. L’article 27 de l’Acte concernant les brevets d’invention, (1872) 35 Victoria, cap. XXVI, dispose :

CAP. XXVI.

 

Acte concernant les Brevets d’Invention.

 

NULLITÉ, CONTESTATION ET DÉCHÉANCE DES BREVETS

 

Le brevet pourra être annulé en tout ou en partie, en certains cas.

 

  27. Le brevet sera nul, si la requête ou la déclaration de l’impétrant contient quelque allégation importante qui soit fausse, ou si la spécification et les dessins contiennent plus ou moins qu’il ne sera nécessaire pour atteindre le but dans lequel on les fera, cette addition ou cette omission étant faite volontairement dans l’intention d’induire en erreur; mais s’il appert au tribunal que cette omission ou cette addition est simplement une erreur involontaire, et qu’il soit prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet pro tanto, le tribunal rendra jugement suivant les faits, et prononcera sur les frais, et le brevet sera réputé valable pour cette partie de l’invention décrite; et le breveté fournira au bureau des brevets deux copies de ce jugement, dont l’une sera enregistrée et gardée en dépôt au bureau, et l’autre sera annexée et, par une note de renvoi, incorporée au brevet.

CAP. XXVI.

 

An Act respecting Patents of Invention.

 

NULLITY, IMPEACHMENT AND AVOIDANCE OF PATENTS.

 

Patent may be declared void in certain cases, or valid only for part.

 

  27. A patent shall be void, if any material allegation in the petition or declaration of the applicant be untrue, or if the specifications and drawings contain more or less than is necessary for obtaining the end for which they purport to be made, such omission or addition being wilfully made for the purpose of misleading; but if it shall appear to the Court that such omission or addition is simply an involuntary error, and it is proved that the patentee is entitled to the remainder of his patent pro tanto, the Court shall render a judgment in accordance with the facts, and determine as to costs, and the patent shall be held valid for such part of the invention described; and two office copies of such judgment shall be furnished to the Patent Office by the patentee, one to be registered and to remain of record in the office, and the other to be attached to the patent, and made a part of it by a reference.

 

 

[28]           La cohérence de cette disposition, telle qu’elle a été adoptée par le Parlement il y a plus de cent quarante ans, est saisissante. Les lois plus modernes font un plus grand usage des paragraphes et des alinéas. L’article 27 de la Loi de 1872 fait voir que la disposition, lue dans son ensemble, n’envisage de recours que lorsque le brevet risque d’être annulé. Ce recours n’est pas autonome et ne peut être employé dans d’autres circonstances que celles que prévoit la disposition.

 

[29]           L’idée que le paragraphe 53(2) puisse être considéré comme un recours autonome est au cœur de l’argumentation de la demanderesse : il n’est pas nécessaire que le brevet risque d’être déclaré nul pour que la disposition entre en jeu. C’est le breveté lui‑même qui entame le processus. En l’espèce, la demanderesse ne reconnaît pas d’ailleurs que son brevet est nul et personne ne l’allègue.

 

[30]           L’évolution législative de la disposition indique qu’elle ne peut être lue isolément. Comme l’explique Ruth Sullivan dans l’ouvrage Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, (4e éd., (Toronto : Butterworths, 2002), à la page 476 :

[traduction]

Là où seuls des changements formels sont prévus, la législation modifiée a le même sens que sa version antérieure. Cela signifie que celle‑ci peut servir à clarifier le sens et l’application de la version modifiée.

 

 

[31]           La demanderesse reconnaît que malgré sa longue histoire, le paragraphe 53(2) n’a sans doute jamais été utilisé de façon préventive ou de la manière qu’elle soutient à présent. Il n’a été invoqué que comme moyen de défense à une action fondée sur le paragraphe 53(1). Les défendeurs affirment que l’usage proposé est sans précédent. Je n’ai d’ailleurs pas été en mesure de trouver une seule décision étayant une telle interprétation de la disposition, ni un auteur qui aurait pu dire qu’elle peut servir les fins proposées par la demanderesse.

 

[32]           Lorsque l’article 53 est lu entièrement, il devient évident que pour se réclamer du recours prévu par le paragraphe 53(2), le breveté doit d’abord être visé par le paragraphe 53(1). C’était également vrai en 1872. Eu égard au reste de l’article 53, mais aussi au contexte plus général de la Loi sur les brevets dans son ensemble, le paragraphe 53(2) ne peut être pris isolément pour créer un recours. Comme il a été dit et répété tant de fois :

[traduction]

Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

Elmer A. Driedger, The Construction of Statutes (Toronto : Butterworths, 1974), à la page 67.

 

 

Le même principe est bien expliqué dans le contexte des affaires de propriété intellectuelle dans l’arrêt Ré : Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, 2012 CSC 38, [2012] 2 RCS 376 :

[32]      La Cour a souvent réitéré que l’interprétation législative vise à discerner l’intention du législateur à partir des termes employés, compte tenu du contexte global et du sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, son objet et l’intention du législateur (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87).

