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Date : 20131008


Dossier :

IMM-810-13

 

Référence : 2013 CF 1019

Montréal (Québec), le 8 octobre 2013

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

NICANOR GUILLERMO SIVIPAUCAR AYQUIPA

 

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

partie défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I. Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 17 décembre 2012 par la Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, dans laquelle la SPR a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR].

 

II. Faits

[2]               Le demandeur, monsieur Nicanor Guillermo Sivipaucar Ayquipa, est citoyen du Pérou, né à (Rimac) Lima, en 1955.

 

[3]               Dans son Formulaire de renseignements personnels, les informations indiquent qu’il se retrouve aux États-Unis en novembre 1999, et a vécu illégalement aux États-Unis jusqu’en août 2008. En août 2008, les autorités américaines l’ont déporté au Pérou (mais en réalité, selon l’histoire complète, il était aux États-Unis pendant 25 ans).

 

[4]               À son retour au Pérou, le demandeur atteste qu’il est allé vivre chez son père à Lima.

 

[5]               Après un mois au pays, le demandeur affirme qu’il a commencé à être ciblé par deux groupes de délinquants (Los 28 et Los Destructores). Ces deux groupes auraient extorqué de l’argent au demandeur à cinq reprises de septembre 2008 à septembre 2009.

 

[6]               Le demandeur affirme qu’il a porté plainte à la police à deux reprises en juillet et août 2009, mais les autorités n’ont rien fait pour lui.

 

[7]               Le demandeur a été reconnu coupable pour des crimes qu’il a commis à trois reprises aux États-Unis pour lesquels il a été obligé de payer des amendes et être sous probation à deux reprises.

 

[8]               Avant de venir au Canada, il est passé par l’Équateur, le Venezuela, la Syrie et la Jordanie. Le 30 septembre 2009, le demandeur est arrivé au Canada. Il a fait une demande d’asile le même jour.

 

III. Décision faisant l’objet du présent contrôle judiciaire

[9]               Après une analyse de l’ensemble de la preuve, la SPR a conclu que le demandeur n’est ni un réfugié ni une personne à protéger. La SPR a conclu que le demandeur n'était pas un témoin crédible sur les faits essentiels de sa demande d’asile et donc, il n’avait pas établi qu’il existe une « possibilité sérieuse » qu’il soit persécuté.

 

[10]           En particulier, la SPR a fondé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur sur les aspects suivants :

a)      un manque de spontanéité du demandeur à l’audience, notamment en ce qui concerne ses problèmes avec les délinquants;

b)      l’ajout de nouveaux faits concernant l’amitié entre la police et les délinquants qui ne se trouvaient pas dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP);

c)      des contradictions dans son témoignage par rapport à la déclaration qu’il aurait remplie pour sa plainte à la police;

d)     une invraisemblance dans son témoignage qu’il aurait été repéré par les délinquants parce qu’il avait la peau plus pâle, après avoir resté aux États-Unis pendant 10 ans.

 

 

 

IV. Point en litige

[11]           La SPR a-t-elle erré en fondant sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?

 

V. Dispositions législatives pertinentes

[12]           Les articles 96 et 97 de la LIPR s'appliquent en l'espèce :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

Personne à protéger

 

97.      (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

Personne à protéger

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

97.      (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

Person in need of protection

 

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

VI. Norme de contrôle

[13]           La norme de contrôle qui s'applique aux conclusions quant à la crédibilité est la norme de la raisonnabilité (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315, [1993] ACF no 732 (QL/Lexis) (CAF); Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

VII. Position des parties

[14]           Dans son mémoire, le demandeur affirme que son témoignage était « court et spontané, n’ayant eu aucune contradiction » et que la SPR a erré en fait et en droit, en fondant sa décision sur des conclusions de faits erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire et sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. De plus, il soutient que sa vie est toujours en danger et qu’il ne peut pas retourner au Pérou.

 

[15]           Le défendeur soutient que la décision de la SPR est raisonnable. Le défendeur affirme que le témoignage du demandeur était entaché d’invraisemblances, de contradictions et d’omissions, ce qui a sérieusement miné sa crédibilité.

 

[16]           Outre, le défendeur soumet qu’il est de jurisprudence constante qu’il appartient à la SPR d’apprécier la crédibilité et la preuve d’un revendicateur d’asile, ainsi que d’évaluer les explications relatives aux invraisemblances, contradictions et omissions dans sa demande (Mugesera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 40, [2005] 2 RCS 100; Cortes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 583). Par conséquent, la SPR, comme tribunal spécialisé et décideur de fait, est la mieux placée pour trancher ces questions; et, ce n’est pas pour la Cour d’intervenir dans ces circonstances.

