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Date : 20131015

Dossier : T-1573-12

Référence : 2013 CF 1041

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Campbell

 

ENTRE :

 

INTERNATIONAL STARS SA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

SIMON CHANG DESIGN INC.

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’un appel interjeté en vertu du paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T‑13 (la Loi), visant la décision, datée du 5 juin 2012, par laquelle une déléguée du registraire des marques de commerce (le registraire) a rejeté l’opposition de International Stars SA (International Stars), et accueilli la demande d’enregistrement de la marque de commerce canadienne no 1302619, déposée par Simon Chang Design Inc. Bien qu’elle ait dûment reçu signification du présent appel, Simon Chang Design Inc n’y a pas participé.

 

[2]               Simon Chang a présenté une demande d’enregistrement de la marque de commerce ZENERGY BY/POUR SIMON CHANG & Design (la Marque) relativement à certains vêtements de sport. International Stars s’est opposée à l’enregistrement, sur la foi de la preuve qu’elle avait utilisé la marque de commerce ENERGIE pour des marchandises semblables. Un élément important de la décision du registraire était le rejet de l’argument de International Stars selon lequel il existait de la confusion entre la Marque et sa marque de commerce.

 

[3]               Le point central du présent appel consiste à savoir si les conclusions du registraire relativement aux motifs d’opposition de International Stars, fondés sur l’article 16 de la Loi, portant sur le caractère distinctif et la confusion ont été tirées de façon erronée en droit ou étaient déraisonnables.

 

I.          Test du caractère distinctif et de la confusion

[4]               Le registraire a correctement énoncé le test de la manière suivante :

Le test en matière de confusion est un test de première impression et de souvenir imparfait. Lorsqu’il applique le test en matière de confusion, le registraire doit tenir compte de toutes les circonstances en l’espèce, notamment celles que prévoit expressément le paragraphe 6(5) de la Loi, à savoir :

 

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce et la mesure dans laquelle elles sont devenues connues;

b) la période pendant laquelle chacune des marques de commerce a été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent.

 

Ces facteurs n’ont pas nécessairement le même poids. (Voir, de façon générale, Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc (2006), 49 CPR (4th), 321 (CSC), Veuve Cliquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, (2006), 49 CPR (4th) 401 (CSC) et Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC).

 

 

II.        Application du test par le registraire

 

[5]               Dans la décision soumise à l’appel, le registraire a analysé chacun des facteurs précisément énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, ainsi que d’autres circonstances entourant l’affaire. Les extraits importants de la décision qui est actuellement contestée sont les suivants :

Le caractère distinctif inhérent des marques

[18]      Les marques des parties ont toutes les deux un caractère distinctif inhérent. Toutefois, la marque de l’Opposante est constituée seulement d’un mot ordinaire figurant dans le dictionnaire. À l’opposé, la Marque comprend un mot inventé, ZENERGY, combiné au nom d’une personne et à des caractéristiques graphiques colorées. Par conséquent, la Marque a un caractère distinctif inhérent plus fort que la marque de l’Opposante.

La mesure dans laquelle les marques sont devenues connues

[19]      Le caractère distinctif d’une marque peut s’accroître par l’usage et la promotion. Selon l’affidavit de M. Wiltzer, les ventes de marchandises ENERGIE au Canada au cours des deux années précédant la production de la demande se sont élevées à 6,4 millions de dollars en 2004 et à 6,2 millions de dollars en 2005. La majeure partie des ventes est attribuable à des vêtements. Je souligne que M. Wiltzer affirme que les ventes au Canada ont été continues depuis 1998, mais que les données sur les ventes avant 2004 ne sont pas disponibles, l’Opposante ayant pour politique de ne pas conserver les données informatisées sur les ventes remontant à plus de sept années. Les marchandises ENERGIE ont été annoncées sur des panneaux publicitaires, des brochures, des dépliants et d’autres moyens similaires, une somme de 96 000 $ ayant été dépensée en publicité au Canada en 2004 et 2005.

[20]      Comme la demande de la Requérante a été produite sur la base d’un emploi projeté, à la date pertinente, la Marque n’était nullement devenue connue. La mesure dans laquelle les marques sont devenues connues milite donc clairement en faveur de l’Opposante.

