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Date : 20131008

Dossier : T-1304-11

Référence : 2013 CF 1015

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 octobre 2013

En présence de madame la juge McVeigh

 

ENTRE :

 

ALEX KOTEL

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente ordonnance a trait à une demande de contrôle judiciaire visant la décision du 16 juin 2011 par laquelle Janet de Kergommeaux, directrice du Bureau des services fiscaux d’Ottawa, de l’Agence du revenu du Canada (l’ARC), a rejeté la demande de nouvel allègement de pénalités et d’intérêts présentée par le demandeur en application du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) (la LIR).

 

I.          Contexte

[2]               Le demandeur a gagné un revenu aux États-Unis de 1999 et 2002, au cours de périodes de 45 à 50 semaines par année. Suivant les conseils d’un comptable américain, il n’a pas produit de déclarations de revenus au Canada pour les années d’imposition 2000 et 2001.

 

[3]               Le 3 avril 2003, le demandeur s’est vu infliger des pénalités pour production tardive de 9 655,03 $ à l’égard de l’année 2000, et de 3 322,60 $ à l’égard de l’année 2001.

 

[4]               En même temps, le demandeur a fait l’objet de nouvelles cotisations dans lesquelles des intérêts et des arriérés d’impôt lui étaient réclamés pour les années d’imposition 1999 à 2002 :

         1999 - 3 060,47 $

         2000 - 28 254,13 $

         2001 - 6 544,62 $

         2002 - 350,42 $.

 

[5]               Le 2 juin 2003, le demandeur a produit des avis d’opposition visant les nouvelles cotisations pour les années d’imposition 1999 à 2002.

 

[6]               Le 22 janvier 2008, le demandeur a soumis à l’ARC une demande d’allègement, visant à obtenir l’annulation des intérêts et des arriérés ainsi que des pénalités pour production tardive pour les années 1999 à 2002. Il invoquait des difficultés financières, l’incapacité de payer et le retard à agir de l’ARC.

 

[7]               L’agent des appels Thomas Scott a recommandé l’annulation des arriérés d’intérêt suivants en ce qui concerne les années d’imposition 1999 à 2002. Il a fixé au 17 novembre 2004 la date de prise d’effet de l’allègement des intérêts parce que c’est à cette date que le demandeur a fourni l’essentiel des documents requis pour l’examen de son avis d’opposition :

      1999 – annulation des intérêts courus pour la période du 17 novembre 2004 au 13 novembre 2007;

      2000 – annulation des intérêts courus pour la période du 17 novembre 2004 au 13 novembre 2007;

      2001 – annulation des arriérés d’intérêt courus pour la période du 17 novembre 2004 au 13 novembre 2007;

      2002 – annulation des arriérés d’intérêt courus pour la période du 17 novembre 2004 au 1er février 2008.

 

[8]               Les pénalités pour production tardive n’ont pas été annulées. Ces pénalités concernaient les déclarations T1 non produites dans le délai prescrit pour les années d’imposition 2000 et 2001. L’ARC a conclu que, comme ces pénalités découlaient du dépôt tardif des déclarations de revenus pour les années 2002 et 2001, elles n’avaient aucun lien avec le retard de l’ARC à examiner les avis d’opposition du demandeur. Pour cette raison, l’ARC a estimé que le demandeur n’avait droit à aucun allègement quant à ces pénalités.

 

[9]               Suzanne Dionne, chef des appels par intérim, a souscrit à la recommandation de renoncer à une partie des intérêts. Le 4 février 2008, le demandeur a été informé qu’il avait obtenu un allègement fiscal partiel, l’ARC ayant alors réduit de 38 156,75 $ le montant des intérêts qu’il devait.

 

[10]           Cathy Mitchell, agente de recouvrement de l’équipe de l’allègement pour les contribuables de la Direction générale des services aux contribuables et de la gestion des créances (la DSCGC), a ensuite examiné la demande d’allègement du demandeur fondée sur les difficultés financières qu’il éprouvait. Ce dernier a présenté des états financiers faisant état des revenus et dépenses du ménage, et au vu de ce document et du dossier du demandeur, Cathy Mitchell a rédigé un exposé sommaire des faits relatif à la demande d’équité. Mme Mitchell recommandait à Mme J. Kingdon de ne pas accorder un nouvel allègement pour cause de difficultés financières. Le 8 mai 2008, Mme Kingdon a informé le demandeur par écrit, au nom du directeur adjoint, qu’un nouvel allègement, pour cause de difficultés financières, ne lui serait pas accordé.

 

[11]           Le 23 juin 2008, le demandeur a remboursé les impôts, intérêts et pénalités encore non réglés, d’un montant 149 779,92 $, de sorte qu’aucun montant d’intérêts ou de pénalités ne s’accumule depuis.

 

[12]           Le 4 décembre 2008, le demandeur a soumis une nouvelle demande d’allègement pour les années d’imposition 1999 à 2002, en invoquant cette fois l’existence de circonstances exceptionnelles, des erreurs et retards de la part de l’ARC ainsi que des difficultés financières. Il a joint à sa demande des renseignements médicaux concernant un diagnostic, établi en février 2008, de cancer des sinus.