 

VIII. Analyse

[17]           Il est bien établi que les conclusions relatives à la crédibilité ordonnent un degré élevé de déférence judiciaire et qu’elles ne doivent pas être infirmées que dans les cas les plus évidents (Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1330 au para 30).

 

[18]           La Cour ne doit pas substituer son opinion à celle du décideur, à moins qu’elle conclue que la décision a été fondée sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait (Bobic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1488 au para 3).

 

[19]           En l’espèce, il appartenait à la SPR, en tant que tribunal spécialisé, d’apprécier la crédibilité et la preuve du demandeur, ainsi que d’évaluer les explications fournies par le demandeur au sujet des invraisemblances, omissions et des contradictions qui apparaissaient dans la preuve. Il revenait aussi à la SPR de tirer des inférences défavorables quant aux contradictions entre le FRP et le témoignage.

 

[20]           La Cour estime que les motifs de la SPR sont suffisants pour permettre à la Cour de comprendre le raisonnement qui l’a conduite à sa décision quant à la crédibilité du demandeur. Bien que la décision soit relativement brève, elle décrit clairement les réponses du demandeur à l’audience et les facteurs précis qui l’ont mené à la conclusion défavorable que le demandeur n’était pas crédible.

 

[21]           La SPR n’a pas jugé comme satisfaisantes les raisons données par le demandeur pour expliquer pourquoi il aurait été ciblé par des délinquants; ni même, ses explications pour les incohérences concernant sa plainte à la police – l’ajout d’un nouveau fait central à la revendication et en plus de contradictions dans son témoignage. Cette Cour a confirmé à plusieurs reprises que les contradictions et les omissions à l’égard des éléments centraux dans un FRP peuvent affecter la crédibilité d’une partie ou de la totalité d’un témoignage. La Cour considère que l’analyse n'était pas déraisonnable. Elle était claire et sans équivoque, tenant compte de la preuve au dossier.

 

[22]           Au sujet de la spontanéité du demandeur, la Cour estime que la SPR a aussi tiré des conclusions défavorables raisonnables quant à la crédibilité du demandeur. Dans son témoignage, le demandeur mentionne très tardivement ses problèmes avec les groupes Los 28 et Los Destructores. La SPR lui a demandé à plusieurs reprises les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas retourner à Lima (Pérou), et chaque fois il a déclaré qu’il ne pouvait pas y retourner pour de raisons économiques; notamment un manque de travail (Procès-verbal au pp 24, 26 et 27). Le demandeur a aussi expliqué qu’il ne pouvait non plus retourner vivre à Cusco (Pérou), parce qu’il y avait « beaucoup de guérillas » (Procès-verbal à la p 25), ni à Chiclayo (Pérou), parce ce qu’il n’aurait pas « d’amitié là-bas » (Procès-verbal à la p 26). Ce n’est qu’après que son conseil lui ait demandé de parler plus spécifiquement de ses problèmes à Lima que le demandeur a mentionné les délinquants (Procès-verbal à la p 28). La Cour considère que ce manque de spontanéité du demandeur entache sérieusement sa crédibilité.

 

[23]           Bien que la Cour estime que la SPR se soit peut-être livrée à une analyse très détaillée du témoignage du demandeur concernant la signature de sa déclaration à la police (Décision aux para 13 et 14), la Cour ne juge pas qu'il s’agisse d’un motif suffisamment important pour modifier la décision. Le témoignage du demandeur renfermait d'autres contradictions, omissions et invraisemblances sur des points essentiels de la demande d’asile.

 

[24]           Dans l’ensemble, la Cour conclut que les motifs de la SPR étaient transparents, intelligibles et fondés sur la preuve au dossier.

 

IX. Conclusion

[25]           Pour toutes les raisons ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur. Aucune question d’importance générale à certifier.

 

 

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


 

DOSSIER :

IMM-810-13

 

INTITULÉ :

NICANOR GUILLERMO SIVIPAUCAR AYQUIPA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                            Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                            LE 8 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

                                                            LE 8 octobre 2013

COMPARUTIONS :

Odette Desjardins

 

Pour la partie demanderesse

 

Salima Djerroud

 

Pour la partie défenderesse

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Odette Desjardins

Avocate

Montréal (Québec)

 

Pour la partie demanderesse

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

Pour la partie défenderesse

 

 

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