La période pendant laquelle les marques ont été en usage

[21]      À la date pertinente, la marque de l’Opposante était employée depuis au moins sept ans, alors que la Marque n’avait pas encore été employée.

Le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce

[22]      Il y a chevauchement des marchandises puisque les deux parties vendent des vêtements. Les marchandises de l’Opposante sont vendues dans les magasins de vente au détail ENERGIE ainsi que dans d’autres magasins de détail. Les marchandises de la Requérante sont vendues depuis mars 2009 par l’intermédiaire d’un titulaire de licence qui les revend à des clients, tels que Costco.

Le degré de ressemblance entre les marques

[23]      S’il faut examiner les marques comme un tout, il est tout de même possible « d’en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public » [voir United Artists Corp. c Pink Panther Beauty Corp, (1998), 80 CPR (3d) 247 (CAF) à la page 263.]. Le premier élément d’une marque est souvent considéré comme plus important aux fins de la distinction, mais, lorsqu’il s’agit d’un mot courant, descriptif ou suggestif, l’importance de ce premier élément diminue [voir Conde Nast Publications Inc. c Union des Éditions Modernes (1979), 46 CPR (2d) 183 (CF 1re inst.); Park Avenue Furniture Corp c Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 CPR (3d) 413 (CAF); Phantom Industries Inc c Sara Lee Corp, (2000), 8 CPR (4th) 109 (COMC).

[24]      La caractéristique dominante de la Marque est le mot inventé ZENERGY qui est le premier mot et le mot écrit dans la plus grande police. Toutefois, le nom du designer, SIMON CHANG, et les caractéristiques graphiques colorées sont également des caractéristiques importantes de la Marque. Il existe une certaine ressemblance entre les marques pour ce qui est du son, de l’apparence et de l’idée suggérée, étant donné les lettres communes ENERGY/IE, mais dans l’ensemble, les différences entre les marques l’emportent sur leurs similarités.

 

[…]

 

Conclusion

[28]      Après examen de toutes les circonstances de l’espèce, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, la confusion est improbable. Même si les marchandises et les voies de commercialisation des parties se chevauchent ou ont des liens, et que seule la marque de l’Opposante a acquis une réputation à la date pertinente, les différences entre les marques sont suffisantes pour rendre la confusion improbable. Comme il est déclaré dans Beverley Bedding & Upholstery Co c Regal Bedding & Upholstery Ltd., (1980), 47 CPR (2d) 145 (CF 1re inst.), à la page 149 : « À toutes fins pratiques, le facteur le plus important dans la plupart des cas, et celui qui est décisif, est le degré de ressemblance entre les marques de commerce dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’elles suggèrent, les autres facteurs jouant un rôle secondaire. »

 

[Non souligné dans l’original.]

 

III.       Contestation des conclusions tirées au paragraphe 18 de la décision

[6]               À l’audition de la présente demande, une erreur, qui n’avait pas été soulevée par International Stars dans ses observations écrites, a été relevée dans la décision du registraire. Bien que le registraire ait conclu que les deux marques ont un caractère distinctif inhérent, je conclus qu’une erreur fondamentale existe dans le raisonnement qui a conduit à la conclusion que la Marque a un caractère distinctif « inhérent plus fort ». ENERGIE n’est pas composée « seulement d’un mot ordinaire figurant dans le dictionnaire » comme l’a conclu le registraire. Par conséquent, je conclus qu’aucune des deux marques n’a de caractère distinctif inhérent plus fort que l’autre. Cette conclusion a un effet sur la validité des conclusions du registraire relatives à la différence entre les marques.

 

IV.       Contestation des conclusions tirées aux paragraphes 23, 24 et 28 de la décision

 

[7]               International Stars soutient que le registraire a utilisé le mauvais critère juridique lorsqu’il a apprécié la ressemblance des marques. Comme le registraire l’a écrit dans la décision, le test en matière de confusion est un test de première impression et de souvenirs imparfaits. Ainsi, le registraire devait se mettre dans la peau du consommateur ordinaire plutôt pressé ayant un vague souvenir des marques de commerce, qui ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques (Veuve Clicquot Ponsardin Maison Fondee en 1772 c Boutiques Cliquot Ltee, 49 CPR (4th) 401). International Stars avance que, plutôt que d’appliquer le test de la première impression, le registraire a commis une erreur lorsqu’il a fait une comparaison côte à côte des marques, ce qui est contraire au droit.