 

A.  Premier processus d’examen

i     Examen de premier niveau

[13]           Le Bureau de Peterborough a demandé à Jean-Marie Hochu de procéder à l’examen de la demande du 4 décembre 2008 fondée sur l’existence de circonstances exceptionnelles. L’agent a rédigé un rapport relatif à l’allègement recommandant le rejet de la demande parce que le diagnostic de cancer du demandeur n’avait été établi qu’en février 2008 et n’avait donc pu avoir d’incidence sur la dernière année d’imposition en cause, soit 2002. Le directeur du Bureau des services fiscaux de Peterborough, Michael Eves, s’est dit d’accord avec cette recommandation.

 

[14]           Par une lettre datée du 3 mars 2009 portant sur l’examen de premier niveau le demandeur a été informé du rejet de sa demande d’allègement fondée sur des circonstances exceptionnelles. On expliquait au demandeur, toutefois, que sa demande d’allègement du 4 décembre 2008 allait faire l’objet d’un examen de deuxième niveau ainsi que d’un nouvel examen quant aux motifs liés à une erreur commise par l’ARC et son retard à agir, et à l’existence de difficultés financières.

 

ii.   Examen de deuxième niveau

[15]           Après avoir procédé à un examen administratif, Jason Andrus, du Bureau des services fiscaux de Peterborough, a recommandé le rejet de la demande fondée sur les difficultés financières du demandeur. Kathryn Van Vliet a procédé à l’examen de la décision en tenant compte de l’erreur et du retard reproché à l’ARC et du critère de l’existence de circonstances exceptionnelles, et elle aussi a recommandé le rejet de la demande. Elle a ensuite rédigé un rapport relatif à l’allègement, où figuraient son évaluation et celle de Jason Andrus, puis elle l’a transmis à Michael Eves, le directeur adjoint du Bureau des services fiscaux de Peterborough. Le 27 mars 2009, ce dernier a accepté la recommandation et décidé qu’il n’y avait pas lieu d’accorder un allègement additionnel au demandeur auquel il a indiqué qu’il pouvait demander le contrôle judiciaire de l’examen de sa demande d’allègement effectué par l’ARC.

 

[16]           Le 27 avril 2009, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire (T-666-09) visant la décision du 27 mars 2009 de Michael Eves, et a contesté les intérêts et pénalités encore dus. Le 4 mars 2010, sur consentement des parties, le juge en chef Lutfy (alors juge en chef de la Cour fédérale) a accueilli la demande et renvoyé l’affaire à l’ARC [traduction] « pour qu’une nouvelle décision soit rendue sans délai, au second niveau, par des personnes qui ne se sont pas déjà occupées de l’affaire ».

 

B.  Deuxième examen administratif

[17]           On a chargé Jennifer Henry, du Bureau d’Ottawa, de procéder à un deuxième examen administratif de la décision. Par lettre datée du 20 mai 2010, elle a sollicité du demandeur des renseignements additionnels sur sa situation actuelle susceptibles d’étayer sa demande d’octroi d’un allègement. Mme Henry a joint un formulaire en blanc de déclaration de divulgation des revenus et dépenses, et une lettre précisant que le demandeur devait remplir le formulaire en fonction des revenus et dépenses de sa famille. On informait aussi le demandeur du fait que l’équipe de l’allègement pour les contribuables de la DSCGC procéderait à un examen distinct de la question des difficultés financières.

 

[18]           Le 18 juin 2010, le demandeur a produit la déclaration de divulgation des revenus et dépenses, divers documents, ainsi qu’une réponse au soutien de sa demande de nouvel allègement. Dans cette réponse, le demandeur a exprimé son mécontentement à l’endroit de l’agente de recouvrement de l’ARC, Mme Mitchell, dénoncé [traduction] « son ton dénotant une volonté de le déposséder de ces biens », et formulé d’autres motifs de plainte au sujet des précédents refus d’allègement de l’ARC.

 

[19]           Jennifer Henry a examiné la demande d’allègement pour circonstances exceptionnelles et pour cause d’erreur et de retard de la part de l’ARC présentée par le demandeur. Irene Chateauvert, de l’équipe de l’allègement pour les contribuables de la DSCG, a examiné pour sa part le motif des difficultés financières.

 

[20]           Jennifer Henry et Irene Chateauvert ont procédé à l’examen de la demande du demandeur suivant la circulaire d’information de l’Agence du revenu du Canada IC07-1 – Dispositions d’allègement pour les contribuables (31 mai 2007) (les Dispositions d’allègement).

 

[21]           On a transmis à Irene Chateauvert les documents concernant les difficultés financières fournis par le demandeur à la demande de Jennifer Henry étant donné qu’ils avaient trait au volet relatif aux difficultés financières de la demande d’allègement.

