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Date : 20131008

Dossier : T‑1000‑13

Référence : 2013 CF 1018

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

MIRJANA LAKIC

 

demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]            Mme Lakic cherche à faire annuler la décision, datée du 23 mai 2013, par laquelle la Direction générale des enquêtes de la Commission de la fonction publique [Direction générale des enquêtes] a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’enquêter sur sa plainte concernant le processus de nomination pour un poste de commis au soutien administratif à la Gendarmerie royale du Canada [GRC].

 

[2]            Sa plainte comprenait deux volets, qui peuvent être résumés de façon très générale. Elle a allégué, premièrement, que le poste lui avait été offert verbalement et que cette offre avait été ensuite retirée en raison d’une « erreur » et, deuxièmement, que des employeurs potentiels du secteur public avaient utilisé à tort sa soi‑disant incapacité d’obtenir une autorisation sécuritaire comme prétexte pour ne pas l’embaucher.

 

[3]            La Direction générale des enquêtes a justifié son refus de traiter sa plainte par le fait qu’elle avait été déposée en retard :

[traduction]

Veuillez noter que conformément aux [Lignes directrices en matière de motifs d’enquête par la CFP, en vertu de la nouvelle Loi sur l’emploi dans la fonction publique (LEFP), au sujet des nominations externes, des nominations internes sans délégation de pouvoir et des nominations pouvant résulter de l’exercice d’une influence politique ou d’une fraude] [les lignes directrices] de la CFP, la décision d’enquêter ou de ne pas enquêter est discrétionnaire et elle est prise au cas par cas. Pour décider s’il y a lieu d’effectuer une enquête, la Direction générale des enquêtes peut tenir compte du fait que l’affaire lui a été soumise avant ou après la période de six mois suivant la nomination ou la nomination proposée.

 

Selon la GRC, la liste de candidats présélectionnés pour le processus de nomination susmentionné était valide jusqu’au 31 mars 2011, et la dernière lettre d’offre a été envoyée avant cette date. Les problèmes soulevés concernant le processus de nomination annoncé 2008‑RCMP‑EA‑HRHQ‑NCR‑044 remontent à septembre 2010. Cependant, vous n’avez communiqué avec la CFP qu’en février 2013. Étant donné que l’affaire susmentionnée a été portée à l’attention de la Direction générale des enquêtes plus de deux ans après les faits, nous n’examinerons pas les renseignements reçus. Nous avons donc fermé le dossier.

 

En ce qui concerne vos inquiétudes au sujet de votre autorisation sécuritaire, veuillez noter que la Direction générale des enquêtes n’a aucune compétence relativement à cette question.

 

 

[4]            Les faits sur lesquels la Direction générale des enquêtes s’est appuyée pour prendre sa décision sont confirmés dans le dossier de la Cour et ne sont pas contestés par Mme Lakic. La conclusion de la Direction générale des enquêtes quant à son absence de compétence relativement aux questions d’autorisation sécuritaire n’est pas non plus contestée.

 

[5]            Mme Lakic s’est représentée elle‑même. Je résume comme suit les questions pertinentes pour la Cour :

1.      La demanderesse a‑t‑elle été privée de son droit à l’équité procédurale, étant donné qu’on ne l’a pas informée de l’existence d’un délai de dépôt qui, s’il n’était respecté, pouvait entraîner un refus de donner suite à sa plainte?

2.      La décision de la Direction générale des enquêtes était‑elle raisonnable et fondée sur le dossier dont elle disposait?

 

Équité procédurale

[6]            Le fait qu’une décision soit administrative et touche « les droits, privilèges ou biens d’une personne » suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité : Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 20.

 

[7]            Il a été statué que la Direction générale des enquêtes ne doit respecter qu’un niveau minimal d’équité procédurale : Baragar c Canada (Procureur général), 2008 CF 841 [Baragar]. En effet, dans la décision Baragar, le juge Barnes a finalement conclu que, selon les faits de cette affaire, l’obligation d’équité imposée à la Direction générale des enquêtes n’avait pas été violée, notamment parce que la demanderesse communiquait constamment avec la Direction générale des enquêtes et qu’elle avait à un certain moment « reformulé » ses préoccupations dans de longues observations écrites.