 

[8]               Lorsqu’il a énoncé le test du caractère distinctif et de la confusion, le registraire a cité la décision Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc (2011), 92 CPR (4th) 361 (CSC). Un élément important qui ressort du paragraphe 40 de cet arrêt rendu par le juge Rothstein est la confirmation du test de la première impression, et un avertissement d’un piège analytique à éviter :

Il est utile, en commençant l’analyse relative à la confusion, de se rappeler le critère prévu dans la Loi.  Dans Veuve Clicquot Ponsardin c. Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23, [2006] 1 R.C.S. 824, par. 20, le juge Binnie a reformulé la démarche traditionnelle de la façon suivante :

Le critère applicable est celui de la première impression que laisse dans l’esprit du consommateur ordinaire plutôt pressé la vue [de la marque], alors qu’il n’a qu’un vague souvenir des marques de commerce [antérieures] et qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur, pas plus que pour examiner de près les ressemblances et les différences entre les marques.

Le juge Binnie renvoie avec approbation aux propos tenus par le juge Pigeon dans Benson & Hedges (Canada) Ltd. c. St. Regis Tobacco Corp., [1969] R.C.S. 192, p. 202, pour faire ressortir ce qu’il ne faut pas faire, à savoir un examen minutieux des marques concurrentes ou une comparaison côte à côte.

 

[9]               Au paragraphe 23, le registraire admet que la question est celle de la perception du public, et, par conséquent, il devait déterminer si cette perception était celle de la première impression. En ce qui concerne ZENERGY, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un mot courant, descriptif ou suggestif, le registraire a conclu que l’élément déterminant de la Marque était « son mot inventé ». Selon International Stars, une fois que le registraire a tiré cette conclusion, il n’aurait pas dû examiner la preuve plus en profondeur, dans le but de tirer une conclusion relative à la première impression. C’est‑à‑dire, sur la foi de ce seul élément de preuve, le registraire devait décider si oui ou non il pourrait y avoir confusion. En fait, le registraire a commencé à se lancer dans ce processus, lorsqu’il a raisonnablement tiré la conclusion selon laquelle « [i]l existe une certaine ressemblance entre les marques pour ce qui est du son, de l’apparence et de l’idée suggérée, étant donné les lettres communes ENERGY/IE », mais il a poursuivi en examinant d’autres « caractéristiques importantes » de la Marque, soit le nom du designer, et les caractéristiques graphiques colorées. International Stars soutient que lorsqu’il est allé plus loin et qu’il a pris en compte des détails précis additionnels, au‑delà de ce qui donnerait la première impression, le registraire a commis une erreur en effectuant une comparaison côte à côte. Je partage cet avis.

 

[10]           Selon moi, la conclusion du registraire énoncée au paragraphe 28 selon laquelle « les différences entre les marques sont suffisantes pour rendre la confusion improbable » est le résultat d’une comparaison côte à côte, et constitue une erreur de droit. Vu la nouvelle preuve dont disposait le registraire, vu que j’estime qu’il y a une forte ressemblance entre les marques, et vu que les autres facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi ne militent pas fortement contre la possibilité de confusion, je conclus que, en tant que question de première impression, il y a possibilité de confusion.


 

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE : pour les motifs exposés, la Cour accueille le présent appel, annule la décision du registraire, et ordonne au registraire de rejeter la demande de Simon Chang Design Inc.

            Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Douglas R. Campbell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


 

 

COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :                                         T-1573-12

 

INTITULÉ :

INTERNATIONAL STARS SA

c

SIMON CHANG DESIGN INC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 octobre 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                            Le juge Campbell

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                 Le 15 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

Michael Adams

POUR LA DEMANDERESSE

 

Personne n’a comparu

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Riches, McKenzie & Hebert LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

s/o

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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