 

[22]           En ce qui concerne le volet relatif aux difficultés financières, Irene Chateauvert a passé en revue le dossier de l’ARC ainsi que les renseignements communiqués par le demandeur à ce sujet. Elle a rempli une fiche de renseignements et recommandé que le nouvel allègement ne soit pas accordé parce que :

         la dette avait déjà été payée;

         la valeur nette du patrimoine du demandeur était de 295 851,58 $ en date du 28 mai 2010;

         le demandeur avait un bien locatif qui pouvait générer un revenu mensuel additionnel.

 

[23]           Jennifer Henry a ensuite évalué la demande d’allègement pour cause d’erreur de la part de l’ARC, de retard administratif et de circonstances exceptionnelles, et rédigé un rapport relatif à l’allègement. Une chronologie exhaustive de la situation du demandeur est jointe à l’affidavit de Jennifer Henry.

 

[24]           Jennifer Henry a résumé la demande du demandeur et analysé les renseignements pertinents, y compris l’examen et la recommandation d’Irene Chateauvert concernant les difficultés financières. Mme Henry a recommandé pour les motifs suivants qu’aucun nouvel allègement ne soit accordé :

         Le contribuable avait déjà obtenu un allègement en raison du retard à agir de l’ARC, sous forme d’une renonciation aux intérêts pour la période visée. Les intérêts non réglés n’avaient donc rien à voir avec le retard l’ARC.

         Les pénalités pour production tardive n’avaient aucun lien avec le retard de l’ARC.

         L’erreur que le demandeur impute à l’ARC et qu’il invoque à l’appui de sa demande, qui consiste à avoir par erreur produit tardivement ses déclarations, lui est en fait imputable;

         Comme il a été établi en 2008, le diagnostic de cancer des sinus ne concerne pas les années d’imposition en cause.

 

[25]           Le rapport et les documents sur lesquels Jennifer Henry et Irene Chateauvert se sont fondées ont été transmis à la chef d’équipe, Michelle McIver, et à la directrice adjointe du Bureau des services fiscaux d’Ottawa, Annie Schwarz, puis à la directrice du Bureau des services fiscaux d’Ottawa, Janet de Kergommeaux. Cette dernière, investie du pouvoir délégué de rendre la décision finale, a souscrit à la recommandation de n’accorder aucun autre allègement, et elle a rejeté la demande d’allègement du demandeur dans une lettre datée du 26 juin 2011.

 

[26]           La décision du 26 juin 2011 de Janet de Kergommeaux, directrice du Bureau des services fiscaux d’Ottawa, fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        Question en litige

[27]           La décision du 16 juin 2011 du ministre du Revenu national de rejeter la demande d’allègement de pénalités et d’intérêts présentée par le demandeur, en application du paragraphe 220(3.1) de la LIR, est-elle raisonnable?

 

III.       Norme de contrôle

[28]           Le pouvoir conféré au ministre, par le paragraphe 220(3.1) de la LIR, d’accorder un allègement au contribuable, est de nature discrétionnaire. L’exercice par le ministre de ce pouvoir discrétionnaire est assujetti à la norme de la décision raisonnable (Canada (Agence du Revenu) c Telfer, 2009 CAF 23, au paragraphe 24). La Cour ne devrait pas intervenir si cette décision discrétionnaire est raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

 

IV.       Arguments et analyse

[29]           Pour plus de clarté, j’ai regroupé les observations du demandeur sous différentes rubriques, puis analysé la décision en fonction de celles‑ci.

 

A.  Observations du demandeur

      i. Revenu du ménage

[30]           Pour pouvoir statuer sur sa demande d’allègement, l’ARC a demandé au demandeur un état des finances du ménage. Le demandeur soutient que seuls ses revenus, et non ceux de son épouse, auraient dû être pris en compte dans l’analyse relative aux difficultés financières. Le demandeur s’oppose avec vigueur au fait que l’ARC ait tenu compte des revenus du ménage, la dette fiscale et les difficultés financières étant uniquement les siennes.

 

[31]           Le demandeur soutient que l’ARC a eu tort d’utiliser la valeur totale des actifs, puisqu’en fait il n’est propriétaire que de la moitié de ces biens, et son épouse de l’autre moitié; la valeur nette estimée de son patrimoine serait donc inexacte. Il fait valoir que, si l’on soustrait du calcul la part des biens appartenant à son épouse, la valeur nette de son patrimoine est négative, et qu’il n’a aucun revenu en raison de ses problèmes de santé. Le demandeur soutient donc que suivant cette base de calcul il serait admissible à un allègement pour difficultés financières.

 

      ii. Date choisie

[32]           Le demandeur fait valoir que l’ARC a de façon aléatoire et erronément retenu la date du 17 novembre 2004 comme point de départ, aux fins du calcul de l’allègement des intérêts.