 

[8]            En l’espèce, Mme Lakic n’était pas en communication constante avec la Direction générale des enquêtes après le dépôt de sa plainte; en effet, il n’y a eu qu’un seul échange, lors duquel elle a consenti à ce que l’on communique avec la GRC relativement à son dossier.

 

[9]            Le défendeur soutient que Mme Lakic avait été informée qu’elle devrait tenir compte du délai de présentation de sa demande parce que la Direction générale des enquêtes lui avait envoyé une copie des lignes directrices le 28 février 2013 en précisant qu’elle examinerait sa plainte conformément à ces lignes directrices. Même si Mme Lakic n’a jamais été directement invitée à formuler des observations sur la question du délai, j’accepte les observations du défendeur selon lesquelles vu le contenu des lignes directrices et la longue période écoulée avant le dépôt de sa plainte, Mme Lakic savait ou aurait raisonnablement dû savoir que le non‑respect du délai ferait problème, et elle a eu toutes les occasions de fournir des éléments de preuve ou des observations afin d’expliquer pour quelles raisons, malgré le retard, sa plainte devrait être examinée. Or, elle n’a présenté aucune preuve à cet égard.

 

[10]        Par conséquent, je conclus que la Direction générale des enquêtes a satisfait à son obligation d’équité, au niveau requis, en remettant à la demanderesse une copie des lignes directrices et en l’informant que sa plainte serait traitée conformément aux conditions énoncées dans ce document. Si elle avait lu les lignes directrices, Mme Lakic aurait su que le délai était une question pertinente et personne ne l’a empêchée de formuler des observations pertinentes à ce sujet.

 

Caractère raisonnable de la décision                              

[11]        Je conclus que la décision de la Direction générale des enquêtes de ne pas donner suite à la plainte parce qu’elle a été déposée en retard était raisonnable.

 

[12]        Le poste CR‑04 a été affiché jusqu’au 31 mars 2011. Mme Lakic a déposé sa plainte le 23 février 2013. Il ressort de toute évidence du dossier que Mme Lakic s’est heurtée à l’appareil bureaucratique avant de parvenir à trouver l’endroit où elle devait déposer sa plainte. Cependant, même si on reconnaît qu’elle n’a pas avancé rapidement, force est de constater au vu du dossier qu’elle a laissé s’écouler, après que le dernier poste a été pourvu, près d’un an et demi avant d’agir.

 

[13]        La Direction générale des enquêtes a le pouvoir de ne pas tenir compte du délai de six mois et d’examiner une plainte déposée en retard. Cependant, cette décision est hautement discrétionnaire et Mme Lakic n’a pas justifié son retard. Elle pouvait expliquer pourquoi elle avait tardé à déposer sa plainte à la Direction générale des enquêtes, mais elle ne l’a fait ni dans son affidavit, ni dans son dossier, ni dans son mémoire. Vu l’absence d’explications et le fait qu’elle agissait dans le respect de ses propres lignes directrices, la Direction générale des enquêtes a agi raisonnablement en décidant de ne pas enquêter sur la plainte.

 

[14]        Même si le défendeur a au départ demandé l’adjudication des dépens s’il avait gain de cause, son avocat a informé la Cour à l’audience qu’il renonçait à cette demande.

 

[15]        Par conséquent, la présente demande doit être rejetée; cependant, dans les circonstances, aucuns dépens ne seront adjugés.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée, sans frais.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1000‑13

 

INTITULÉ :                                                  MIRJANA LAKIC c
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 1er octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :         Le octobre 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mirjana Lakic

 

LA DEMANDERESSE,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

David Aaron

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

S. O.

 

LA DEMANDERESSE,

POUR SON PROPRE COMPTE

 

WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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