 

[33]      Même si les lois peuvent être interprétées de manière téléologique, leur interprétation doit néanmoins respecter les mots choisis par le législateur. En outre, l’historique législatif peut aider considérablement à discerner l’intention qu’avait le législateur lorsqu’il a choisi le libellé particulier d’un texte législatif.

 

En clair, le libellé de la disposition est important, comme le sont le contexte et l’esprit de la loi.

 

[33]           Les mots introductifs du paragraphe 53(2) ne peuvent être ignorés. Non seulement renvoient‑ils directement au paragraphe 53(1), mais ce renvoi se rapporte aux cas de figure où le brevet risque d’être jugé nul. Il s’agit à l’évidence d’un recours dont la portée doit rester étroite.

 

[34]           Il ne suffit donc pas d’alléguer une erreur involontaire pour pouvoir se prévaloir du recours prévu au paragraphe 53(2). Cette erreur doit être visée par le paragraphe 53(1), qui prévoit que le brevet sera déclaré nul si certaines conditions sont remplies :

a.                la pétition contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité;

b.               le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer.

Si l’on tient pour acquis que l’une de ces propositions est établie, le brevet sera annulé si l’omission ou l’addition sont faites délibérément dans le but d’induire en erreur. Le paragraphe 53(2) n’offre un recours que lorsque ces conditions sont remplies.

 

[35]           Dans le cas qui nous occupe, personne n’allègue devant la Cour que le brevet 324 est nul. Bien au contraire. La demanderesse a bien pris soin d’éviter de même laisser entendre que l’erreur concernait une allégation importante de la pétition ou que le mémoire descriptif contenait plus ou moins que ce qui est nécessaire. Personne ne soutient véritablement devant la Cour que l’erreur reconnue satisfait effectivement aux conditions requises pour annuler un brevet.

 

[36]           La demanderesse ne remplit donc pas les exigences fondamentales liées à l’application du paragraphe 53(2).

 

[37]           D’autres indices donnent à penser que ce recours serait problématique en l’espèce dans la mesure où la réparation prévue au paragraphe 53(2) ne saurait s’appliquer aisément aux circonstances présentes. Le paragraphe 53(2) prévoit que le breveté continue à avoir « droit au reste de son brevet ». Comme l’ont fait remarquer les défendeurs, cela suppose tout d’abord qu’il a été établi qu’une allégation importante était inexacte ou que le mémoire descriptif contenait plus ou moins que ce qui est nécessaire, et que cela avait des répercussions sur le brevet. Dans ce cas‑ci, non seulement la demanderesse n’estime‑t‑elle pas que le brevet soit menacé de quelque manière, mais personne n’avance cet argument devant la Cour. Dans l’affaire qui nous occupe, la demanderesse souhaite simplement que les termes du brevet qui suivent l’abréviation « viz. » [dans la version anglaise; « c.‑à‑d. », en français dans la traduction ci-dessus] soient radiés d’une partie de la divulgation.

 

[38]           La demanderesse parle de modifier son brevet. Or, ce n’est pas le recours offert par le paragraphe 53(2). Une fois qu’il est établi que l’erreur était involontaire, « [l]e brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit ». Il apparaît clairement que le paragraphe 53(2) trouve à s’appliquer pour sauver ce qui serait annulé. Cet article ne concerne pas les modifications visant à corriger une erreur involontaire qui ne justifierait pas de toute façon d’annuler le brevet, comme le veut la demanderesse.

 

[39]           Par ailleurs, le titre qui précède l’article 53, « Procédures judiciaires relatives aux brevets », indique que certaines procédures font intervenir cette disposition. La nullité du brevet, invoquée dans le cadre de procédures judiciaires, peut faire l’objet d’une exception au titre du paragraphe 53(2). Ce titre ne permet certainement pas de trancher la question en litige, mais il éclaire dans une certaine mesure le sens de la disposition auquel il se rapporte (voir Sullivan et Driedger, précité, aux pages 305 et suivantes).

 

[40]           La création d’un nouveau recours, tel que proposé par la demanderesse, a également pour effet d’altérer l’équilibre de la Loi sur les brevets. Comme elle ne peut invoquer l’article 47 pour obtenir la redélivrance du brevet à cause du délai prévu, et qu’elle ne souhaite pas se prévaloir de la disposition sur la renonciation (article 48) qu’elle juge trop draconienne dans les circonstances, la demanderesse aimerait que l’objet du paragraphe 53(2) soit modifié de manière à [traduction] « autoriser » la Cour [traduction] « à corriger un brevet contenant une erreur involontaire afin de s’assurer que celui‑ci soit considéré comme valide aux fins de l’invention à l’égard de laquelle il a été établi que le breveté avait des droits » (paragraphe 45, mémoire des faits et du droit de la demanderesse). Le législateur a fait le choix politique de limiter à trois le nombre de recours ouverts aux brevetés. La redélivrance, aux termes de l’article 47, la renonciation, aux termes de l’article 48, et la correction d’erreurs d’écriture, aux termes de l’article 8. Ce sont les circonstances dans lesquelles le breveté peut lui‑même intenter le recours. L’article 53 peut à première vue être utilisé lorsque le brevet serait annulé si les conditions du paragraphe 53(1) sont remplies, n’eût été le paragraphe 53(2).