 

[33]           Il estime que le 17 mars 2003 est une date qu’il conviendrait de retenir étant donné qu’il s’agit de la date à laquelle il a autorisé l’ARC à communiquer avec son comptable. Le demandeur précise que, dans un premier temps, soit le 17 mars 2003, il a transmis de l’information financière sous la forme d’un état des profits et pertes établi à l’aide du logiciel comptable MYOB (Mine Your Own Business). L’ARC n’a pas jugé ce document admissible comme déclaration T1; le demandeur fait valoir que l’ARC n’aurait pas dû l’obliger à recourir aux services d’un comptable pour qu’il transmette ces renseignements financiers dans la forme prescrite par cette dernière. Selon lui, le retard qui en a résulté devrait être attribué à l’ARC, et les intérêts courus pour la période du 17 mars 2003 au 17 mars 2004 devraient aussi faire l’objet d’un allègement.

 

      iii.  Pénalité pour production tardive

[34]           Pendant les années d’imposition 1999 à 2002, le demandeur a travaillé de 45 à 50 semaines par année aux États-Unis. Il envoyait de l’argent à sa famille, pour subvenir aux besoins de son épouse et de ses trois enfants qui résidaient toujours au Canada. Le demandeur affirme que c’est sur les conseils de son comptable américain qu’il a produit des déclarations d’impôt aux États-Unis, mais pas au Canada. Il soutient que le fisc devrait renoncer aux pénalités parce que l’erreur est imputable au comptable. Il ne fait pas de doute, selon le demandeur, que la renonciation aux pénalités pour production tardive est indiquée si l’on examine la situation dans son ensemble.

 

[35]           Le demandeur croit que, une fois « l’alarme sonnée » en raison du retard à produire, l’ARC a entamé l'examen de son dossier pour toutes les années d’imposition, et que depuis lors elle le pourchasse et le harcèle, ainsi que son épouse et ses enfants, en procédant à des vérifications.

 

      iv. Recouvrement et propriété à revenus

[36]           Le demandeur a présenté un plan fixant des modalités de paiement à l’agente de recouvrement, mais celle‑ci l’a rejeté après avoir conclu qu’il disposait de biens qu’il pouvait vendre ou hypothéquer pour régler sa dette.

 

[37]           Le demandeur est en colère parce l’ARC ne s’est pas souciée qu’il ait dû encaisser son REER pour acquitter sa cotisation, ni de ce qu’il avait dû faire pour amasser les « 160 000 $ », et parce que les représentants de l’Agence se sont montrés impitoyables à son endroit. Le demandeur déclare ce qui suit dans son mémoire : [traduction] « Les difficultés financières ont résulté de l’emprunt de la somme de 149 779,92 $ le 25 juin 2008 […]. L’hypothèque a occasionné une dette à long terme que le débiteur mettra plus de 25 ans à acquitter ».

 

[38]           Les documents produits révèlent que le demandeur a dû réhypothéquer sa propriété locative pour régler sa dette en entier.

 

[39]           Les agents de recouvrement de l’ARC ont saisi les loyers tirés de sa propriété. La saisie a rendu le demandeur très mécontent parce que les documents alors établis ont permis à ses locataires, dont plusieurs touchaient des prestations d’aide sociale, de connaître son numéro d’assurance sociale. Le fait que les locataires connaissent ce numéro indispose grandement le demandeur. Il a en outre soutenu que divers propos tenus par l’agente – qui a notamment dit qu’il louait des taudis – traduisaient sa mauvaise foi.

 

[40]           L’ARC a jugé erronément, selon le demandeur, que sa propriété à revenus était sous-utilisée et pouvait générer davantage de revenus. Le demandeur précise qu’il tire des revenus locatifs de 6 000 $ par année, et non par mois.

 

[41]           Le demandeur est très offensé que l’agente de recouvrement ait relevé qu’il prétendait [traduction] « avoir trois enfants à l’université sans toutefois qu’il en soit fait mention dans l’état des R et D ». Le demandeur – qui ne cherche aucunement à dissimuler ce fait – affirme sans ambages que son épouse a assumé les frais engagés pour que leurs enfants fréquentent l’école privée, puis maintenant l’université, étant donné qu’il n’avait aucun revenu.

 

[42]           Le demandeur ajoute qu’il a effectué un paiement de 6 201,31 $ le 5 novembre 2002, mais que ce montant n’a pas compensé sa dette.

 

      v. État de santé 

[43]           Le demandeur a soutenu que l’ARC n’a pas tenu pleinement compte de son état de santé, bien que de toute évidence il ait subi de nombreuses interventions chirurgicales. Certes, son diagnostic de cancer a été établi en février 2008 (à la mi-avril selon le dossier du défendeur, à la page 66) au Toronto General Hospital et au Princess Margaret Hospital (le Réseau universitaire de santé), mais ce qu’il fait valoir c’est qu’il s’est plaint de symptômes auparavant, soit à compter du milieu de l’année 2007, et que l’hôpital de Belleville (Ontario) n’avait pu diagnostiquer sa maladie. Le demandeur a reçu des traitements de radiothérapie et a subi une chirurgie crânienne (le 5 décembre 2008), puis une autre intervention chirurgicale, plus radicale, en novembre 2012. Le demandeur continue de recevoir des traitements pour son cancer.

 

[44]           Le demandeur a confirmé à l’audience qu’il n’était pas atteint de maladie mentale, non plus que d’incapacité par suite de la chirurgie crânienne, mais que tout son corps s’en ressentait, et qu’il avait désormais tendance à sombrer dans l’apathie.

 

[45]           Dans un document produit initialement, daté du 4 décembre 2008, le demandeur a déclaré que le diagnostic de cancer rendait [traduction] « ses perspectives financières pour 2009 encore plus désastreuses » (page 35 du dossier du défendeur).

 

[46]           Dans le document produit le 18 juin 2010, le demandeur déclare ce qui suit au sujet de sa maladie : [traduction] « [elle m’a] handicapé au point d’avoir une incidence sur mon employabilité et mon revenu, et les employeurs potentiels font preuve de discrimination à mon égard en raison de mon âge, ce qui nuit à l’obtention d’un bon emploi ». Le demandeur a déclaré à l’ARC que, depuis qu’il avait perdu son emploi, il n’avait pu se trouver que de petits boulots peu payants et que son épouse avait dû l’aider à subvenir à ses besoins.

 

      vi. Évaluation indépendante 

[47]           Le demandeur a avancé que l’ARC n’avait pas procédé à une analyse indépendante de sa plainte. Il fait valoir plus particulièrement que le fait que onze personnes effectuant quatre examens distincts arrivent à la même conclusion au sujet de la date de référence tend à prouver que ses observations n’ont pas été pleinement examinées. Le demandeur croit qu’une fois qu’une conclusion est consignée dans le système, l’ARC se contente de faire la même chose à répétition, sans qu’aucune analyse indépendante ne soit faite.

 

B.  Observations du défendeur

[48]           Le défendeur souligne qu’une fiche de renseignements relative à l’allègement a été remplie en se fondant sur les renseignements, notamment les suivants, fournis par le demandeur :

         le demandeur avait déjà acquitté le montant non réglé de la dette fiscale, des intérêts et des pénalités;

         la valeur nette du patrimoine du demandeur était de 295 851,58 $ en date du 28 mai 2010;

         le demandeur possède une propriété locative qui semble pouvoir générer un revenu mensuel additionnel.

 

[49]           Le ministre avait précédemment accordé un allègement au demandeur en raison d’un retard de l’ARC. L’allègement des pénalités a été refusé au motif que les observations du demandeur ne révélaient pas des circonstances qui l’auraient empêché de produire ses déclarations de revenus pour les années 2000 et 2001, et que les conseils erronés d’un comptable américain ne constituaient pas une erreur de l’ARC.

 

[50]           Le défendeur fait aussi valoir que le paragraphe 220(3.1) de la LIR octroie un large pouvoir en matière d’allègement, et que le ministre a exercé son pouvoir de manière raisonnable puisqu’il a tenu compte de la situation du demandeur.

 

C.  Droit applicable

[51]           Le paragraphe 220(3.1) de la LIR (voir l’annexe A de la présente décision) confère au ministre du Revenu national le pouvoir discrétionnaire de renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable en application de la Loi, ou de l’annuler en tout ou en partie.

 

[52]           La circulaire intitulée « Dispositions d’allègement pour les contribuables de l’ARC » comporte une liste non exhaustive de facteurs que l’agent de l’ARC qui évalue une demande d’allègement doit prendre en compte.

 

[53]           Le paragraphe 23 des Dispositions mentionne les situations dans lesquelles un allègement de pénalités et d’intérêts par le ministre peut être justifié. Parmi ces situations, il y a (1) l’existence de circonstances exceptionnelles, et (2) l’incapacité de payer ou des difficultés financières.

 

[54]           Quant aux « circonstances exceptionnelles », le paragraphe 25 précise qu’elles « […] découlent de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable. Les circonstances exceptionnelles qui peuvent avoir empêché un contribuable d’effectuer un paiement lorsqu’il était dû, de produire une déclaration à temps […] » sont les suivantes, sans être exhaustives  :

         une catastrophe naturelle ou causée par l’homme, telle qu’une inondation ou un incendie;

         des troubles publics ou l’interruption de services, tels qu’une grève des postes;

         une maladie grave ou un accident grave;

         des troubles émotifs sévères ou une souffrance morale grave, tels qu’un décès dans la famille immédiate.

 

[55]           Les Dispositions d’allègement pour les contribuables décrivent également les situations considérées comme constituant une incapacité de payer ou des difficultés financières. Le ministre peut plus particulièrement considérer l’annulation des intérêts dans la situation suivante :

         lorsque le paiement des intérêts accumulés causerait une incapacité prolongée (difficultés financières) à subvenir aux besoins essentiels, tels que la nourriture, les soins médicaux, le transport, ou le logement, on peut considérer l’annulation des intérêts accumulés, en tout ou en partie.