 

[41]           Malgré les arguments habiles avancés par l’avocat de la demanderesse, je ne vois pas comment l’objet de cette disposition peut être redéfini sans tenir compte de tout le contexte dont le paragraphe 53(1) fait partie. Le recours prévu au paragraphe 53(2) n’a été envisagé par le législateur, et c’est apparemment le cas depuis au moins 1872, que lorsque le brevet est menacé en raison d’une allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité ou que le mémoire descriptif contient plus ou moins qu’il n’est nécessaire. Il n’en va pas ainsi dans le scénario de la demanderesse. Par conséquent, la demande doit être rejetée et cela suffit à disposer de l’affaire.

 

[42]           J’aimerais ajouter quelques observations. Comme son intérêt n’est pas très engagé dans la présente affaire, le procureur général a fait valoir que l’application du paragraphe 53(2) proposée par la demanderesse est non seulement sans précédent, mais que le délai lié à la redélivrance du brevet est conséquente. L’article 47 (redélivrance) est le mécanisme prévu par la loi. Le procureur général soutient que cette nouvelle application de l’article 53 viderait l’article 47 de son sens.

 

[43]           Je n’aurais pas conclu aussi facilement, sans autre argument, que l’article 47 serait nécessairement vidé de son sens par ce type de nouveau recours. Il me semble plutôt que l’autorisation de modifier un brevet sous supervision judiciaire est un choix politique possible, moyennant les garanties adéquates. Mais la création de ces garanties est plus délicate.

 

[44]           Comme l’a fait remarquer le procureur général, faire droit à ce type de demande ex parte pourrait faire obstacle à des litiges imminents. Le paragraphe 53(2) précise que l’exception ne s’applique que lorsque l’« omission ou [l’]addition est le résultat d’une erreur involontaire »; mais qui prétendra que l’erreur n’était pas involontaire? L’équilibre de la loi s’en trouverait d’ailleurs nécessairement altéré. Si un recours allant au‑delà des dispositions prévues doit être introduit dans la Loi sur les brevets, il y aurait tout intérêt à créer un cadre pour définir notamment les garanties procédurales et la portée du recours en question. J’estime, en toute déférence, qu’il appartient au législateur de prendre ces décisions politiques. S’il faut envisager des conséquences d’une telle ampleur, c’est à lui qu’il revient de le faire.

 

[45]           La présente demande a été inspirée par les propos de mon collègue le juge Hughes dans Ratiopharm, précitée, au paragraphe 15. Il ne fait aucun doute que les déclarations de ce genre émanant d’une telle figure ont un certain poids. Cependant, comme nous l’avons déjà souligné, la Cour d’appel fédérale a estimé que les conclusions du juge « se limite[nt] aux circonstances particulières de la présente affaire » et n’avaient aucune valeur de précédent. Quoi qu’il en soit, ces commentaires n’invitent pas selon moi à lire le paragraphe 53(2) séparément du paragraphe 53(1), ni à modifier la portée véritable de la disposition.

 

[46]           Enfin, l’interprétation créative que la demanderesse veut tirer du paragraphe 53(2) s’est heurtée à certaines difficultés d’ordre procédural. La demande est fondée sur l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales, une disposition qui attribue une compétence, et sur le paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets et les autres dispositions de la Loi sur les Cours fédérales susceptibles de s’appliquer. La demanderesse a essayé de soutenir qu’il lui était possible de présenter une demande comme moyen, étant donné qu’aucune action en contrefaçon ou en invalidation, ni d’ailleurs aucune procédure, n’était en instance.

 

[47]           Cependant, la question réelle est plutôt celle de savoir si le paragraphe 53(2) peut être considéré indépendamment du reste de l’article 53, de manière à permettre une requête sui generis. Le paragraphe 53(2) a certainement une vocation réparatrice; mais il ne trouve à s’appliquer que lorsque le paragraphe 53(1) est déjà entré en jeu de la manière voulue. Il semble devoir servir de bouclier et non d’épée. La difficulté procédurale disparaît lorsque la disposition est lue correctement dans son ensemble et dans le contexte. Si les procédures légales adéquates ont été intentées, l’article 53 peut légitimement s’appliquer. Cette difficulté procédurale démontre en outre que nous sommes face au fameux problème de la quadrature du cercle.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande, présentée en vertu de l’article 20 de la Loi sur les Cours fédérales et du paragraphe 53(2) de la Loi sur les brevets, et d’autres dispositions de la Loi sur les Cours fédérales, en vue d’obtenir un jugement déclaratoire modifiant la page 2 de la divulgation du brevet canadien no 2 103 324 ou, subsidiairement, un jugement déclaratoire radiant une partie de la divulgation à la page 2 du brevet canadien no 2 103 324, selon le cas, est rejetée. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑948‑12

 

INTITULÉ :                                                  F. HOFFMAN‑LA ROCHE AG c
LE COMMISSAIRE AUX BREVETS et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 13 mai 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 30 septembre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jay Zakaib

Jennifer Wilkie

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Cowie

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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