 

[56]           Toutefois, lorsqu’il s’agit de l’allègement de pénalités, les Dispositions prévoient clairement qu’on ne doit pas considérer leur annulation en raison uniquement d’une incapacité de payer ou de difficultés financières; il faut être en présence de circonstances exceptionnelles, décrites précédemment (Dispositions d’allègement pour les contribuables, paragraphe 28). Pour obtenir l’annulation d’une pénalité en raison de difficultés financières, un demandeur doit donc démontrer qu’une circonstance exceptionnelle a occasionné des difficultés financières si importantes qu’il n’a plus disposé de moyens suffisants pour subvenir aux besoins essentiels susmentionnés.

 

[57]           Le paragraphe 33 des Dispositions d’allègement pour les contribuables prévoit, pour les cas où des « circonstances exceptionnelles » justifient d’envisager l’octroi d’un allègement pour motif d’équité, quatre facteurs que le ministre doit prendre en compte avant de rendre sa décision, à savoir si le contribuable a ou non

         respecté, par le passé, ses obligations fiscales;

         en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés;

         fait des efforts raisonnables et été négligent dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d’autocotisation;

         agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

 

D.  Décision

      i. Revenu de ménage

[58]           Je conclus que lorsqu’elle a pris la décision discrétionnaire de refuser l’allègement de la dette fiscale du demandeur, la directrice chargée du dossier a agi de manière raisonnable en prenant en compte le revenu de la famille. Conformément aux Dispositions d’allègement pour les contribuables, elle a examiné la question de savoir si, après paiement de sa dette, le demandeur pouvait subvenir à ses besoins essentiels, au sens de l’alinéa 27c) des Dispositions. Elle a conclu que, compte tenu du revenu de son épouse, de ses revenus locatifs et de la valeur nette de son patrimoine, le demandeur serait en mesure de subvenir à ses besoins essentiels. Je suis d’accord, et j’estime qu’elle a appliqué de manière raisonnable les Dispositions d’allègement pour les contribuables décrites ci‑dessus, en incluant dans ses calculs les revenus du ménage.

 

[59]           La directrice chargée de rendre la décision (la directrice) a déclaré ce qui suit dans ses motifs :

[traduction] Il s’agit là d’événements malheureux, mais qui ne constituent pas, toutefois, des circonstances exceptionnelles au sens des Dispositions d’allègement pour les contribuables. D’après les renseignements financiers que vous avez communiqués à l’ARC, la valeur nette de votre patrimoine demeure positive et les revenus de votre ménage semblent suffisants pour subvenir à vos besoins essentiels.

 

[60]           La directrice a formulé les mêmes commentaires lorsqu’elle s’est penchée sur l’observation du demandeur selon laquelle il avait perdu son emploi et ne pouvait plus se trouver que de petits boulots :

[traduction] Il s’agit là d’événements malheureux, mais qui ne constituent pas, toutefois, des circonstances exceptionnelles au sens des Dispositions d’allègement pour les contribuables. D’après les renseignements financiers que vous avez communiqués à l’ARC, la valeur nette de votre patrimoine demeure positive et les revenus de votre ménage semblent suffisants pour subvenir à vos besoins essentiels.

 

[61]           Dans ses motifs, elle a également pris en compte le fait que le demandeur avait trois enfants qui fréquentaient l’université, en Ontario et au Québec :

[traduction] Il est louable que vous vouliez soutenir vos enfants dans leurs efforts d’éducation. Toutefois, les études postsecondaires ne sont pas considérées comme un besoin essentiel, et leur coût n’est donc pas pris en compte en vue d’établir s’il existe des difficultés financières aux fins des Dispositions d’allègement pour les contribuables.

 

[62]           La directrice a clairement énoncé dans ses motifs pour quelles raisons elle avait conclu, en fonction des Dispositions d’allègement pour les contribuables, que le demandeur ne répondait pas aux critères prévus pour l’octroi d’un allègement fondé sur l’incapacité de payer ou des difficultés financières.

 

      ii. Date de référence

[63]           Ce n’est qu’à l’audience que demandeur, qui n’en avait pas traité expressément dans les documents qu’il a produits, a formulé ses arguments portant sur la date de référence. Il a fait valoir devant la directrice non pas que l’ARC avait tenu compte de la mauvaise date, mais plutôt qu’il lui avait communiqué les renseignements financiers demandés, et que l’ARC avait commis une faute en n’acceptant pas ces renseignements en la forme où il les avait fournis. Le point de départ du retard imputable à l’ARC était donc antérieur au 17 novembre 2004.

 

[64]           Je conclus que l’ARC n’a pas choisi arbitrairement le 17 novembre 2004 comme date de référence aux fins de l’allègement d’intérêts initial. Le 17 novembre 2004 était en effet la date de communication par le demandeur de l’essentiel des renseignements requis pour l’examen de son avis d’opposition. La directrice a examiné l’ensemble du dossier du demandeur, et c’est également en fonction du 17 novembre 2004 qu’elle a déclaré que le montant des intérêts déjà annulé correspondait au montant dû par suite du retard de l’ARC, et qu’aucun autre allègement n’était justifié.

 

      iii.  Pénalité pour production tardive

[65]           Lors de la prise en compte des facteurs énoncés dans les Dispositions d’allègement pour les contribuables, dans l’application des dispositions d’équité, les erreurs commises par des tiers ne sont pas considérées comme des circonstances exceptionnelles (Quastel c Agence du Revenu du Canada, 2011 CF 143, au paragraphe 29). Le demandeur ne peut donc invoquer les conseils donnés par son comptable américain comme une circonstance exceptionnelle qui justifierait l’allègement de sa dette fiscale.

 

[66]           Quant à la plainte du demandeur selon laquelle il avait dû retenir les services d’un comptable, la directrice a tenu le raisonnement suivant :

[traduction] Il vous appartient entièrement de décider si vous devez retenir les services d’un comptable ou encore d’un avocat. Cela n’est pas pertinent dans le contexte des Dispositions d’allègement pour les contribuables.

 

[67]           Lors de la prise en compte des facteurs énoncés dans les Dispositions d’allègement pour les contribuables, dans l’application des dispositions d’équité, les erreurs commises par des tiers ne sont pas considérées comme des circonstances exceptionnelles (Quastel c Agence du Revenu du Canada, 2011 CF 143, au paragraphe 29). Le demandeur ne peut donc invoquer les conseils donnés par son comptable américain comme une circonstance exceptionnelle qui justifierait l’allègement de sa dette fiscale.

 

[68]           Pour être admissible à l’allègement pour les contribuables en vertu de la Loi, un contribuable doit faire valoir l’existence d’une circonstance exceptionnelle qui l’a empêché de produire sa déclaration. Il était raisonnable pour la directrice de conclure, en fonction des faits de l’espèce, que le demandeur ne répondait pas à cette condition.

 

      iv. Recouvrement et propriété à revenus 

[69]           La directrice dit ce qui suit du refus de l’agente de recouvrement d’accepter le plan relatif aux modalités de paiement présenté par le demandeur :

[traduction] […] L’agente de recouvrement n’a pas accepté le plan relatif aux modalités de paiement que vous lui aviez présenté en mai 2008, parce que vous ne proposiez de rembourser qu’environ 87 000 $ sur le montant total de votre dette fiscale, et non tout le solde impayé, intérêts et pénalités compris. Vous ne proposiez de rembourser de la sorte que 58 % du solde impayé, et vous avez donc essuyé un refus. Il est possible qu’un plan prévoyant le remboursement du solde total aurait été accepté, et les intérêts auraient alors cessé de courir à compter de la date du premier paiement, dans la mesure où vous auriez effectué vos paiements à temps et où vous vous seriez conformé à la LIR.

 

      v.   Paiements

[70]           La directrice a fourni les explications suivantes dans sa décision :

[traduction] […] un paiement de 6 201,31 $ effectué le 5 novembre 2002 et qu’on a appliqué en réduction de votre dette en souffrance pour l’année d’imposition 1999. Vous avez initialement obtenu un remboursement lorsque vous avez produit votre déclaration pour l’année d’imposition 1999; par suite de l’établissement d’une nouvelle cotisation le 4 décembre 2000, cependant, vous aviez cette fois une dette de 5 290,25 $, qui comportait un arriéré d’intérêts de 256,59 $. On vous a demandé à plusieurs reprises pendant environ deux ans de rembourser ce solde, et vous l’avez finalement acquitté le 5 novembre 2002. Le paiement susmentionné a été appliqué en réduction de ce solde, et n’a pas servi à payer des intérêts.

 

[71]           Aux termes des Dispositions, lorsqu’un contribuable présente une demande d’allègement pour cause de difficultés financières, il doit fournir à l’ARC une description complète et exacte des circonstances pertinentes. Il doit notamment présenter « un arrangement de paiement sensé qui couvre au moins […] l’impôt et la pénalité » (voir la circulaire intitulée Dispositions d’allègement pour les contribuables, à l’alinéa 32g). L’agente de recouvrement a conclu que le demandeur n’avait pas présenté un tel plan couvrant la totalité des intérêts et des pénalités dus. Le demandeur n’ayant pas fourni les renseignements requis à l’agente de recouvrement, il n’était pas déraisonnable pour la directrice de confirmer la décision de cette dernière, qui se fondait sur l’information qu’elle avait pu obtenir du demandeur. Elle n’a accordé aucune importance aux commentaires défavorables qui avaient été formulés.

 

[72]           La directrice n’était pas saisie de la question de la communication par l’agente de recouvrement aux locataires du numéro d’assurance sociale du demandeur, et cette question n’entre pas en jeu dans le cadre du présent contrôle judiciaire.

 

      v. État de santé

[73]           Le récit des problèmes de santé du demandeur ne laisse guère indifférent et ce dernier a dû, pour survivre, faire preuve d’un grand courage. Il était toutefois raisonnable pour la directrice de conclure que l’état de santé du demandeur n’avait joué aucun rôle pendant les années d’imposition en cause, puisque la maladie n’est apparue que plus tard.

 

[74]           Lorsqu’elle s’est prononcée sur les circonstances exceptionnelles, la directrice a déclaré ce qui suit dans sa décision du 16 juin 2011 :

[traduction]

Au sujet des circonstances exceptionnelles, vous avez produit des documents montrant que vous avez reçu un diagnostic de cancer des sinus en avril 2008, et que vous avez commencé à subir peu après et subissez toujours des traitements. Il est malheureux que vous soyez aux prises avec cette maladie. J’ai toutefois le regret de vous informer que selon nous, étant donné que votre maladie s’est manifestée après la production de toutes les déclarations d’impôt en cause, elle ne vous a pas empêché de remplir vos obligations de production.

 

[…]

 

Le diagnostic a été posé et les traitements ont débuté peu après qu’un appel ait été interjeté contre les nouvelles cotisations établies en date de novembre 2007. Une fois les nouvelles cotisations établies, le service de recouvrement a communiqué à plusieurs reprises avec vous en vue de prendre des arrangements pour le recouvrement du solde de votre dette. Vous avez présenté à l’agente de recouvrement un plan relatif aux modalités de paiement daté du 3 mai 2008. Le 23 juin 2008, vous avez payé intégralement le solde de votre dette. À compter d’avril 2008, vous avez eu de nombreux rendez‑vous médicaux. On peut comprendre que votre diagnostic ait pu vous occasionner du stress. Toutefois, aucun renseignement n’a été consigné sur votre maladie avant votre demande d’allègement datée du 4 décembre 2008. On a déjà abordé cette question dans la partie de la présente lettre portant sur les circonstances exceptionnelles.

 

[75]           La directrice a examiné la question de l’incapacité du demandeur à gagner un revenu, puis elle a statué qu’aucun nouvel allègement ne devrait être accordé.

 

[76]           Bien que la décision rendue puisse sembler sévère au vu de l’état de santé actuel du demandeur, le rôle de juge de révision dans le cadre d’un contrôle judiciaire se limite à déterminer si la décision appartient aux issues possibles acceptables (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 (Khosa)). Je conclus que l’analyse des faits par la directrice selon le critère applicable en matière d’allègement était raisonnable si l’on tient compte de la chronologie des événements.

 

      vi. Évaluation indépendante

[77]           Le fait que tous les décideurs soient parvenus à la même conclusion ne veut pas dire (comme le prétend le demandeur) qu’ils avaient tous tort. La directrice a demandé en l’espèce au demandeur de fournir des renseignements à jour sur les finances du ménage qui auraient pu étayer sa demande d’allègement. Les nombreuses décisions rendues à divers niveaux ne me donnent pas à croire que les agents de l’ARC concernés ont fait défaut de jeter un regard neuf sur l’affaire et de procéder à un examen indépendant. Je suis donc d’avis que le demandeur n’a pas démontré qu’il n’y pas eu d’examen indépendant, et je conclus que la directrice a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière raisonnable.

 

V.        Conclusion

[78]           Le demandeur a obtenu l’annulation des arriérés d’intérêt suivants :

         pour l’année d’imposition 1999 (annulation des intérêts courus pour la période entre le 17 novembre 2004 et le 13 novembre 2007);

         pour l’année d’imposition 2000 (annulation des intérêts courus pour la période entre le 17 novembre 2004 et le 13 novembre 2007);

         pour l’année d’imposition 2001 (annulation des arriérés d’intérêt courus pour la période entre le 17 novembre 2004 et le 13 novembre 2007);

         pour l’année d’imposition 2002 (annulation des arriérés d’intérêt courus pour la période entre le 17 novembre 2004 et le 1er février 2008).

 

[79]           Des intérêts d’un montant total de 39 886,55 $ ont donc été annulés. Les pénalités pour production tardive infligées à l’égard des déclarations T1 non produites dans le délai prescrit pour les années d’imposition 2000 et 2001 n’ont toutefois pas été annulées.

 

[80]           Peut‑être aurais‑je rendu une décision différente, mais, dans le cadre d’un contrôle judiciaire, lorsque le processus et l’issue sont conformes aux principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, il ne m’est pas loisible en tant que juge de révision de substituer au résultat obtenu celui que je jugerais préférable (Khosa, précité, au paragraphe 59).

 

[81]           En l’espèce, le processus suivi par la directrice était transparent, et les motifs étaient clairs et détaillés. Quoique le demandeur puisse être en désaccord avec elle, les raisons ayant mené à la décision lui ont été fournies.

 

[82]           Je conclus, en fonction de la norme de la raisonnabilité, que la décision est le fruit de l’exercice raisonnable d’un pouvoir discrétionnaire. En conséquence, je rejetterai la présente demande.

 

[83]           Les faits de l’espèce ne justifient toutefois pas de condamner le demandeur aux dépens. Aucuns dépens ne seront adjugés.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Glennys L. McVeigh »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1304-11

 

INTITULÉ :                                      KOTEL c. PGC

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 18 juin 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE MCVEIGH

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 8 octobre 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Kotel

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Ms. Vujnovic

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Kotel

Belleville (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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